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Fiasco du Stade de France : la VSA ne masquera pas les échecs du maintien de l’ordre

Par : alouette
21 mars 2023 à 10:28

Alors que la loi JO est actuellement débattue à l’Assemblée, que l’article 7 va être examiné ce soir ou demain en séance, que plus de 250 élu·es appellent à s’opposer à la VSA, tout comme 38 organisations internationales et les eurodéputés, le gouvernement continue de défendre dur comme fer cette technologie. Et pour cela, il monte en épingle des problèmes de sécurité avec des arguments fallacieux :

Dans un précédent article, nous revenions sur les stratégies d’acceptation des technologies biométriques utilisées par les industriels et les politiques. Nous avions listé quelques-unes de ces stratégies, comme la dépolitisation des mesures de surveillance, l’expérimentation pour faire croire à leur côté éphémère, la dialectique du progrès versus les réactionnaires qui refusent de tels dispositifs… Et l’une d’entre elles consiste à être opportuniste, c’est-à-dire à utiliser n’importe quel événement ou actualité médiatique pour justifier l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique, et même parfois la reconnaissance faciale.
Le fiasco du Stade de France est un de ces évènements. Durant les débats à l’Assemblée et au Sénat, le ministère de l’Intérieur, de même que les députés et sénateurs de la majorité, n’ont pas cessé de faire référence à la finale de la Ligue des champions comme exemple ultime de la nécessité pour la France de se doter en algorithmes d’analyse d’images afin de garantir la sécurité lors de grands événements comme les Jeux olympiques. En réalité, il s’agit plutôt d’instrumentaliser une catastrophe pour cacher un échec, le cas du Stade de France étant un parfait contre-exemple pour montrer que la technologie sécuritaire ne fonctionne visiblement pas.

Rappel des faits

Le 28 mai 2022 avait lieu la finale de la Ligue des champions de football, opposant les clubs de Liverpool et du Réal de Madrid. Mais suite à une conjonction d’événements, la soirée a viré au drame : le RER B en grève, les autorités décidant de placer un point de contrôle pour plusieurs milliers de personnes en amont, à la sortie d’un corridor sous l’autoroute, finalement enlevé en fin de journée pour risque de piétinement. Ensuite des temps d’attente interminables avant d’entrer dans le stade, sans aucune information ni indication, des supporters agressés, les grilles du stade de France fermées, des personnes qui s’agglutinent et enfin l’usage de gaz lacrymogène par la police par dessus tout ça. Finalement, le coup de sifflet sera donné avec plus de 30 minutes de retard. Cet article, qui reprend le rapport cinglant de l’UEFA (Union des associations européennes de football), livre des témoignages glaçants de supporters.

L’instrumentalisation de l’événement

Dans un rapport sénatorial chargé de faire la lumière sur les événements et publié en juillet 2022, les élus étrillaient le ministère de l’Intérieur et son chef, G. Darmanin, pour « dysfonctionnement » et « défaillances ». L’Intérieur est accusé : « Les premières déclarations ne correspondaient pas à la vérité », et sont pointées les « défaillances » de la préfecture de police de Paris. Défaillances reprises par le rapport de l’UEFA, qui, à l’aune de centaines de témoignages, analyse les failles de la gestion sécuritaire de la préfecture de police de Paris et de l’Intérieur.

Si la situation n’a pas débouché sur une catastrophe, le rapport de l’UEFA
estime
notamment que c’est uniquement grâce au sang froid des supporters : « Mieux organisés et plus réactifs que les policiers et les gendarmes chargés de veiller à leur sécurité, ces fans de Liverpool ou de Madrid n’ont dû leur salut qu’à une solidarité sans faille et une capacité à se discipliner qui forcent l’admiration dans un contexte aussi résolument hostile à leur endroit. »

L’ensemble de ces rapports mettent donc clairement en lumière la responsabilité de la préfecture de police de Paris et du ministère de l’Intérieur dans l’échec de la gestion de cet événement. La colère ne faiblit pas pour les supporters de Liverpool, qui déplient lors d’un match en février dernier des banderoles qui accusent le ministre de l’Intérieur et la ministre des Sports d’être des « menteurs ».

Mais dès les jours suivant ce qui était déjà communément désigné comme le « fiasco du Stade de France », le maire de Nice, Christian Estrosi sautait sur l’occasion : « Nous sommes équipés, nous avons les logiciels, nous avons des start-ups et des grands industriels, y compris français comme Thalès, qui ont des systèmes très au point pour garantir les libertés individuelles, et que seules les personnes fichées puissent être détectées par l’intelligence artificielle ».

Du côté de l’Intérieur, après s’être embrouillé dans des pseudo-justifications de dizaines de milliers de faux billets imaginaires, G. Darmanin commence à réciter une fable : celle de la VSA et de sa nécessité afin d’éviter des violences comme celles ayant eu lieu au Stade de France. En janvier 2023 devant le Sénat , c’est la ministre des sports et jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra (qui défend la loi avec le ministre de l’Intérieur) qui revient dessus lors de la présentation des dispositions de l’article 7 et se félicite de ne pas utiliser de reconnaissance faciale « En matière de sécurité, nous entendons enfin tirer tous les enseignements des événements survenus au Stade de France le 28 mai dernier ».

Et la vidéosurveillance algorithmique ne manque pas de soutien dans l’hémicycle, elle est plébiscitée par l’extrême-droite, qui reprend parfaitement l’argumentaire de la majorité :

Yoann Gillet (RN) : « L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques rend cruciale cette question. Au vu des défaillances majeures constatées en mai 2022 au Stade de France, le groupe Rassemblement national réclame des actions concrètes et adaptées pour assurer la sécurité intérieure du pays. Le traitement algorithmique des images de vidéosurveillance, prévu à titre expérimental par l’article 7, est un outil indispensable pour identifier les risques qui pourraient menacer la sécurité des personnes pendant cette manifestation internationale ».

Le ministre de l’Intérieur utilise notamment un point, qu’on retrouve parmi une liste de plusieurs dizaines de recommandations dans le rapport sénatorial précédemment cité, à savoir celui qui préconise le recours à l’intelligence artificielle pour éviter d’autres situations comme celle du Stade de France. La petite histoire commence alors.

Lors des discussions sur la loi JO, le 24 janvier dernier, le sénateur Thomas Dossu, résume parfaitement l’absurdité de ce technosolutionnisme :

«  Disons-le clairement, voir émerger cette recommandation dans ce rapport avait déjà un caractère saugrenu. En effet, l’intelligence artificielle aurait-elle permis d’éviter la défaillance dans l’orientation des supporters anglais ? L’intelligence artificielle aurait-elle déconseillé l’usage immodéré des gaz lacrymogènes sur des supporters pacifiques ? L’intelligence artificielle aurait-elle tiré, en amont, les conclusions d’une grève touchant l’une des deux lignes de RER qui menaient au Stade de France ? En d’autres termes, l’intelligence artificielle aurait-elle fait mieux que les intelligences combinées du ministre Darmanin et du préfet Lallement ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, je ne le pense pas. »

Ainsi, on passe d’un événement où la responsabilité des forces de police françaises est mise en cause à la soi-disant nécessité d’une extension des pouvoirs de surveillance de cette même police, à travers l’ajout d’algorithmes aux caméras. Cette instrumentalisation de l’événement pour cacher un échec est bien pratique. À un peu plus d’un an des Jeux olympiques, le gouvernement français joue sa crédibilité : s’il est incapable de gérer une finale de Ligue des champions, comment pourrait-il accueillir un méga-évènement comme les JO ? Plutôt que d’avouer son échec, il jette de la poudre aux yeux en déviant sur la pseudo nécessité de la vidéosurveillance algorithmique.
Depuis le début des débats sur la loi JO, la prévention des « mouvements de foule » est alors mise en avant par la majorité comme l’usage principal de cette technologie. D’une part, cela invisibilise – à dessein- les applications bien plus dangereuses de la VSA. D’autre part, le gouvernement infuse de cette manière dans le débat une source d’insécurité fabriquée de toute pièce et qui n’avait jamais pris autant d’importance lors des autres évènements organisés en France.

La VSA aurait-elle pu être utile pour éviter le fiasco ?

Idée reçue : La VSA permettrait à la police d’être mieux organisée

Le fiasco du Stade de France est de toute évidence instrumentalisé pour promouvoir la VSA : mais celle-ci pourrait-elle quand même être efficace face à de tels événements ?
Le problème majeur de cette finale de la Ligue des champions n’a pas été le manque de technologie pour gérer la foule, mais bien la stratégie du maintien de l’ordre de l’Intérieur et de la préfecture, comme l’exposent les différents rapports précédemment cités, avec des erreurs de gestion de foule (contrôle des tickets dans des endroits trop étroits, ligne de RER en grève) couplées au gazage à tout-va des supporters. On voit mal comment la vidéosurveillance algorithmique aurait permis à l’évènement d’être mieux organisé ou à la police d’être moins violente…

Si la rengaine du technosolutionnisme presque magique, qui pourrait résoudre tous les problèmes, est régulièrement utilisée, elle laisse complètement dubitative dans ce cas-là. Le Stade de France compte 260 caméras de vidéosurveillance, pourtant celles-ci n’ont pas servi à grand-chose. Les bandes ont d’ailleurs étrangement été effacées au bout d’une semaine, personne n’ayant visiblement pensé à les réquisitionner : ni le tribunal, ni les sénateurs n’ont pu avoir accès aux images. En quoi l’ajout d’algorithmes aurait-il pu empêcher un tel événement ? Au contraire, le fiasco du Stade de France montre bien qu’une politique de sécurité répressive et inhumaine, dans laquelle les caméras et la VSA s’inscrivent largement et où la police est en partie à l’origine des mouvements de foule, n’aboutit qu’à la violence

Si l’Intérieur souhaite réellement éviter la reproduction de tels événements, il faudrait plutôt songer à changer la doctrine du maintien de l’ordre et s’enquérir de gestion humaine de l’espace : s’assurer d’avoir des couloirs assez grands, d’indiquer les guichets, d’avoir des agents multilingues pour orienter les supporters, d’informer en temps réel sur ce qui se passe, et de défaire les préjugés des forces de l’ordre sur le « hooliganisme anglais »…

Idée reçue : La VSA permettrait de détecter et prévenir des mouvements de foule

Pour éviter les mouvements de foules, les chercheurs dans le domaine pointent l’importance de l’organisation spatiale en amont, la nécessité de poster des humains pour orienter et aider les personnes présentes, le désengorgement des transports… Toutes solutions sans rapport avec la vidéosurveillance, qui ne peut clairement rien pour prévenir les mouvements de foule.

La concentration de milliers de personnes en un même endroit nécessite certes une préparation en amont, mais une fois la foule réunie, qu’est ce que la VSA pourrait repérer qui ne serait perceptible par des humains ? Et si un mouvement de foule se déclenche effectivement, la technologie biométrique ne peut ni porter secours ni réorienter les personnes pour diminuer la densité. On voit donc mal ce que la VSA apporterait sur le sujet. Rappelons également que chaque semaine depuis des décennies, des stades se remplissent et se vident en France. A notre connaissance, il n’a pas été documenté ou identifié de nouveaux problème majeurs de mouvements de foule qui nécessite de changer le savoir faire humain habituellement mis en œuvre dans ces lieux.

Que ce soit dans la prévention ou la résolution de tels mouvements, la technologie n’est pas une aide. Ici, c’est au contraire une stratégie afin d’orienter le débat et le dépolitiser. La vraie question est ailleurs : la VSA n’est pas un outil « neutre » d’aide à la décision, mais s’inscrit dans des stratégies de répression qui ont conduit à produire le fiasco du Stade de France.

Mouvement de foule à Séoul, 2022

Un autre exemple utilisé pour justifier la VSA par son fervent défenseur – encore et toujours – P. Latombe est celui du mouvement de foule meurtrier le soir d’Halloween à Séoul en octobre dernier. Encore une fois, c’est un mauvais exemple, la Corée du Sud et notamment la ville de Séoul utilisent déjà la vidéosurveillance algorithmique, ce qui n’a pas empêché 156 personnes de mourir et des centaines d’autres d’être blessées lors de ce dramatique évènement. Dans ce cas-là, il semble que la faute incombe une fois de plus à la police, trop peu nombreuse sur place et occupée à arrêter des personnes pour trafic de drogues (une centaine de policiers présents pour 100 000 personnes entassées dans un quartier de Séoul), mais aussi à l’ignorance des appels d’urgence de personnes sur place et de ceux des pompiers.
Les spécialistes des mouvements de foule pointent1Voir la vidéo d’un chercheur en mouvement de foule, Mehdi Moussaïd https://www.youtube.com/watch?v=hlnZA89hVwo l’aménagement de l’espace comme la donnée la plus importante pour éviter ces phénomènes (présence d’issues de secours, nombre et largeur de celles-ci), suivie par l’organisation en amont (communication avec la foule, orientation des flux, organisation des secours). La technologie n’a pas de place là-dedans. Encore une fois, filmer une catastrophe ne permet pas de la prévenir.

Conclusion :

La référence au fiasco du Stade de France pour justifier le recours à la vidéosurveillance algorithmique ne tient pas l’analyse une seconde. Il est donc clair qu’il s’agit davantage d’une tentative d’utiliser un choc émotionnel provoqué par une catastrophe et d’essayer de couvrir un échec organisationnel et de répression policière. Mais surtout, en imposant ce faux débat dans les discussions sur la VSA, le gouvernement parvient à étouffer les véritables enjeux liés aux dangers de ces technologies. Le sujet des mouvements de foule a monopolisé les discussions sur la loi JO en commission des lois, empêchant les députés de questionner en profondeur les usages bien plus problématiques de ces algorithmes. Ainsi, la définition de « comportement suspect » ou le suivi biométrique des personnes dans la rue n’ont quasiment pas été débattus alors qu’il s’agit d’applications existantes et dangereuses, promues et développées par les entreprises de VSA qui seront chargées des expérimentations.

La légalisation de la VSA ne permettra pas d’empêcher les fiascos tels que celui ayant eu lieu lors de la finale de la Ligue des champions, mais contribuera bien à augmenter les capacités de surveillance de l’État et la répression de la population. Il faut contrer les manœuvres du gouvernement et regarder en face la société de surveillance qu’il est en train de faire accepter. Refusons toutes et tous l’article 7 !

References[+]

References
1 Voir la vidéo d’un chercheur en mouvement de foule, Mehdi Moussaïd https://www.youtube.com/watch?v=hlnZA89hVwo

PARIS 2024 : LA FRANCE CHAMPIONNE OLYMPIQUE DE LA TECHNOPOLICE

Par : alouette
2 mars 2023 à 08:58

Nous republions un article écrit pour le numéro 24 de la revue papier Mon Lapin Quotidien. Illustration de Quentin Faucompré.

À moins de deux ans des Jeux olympiques de Paris 2024, et à un an de la Coupe du monde de Rugby 2023, les décideurs publics annoncent de grands projets sécuritaires : la nation tout entière est en ordre de marche vers la Sécurité, comprise uniquement comme pratique policière de la répression et comme industrie de l’équipement de surveillance.

Jeux olympiques de Paris 2024. La liesse, la foule, les couleurs, le bruit. Des milliers de spectateurs se pressent dans les allées du village olympique et dans les alentours du Stade de France. Au-dessus d’eux, à peine visibles dans le ciel bleu, des drones bourdonnent. Ils filment en haute définition, et les images sont transmises au sol où des ordinateurs analysent sans relâche l’écoulement fluide de la foule, à la recherche d’un groupe qui chahute ou d’individus dont le comportement trop singulier inquiète : un attroupement sans cause visible, un arrêt prolongé dans un lieu de passage qui ralentirait ou dévierait le flux des spectateurs, ou une personne qui se met brusquement à courir. Le logiciel lance aussitôt une alerte. Sur chaque mât de lampadaire, des caméras pivotent en direction de la zone désignée par l’ordinateur. Alertés, des opérateurs humains se penchent sur les écrans. Les drones convergent pour donner une image plus précise de la situation vue du ciel — point de vue idéal, dispositif panoptique absolu, partout présent et localisable nulle part, un peu comme Dieu mais avec quatre hélices.
Comme 30 000 agents de police sont mobilisés chaque jour pour contrôler et rassurer la foule des touristes, le suspect est vite appréhendé dans une rue de Saint-Denis. Les policiers le photographient avec leur téléphone et soumettent son visage à leurs bases de données, en passant par le fichier du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), qui comporte une très utile fonction de reconnaissance faciale, interrogée plusieurs milliers de fois par jour. Très vite son nom revient, accompagné de toutes les informations dont disposent le fichier des Titres électroniques sécurisés (TES) : son âge, son adresse, ses empreintes digitales et son empreinte faciale. Il est relâché : malgré son aspect maghrébin, qui pouvait motiver une inquiétude bien acquise chez un policier français (de la police française), l’homme n’est pas défavorablement connu des services. En revanche, son comportement anormal ayant troublé l’ordre public et nécessité l’intervention coûteuse et inutile des forces de l’ordre, alors que le risque d’attentat est très élevé, une amende forfaitaire lui est infligée. Soulagé de quelques centaines d’euros, il peut reprendre le cours de sa vie d’innocent en sursis, à condition de ne pas courir.

Le désastre sécuritaire qui vient

Cette description relève encore partiellement de la science-fiction, mais plus pour très longtemps. Car l’ambition déclarée du ministère de l’Intérieur — dirigé aujourd’hui par Darmanin, Gérald — est bien de permettre au système sécuritaire français de concrétiser ce cauchemar avant juin 2024. Dans un « Livre blanc de la sécurité intérieure » paru fin 20201Livre blanc de la sécurité intérieure, novembre 2020. ainsi que dans un rapport annexe à la récente « Loi d’orientation et de programmation du ministère du l’Intérieur » (LOPMI, adoptée à l’Assemblée nationale le 18 novembre 2022), les intentions du ministère sont explicitées sans fausse pudeur : il s’agit d’un « réarmement », selon les mots du ministre lui-même, dans le cadre duquel les outils de haute technologie numérique seront de précieux auxiliaires de police. Casques à vision intégrée, exosquelette de protection, consultation des fichiers à distance, caméras mobiles, reconnaissance faciale en continu, drones, fichage, tout l’arsenal imaginable est envisagé, avec ses besoins de financement et son encadrement législatif, suivant un calendrier qui prend 2024 comme horizon. Tout doit être prêt pour les Jeux olympiques.

L’ambition est bien entendue habillée des meilleures intentions du monde. La légitime protection contre la menace terroriste est abondamment invoquée pour justifier ce déferlement sécuritaire. Darmanin parle de « terroristes islamistes, de l’ultra-droite et de l’ultra-gauche », et affirme que les renseignement feront un « effort » pour « maîtriser » ces personnes en amont des JO. Ce n’est pas sans rappeler la COP 21 de 2015, quand nombre de militants écologistes avaient été perquisitionnés, arrêtés pour certains, et assignés à résidence un peu avant le début de l’événement2« Les militants de la COP21, cibles de l’état d’urgence », Le Monde, 27 novembre 2015..

Apparition de la Technopolice

La Quadrature du Net, dont l’objet est la défense des droits et des libertés fondamentales à l’ère du numérique, s’intéresse activement depuis 2018 aux pratiques de surveillance technologique dans les villes françaises, que nous appelons la Technopolice. Tout est parti d’un article de presse3« À Marseille, le big data au service de la sécurité dans la ville », Le Monde, 8 décembre 2017. au sujet d’un projet municipal, à Marseille, de construire un « Observatoire de la Tranquillité publique », qui devait mettre le big data au service de la sécurité. Le nouveau centre de supervision urbain (CSU) — endroit où arrivent les flux vidéos de toutes les caméras de vidéosurveillance — devait également centraliser toutes les données numériques produites par les services de la ville : trafic routier, police municipale, marins-pompiers, hôpitaux, etc. L’ambition : malaxer cette montagne de données quotidiennes avec des algorithmes d’intelligence artificielle pour dégager des motifs, des récurrences, des lois, bref, des éléments signifiants, dans l’espoir d’anticiper la délinquance ou les perturbations de l’ordre public.
Il nous a aussitôt paru nécessaire de mettre en lumière ce qui se passait à Marseille et sans doute dans d’autres villes les françaises. Pour cela, nous avons utilisé un outil démocratique intéressant, le « droit d’accès au documents administratifs » que tous les citoyens peuvent exercer auprès des administrations, sous le contrôle d’un commission nationale (la Cada). Nous avons donc demandé aux mairies, par courrier, leurs délibérations et leurs appels d’offres en matière de dispositifs numériques de sécurité.

Les demandes Cada et l’effet vampire

Nous avons assez vite obtenu de nombreux documents, qui décrivent les dispositifs technologiques vendus par les industriels aux mairies. Des caméras, des logiciels, des algorithmes d’intelligence artificielle, des micros, des drones… Il faut bien comprendre que ces dispositifs ne sont pas des fantasmes de policiers ou de militants anti-répression, mais des réalités quotidiennes aujourd’hui en France. Un bestiaire étonnant, mais vite monotone, car les acteurs sont peu nombreux et toujours les mêmes. Autre surprise : de nombreuses communes ont acheté des packs de vidéosurveillance sans être toujours conscientes de la nature des systèmes qui leur ont été vendus. Et parfois, des initiatives plus déroutantes que d’autres se font remarquer : le maire de Saint-Étienne voulait installer des micros dans quelques rues « sensibles » d’un quartier populaire de la ville, pour lancer des interventions de police en cas de bruits suspects (bombe aérosol de peinture, cris, etc.). Dès que le projet a été rendu public, la mairie l’a retiré pour mettre un terme aux protestations. C’est ce qu’on appelle l’effet vampire  : les projets honteux ne résistent pas à la lumière.

La campagne Technopolice

Cet arsenal hybride se déploie depuis quelques années à très grande vitesse, mais derrière une brume tactique qu’il fallait dissiper. C’est pourquoi La Quadrature du Net a lancé une campagne Technopolice invitant les habitants des communes du pays à se saisir du problème et à faire des demandes Cada auprès de leurs mairies.
La campagne s’est organisée autour d’un forum pour fédérer les initiatives locales et d’un site internet pour publier les documents obtenus et cartographier l’emprise croissante de la Technopolice. Elle cherche à documenter les dispositifs de surveillance, illégaux pour la plupart, qui sont aujourd’hui mis en place sous couvert d’expérimentation dans un premier temps, avant d’être entérinés par la pratique, puis par le droit.

Les JO, un grand accélérateur de sécurité

Dans ce contexte de monomanie sécuritaire — dernier pouvoir d’un État réduit à son squelette régalien, et confiné dans un rôle d’orientation des fonds publics vers l’entreprise privée — les Jeux olympiques sont une aubaine : pouvoir légaliser des pratiques (policières), financer une économie (industrielle) et fabriquer de la sécurité.
La Coupe du monde de Rugby 2023 et surtout les Jeux olympiques de Paris 2024 sont explicitement envisagés comme des rendez-vous pour les forces de surveillance, car ils permettront de faire entrer dans le droit commun des pratiques jusqu’alors illégales, et de faire sauter le verrou qui bloquait la massification d’usages policiers encore marginaux, et de faire perdurer, bien au-delà de la période des JO, les moyens déployés spécifiquement pour ces derniers. C’est le célèbre effet cliquet : un événement exceptionnel justifie des mesures exceptionnelles qui ne seront jamais remises en cause par la suite. On se souvient par exemple que de nombreuses mesures de « simplification » administrative et judiciaire, prises lors de la longue période d’état d’urgence qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015, ont ensuite été versées au droit commun par la loi Sécurité intérieure du 31 octobre 20174Loi Sécurité intérieure du 31 octobre 2017.. Le pays baigne de fait dans un état d’exception permanente.

Une nouvelle « loi olympique » en 2023

Lors d’une audition récente au Sénat, Gérald Darmanin a déclaré que la préparation des JO occupait un tiers de son temps de ministre, et annoncé que 30 000 agents des forces de sécurité seront mobilisés chaque jour, que 15 000 nouvelles caméras de surveillance seront installées, financées à hauteur de 44 millions d’euros par le ministère de l’Intérieur, et renforcées par des programmes de vidéosurveillance et des dispositifs anti-drones (la police se réservant ainsi le monopole du drone légitime).
En amont, selon les mots du ministre, un « plan Zéro délinquance » prévoit de « nettoyer les banlieues », c’est-à-dire de harceler les populations ayant le malheur de vivre là où se tiendront les JO, dans les communes de Seine-Saint-Denis qui accueilleront le village olympique et les installations sportives (Saint-Denis, Aubervilliers, etc). Comme le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) l’écrit lui-même sur la page consacrée à « l’héritage » de ces Jeux : « Paris 2024 est un laboratoire pour inventer la ville de demain, une ville pour les gens »5Site officiel de Paris 2024
Au cours de la même audition6Audition de Gérald Darmanin au Sénat, 25 octobre 2022., le ministre Darmanin a annoncé qu’une nouvelle « loi sur les Jeux olympiques » sortira des cartons au début de l’année 2023. Outre les dispositions déjà évoquées, son objectif sera d’introduire des « ajustements juridiques » pour légaliser la vidéosurveillance algorithmique.

La VSA, un vieille connaissance de La Quadrature du Net

Au cours de nos enquêtes sur les usages de la Technopolice municipale, nous avons beaucoup rencontré la vidéosurveillance intelligente, que nous préférons appeler la vidéosurveillance automatisée ou algorithmique (VSA). Les caméras urbaines génèrent chaque jour des centaines, des milliers d’heures d’images. L’humain n’est pas capable de les regarder avec efficacité. L’industrie a donc imaginé d’imposer cette fausse évidence : il suffit de confier le travail à des logiciels. Les algorithmes sont dressés à reconnaître des situations-types et chargés de repérer les « comportements suspects » définis par la police elle-même7« Qu’est-ce que la surveillance algorithmique ? », Technopolice, mars 2022..
Ces algorithmes sont capables de s’intéresser à des « événements » (déplacements rapides, altercations, immobilité prolongée) ou aux traits distinctifs des personnes : une silhouette, un habillement, une démarche, grâce à quoi ils peuvent isoler une personne au sein d’une foule et la suivre tout le long de son déplacement dans la ville. Plus large et plus variée que la seule reconnaissance faciale, la VSA est à la fois un outil de police idéal et une filière industrielle aux débouchés nombreux.
Pour cela, le gouvernement doit faire entrer dans le droit commun ces technologies aujourd’hui illégales, avec le moins de débat public possible.
La vidéosurveillance, en plus d’être inefficace en regard de l’objectif qu’elle prétend atteindre (« moins de délinquance »), est une chimère politique de droite qui trace un signe égal entre la notion de sécurité et la simple répression. Une « sécurité de gauche », qui engage d’autres imaginaires, comme la sécurité sociale, sanitaire, alimentaire, ou le droit au logement, est beaucoup plus coûteuse à défendre. La VSA, à l’inverse, propose une solution simple en venant automatiser des dynamiques discriminatoires à l’œuvre depuis longtemps.

Un enjeu de taille pour une industrie impatiente

Les Jeux olympiques sont une aubaine pour les industriels de la sécurité, depuis les grandes multinationales comme Thalès ou Dassault, jusqu’aux petites start-ups agiles et disruptives de l’intelligence artificielle qui concoctent, avec un zèle touchant, les algorithmes de détection des « comportements suspects ».
Thalès a déjà testé la reconnaissance faciale en 2021 dans les allées de Roland-Garros. La start-up Two-I avait essayé d’identifier les visages des supporters interdits de stade, à Metz, en 20208Reconnaissance faciale au stade de Metz, France 3 Grand Est, février 2020. : la CNIL lui avait infligé un avertissement pour cette expérience de police sauvage. Ces prestataires de la Technopolice se frottent aujourd’hui les mains : portés par les fonds de l’Agence Nationale de la Recherche et par l’appel d’air sécuritaire créé par les JO, ils comptent exposer aux yeux de monde entier le savoir-faire français en matière de surveillance et vendre leurs solutions à d’autres villes en France, en Europe, ou plus loin encore.
Ces technologies sont aujourd’hui en phase de test — pas moins de 180 expérimentations avant la fin de 2022, pour un budget de 21 millions d’euros donnés par l’ANR — avant d’être « déployées » pour la Coupe du monde de Rugby de septembre 2023, dernière répétition générale avant les JO. Le gouvernement et les industriels sont main dans la main pour faire de la France une championne du marché techno-sécuritaire mondial.
Au moment où le ministère de l’Intérieur voit son budget croître encore de 15 milliards d’euros sur cinq ans9« Loi d’orientation du ministère de l’Intérieur : nouvelle version mais vieilles recettes », Libération, 8 septembre 2022., le budget « sécurité » des Jeux olympiques, d’abord prévu à 182 millions d’euros, est passé à 295 millions d’euros. La surveillance et la répression n’ont pas entendu parler de la fin de l’abondance. Pour un gouvernement économiquement libéral et politiquement autoritaire, comme celui que pratique Emmanuel Macron, la dépense publique de sécurité est un fusil à deux coups : les milliards d’argent public permettent d’« assurer la sécurité des Français » et de « créer de l’emploi ». En même temps. On nage dans le bonheur et l’efficacité.

Croissance et fragilité de la sécurité privée

Cette privatisation de la sécurité publique présente un autre aspect : les nombreuses lois sécuritaire de ces dernières années donnent aux entreprises privées une part toujours plus grande des missions de sécurité publique.
Les mouchards stipendiés par les préfets parisiens du 19e siècle regarderaient sans doute avec envie la rigueur professionnelle que le Livre blanc de la sécurité intérieur (2020) entend donner au « continuum de la sécurité privée ». Comme l’écrit Thomas Jusquiame : « moralisée, intégrée, contrôlée, protégée, alimentée, organisée, la sécurité privée n’a jamais paru autant en harmonie avec les forces de répression régaliennes »10« Sécurité privée et privatisation de la police », Lundi matin, 27 décembre 2021..
Mais les organisateurs de Paris 2024 sont hantés par le souvenir des Jeux de Londres en 2012 : l’entreprise de sécurité privée mandatée par l’État avait déclaré forfait trois semaines avant le début des Jeux, faute d’agents disponibles, et le gouvernement britannique avait dû faire appel au personnel de l’armée. Or, à deux ans de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, les 25 000 à 30 000 agents de sécurité demandés par le COJO manquent encore à l’appel.
Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) tente de rendre ce métier attractif, en proposant aux chômeur·euses d’île-de-France des formations payées par l’État, et cible même les étudiantes (il faut du personnel féminin pour les fouilles). À cela s’ajoute la nécessité de réaliser un million d’enquêtes administrative, dont la grande majorité concerne le recrutement des agents de sécurité privée. Le COJO a déjà annoncé avoir refusé entre 100 et 200 candidats fichés S.
Le grand embrigadement dans la société de surveillance est apparemment un chemin plein d’épines. Et il convient d’en rajouter.

Perspectives de lutte et plainte collective

Les Jeux olympiques ont souvent été dénoncés pour leur manière d’affirmer que le capitalisme fonctionne, tout en détruisant à la pelleteuse des vies, des habitats et des communautés11« Paris JO 2024, miracle ou mirage », ouvrage collectif publié en 2022 aux éditions Libre et Solidaire.. En mai dernier, une rencontre anti-olympique a eu lieu à Paris12Retour sur les rencontres anti-olympiques internationales, mai 2022.. Le collectif Vigilance JO Saint-Denis dénonce les projet d’aménagement urbain destructeurs13Collectif Vigilance JO Saint-Denis. Le collectif Saccage 202414Saccage 2024 regroupe les organisations qui combattent les destructions occasionnées par les Jeux, qui accélèrent « les problèmes écologiques et les injustices sociales dans nos villes, et nous privent des moyens de décider collectivement de ce qui nous entoure ».
Le déploiement des dispositifs technopoliciers diffère en fonction des contextes locaux, des volontés municipales et des accointances avec des industriels. Mais l’ambition du chantier de surveillance des JO de Paris 2024 confirme que le ton général est donné par le sommet de la pyramide sécuritaire nationale. C’est pourquoi la Quadrature du Net a décidé de porter une plainte collective — plus de 15 000 personnes nous ont confié leur mandat, et la plainte été déposée devant la CNIL le 24 septembre 2022 — contre le ministère de l’Intérieur et contre les grands piliers du système de la Technopolice : la vidéosurveillance, les logiciels de VSA, la reconnaissance faciale, et le fichage généralisé (fichiers TAJ et TES). Nous dénonçons la volonté d’imposer à marche forcée ces dispositifs de surveillance totale, sans volonté démocratique et sans retour possible, pour le maintien d’un ordre dont tout indique, des hôpitaux aux universités, des crises sanitaires aux crises migratoires, des océans aux forêts, de la biodiversité au climat, qu’il est un ordre de mort.

References[+]

References
1 Livre blanc de la sécurité intérieure, novembre 2020.
2 « Les militants de la COP21, cibles de l’état d’urgence », Le Monde, 27 novembre 2015.
3 « À Marseille, le big data au service de la sécurité dans la ville », Le Monde, 8 décembre 2017.
4 Loi Sécurité intérieure du 31 octobre 2017.
5 Site officiel de Paris 2024
6 Audition de Gérald Darmanin au Sénat, 25 octobre 2022.
7 « Qu’est-ce que la surveillance algorithmique ? », Technopolice, mars 2022.
8 Reconnaissance faciale au stade de Metz, France 3 Grand Est, février 2020.
9 « Loi d’orientation du ministère de l’Intérieur : nouvelle version mais vieilles recettes », Libération, 8 septembre 2022.
10 « Sécurité privée et privatisation de la police », Lundi matin, 27 décembre 2021.
11 « Paris JO 2024, miracle ou mirage », ouvrage collectif publié en 2022 aux éditions Libre et Solidaire.
12 Retour sur les rencontres anti-olympiques internationales, mai 2022.
13 Collectif Vigilance JO Saint-Denis
14 Saccage 2024

Pétition des élu·es français·es contre la vidéosurveillance algorithmique de la loi JO

Par : alouette
22 février 2023 à 07:01

Le Parlement doit rejeter l’article 7 de la loi Jeux olympiques 2024 !

Notre page de campagne contre la loi JO

Cette pétition s’adresse aux élu·es (conseillers municipaux, départementaux, régionaux, députés, sénateurs). Si possible, merci de nous indiquer votre signature depuis votre adresse mail officielle, afin de nous assurer qu’il s’agit bien de vous en écrivant à petition@technopolice.fr (merci de préciser votre mandat — par exemple « conseillère municipale de Paris (75) — et, le cas échéant, le parti auquel vous êtes rattaché·e). Nous refusons toute signature provenant de l’extrême-droite.

À travers l’article 7 du projet de loi relatif aux Jeux Olympiques 2024, le gouvernement entend légaliser la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Il s’agit ainsi de satisfaire aux demandes des industriels et de certains responsables du ministère de l’Intérieur pour permettre, via une simple autorisation préfectorale, le couplage de l’Intelligence artificielle aux caméras de vidéosurveillance disposées dans les lieux publics ou placées sur des drones. Prenant pour prétexte les Jeux olympiques organisés à l’été 2024, l’article 7 autoriserait ces technologies de surveillance massive pour toutes les manifestations « sportives, culturelles ou récréatives », allant des matchs de Ligue 1 aux marchés de Noël en passant par les festivals de musique. Le tout au nom d’une prétendue expérimentation de deux ans devant s’achever en juin 2025, imposant à toutes les personnes qui assisteront à ces événements de devenir à la fois cobayes et victimes de ces algorithmes sécuritaires.

Qu’est-ce au juste que la VSA ? Il s’agit d’un type de logiciels consistant à automatiser l’analyse des flux de vidéosurveillance pour déclencher des alertes à destination des forces de police ou de sécurité dès lors que des « comportements suspects » sont repérés. Il peut par exemple s’agir du fait de rester statique dans l’espace public, de marcher à contre-sens de la foule, de se regrouper à plusieurs dans la rue ou encore d’avoir le visage couvert. Ces logiciels peuvent aussi suivre automatiquement le parcours d’une personne dans un territoire à l’aide d’attributs biométriques tels que la taille, le fait d’être perçu comme homme ou femme, ou encore la couleur de ses vêtements. Demain, il suffira de croiser ces technologies avec divers fichiers pour pratiquer massivement l’identification par reconnaissance faciale — une fonctionnalité que proposent déjà de nombreuses startups et industriels positionnés sur ce marché, à l’image du logiciel Briefcam, dont les logiciels sont déployés dans plus de 200 communes françaises.

Si le gouvernement instrumentalise les Jeux olympiques en prétendant « expérimenter » la VSA, cela fait en réalité des années que des expérimentations ont lieu sur le territoire français, et ce en toute illégalité comme l’a lui-même reconnu le ministre de l’Intérieur. L’État a lui-même directement financé nombre de ces déploiements au travers du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, de l’Agence nationale de la recherche ou du programme d’expérimentation lancé par le ministère de l’Intérieur pour Paris 2024 (lequel a par exemple conduit à tester la reconnaissance faciale lors du tournoi de Roland-Garros en 2021).

Quant aux prétendues garanties apportées par le gouvernement aux libertés publiques dans le cadre de ce projet de loi, elles apparaissent tout-à-fait dérisoires au regard des enjeux soulevés par la VSA. Contrairement à ce que prétendent ses promoteurs, ces technologies ne sont pas de simples outils d’« aide à la décision » : l’adoption de l’article 7 du projet de loi Jeux olympiques s’assimilerait à un véritable changement d’échelle et de nature dans la surveillance de la population, installant dans nos sociétés démocratiques des formes de contrôle social qui sont aujourd’hui l’apanage de pays autoritaires comme la Chine. C’est ce qu’explique la CNIL lorsqu’elle écrit que l’article 7 « ne constitue pas une simple évolution technologique de dispositifs vidéo, mais une modification de leur nature », ajoutant qu’un tel déploiement, « même expérimental, (…) constitue un tournant » . La Défenseure des droits met également en garde1 Réponse de la Défenseure des droits à la consultation de la CNIL contre la VSA : selon elle, « le changement de paradigme » induit par le passage des « caméras de vidéoprotection « classiques » vers des dispositifs aux capacités de détection et d’analyse algorithmiques poussées est extrêmement préoccupant ». Elle insiste sur « les risques considérables que représentent les technologies biométriques d’évaluation pour le respect [des] droits »

Il est aussi particulièrement choquant de constater que, de l’aveu même de ses promoteurs, ce basculement vers la surveillance biométrique de l’espace public est motivé par des considérations économiques. Sous couvert d’expérimentation, la loi prépare la banalisation de ces technologies tout en permettant aux acteurs privés de peaufiner leur algorithmes avant leur généralisation. Lorsqu’on sait que l’achat d’une seule caméra coûte à une collectivité entre 25 et 40 000€ (sans la maintenance ni les logiciels d’analyse), on comprend aisément que la vidéosurveillance et son pendant algorithmique constituent une immense manne financière pour les industriels du secteur : 1,6 milliards d’euros de chiffre d’affaire sur l’année 20202Pixel 2022, page 96 consultable ici : data technopolice rien qu’en France. Au niveau international, le marché devrait plus que doubler d’ici 2030 pour atteindre près de 110 milliards de dollars. Faisant fi du risque d’erreurs et d’abus en tous genres, certains promoteurs de la VSA expliquent dores et déjà qu’après la détection de « comportements suspects », les pouvoirs publics pourront amortir ces technologies en automatisant la vidéoverbalisation. Il y a donc fort à parier qu’une fois ces technologies achetées au prix fort, une fois des dizaines de milliers d’agent·es formé·es à leur utilisation, il sera pratiquement impossible de faire marche arrière.

Conscient·es du risque que fait peser la vidéosurveillance algorithmique sur la vie démocratique de nos sociétés, nombre d’élu·es de par le monde ont décidé d’interdire son usage. En décembre 2022, suite à l’adoption d’une résolution du Conseil municipal, la ville de Montpellier est devenue la première commune française à interdire la VSA. Elle a ainsi rejoint la liste des municipalités en Europe et aux États-Unis qui ont proscrit une telle surveillance biométrique sur leur territoire. En réponse à une pétition signée par des dizaines de milliers de citoyens à travers le continent, le Parlement européen discute lui aussi d’une interdiction de ces technologies.

Nous, élu·es de la République, refusons à notre tour le recours à la vidéosurveillance automatisée et le projet de société de surveillance qu’elle incarne. C’est pourquoi nous appelons chaque parlementaire à voter en conscience contre l’article 7 de la loi relative aux Jeux olympiques.

Signataires

  • Abomangoli Nadège, députée de la 10e circonscription de Seine-Saint-Denis, LFI/NUPES
  • Accarion Ombeline, vice-présidente handicap du département de Loire Atlantique, Pays de la Loire, EELV
  • Ait-Salah-Lecervoisier, Florence, conseillère municipale d’Orly, LFI
  • Alexandre Laurent, député de l’Aveyron, LFI-NUPES
  • Alfonsi François, eurodéputé Verts/ALE, Parlement européen, RPS
  • Amard Gabriel, député du Rhône, LFI-NUPES
  • Amiot Ségolène, députée de Loire-Atlantique, LFI-NUPES
  • Amrani Farida, députée d’Essonne, LFI-NUPES
  • Aqua Jean-noël, conseiller de Paris, PCF
  • Arenas Rodrigo, député de Paris 10ème, LFI-NUPES
  • Aubry Martine, conseillère municipale d’opposition, La Queue-en-Brie, LFI
  • Autain Clémentine, députée de Seine-Saint-Denis, LFI-NUPES
  • Averous Annie, élue municipale à Castanet-Tolosan, Occitanie, Parti Socialiste
  • Back Antoine, adjoint au maire de Grenoble, Ensemble!
  • Baudonne Anne, conseiller d’arrondissement de la mairie du 20e, communiste
  • Barles Sébastien, adjoint au maire de Marseille, conseiller métropolitain à Marseille, PACA, EELV
  • Bassani Catherine, adjointe à la maire de Nantes, Pays de la Loire, EELV
  • Beltran-Lopez Luis, conseiller municipal délégué de Grenoble, EELV
  • Benarroche Guy, sénateur des Bouches-du-Rhône, EELV
  • Berland Jean-Louis, conseiller municipal de Saint-Michel-sur-Orge, Île-de-France, LFI/NUPES
  • Bernalicis Ugo, député du Nord, LFI-NUPES
  • Bernard Grégory, adjoint au maire et conseiller métropolitain, Clermont-Ferrand, Génération.s
  • Bex Christophe, député de la Haute-Garonne, LFI-NUPES
  • Billouet Simon, conseiller départemental de l’Isère, LFI
  • Bilongo Carlos Martens, député du Val d’Oise, LFI-NUPES
  • Biteau Benoît, eurodéputé Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Bompard Manuel, député des Bouches du Rhônes, LFI-NUPES
  • Bonnet Nicolas, maire-adjoint, Clermont-Ferrand
  • Bony Catherine, conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes, EELV
  • Boumertit Idir, député du Rhône, LFI-NUPES
  • Boutté Catherine, conseillère municipale d’opposition à Villeneuve-d’Ascq, Nord, LFI
  • Bosquillon Christophe, conseiller municipal à Cesson, Île-de-France, LFI
  • Boyard Louis, député du Val-de-Marne, LFI-NUPES
  • Brobecker Astrid, conseillère départementale Hauts-de-Seine, EELV Bruyère Jérôme, conseiller municipal à Givenchy-en-Gohelle, LFI
  • Bu Ludovic, conseiller municipal du Mans, groupe écologiste
  • Bub Jerôme, conseiller métropolitain écologiste de la Métropole Grand Lyon, EELV
  • Bussière Sophie, porte-parole d’EELV, conseillère régionale Nouvelle-Aquitaine, EELV
  • Bui-Xuan Myriam, conseillère municipale de Clapiers, Génération.s
  • Bury Thomas, conseiller municipal d’Asnières-sur-Seine, EELV
  • Cala Sylvère, conseiller municipal à Massy, Ile-de-France, LFI
  • Camara Lamine, conseiller régional Île-de-France, PCF
  • Carême Damien, eurodéputé Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Candelier Catherine, conseillère municipale de Sèvres, Île-de-France, EELV
  • Caron Aymeric, député de Paris 18ème, LFI-NUPES
  • Carrière Sylvain, député de l’Hérault, LFI-NUPES
  • Cassé Damien, conseiller municipal, Noisiel, LFI
  • Cerezo-Lahiani Louise, conseillère municipale, La Ricamarie, sans étiquette
  • Challande Névoret Théo, adjoint au maire de Marseille en charge de la Démocratie et de la Lutte contre les discriminations, Écologiste
  • Chapal Arnaud, conseiller municipal de Basville et député suppléant de la Creuse, EELV
  • Chauche Florian, député du territoire de Belfort, LFI-NUPES
  • Chenevez Odile, élue municipale à Forcalquier, liste citoyenne
  • Chesnel-Le Roux Juliette, présidente du groupe des élus écologistes à la mairie de Nice, Écologiste
  • Chihi Mohamed, adjoint au maire de Lyon en charge des questions de sécurité, sûreté et tranquillité à Lyon, Auvergne-Rhône-Alpes, Écologiste
  • Chikirou Sophia, députée de Paris 6ème, LFI-NUPES
  • Citeau Simon, adjoint à la maire de Nantes, Pays de la Loire, EELV
  • Clouet Hadrien, député de la Haute-Garonne, LFI-NUPES
  • Coiffard Marie, conseillère municipale de Saint Martin d’Hères, en Isère, EELV
  • Colomban Nathalie, conseil municipal de Saint-Chamas, PACA, liste d’opposition, LFI
  • Coquerel Eric, député de la 1ère circonscription de Seine-Saint-Denis et président de la commission des Finances, LFI
  • Corbière Alexis, député de la Seine-Saint-Denis, LFI-NUPES
  • Cormand David, eurodéputé écologiste, Parlement européen, EELV
  • Coulomme Jean-François, député de la Savoie, LFI-NUPES
  • Courtay Murielle, conseillère municipale et d’agglomération à Cholet, Pays de la Loire, EELV
  • Couturier Catherine, députée de la Creuse, LFI/NUPES
  • Davi Hendrik, député de la 5ème circonscription des Bouches-du-Rhône, LFI-NUPES
  • Deglise Cédric, adjoint au maire délégué à la transition écologique, à la démocratie locale et aux associations à Chasse-sur-Rhône, Auvergne-Rhône-Alpes, LFI
  • Dageville Bénédicte, adjointe au maire du 11e arrondissement de Paris, PCF
  • Dannaud Charles, conseiller municipal de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), Forcalquier en commun
  • Déjean Pierre, conseiller municipal à Montigny-le-Bretonneux, ïle-de-France, LFI
  • Delbos-Corfield Gwendoline, eurodéputée Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Delcambre Philippe, adjoint au maire, Transition écologique, Saint-Egrève, LFI
  • Delli Karima, eurodéputée Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Delogu Sébastien, député des Bouches-du-Rhône, LFI-NUPES
  • Denes Owen, conseiller départemental d’Ille-et-Vilaine, EELV
  • Dossus Thomas, sénateur du Rhône, EELV
  • Dufour Alma, députée de Seine Maritime, LFI-NUPES
  • Duthoit Rémi, conseiller municipal et communautaire à Forcalquier, liste citoyenne
  • Etienne Martine, Meurthe-et-Moselle, LFI-NUPES
  • Erodi Karen, députée du Tarn, LFI-NUPES
  • Etoundi Zita, conseillère d’arrondissement (8e) Marseille, sans étiquette
  • Fardoux Clémentine, conseillère municipale à Aubagne, GES/LFI/NUPES
  • Fenasse Delphine, maire adjointe à l’Enfance, à l’activité périscolaire et au Programme de réussite éducative à Fontenay-sous-bois, LFI/Parti de Gauche
  • Fernandes Emmanuel, député du Bas-Rhin, LFI-NUPES
  • Ferrer Sylvie, députée des Hautes-Pyrénées, LFI-NUPES
  • Fiat Caroline, députée de Meurthe-et-Moselle, LFI-NUPES
  • Fillol Étienne, adjoint au maire d’Alfortville et conseiller territorial GPSEA, Île-de-France, Génération.s
  • Fischer Karine, conseillère régionale du Centre-Val-de-Loire, LFI,
  • Gaillard Perceval, député de la Réunion, LFI-NUPES
  • Galera Richard, conseiller municipal de Montreuil et vice-président Est-Ensemble, Île-de-France, LFI
  • Garrido Raquel, députée de la Seine-Saint-Denis, LFI-NUPES
  • Gaspaillard Damien, conseiller départemental des Côtes d’Armor, EELV
  • Genty Julien, Conseiller municipal à Esbly, Île-de-France, LFI/NUPES
  • Ghedjati Myriam, conseillère municipale, Port Saint Louis du Rhône, LFI
  • Girard Cyril, conseiller municipal, conseiller communautaire à Arles, groupe Changeons d’avenir
  • Girardot Moitié Chloé, vice-présidente du département de la Loire-Atlantique, Pays de la Loire, EELV
  • Gleizes Jérôme, conseiller de Paris 20e arrondissement, EELV
  • Gries Aurélie, adjointe du 7e arrondissement de Lyon, LFI
  • Grillon-Colledani Marie-Hélène, conseillère Municipale à Duttlenheim, Bas-Rhin, sans étiquette
  • Gruffat Claude, eurodéputé Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Guetté Clémence, députée du Val-de-Marne, LFI-NUPES
  • Guiraud David, député de la 8e circonscription du Nord, LFI
  • Gutierez Grégory, conseiller municipal délégué Numérique et Citoyenneté, à Malakoff, Hauts-de-Seine, EELV
  • Hédouin Guillaume, conseiller régional de Normandie, groupe Normandie Écologie
  • Helfter-Noah Prune, conseillère 3e secteur de Marseille, conseillère métropolitaine Aix-Marseille-Provence Marseille, PACA, EELV
  • Hignet Mathilde, députée d’Ille-et-Vilaine, LFI-NUPES
  • Hoffsess Marc, adjoint à la maire de Strasbourg, Ecologiste
  • Huguin Angélique, conseillère municipale à Vadelaincourt, Grand Est, sans étiquette
  • Hugon Christophe, conseiller municipal Mairie de Marseille Délégué à la transparence, à lʼopen data municipal et au système dʼinformation, au numérique de la ville, au numérique responsable et à la transition numérique, parti pirate
  • Jadot Yannick, eurodéputé Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Jamet Delphine, adjointe au maire en charge de l’administration générale, de l’évaluation des politiques publiques et de la stratégie de la donnée à Bordeaux, Aquitaine, EELV
  • Janssens Jonathan, conseiller municipal dans le groupe Tourcoing Vert Demain, Haut-de-France, sans étiquettes
  • Jourdan Maxime, conseiller municipal délégué de Villeurbanne, Génération.s
  • Joyeux Benjamin, conseiller régional de Haute-Savoie et membre des commissions santé, sécurité et relations internationales, Auvergne-Rhône-Alpes, Les Écologistes
  • Juquin Sylvie, conseillère métropolitaine pour la ville de Lormont à la métropole de Bordeaux, Écologiste
  • Keke Rachel, députée du Val-de-Marne, LFI-NUPES
  • Kerbrat Andy, député de Loire-Atlantique, 2e circonscription, commissaire aux lois, délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, LFI/NUPES
  • Klingler Danièle, élue municipale et communautaire à Forcalquier, PACA, Liste citoyenne Forcalquier en commun
  • Labertrandie Lydia, conseillère Municipale à Cesson, Île-de-France, EELV
  • Lachaud Bastien, député de la Seine-Saint-Denis, LFI-NUPES
  • Lafay Franck, adjoint Communication & Services Publics à Saint Sernin du Bois en Saône-et-Loire
  • Lagarde Catherine, conseillère métropolitaine de Villeurbanne, membre de la commission éducation, culture, patrimoine et sport, Écologiste
  • Lahmer Annie, conseillère régionale écologiste d’Île de France, Île-de-France, Écologiste
  • Laïdouni-Denis Myriam, conseillère régionale Auvergne Rhône Alpes, EELV
  • Laisney Maxime, député de Seine-et-Marne, LFI-NUPES
  • Léaument Antoine, député de l’Essone, LFI-NUPES
  • Leboucher Élise, députée de la 4ème circonscription de la Sarthe, LFI/NUPES
  • Lecerf Meunier Harmonie, adjointe au maire de Bordeaux en charge de l’accès aux droits et des solidarités Bordeaux, EELV
  • Leduc Charlotte, députée de Moselle, LFI-NUPES
  • Le Dily Michèle, adjointe à la mairie du 8e arrondissement de Lyon, Lyon en commun
  • Lefebvre Stéphane, conseiller municipal délégué à la mobilité et aux différents modes de déplacement Cugnaux, Occitanie, NUPES
  • Le Gall Arnaud, député du Val d’Oise, LFI-NUPES
  • Legavre Jérôme, député de Seine-Saint-Denis, LFI-NUPES
  • Legrain Sarah, députée de Paris 16ème, LFI-NUPES
  • Lemaire Mirabelle, conseillère municipale LFI à Le Plessis Trévise, Île-de-France, LFI
  • Lepage Geneviève, conseillère municipale d’opposition à Villeneuve-lès-Avignon, LFI
  • Lepvraud Murielle, députée des Cotes-d’Armor, LFI-NUPES
  • Liévin Mathilde, conseillère municipale à La Madeleine, Liste citoyenne écologique et solidaire
  • Loe Mie Brice, conseiller municipal à Puteaux, EELV
  • Loiseau Franck, conseiller municipal à Cholet, Pays de la Loire, EELV
  • Lynseele Stéphanie, conseillère municipale à Queue-en-Brie, Île-de-France, LFI
  • Maes Bertrand, adjoint au maire de Lyon délégué au numérique, Génération Écologie
  • Maillebouis Fabienne, conseillère municipale à Rochefort-en-Yvelines, Île-de-France, sans étiquette
  • Mailler Sylvain, conseiller municipal à Chevilly-Larue, Île-de-France, Parti de Gauche
  • Majerowicz Sébastien, conseiller municipal de la commune de L’Arbresle dans le Rhône, LFI,
  • Malaisé Céline, conseillère régionale d’Île-de-France, présidente de la Gauche communiste, écologiste et citoyenne, Île-de-France, PCF
  • Marchand Jérôme, conseiller d’arrondissement Paris 14e, EELV
  • Marcel Lisa, élue municipale Forcalquier, liste citoyenne
  • Mariaud Jean, conseiller municipal d’opposition à Rochefort, EELV
  • Marque Sébastien, conseiller délégué à la maire du 12ème arrondissement de Paris, PCF
  • Martin Elisa, députée de la 3e circonscription de l’Isère, LFI/NUPES
  • Martin Pascale, députée de Dordogne, LFI-NUPEs
  • Martin Nicolas, vice-président de Nantes Métropole en charge des mobilités douces et conseiller municipal de Nantes en charge de la restauration scolaire, EELV
  • Martinet William, député des Yvelines, LFI-NUPES
  • Marszalek Antoine, élu municipal à Villeneuve-d’Ascq, LFI
  • Maudet Damien, député d’Haute-Vienne, LFI-NUPES
  • Mathieu Frédéric, député d’Ille-et-Vilaine, LFI-NUPES
  • Maximi Marianne, députée du Puy-de-Dôme, LFI-NUPES
  • Messier Maxime, conseiller municipal de Fontenay-aux-Roses, Île-de-France, EELV
  • Meunier Manon, députée de Haute-Vienne, LFI-NUPES
  • Michel Cécile, conseillère régionale, région Auvergne-Rhône-Alpes, Les écologistes
  • Mignot Didier, conseiller régional PCF d’île-de-France
  • Monta Julie, conseillère municipale à Revest-des-Brousses, PACA, sans étiquette
  • Montava David, conseiller municipal à Vitry-sur-Seine, Île-de-France, LFI
  • Monville Bénédicte, conseillère municipale et communautaire de Melun, Île-de-France, EELV
  • Nenner Charlotte, conseillère régionale Île-de-France, EELV
  • Neveu Bernard, élu municipal et communautaire de la commune à Castanet-Tolosan, Occitanie, LFI
  • Nicolas Julie, conseillère municipale à Lille, EELV
  • Nilor Jean-Philippe, député de Martinique, LFI-NUPES
  • Normand Xavier, maire de Castanet-Tolosan, Occitanie, EELV
  • Obono Danièle, députée de Paris 17ème, LFI-NUPES
  • Ouldji Soraya, adjointe à la ville de Strasbourg petite enfance, politique familiale, restauration scolaire, Écologiste
  • Oziol Nathalie, députée de l’Hérault, LFI-NUPES
  • Pahun Louise, conseillère départementale du canton de Nantes 4, vice-présidente Sports solidaires, responsables, activités de pleine nature, Pays de la Loire, Groupe écologiste
  • Panot Mathilde, députée du Val-de-Marne, LFI-NUPES
  • Perin Laurent, conseiller départemental du Nord, Génération.s
  • Pfeiffer Stéphane, 2e adjoint au maire de Bordeaux, EELV
  • Picard Yves, adjoint Vie locale, associative et démocratique de la mairie de Saint-Sulpice-la-Forêt en Bretagne, sans étiquette
  • Pilato René, député de Charente, LFI-NUPES
  • Piquemal François, député de Haute-Garonne, LFI-NUPES
  • Pochon Marie, députée de la Drôme, Auvergne-Rhône-Alpes, Écologiste/NUPES
  • Poix Évelyne, conseillère municipale de Vellerot-lès-Vercel dans le Doubs, EELV
  • Portes Thomas, député de la 3e circonscription de Seine-Saint-Denis, LFI/NUPES
  • Primault Lionel, adjoint au maire, Les Lilas, Seine-Saint-Denis, EELV
  • Primet Raphaelle, conseillère de Paris 20e, groupe communiste et citoyen
  • Provoost Christine, conseillère municipale, Bévenais, LFI
  • Prud’homme Loïc, député de Gironde, LFI-NUPES
  • Quintallet Ludivine, conseillère d’Alsace, Strasbourg, EELV
  • Rabardel Évelyne, conseillère départementale du Val-de-Marne, PCF
  • Rabeau Roland, conseiller municipal de Clamart, Île-de-France, EELV
  • Raifaud Sylvain, conseiller municipal et métropolitain de Paris 10e, co-président du groupe Écologiste Social et Citoyen
  • Ramdane Abdelkarim, adjoint à la maire de Strasbourg, EELV
  • Raux Jean-Claude, député écologiste de Loire-Atlantique, membre de la commission Affaires culturelles et éducation, Pays de la Loire, Ecologiste/NUPES
  • Ratenon Jean-Hugues, député de la Réunion, LFI-NUPES
  • Regnaud Mathilde, conseillère municipale et communautaire de Belfort, ainsi que suppléante du député (LFI-Nupes) Florian Chauche, NUPES
  • Regol Sandra, députée du Bas-Rhin, cheffe de file du groupe écologiste du projet de loi Jeux Olympiques et Paralympiques, Grand Est, EELV
  • Rémy-Leleu Raphaëlle, conseillère de Paris, EELV
  • Revel Ivan, conseiller municipal, Lyon, EELV
  • Reynaud Manu, adjoint au maire délégué à la ville apaisée, respirable et numérique, conseiller métropolitain en charge du numérique et président du groupe des élu·es Choisir l’écologie à Montpellier, EELV
  • Rigard Sophie, conseillère municipale à Saint Denis, sans étiquette
  • Rispal Yoann, conseiller municipal délégué à Fontenay-sous-Bois, Île-de-France, Gauche Communiste Écologiste et Citoyenne
  • Rivasi Michèle, eurodéputée Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Roger Michel, conseiller d’arrondissement délégué au Maire du 20e, groupe communiste et citoyen
  • Rome Sébastien, député de l’Hérault, LFI-NUPES
  • Romera Sophie, conseillère départementale, canton de Grenoble 1, LFI
  • Roose Caroline, eurodéputée Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Rosenblatt Annie, conseillère municipale ville d’Avignon, conseillère communautaire Grand Avignon, EELV
  • Rossignol Puech Clément, maire de Bègles et vice-président Bordeaux Métropole, EELV
  • Rouanet Dominique, conseillère municipale à Forcalquier, liste d’opposition
  • Rouffignac Didier, conseiller municipal à Saint-Molf, Pays de la Loire, EELV
  • Roziere Régine, adjointe à l’éducation et adjointe à la vie citoyenne de Sévérac d’Aveyron, LFI/NUPES
  • Ruffin François, député de la Somme, LFI-NUPES
  • Saintoul Aurélien, député des Hauts-de-Seine, LFI/NUPES
  • Sala Michel, député du Gard, LFI-NUPES
  • Salliot Julien, conseiller municipal de Bruz
  • Salmon Daniel, sénateur d’Ille-et-Vilaine, EELV
  • Satouri Mounir, eurodéputé Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Saveret Gilles, élu conseiller municipal et communautaire à Meaux, Île-de-France, LFI
  • Senée Ghislaine, présidente du Pôle écologiste à la région Île-de-France, Écologiste
  • Simonnet Danielle, députée de Paris 15ème, LFI-NUPES
  • Smihi Amine, adjoint au maire délégué à la tranquillité, la sécurité, la prévention et la tenue de l’espace public à Bordeaux, EELV
  • Soldeville Jérôme, conseiller municipal, Grenoble, LFI
  • Soudais Ersilia, députée de Seine-et-Marne, LFI-NUPES
  • Steffen Joël, adjoint à la mairie de Strasbourg, EELV
  • Stambach-Terrenoir Anne, députée de Haute-Garonne, LFI-NUPES
  • Tain Daniel, conseiller municipal à Novalaise en Savoie
  • Taurinya Andrée, députée de la Loire, LFI-NUPES
  • Tavel Matthias, député de Loire-Atlantique, LFI-NUPES
  • Teisseire Christophe, adjoint à la maire du 12ème arrondissement de Paris, EELV
  • Textoris Joanne, conseillère municipale à Avignon, sans étiquette
  • Thomas Marie-claire, conseillère régionale Bourgogne-Franche-Comté, EELV
  • Tomic Sylvie, adjointe au maire de Lyon, déléguée à l’accueil, l’hospitalité et au tourisme responsable, Génération.s
  • Tondelier Marine, secrétaire nationale d’EELV, conseillère régionale des Hauts-de-France, conseillère municipale d’Hénin-Beaumont, EELV
  • Toussaint Marie, eurodéputée Verts/ALE, Parlement européen, EELV
  • Toutain Frédric, conseiller municipal à Nonant, Normandie, sans étiquette
  • Trichet-Allaire Sarah, conseillère municipale de Saint-Nazaire, Pays de la Loire, EELV
  • Troadec Luce, conseillère municipale à Valenciennes, LFI
  • Trouvé Aurélie, députée de Seine-Saint-Denis, LFI-NUPES
  • Vailhé David-Marie, conseiller municipal de la commune de Le Coteau, dans la Loire
  • Vannier Paul, député de la 5e circonscription du Val-d’Oise, LFI/NUPES
  • Van Thienen Manuel, conseiller municipal à Lafarre, Ardèche, sans étiquette
  • Vialard Louise, conseillère métropolitaine déléguée aux mutations économiques, élue de quartier Île de Nantes et conseillère municipale en charge du numérique responsable, e-citoyenneté et de l’open-data à Nantes, Écologiste
  • Vigignol Yannick, conseiller municipal délégué à l’Open data et à la vie associative à Clermont-Ferrand, EELV
  • Viguer Simon, adjoint au maire chargé des finances, des affaires juridiques et des marchés publics à Castanet-Tolosan, Occitanie, Parti Socialiste
  • Vince Jacques, conseiller municipal délégué à Villeurbanne, Les écologistes
  • Vivien Emmanuel, conseiller municipal, Lyon, EELV
  • Vuylsteker Katy, conseillère régionale Haut-de-France, EELV
  • Walter Léo, député de la 2e circonscription des Alpes-de-Haute-Provence, LFI/NUPES
  • Watanabe-Vermorel Thomas, adjoint à la maire du 10e arrondissement de Paris, EELV
  • Werlen Jean, conseiller municipal et conseiller métropolitain de Strasbourg, EELV
  • Zaoui Slimane, conseiller municipal sur la ville d’Esbly en Seine-et-Marne, sans étiquette
  • Zika Didier, conseiller Municipal de Sausset-Les-Pins, PACA, LFI/NUPES
  • Zorn Caroline, conseillère municipale et vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Strasbourg écologiste et citoyenne

References[+]

Non à la vidéosurveillance algorithmique, refusons l’article 7 de la loi olympique !

Par : alouette
18 janvier 2023 à 11:07

Aujourd’hui, le projet de loi olympique commence à être examiné en commission au Sénat. En son sein, l’article 7 vise à autoriser la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Bien qu’elle soit prétendument circonscrite aux JO, il n’en est rien : la VSA est un projet politique du gouvernement qui n’attendait qu’une occasion pour sortir des cartons (lire notre analyse de ce projet de loi ici).

La VSA est déjà déployée illégalement en France

Après avoir voulu intégrer la VSA dans la loi Sécurité Globale, puis dans la LOPMI, le gouvernement utilise les Jeux olympiques comme prétexte pour faire passer des mesures qui visent à accélérer la surveillance de la population.

Depuis 2019, date de lancement de la campagne Technopolice, nous observons que des dizaines de villes en France ont expérimenté, illégalement, la vidéosurveillance algorithmique. Dès 2016, c’est la ville de Toulouse qui a passé un contrat avec IBM pour détecter des « événements anormaux ». Le logiciel de VSA de l’entreprise Briefcam est également déployé dans [au moins] 35 communes en France (dont Nîmes, Moirans où nous l’avons attaqué devant le tribunal administratif). Depuis 2018, c’est la ville de Marseille, avec la SNEF, qui analyse algorithmiquement les corps de ses habitant.es via les caméras de vidéosurveillance du centre ville.


extrait du programme fonctionnel technique, accompagnant le marché public de la ville de Marseille

Pour se représenter les différentes fonctionnalités de la vidéosurveillance algorithmique voici une vidéo de présentation du logiciel de Briefcam, un des plus répandus en France :

À l’origine de la vidéosurveillance algorithmique : les caméras

1) Une absence criante d’évaluation publique concernant la vidéosurveillance

Depuis la fin des années 90, la vidéosurveillance n’a cessé de se déployer en France. Le dernier recensement des caméras, privées comme publiques, réalisé par la CNIL il y a plus de 10 ans en comptabilisait 800 000 sur le territoire. Depuis, les subventions publiques qui leur sont destinées n’ont cessé de croître, atteignant 15 millions d’euros en 2021. La LOPMI a acté le triplement de ce fond. S’il existe un tel engouement pour la vidéosurveillance, c’est qu’il doit exister des résultats tangibles non ? Et pourtant non…

Le projet de loi propose d’expérimenter la vidéosurveillance automatisée alors même qu’aucune évaluation publique des dispositifs actuels de vidéosurveillance n’existe, qu’aucun besoin réel n’a été identifié ni une quelconque utilité scientifiquement démontrée. Le projet du gouvernement est donc de passer à une nouvelle étape de la surveillance de masse, en fondant la légitimité d’une technologie très intrusive sur l’intensification de la surveillance via l’automatisation de l’analyse des images, alors que l’utilité des caméras de vidéosurveillance pour lutter contre la délinquance n’a jamais fait ses preuves. Contrairement au principe qui voudrait que toute politique publique soit périodiquement évaluée, la vidéosurveillance — notamment dans sa nouvelle version automatisée — se développe sur le seul fondement des croyances défendues par les personnes qui en font commerce et qui la déploient. De fait, aucune étude d’impact préalable à l’installation de dispositifs de vidéosurveillance ou de VSA n’est sérieusement menée.

2) De rares études pointent unanimement vers l’inutilité de la vidéosurveillance

Or, les évaluations portant sur la vidéosurveillance soulignent au contraire l’inefficacité et le coût faramineux de tels dispositifs :
Le rapport de la Cour des comptes de 2020 rappelle qu’«  aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Quant au laboratoire de recherche de la CNIL, le LINC, il affirme après avoir passé en revue l’état de l’art que « la littérature académique, en France et à l’international […], a démontré que la vidéosurveillance n’a pas d’impact significatif sur la délinquance ». Plus récemment, les recherches du chercheur Guillaume Gormand, commandées par la gendarmerie, concluent elles aussi à une absence d’effet sur la commission d’infraction et à une utilité résiduelle pour l’élucidation des infractions commises (1,13 % des enquêtes élucidées ont bénéficié des images de caméras sur la voie publique).

3) Le coût faramineux de la vidéosurveillance

En outre, petit à petit, la vidéosurveillance a fait exploser les budgets publics qui lui étaient consacrés. Sur le court terme, ces dispositifs impliquent le développement ou l’achat de logiciels de gestion du parc de caméras (système de gestion vidéo sur IP, ou VMS), l’installation de nouvelles caméras, la transmission de flux, des capacités de stockage des données, des machines assez puissantes pour analyser des quantités de données en un temps très rapide. Sur le temps long, ils nécessitent la maintenance, la mise à niveau, le renouvellement régulier des licences logicielles, l’amélioration du matériel qui devient très vite obsolète et enfin les réparations du matériel endommagé.

À titre d’illustration, le ministère de l’Intérieur évoque pour les Jeux Olympiques l’installation de 15 000 nouvelles caméras, pour 44 millions d’euros de financement du Fond interministériel pour la prévention de la délinquance – FIPD.

Une caméra de vidéosurveillance coûte [D’après cet article de La Dépêche du 13 septembre 2021 : https://www.ladepeche.fr/2021/09/13/toulouse-bientot-des-cameras-de-videoprotection-a-la-demande-pour-les-quartiers-9787539.php] à l’achat aux municipalités entre 25 000 et 40 000 euros l’unité, sans prendre en compte le coût de l’entretien, du raccordement ou du potentiel [D’après cet article d’Actu Toulouse du 18 juin 2021 https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/toulouse-comment-la-ville-veut-aller-plus-loin-contre-la-delinquance-avec-des-cameras-mobiles_42726163.html] coût d’abonnement 4G/5G (autour de 9 000 € par an et par caméra).

« Il y aura toujours plus de caméras et toujours plus d’utilisation de l’intelligence artificielle » à Nice, affirme Estrosi pour « gérer la circulation, les risques de pollution, les risques majeurs, pour lutter contre le trafic de drogues, les rodéos urbains et pour anticiper toutes les menaces  ».

La VSA : une nouvelle étape dans le mythe de l’efficacité de la vidéosurveillance

La vidéosurveillance algorithmique est présentée comme une manière de rendre plus efficace l’exploitation policière de la multitude de caméras installées sur le territoire. Il existerait trop de caméras pour qu’on puisse les utiliser efficacement avec du personnel humain, et l’assistance de l’intelligence artificielle serait inévitable et nécessaire pour faire face à la quantité de flux vidéo ainsi générée.

Cette idée que l’automatisation permettrait de rendre la vidéosurveillance enfin efficace s’inscrit dans une vieille logique du « bluff technologique » de la vidéosurveillance. Depuis des années, les industriels du secteur ne cessent de promettre que l’efficacité de la vidéosurveillance dépend d’un surcroît d’investissement : il faudrait plus de caméras disséminées sur le territoire, il faudrait que celles-ci soit dotées d’une meilleure définition, qu’elles offrent une champ de vision plus large (d’où l’arrivée de caméras 360, pivot), etc. Mais aussi qu’elles soient visionnées « en direct ». Il a donc fallu créer des centres de supervision urbaine – CSU dans toutes les villes, puis y mettre des gens pour visionner le flux vidéo 24h/24. Il a aussi souvent été dit qu’il fallait davantage d’agents dans les CSU pour scruter les flux vidéo à la recherche d’actes délinquants commis en flagrance. Maintenant, il faut « mutualiser » les CSU au niveau des intercommunalités, ce dont se félicite Dominique Legrand, président du lobby de français de la vidéosurveillance, l’AN2V.

Dominique Legrand, président fondateur de l’AN2V, l’association nationale de la vidéoprotection évoque, à propos de la centralisation de CSU « L’objectif de la création d’un tel dispositif est de pouvoir assurer le visionnage en temps réel de manière centralisée, en un même lieu (cyber) sécurisé, de l’ensemble des caméras des communes et intercommunalités […] L’AN2V a déjà évangélisé cette idée sur plusieurs départements et régions ! » cité dans le guide PIXEL 2023 édité par l’AN2V.

Chaque nouvelle nouvelle étape dans la surveillance promet son efficacité et tente de légitimer les investissements précédents. Au fil des années ces multiples promesses de la vidéosurveillance n’ont pas été tenues. En l’absence de toute évaluation ou étude préalable, la généralisation de la VSA ne serait qu’une perte de temps et d’argent, en plus de constituer une profonde remise en cause de nos droits et libertés.

LA VSA ne sera pas circonscrite aux jeux olympiques

Symptomatique d’un marché économique juteux, les industriels ont patiemment attendu que le gouvernement trouve une bonne opportunité pour légaliser cette technologie tout en ménageant « l’acceptabilité » de la population. Si les JO sont le prétexte idéal, ne soyons pas naïfs : comme on l’a déjà vu, la VSA est déjà « expérimentée » depuis plusieurs années dans des communes et fait l’objet de quantité de financements publics pour se perfectionner. De plus, une fois que tous ces algorithmes auront pu être testé pendant deux ans, lors de tout événement « festival, sportif ou récréatif » – comme le prévoit l’article 7 -, que les entreprises sécuritaires auront fait la promotion de leurs joujoux devant le monde entier lors des JO, que des dizaines de milliers d’agents auront été formés à l’utilisation de ces algorithmes, il semble peu probable que la VSA soit abandonnée fin 2024.

Des populations-laboratoires

Un autre aspect de la VSA est la tendance croissante à être mis en données. Au-delà de la surveillance de l’espace public et de la normalisation des comportements qu’accentue la VSA, c’est tout un marché économique de la data qui en tire un avantage. Dans le cadre des expérimentations prévues par le projet de loi, dès lors qu’un acteur tiers est en charge du développement du système de surveillance, cela permet aux entreprises privées concernées d’utiliser les espaces publics et les personnes qui les traversent ou y vivent comme des « données sur pattes ». C’est exactement ce que prévoit le VIII de l’article 7 puisque les données captées par les caméras dans l’espace public peuvent servir de données d’apprentissage.

Les industries de la sécurité peuvent donc faire du profit sur les vies et les comportements des habitants d’une ville, améliorer leurs algorithmes de répression et ensuite les vendre sur le marché international. C’est ce que fait notamment la multinationale française Idémia, qui affine ses dispositifs de reconnaissance faciale dans les aéroports français avec les dispositifs PARAFE ou MONA, pour ensuite vendre des équipements de reconnaissance faciale à la Chine et participer à la surveillance de masse, ou encore pour remporter les appels d’offres de l’Union Européenne en vue de réaliser de la surveillance biométrique aux frontières de l’UE. Tel a également été le cas à Suresnes où l’entreprise XXII a obtenu le droit d’utiliser les caméras de la ville pour entraîner ses algorithmes, les habitantes et habitants de la ville étant transformé·es en cobayes pour le développement commercial d’un produit de surveillance.

A titre d’exemple, l’un des plus importants marchés de la surveillance aujourd’hui porte sur le contrôle des frontières à l’intérieur et à l’extérieur des pays membres de l’Union européenne. L’usage d’algorithmes de détection de comportements est ainsi utilisé sur des drones en Grèce afin de repérer et suivre des personnes aux zones de frontières. Dans ce cas précis, il est impossible de réduire la technologie fournie (et donc conçue et entraînée au préalable) à une seule assistance technique. Au contraire, elle est au service d’une politique policière répressive et d’une pratique dénoncée comme brutale dans ce pays. 1Ceci est typiquement illustré par l’aveu même d’une personne faisant parti d’un consortium de recherche ayant développé cet outil, que l’on peut lire dans cet article d’Algorithm Watch https://algorithmwatch.org/en/greece-plans-automated-drones/ : “For me, the one thing is, I don’t know exactly what the police will do to the migrants after we alert them.” He grimaced. “But what can I do,” he said. »

Nous appelons les parlementaires à refuser l’article 7 du projet de loi olympique et continuons à nous mobiliser contre l’imposition de ces technologies liberticides !

References[+]

References
1 Ceci est typiquement illustré par l’aveu même d’une personne faisant parti d’un consortium de recherche ayant développé cet outil, que l’on peut lire dans cet article d’Algorithm Watch https://algorithmwatch.org/en/greece-plans-automated-drones/ : “For me, the one thing is, I don’t know exactly what the police will do to the migrants after we alert them.” He grimaced. “But what can I do,” he said. »

Mobilisation étudiante contre TestWe, l’entreprise qui veut technopoliser l’Université

Par : alouette
2 décembre 2022 à 12:39

[MAJ du 15 décembre] Avec les étudiant·es et leur avocat, nous avons remporté ce contentieux ! On vous en dit plus longuement sous peu.

La Quadrature appelle à soutenir la lutte d’un collectif d’étudiant·es de l’Université Paris 8 contre TestWe, la start-up qui veut technopoliser l’Université. Cette télésurveillance d’examens à distance est déshumanisante, discriminatoire et intrusive, en plus d’être très clairement illégale. À l’appel de ces étudiant⋅es, nous vous donnons rendez-vous le 6 décembre à 14h pour montrer devant le tribunal administratif de Montreuil une opposition massive. La Quadrature est intervenue devant le tribunal administratif pour soutenir cette lutte (lire notre intervention ici).

Si vous êtes aussi victime de telles technologies de surveillance par votre établissement d’enseignement, n’hésitez pas à nous envoyer un mail à contact@technopolice.fr pour nous faire part de votre témoignage.

Il y a deux ans, lors du premier confinement, nous alertions déjà sur la gestion autoritaire des examens à distance par les établissements d’enseignement supérieur.

TestWe, un système discriminatoire, intrusif et déshumanisant

Il est question ici de télésurveillance, c’est-à-dire que les élèves passent leur examens à distance, au même moment, et sous surveillance numérique et automatisée de l’établissement. L’une des entreprises les plus en vue dans ce domaine est TestWe, une start-up française qui étend les outils de surveillance algorithmique déjà déployés dans de nombreuses villes en France à la surveillance des examens.

Initialement, leur logiciel consistait à dématérialiser les épreuves : celles-ci se passaient dans un amphi mais les étudiant·es composaient sur leur ordinateur, fini l’examen papier. Depuis 2019, l’entreprise est passée de la dématérialisation à la surveillance à distance des étudiant.es

TestWe offre une multitude d’outils pour perfectionner cette surveillance : un système de reconnaissance faciale, c’est à dire de photographie de l’étudiant avec sa carte d’identité ou étudiant·e ou d’identité par webcam « pour vérifier que la bonne personne est en face de l’écran ». En complément, une surveillance à 360° de l’environnement de l’élève. Son PDG, Benoît Sillard, se vante ainsi de mettre « en place actuellement un système à double caméras, celle de l’ordinateur qui filme par l’avant, et celle de votre smartphone qui filme l’ensemble de la pièce, pour vérifier qu’il n’y a pas un deuxième ordinateur ou quelqu’un en train de vous souffler ». Les élèves utilisant TestWe se voient par ailleurs obligé·es de céder les droits administrateurs de leur ordinateur au logiciel, de désactiver leur pare-feu, antivirus, VPN. Évidemment, cela nécessite d’être équipé·e avec un ordinateur personnel récent, d’avoir une bonne connexion Internet mais l’exigence va au-delà : disposer d’une pièce (« pas trop éclairée ni trop sombre ») sans bruit et sans autre personne présente, pas même un enfant en bas âge ou un animal de compagnie, par exemple.

Après l’identification, TestWe veut vérifier que les étudiant·es ne puissent pas tricher. Dans sa version classique, les élèves sont photographiés toutes les trois secondes, les images analysées et tout comportement suspect fait l’objet d’un signalement à la plateforme. Avec la version avancée « ProctorWe », les candidat⋅e⋅s doivent aussi filmer la pièce, parfois avec une seconde caméra (et donc être équipé·es d’un smartphone en état de fonctionnement).

Iels ont aussi l’obligation de filmer leur cou ainsi que leurs oreilles, afin de vérifier l’absence d’oreillettes. Cette chasse à la triche n’a pas de limite. Les personnes avec les cheveux longs se voient demander de « dégager leurs oreilles », les personnes qui portent un voile se verraient accuser de fraude, et on ne sait pas ce qu’il est prévu pour les personnes malentendantes… Après identification, l’étudiant⋅e doit respecter une liste aberrante d’interdictions, définissant les comportements suspects et les d’objets qui ne doivent pas être présents dans la pièce.

Et la liste continue : obligation de fixer l’écran, interdiction de manger, d’aller aux toilettes, interdiction de tout bruit « suspect », non prise en compte des handicaps (qui n’ont pas été systématiquement signalés en vue d’un aménagement des conditions d’examen, puisque les étudiants pensaient déjà connaître les modalités auxquelles iels sont déjà habituées)…

C’est donc un véritable matraquage d’interdits bafouant la dignité auxquels devraient faire face les étudiant·es, qui déroge aux conditions d’examen en présentiel (il est quand même toujours possible d’avoir les cheveux détachés, de manger, d’aller aux toilettes, de porter un col roulé lors d’un examen en salle), en plus d’acter une rupture d’égalité entre les élèves (tout le monde ne peut pas posséder le matériel informatique dernier cri, occuper une pièce pendant plusieurs heures sans interruptions possibles). Et à tout cela, s’ajoute évidemment la violation de la vie privée des étudiants et des étudiantes, qu’il s’agisse de leur lieu de vie ou de leur matériel informatique.

Des dispositifs très clairement illégaux

Cette surveillance, constante, intrusive, mêlée de biométrie, et attentatoire aux déplacements ainsi qu’à la vie privée des élèves ne peut en aucun cas remplir les critères de proportionnalité exigés dans le règlement général sur la protection des données ou son application française, la loi Informatique et Libertés.

C’était d’ailleurs en partie le message de la CNIL qui, en pleine période Covid, avait notamment réagi à l’utilisation de TestWe en publiant un premier communiqué rappelant les règles à respecter en matière de vie privée et de surveillance d’examens à distance. Comme souvent, la CNIL semble s’être pour l’instant limitée à une communication sur le sujet et n’a pas, à notre connaissance, sanctionné les entreprises qui continuent à surveiller.
Cependant, dans ce document de 2020, la CNIL semblait condamner l’utilisation de TestWe en soulignant notamment que « n’apparaissent a priori pas proportionnés au regard de la finalité poursuivie :

  • les dispositifs de surveillance permettant de prendre le contrôle à distance de l’ordinateur personnel de l’étudiant (notamment pour vérifier l’accès aux courriels ou aux réseaux sociaux) ;
  • les dispositifs de surveillance reposant sur des traitements biométriques (exemple : reconnaissance faciale via une webcam). »

Or, si un système n’est pas proportionné, il devient purement illégal, et c’est clairement le cas ici.
Cependant, la CNIL semble aujourd’hui assouplir sa position. Elle vient ainsi, au moment de la publication de cet article, de publier un projet de recommandation sujet à consultation. Ce projet de recommandation promeut une interprétation très permissive du droit à la vie privée en donnant aux entreprises, et particulièrement à TestWe, le bon chemin pour mettre en place son système de surveillance hyper-intrusif (quelle base légale utiliser, comment justifier la reconnaissance faciale…).
Elle va jusqu’à déclarer quels traitements seraient, a priori et de facto, proportionnés.

Malgré l’illégalité de ces pratiques, TestWe continue pourtant, comme une grande partie des entreprises de la surveillance, à se faire de l’argent sur le dos des étudiant·es et de l’Université en contradiction frontale avec les plus élémentaires dispositions du droit à la vie privée et aux données personnelles.

TestWe, profiteur de crise sanitaire

Autre constat, surveiller les étudiant⋅es cela rapporte, et beaucoup. Si l’on s’en tient au chiffre d’affaires déclaré, TestWe aura plus que triplé son chiffre d’affaires entre 2019 et 2020, année du premier confinement, passant de 285.000 euros en 2019 à plus de 928.000 euros en 2020.

Non seulement cela rapporte en terme de chiffre d’affaires, mais cela aide aussi en terme d’investissement. TestWe ne s’est bien évidemment pas lancée toute seule. En juillet 2017, c’est la Banque Publique d’Investissement qui, avec d’autres acteurs financiers, a décidé d’investir dans la start-up en leur donnant 1,3 million d’euros pour lancer leur business sécuritaire. L’accroche ? Le gain de coût à organiser des examens en ligne, avec des robots, et non en salle avec des humain·es : « Avec la digitalisation, on peut diviser par 5 le nombre de personnes affectées à cette tâche ».

Et le succès ne faiblit malheureusement pas : si on en croit la page Linkedin de l’entreprise, ce sont plusieurs dizaines d »universités et d’écoles en majorité privées qui se mettent à utiliser ce système de surveillance biométrique.

Après quelques recherches cependant, il semblerait qu’une bonne partie des établissements du supérieur présents sur le site internet de TestWe n’utilise pas la télésurveillance de l’entreprise mais ont été des clients de la dématérialisation des examens. Seule trace, c’est l’UCLouvain, qui aurait fait l’expérience de la télésurveillance de TestWe lors d’un examen blanc et qui ne l’a pas retenu, évoquant même un « fiasco ».

De la surveillance au greenwashing

Le greenwashing est à la mode et les entreprises de la Technopolice prennent le train en marche ! En plus d’être discriminatoire, intrusif et déshumanisant, le contrôle imposé par TestWe rendrait « obsolète l’examen en salle dans la majorité des cas […] Les candidats sont de plus en plus réticents au stress et sensibles aux problèmes de transport et d’écologie. ». Mais derrière ce discours, les arguments ne tiennent pas : les questions écologiques seraient incompatibles avec le respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Il est tout de même aberrant de justifier la surveillance par un argument pseudo-vert, quand on sait les coûts incommensurables que représente le numérique dans la pollution des terres à l’autre bout du monde pour produire les objets technologiques, la quantité d’électricité requise dont la part consacrée au numérique est sans cesse en augmentation et, on imagine, tout ce qu’il est nécessaire pour rendre possible des solutions comme TestWe, les quantités de données, d’heures de vidéos conservées afin de surveiller en direct toutes les étudiant·e⋅s.

La lutte des étudiant⋅es contre l’enseignement technopolisé

C’est désormais à l’Institut d’études à distance de Paris 8 d’imposer ces logiciels invasifs, discriminatoires et illégaux et ce, sans aucun dialogue ni possibilité d’opposition de la part des personnes concernées. En effet, fin octobre, la direction de Paris 8 a annoncé aux étudiant·es à distance qu’iels devraient passer leurs examens de janvier sur TestWe sans donner aucune précision sur les modalités de mise en place de cette plateforme. En réaction, un collectif d’étudiant·es s’est rassemblé, a effectué un important travail de documentation du logiciel, de communication auprès des étudiant.e.s et a même lancé une action en justice. Ainsi, après avoir contacté la CNIL, saisi le Défenseur des droits, signé collectivement une lettre d’inquiétude à la direction, le collectif s’est cotisé pour faire appel à un avocat et a décidé de médiatiser l’affaire. Le Tribunal administratif de Montreuil a été saisi en référé pour faire suspendre les décisions de l’IED et enjoindre l’Université à revenir aux conditions initiales d’examen. Une requête au fond a également été déposée pour obtenir une décision plus pérenne.

La Quadrature a déposé une intervention volontaire dans ces recours et nous leur témoignons tout notre soutien ! Vous trouverez nos écritures .

Nous relayons des extraits de leur communiqué, expliquant la démarche des étudiants et étudiantes de l’IED. Vous pouvez en trouver la version complète ici.

La menace n’est même pas masquée : si TestWe n’est pas retenu, les examens se feront en présentiel et basculeront d’un système semestriel à un système annuel, privant par là-même les L3 de Droit et de Psychologie de candidature en Master. Ils perdraient donc une année. L’objectif de cette communication était bien évidemment de diviser les étudiants contre ceux qui ont exercé leurs droits, tout en évitant à la direction de remettre en question son fonctionnement illégal et liberticide.
L’objectif de l’action juridique est donc de suspendre les décisions illégales de l’IED et de leur faire injonction de revenir à ce qui était prévu en début d’année, à savoir : la passation des examens 2022-2023 à distance et sur la plateforme Moodle.
Il va également de soi que ces nouvelles conditions matérielles de passation des examens représentent une rupture d’égalité de traitement entre les étudiants, tout le monde ne pouvant pas se procurer le matériel à la dernière minute, ni contrôler la stabilité du réseau internet dont il dispose.
Les modalités d’usage imposées par TestWe constituent une véritable atteinte à la vie privée puisque les étudiants vont devoir se plier à une quarantaine d’interdits ou d’obligations liberticides à implémenter chez eux. Elles représentent également une atteinte à la protection des données, sachant que chacun devra désactiver tout pare-feu et anti-virus, laissant ainsi ses données exposées pendant que TestWe exploite les droits administrateurs. Enfin, elles ne ne se font pas dans le cadre d’un consentement libre : les CGU restent inaccessibles tant que le logiciel n’est pas installé. Les droits fondamentaux des individus sont également en jeu. Les personnes de confessions juives ou musulmanes sont impactées par l’obligation de garder tête, oreilles et cou découverts. Par ailleurs, le fait d’être pris en photo toutes les trois secondes porte directement atteinte au droit de l’image. Enfin, plusieurs interdictions totalement disproportionnées (comme, par exemple, manger, aller aux toilettes ou détourner les yeux de l’ordinateur) ne respectent pas la dignité humaine.
Certains étudiants se retrouvent dans des conditions particulièrement difficiles. Nous sommes notamment sensibles aux difficultés des étudiants en situation de handicap, ainsi qu’à tous les étudiants, largement majoritaires, pour qui l’IED représente leur unique chance de faire ces études.


Ces tentatives de nous imposer une télésurveillance liberticide, non respectueuse de la vie privée, de la protection des données personnelles et des contrats pédagogiques que nous avons signés, sont le reflet de l’absence de considération de l’IED envers ses étudiants. Nous ne nous laisserons pas faire.

Paris 2024 : les olympiades sécuritaires du gouvernement

Par : alouette
29 novembre 2022 à 07:45

À moins de deux ans des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, et à un an de la Coupe du Monde de masculine de rugby présentée comme une sorte de « répétition générale » d’un grand événement sportif en France, où en sommes-nous des projets sécuritaires des décideurs publics ?

Les Jeux Olympiques de 2024 sont un accélérateur de surveillance, un prétexte pour déployer une vitrine sécuritaire des industriels français, qui contribue à renforcer les prérogatives et le nombre des agents de sécurité. Le sécuritarisme qui entoure les JO ne sera pas circonscrit à ces derniers, « l’Héritage » de sécurité des JO est déjà prévu par le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO). Objectif : faire perdurer les investissement déployés pour les JO et la Technopolice qui vient avec. C’est ce qu’on nomme « l’effet cliquet » c’est-à-dire qu’un événement particulier justifie des mesures exceptionnelles qui, ensuite, ne seront plus remises en cause et sans retour en arrière possible.
Après avoir fait un premier état des lieux de cette frénésie sécuritaire, les nombreuses et récentes annonces concernant les Jeux Olympique imposaient une mise à jour des velléités du gouvernement.

Les Jeux olympiques, le prétexte pour légaliser la vidéosurveillance algorithmique

Les grands événements sportifs sont depuis toujours des accélérateurs de surveillance et les Jeux Olympiques de Paris ne sont pas en reste. Quelle meilleure occasion pour tenter de faire rentrer dans la loi des dispositifs aujourd’hui illégaux ? Après avoir envisagé de légaliser la reconnaissance faciale pour l’occasion, c’est la vidéosurveillance algorithmique (VSA) qui semble avoir été choisie par les organisateurs.

Ainsi, comme l’a annoncé le ministre Darmanin lors d’une audition au Sénat, au début de l’année 2023 une « loi sur les Jeux Olympiques » sortira des cartons. L’objectif sera de légaliser la vidéosurveillance algorithmique, c’est-à-dire la détection par logiciel d’événements et de comportements dits « suspects ». Une occasion pour les entreprises françaises de montrer leur savoir-faire en matière de répression, et pour le gouvernement de déployer une technologie encore illégale, mais dont les offres commerciales sont déjà très présentes. En même temps, une mission d’information de l’Assemblée Nationale auditionne des acteurs (entreprises privée comme Datakalab et organismes publics comme la CNIL, ou la Préfecture de police de Paris) sur « les enjeux de l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l’insécurité ». On sent bien qu’il y a dans l’air une volonté d’accélérer et de de donner une assise légale à l’installation de ces technologies.

Or la VSA est tout aussi dangereuse que la reconnaissance faciale, toutes deux recourant à de l’analyse biométrique, c’est-à-dire à la détection de corps pour repérer ou identifier une personne, comme nous le développions ici ou comme le reconnaît le Défenseur des Droits. La légalisation de la VSA et donc les JO seront surtout l’occasion de déployer toujours plus de caméras de vidéosurveillance. Ainsi aux 4171 caméras de vidéosurveillance déjà déployées par la ville de Paris, l’Intérieur compte en rajouter pas moins de 1000, ainsi que 500 à Saint Denis et 330 à Marseille (où se dérouleront les épreuves nautiques). En tout, ce sont pas moins de 15 000 caméras supplémentaires qui vont être déployées pour les JO et la Coupe du Monde de Rugby, pour 44 millions d’euros via les « plans Zéro Délinquance ». La vidéosurveillance algorithmique et les Jeux sont une nouvelle occasion pour étendre le parc de surveillance de l’espace public.

Les Jeux sont aussi une étape pour travailler l’acceptation par la population de telles technologies. Ainsi, l’état d’exception créé par les Jeux olympiques permet de faire passer des lois sécuritaires qui resteront par la suite, comme l’explique Jules Boykoff. Depuis le début de la campagne Technopolice, des entreprises et villes de France expérimentent illégalement la VSA. L’opportunité que représentent les JO 2024 permet de passer à l’étape suivant : légaliser ces technologies, d’abord pour un grand événement exceptionnel, ensuite pour les généraliser. C’est tout ce travail d’acceptabilité, de réception sociale par la population de ces technologies qui se joue avec les Jeux Olympiques

Les autres projets du ministère de l’intérieur : de la répression pour les habitant·es d’île-de-France

Un centre de renseignement olympique, prévu par la loi olympique de 2018, a été créé courant 2022, regroupant les services de renseignements. Son objectif : « En collaboration avec la police judiciaire, les agences de renseignement vont aussi maintenir la surveillance de tout individu suspect et de groupes qui pourraient représenter une menace pour la sécurité nationale et le bon déroulement des Jeux. » est-il écrit dans le dossier de candidature de la ville.

La menace terroriste est abondamment évoquée pour justifier le déploiement de tout cet arsenal sécuritaire. Darmanin parle des « terroristes islamistes, de l’ultra-droite et de l’ultra-gauche ». Et affirme que les renseignement feront un «  effort » en amont pour « maîtriser » ces personnes au moment des JO. Ce n’est pas sans rappeler la COP21 en 2015, où nombre de militants et militantes écolos s’étaient vus perquisitionnés, arrêtés pour certains et assignés à résidence peu avant le début de l’événement. A cette époque, le gouvernement avait profité de l’État d’Urgence pour mettre en place ces mesures répressives, depuis elles sont rentrées dans le droit commun.

Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs annoncé lors de son audition au Sénat qu’il allait bientôt débuter un « plan zéro délinquance  » dont 3500 des 5500 opérations policières prévues se dérouleront en Île-de-France afin de « harceler et nettoyer la délinquance » dixit Darmanin. Comme c’est le cas lors de grands événements, l’État français en profite pour justifier un harcèlement des populations qui ont le malheur de vivre là où vont se dérouler les jeux…

L’enjeu de la sécurité privée pour les Jeux : polices partout

Dans cet article, le journaliste Thomas Jusquiame revient sur la naissance de la sécurité privée au XIXème siècle en France, où la police embauchait des mouchards, sorte d’auxiliaires de police chargés de les renseigner sur les agissements des malfrats parisiens. Et retrace l’institutionnalisation de cette sécurité privée jusqu’à aujourd’hui, où le Livre Blanc de la sécurité intérieure leur offre une consécration à travers le fameux concept de « continuum de la sécurité privée ». « Moralisée, intégrée, contrôlée, protégée, alimentée, organisée, la sécurité privée n’a jamais paru autant en harmonie avec les forces de répression régaliennes. » (ibid)

En ce qui concerne les JO, la peur d’un scénario similaire à celui du Royaume-Uni en 2012 plane. L’entreprise de sécurité privée mandatée par l’État les avait lâchés trois semaines avant le début des Jeux par manque d’agents et le gouvernement britannique avait dû recourir à l’armée. En France, à deux ans des JO et un an de la Coupe du monde de Rugby, les 25 000 à 30 000 agents de sécurité privée demandés par le COJO manquent toujours à l’appel.

La sécurité privée constitue donc un des grands enjeux de l’organisation de ces Jeux Olympiques. Se pose tout d’abord le problème du recrutement : le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité) tente de rendre ce métier attractif, à travers des formations payées par l’État, des appels personnalisés de tous les chômeurs et chômeuses d’île-de-France pour les convaincre d’entreprendre une formation, un ciblage des étudiants et étudiantes (ils semblent être en demande de personnel « féminin » pour réaliser les fouilles). La peur d’un manque d’agents se fait sentir.

Parce qu’aux difficultés de recrutement s’ajoute celle de la « menace intérieure », c’est-à-dire de personnes qui souhaiteraient intégrer les forces de sécurité pour nuire. A ce titre le SNEAS (Service national des enquêtes administratives de sécurité) prévoit de réaliser pas moins d’un million d’enquêtes administrative en vue des JO, dont la grande majorité concerneront le recrutement d’agents de sécurité privé. Car le COJO a d’ores et déjà annoncé en septembre 2022 avoir refusé entre 100 et 200 personnes fichées S. Une bonne manière de se rendre compte du fichage massif de la population. Darmanin propose même que dans ce projet de loi olympique soit inscrit le fait que les agents de sécurité privée puissent être dotés de caméras piétons.

Les Jeux olympiques confirment la tendance à l’intégration de la sécurité privée en tant que force de police institutionnalisée et bras armé de l’État. L’augmentation de ses effectifs et de ses prérogatives en vue des jeux olympiques s’incarne dans la tendance du tout-sécuritaire de l’espace public.

Des expérimentations aux appels d’offre : le perfectionnement de la souveraineté technopolicière française

Afin d’être sûrs que les technologies employées pour les jeux olympiques de 2024 fonctionnent, les industriels réalisent des expérimentations lors de divers événements sportifs dont la Coupe du Monde de Rugby de 2023, qui sera une sorte de répétition générale. Certaines ont déjà eu lieu mais nombre d’entre elles devraient encore être testées avant la fin de l’année 2022. Elles ont été mises en œuvre par les entreprises ayant répondu aux Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) uivants : « Dans le cadre d’un programme d’expérimentation de technologies par les services de sécurité du ministère de l’Intérieur. Les solutions recherchées portent sur des moyens de commandement, la vidéo dite « intelligente », l’OSINT, la surveillance aéroportée ou encore la cybersécurité », le tout avec un budget de 21,5 millions d’euros, uniquement pour les tests. Au moins 80% de ces « solutions » seront françaises affirme fièrement le préfet Olivier de Mazières, délégué ministériel aux partenariats, aux stratégies et aux industries de sécurité (DPSIS) Déjà plus de 144 expérimentations ont été menées sur une cible finale de 180 expérimentations, et qu’elles ont mobilisé 131 sociétés identifiées comme françaises.
On pense à la reconnaissance faciale testée à Rolland Garros par Thalès, ou encore à la start-up Two-I qui avait voulu identifier les visages des personnes interdites de stade souhaitant rentrer au stade de Metz en 2020 et qui avait reçu un avertissement de la CNIL pour ce projet. Tout comme la coupe du monde au Qatar, le sport et ses supporters semblent être un terrain d’expérimentation privilégié de la technopolice. Coupe du monde où l’on retrouve des grands groupes français comme Thalès chargés de déployer des algorithmes de reconnaissance automatique de comportements anormaux…

Pour Paris 2024, des financements de la recherche, accordés aux expérimentations en amont puis aux tests grandeur nature lors des Jeux, permettent aux industriels de la technopolice de se perfectionner et de devenir plus compétitif au niveau international. Comme le montre Myrtille Picaud, les JO constituent une sorte de catalyseur pour structurer et renforcer la filière des industriels de la sécurité française. L’occasion est trop belle pour ces entreprises, que ce soit des multinationales comme Thalès ou des start-up comme Two-I ou XXII : le marché de la sécurité français leur est offert sur un plateau d’argent. Le champ est libre, du maintien de l’ordre et de la répression policière en France à la vente de ces armes technologiques à l’étranger.

Cette tendance au tout sécuritaire s’inscrit dans une augmentation sans vergogne de tous les budgets ayant trait à la sécurité, et aux technologies de surveillance. Tout comme le ministère de l’Intérieur voit son budget augmenter de pas moins de 15 milliards d’euros, l’inclinaison est similaire pour le budget sécurité des jeux olympiques. D’abord prévu à 182 millions d’euros, celui-ci est passé à 295 millions d’euros et risque de s’accroître encore. Pas de fin de l’abondance pour la surveillance et la répression !

Les JO 2024 apparaissent comme un accélérateur de surveillance et de tendances sécuritaires déjà présentes. Ils représentent une « occasion », un prétexte, comme bien d’autres méga-événements auparavant, afin de justifier le déploiement de mesures présentées comme exceptionnelles. Mais ces choix s’inscrivent en réalité dans une logique de long terme, destructrices de droits mais aussi de mode de vie, d’habitat, d’environnement, comme le démontre depuis plusieurs années maintenant le collectif Saccage 2024.
Ces derniers appellent à un rendez-vous le dimanche 11 décembre, devant le siège du COJO, la veille du conseil d’administration, pour « faire la fête » au Comité d’Organisation des JO et leur montrer notre désaccord autour d’un goûter. Plus d’info ici. Luttons contre les JO et le monde sécuritaire qu’ils amènent avec eux !

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