Dans ce quatriĂšme volet du processus de dĂ©googlisation de la ville dâĂchirolles (si vous avez manquĂ© le dĂ©but) Nicolas Vivant aborde le complexe problĂšme de la fracture numĂ©rique, qui demande dâaller au-delĂ de la mĂ©diation pour trouver des structures et des moyens adaptĂ©es aux pratiques diverses des citoyens : la stratĂ©gie numĂ©rique doit aller de pair avec lâaction sociale.
DĂ©googlisation dâĂchirolles, partie 4 : lâinclusion numĂ©rique
La fracture numĂ©rique : un symptĂŽme parmi dâautres
Avec 36 % de logements sociaux et 3 quartiers « politique de la ville » Ăchirolles est, sans nul doute, une ville populaire. Plusieurs Ă©tudes sur les difficultĂ©s liĂ©es au numĂ©rique ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es sur notre territoire : lâune par notre CCAS (2019), lâautre par un cabinet indĂ©pendant (2020-2021). Si elles nâont pas montrĂ© de situation spĂ©cifique Ă notre commune, elles ont permis de mesurer lâĂ©tendue des problĂ©matiques quâil est indispensable de travailler.
Quelles sont les populations qui rencontrent des difficultés avec le numérique ?
- Les personnes ùgées ;
- les personnes en situation de précarité sociale ou financiÚre ;
- les personnes ne maßtrisant pas bien la langue française ;
- les jeunes qui possĂšdent les outils, mais ne maĂźtrisent pas les usages ;
- les personnes en situation de handicap ou qui souffrent de pathologies.
Notre CCAS adresse avec sĂ©rieux lâensemble de ces enjeux. Nos maisons des habitants (anciennement « centres sociaux ») jouent un rĂŽle majeur dans leur prise en charge, partout sur le territoire communal. Des Ă©quipes existent, avec qui il nâest pas envisageable de ne pas travailler. Pour autant, dans un effort de cohĂ©rence avec le schĂ©ma directeur « Ăchirolles numĂ©rique libre », nos Ă©lus et notre direction gĂ©nĂ©rale ont choisi de rattacher lâinclusion numĂ©rique Ă la DSCN (Direction de la StratĂ©gie et de la Culture NumĂ©riques).
Conclusion : la fracture numĂ©rique nâest pas un problĂšme en tant que tel. Câest un symptĂŽme dâenjeux sociaux qui doivent rester prioritaires dans lâaide apportĂ©e Ă nos habitants. Traiter la fracture numĂ©rique sans prendre en compte les problĂ©matiques sous-jacentes serait un pansement sur une jambe de bois. Un travail en transversalitĂ© est indispensable.
La médiation comme unique solution ?
Les Ă©tudes rĂ©alisĂ©es ont Ă©galement montrĂ© que les difficultĂ©s rencontrĂ©es par notre population ne se limitaient pas aux usages. Un vĂ©ritable effort dâinclusion numĂ©rique nĂ©cessite dâadresser 6 grands domaines :
1. LâaccĂšs au matĂ©riel (PC, smartphones, systĂšmes dâimpression) ;
2. lâaccĂšs Ă une connexion internet de qualitĂ© ;
3. la formation technique ;
4. lâinformation, lâĂ©ducation populaire aux grands enjeux du numĂ©rique ;
5. lâassistance aux usages, lâaccĂšs au droit ;
6. le support matériel.
Les efforts de lâĂtat et des collectivitĂ©s sur lâinclusion numĂ©rique reposent principalement sur la mĂ©diation numĂ©rique (les points 3, 4 et 5, donc). Dans le cadre du plan « France Relance », par exemple, lâANCT (Agence Nationale de CohĂ©sion des Territoires) finance depuis 2021 le recrutement de « Conseillers NumĂ©riques France Services » dans les associations ou les collectivitĂ©s territoriales. Des « Maisons France Services » et des « Bus France Services » Ă©maillent Ă©galement nos rĂ©gions.
Pour les autres points (1, 2 et 6), seul le secteur privĂ© se positionne. On connaĂźt, par exemple, le travail dâassociations comme EmmaĂŒs Connect pour la mise Ă disposition de smartphones et de cartes SIM prĂ©payĂ©es, mais seuls les publics en grande prĂ©caritĂ© sont adressĂ©s.
La mise Ă disposition, dans les communes, dâaccĂšs publics, permet de rĂ©pondre, en partie, aux problĂ©matiques du manque de matĂ©riel et dâaccĂšs Ă internet. LâaccĂšs aux tĂ©lĂ©services mis Ă disposition (et souvent rendus obligatoires) par lâĂ©tat et les grandes structures compĂ©tentes dans le domaine social, est possible depuis ce type de lieu. Mais la dimension intime de lâaccĂšs au numĂ©rique nâest pas prise en compte : on ne contacte pas sa grand-mĂšre (ou sa compagne) en visioconfĂ©rence depuis un lieu public. On ne regarde pas une sĂ©rie ou un match de foot depuis une maison des habitants.
Sans faire lâeffort de mettre Ă la disposition des publics fragiles du matĂ©riel et une connexion Ă internet de qualitĂ© Ă domicile, on ne pratique pas une vĂ©ritable inclusion : ceux qui ont les moyens disposent dâaccĂšs dans des conditions confortables et dans lâintimitĂ©, les autres doivent sortir, par tous les temps, pour bĂ©nĂ©ficier dâun accĂšs au numĂ©rique limitĂ©, Ă des horaires quâils ne peuvent pas choisir et sous le regard de leurs concitoyens.
La mĂ©diation numĂ©rique ne peut constituer, Ă elle seule, un dispositif dâinclusion numĂ©rique efficace et complet. Un travail plus ambitieux est indispensable. Nous essayons de nous y atteler (et ce nâest pas simple).
Lâinclusion Ă lâĂ©chirolloise
LâaccĂšs au matĂ©riel
Pour la mise Ă disposition de matĂ©riel pour ceux qui en ont le plus besoin, la ville a choisi de sâappuyer sur une association Ă©chirolloise rĂ©cente : PC solidaire (site en cours de dĂ©veloppement au moment oĂč cet article est rĂ©digĂ©). Le processus est en cours de crĂ©ation : notre DSI remettra son matĂ©riel usagĂ© Ă cette association, qui se chargera de le reconditionner et de le remettre gratuitement, via les maisons des habitants, aux bĂ©nĂ©ficiaires.
Lâassociation a eu lâexcellente idĂ©e de se pencher sur le schĂ©ma directeur de la ville et a choisi, librement, de sâen inspirer. Le systĂšme dâexploitation par dĂ©faut devrait donc ĂȘtre le mĂȘme que celui est en cours de dĂ©ploiement : Zorin OS.
LâaccĂšs Ă internet
Câest le point le plus difficile Ă travailler, et de loin. Lâoffre Ă©tant exclusivement privĂ©e, nous essayons de nĂ©gocier avec les FAI (fournisseurs dâaccĂšs Ă internet) la mise en place dâune solution trĂšs abordable Ă destination des bĂ©nĂ©ficiaires de logement sociaux. Des discussions sont en cours, mais aujourdâhui aucune offre vĂ©ritablement satisfaisante nâest en place. Seule proposition (pas suffisamment) connue, Ă destination des populations bĂ©nĂ©ficiant des minima sociaux, celle dâOrange, « Coup de pouce Internet », Ă 15,99âŹ/mois.
La formation, lâinformation et lâassistance
GrĂące Ă un financement de lâANCT, la Ville et son CCAS ont pu, en 2021, recruter 4 conseillers numĂ©riques. Ils interviennent dans les maisons des habitants, les bibliothĂšques et la maison des associations. SpĂ©cialisĂ©s dans la mĂ©diation numĂ©rique et formĂ©s dans le cadre du dispositif de lâĂtat ils rĂ©alisent, depuis juillet 2021, des accompagnements individuels, des ateliers et des sessions de formation. Malheureusement, lâĂtat annonce une baisse des financements et ces emplois sont menacĂ©s. Nous travaillons donc Ă la mise en place dâun nouveau dispositif, pĂ©renne cette fois-ci, et qui ne dĂ©pendra pas de financements extĂ©rieurs.

Quelques-uns de nos conseillers, au travail dans une MDH
Dâautres initiatives existent Ă Ăchirolles depuis des annĂ©es : « Les Ă©crans, parlons-en ! », par exemple. Conçu par le service « Ă©ducation » de la ville en lien Ă©troit avec le CCAS, ce dispositif part du principe quâune bonne hygiĂšne numĂ©rique passe aussi par lâĂ©loignement raisonnĂ© des Ă©crans.
Mais encore ?
La ville a choisi de ne pas limiter son aide aux seuls habitants, mais aussi aux nombreuses associations qui animent le territoire (â https://asso-echirolles.fr). Notre tissu associatif est riche de ses bĂ©nĂ©voles, dynamique et innovant dans ses actions. Sa contribution au « vivre ensemble » est majeure. LâĂ©tude « Ăchirolles numĂ©rique » de 2021 a montrĂ© que lâaccĂšs aux ressources numĂ©riques Ă©tait trĂšs variable en fonction des associations. Nous avons donc dĂ©cidĂ© de leur apporter une aide sur deux volets : la crĂ©ation de sites web et (dans un second temps) la mise Ă disposition dâoutils numĂ©riques de gestion associative.
Le principe est simple : la DSI de la ville prend en charge lâhĂ©bergement, crĂ©e un sous-domaine dĂ©diĂ© Ă lâassociation, installe un CMS (systĂšme de gestion de contenu) libre et gĂšre les mises Ă jour (CMS, thĂšmes, extensionsâŠ) et les sauvegardes. 6 ateliers de formation sont organisĂ©s pour apprendre Ă crĂ©er son contenu et Ă faire vivre le site. Ă lâissue de ces ateliers, lâassociation administre son site en autonomie. En cas de problĂšme, un forum permet dâĂ©changer avec le formateur et les autres associations qui bĂ©nĂ©ficient du dispositif. Le point fort : si les personnes en charge du site ne sont plus en mesure de sâen occuper, un retour en atelier est toujours possible pour quâune nouvelle Ă©quipe sâen saisisse.
Inclusion vs dégooglisation
LâefficacitĂ© du dispositif dâinclusion numĂ©rique de la ville repose sur deux piliers principaux : le schĂ©ma directeur, boussole technique et politique de nos choix, et le travail en transversalitĂ©, qui garantit une prĂ©sence partout sur le territoire et la prise en compte de la problĂ©matique dans sa globalitĂ©. RattachĂ© Ă la direction du numĂ©rique, il permet une action cohĂ©rente Ă lâĂ©chelle de la ville.
Ce lien entre action sociale et stratĂ©gie numĂ©rique est lâune des forces dâĂchirolles. Il est lâun des Ă©lĂ©ments qui permettent de faire rayonner le schĂ©ma directeur Ă lâĂ©chelle de la commune, et pas seulement en interne. Mais une autre façon dâagir (et surtout dâinteragir) au delĂ sur pĂ©rimĂštre de la ville existe. Elle fera lâobjet du cinquiĂšme et dernier article de cette sĂ©rie.
â LâĂ©pisode 1 (structuration)
â LâĂ©pisode 2 (transformation)
â LâĂ©pisode 3 (solutions)
â LâĂ©pisode 4 (vous ĂȘtes ici)
â LâĂ©pisode 5 (fĂ©dĂ©ration)
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