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Agir contre les appels commerciaux

Sans aucun doute suite à une erreur de votre part, selon les spammeurs, vous avez laissé cochée une case autorisant la transmission de vos coordonnées à des « partenaires », et voilà que vous recevez des appels commerciaux non sollicités. En France, plusieurs dispositifs permettent de prévenir ces appels (pour d’autres pays, on laisse les francophones compléter dans les commentaires).

Sommaire

Bloctel

Créée en 2016 pour succéder à divers dispositifs pré-existants qui étaient censés limiter le spam téléphonique (liste orange pour interdire l’utilisation de l’annuaire pour collecter un numéro de téléphone, liste Pacitel respectée au bon vouloir des sociétés de démarchage), la plateforme Bloctel permet d’inscrire des numéros dans une liste gérée par un organisme indépendant (tout du moins depuis 2021, auparavant le service était géré par les démarcheurs eux-mêmes…). Les sociétés de démarchage ont l’obligation de transmettre leur liste de prospects à l’organisme, qui les expurgera des numéros dont les titulaires ont demandé le blocage. Une fois son compte créé sur Bloctel, on peut :

  • inscrire ou réinscrire des numéros dans la liste (cette inscription est à renouveler tous les 3 ans),
  • désinscrire des numéros précédemment inscrits,
  • signaler tout appel commercial reçu malgré son inscription dans la liste.

Maintenir sa propre liste de démarcheurs

Les ordiphones proposent tous une fonctionnalité de blocage de numéros de téléphone pour lesquels on ne veut pas être contacté. À chaque appel, on peut donc ajouter un numéro dans sa liste de blocage. Cependant, si on n’a pas répondu au téléphone il est difficile de savoir si l’appel manqué était légitime ou non, et donc s’il faut bloquer le numéro ou le rappeler… pour savoir ce qu’il en est, on peut chercher le numéro de téléphone directement dans un (meta-)moteur de recherche, on se verra proposer de nombreux sites qui offrent un espace de commentaires pour chaque numéro.

L’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a publié le 1ᵉʳ septembre 2023 une liste de numéros que les démarcheurs sont obligés d’utiliser pour émettre des appels : si on reçoit un appel depuis un de ces numéros, on peut considérer que c’est du spam. Cela concerne les numéros commençant par 0162, 0163, 0270, 0271, 0377, 0378, 0424, 0425, 0568, 0569, 0948 ou 0949 en zone +33 (France métropolitaine), 09475 en zone +590 (Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy ), 09478 ou 09479 en zone +262 (La Réunion, Mayotte et autres territoires de l’Océan Indien), 09476 en zone +594 (Guyane) et 09477 en zone +596 (Martinique).

Utiliser une application

Des applications peu transparentes

Il existe dans les magasins d’applications des téléphones Android et Iphone de multiples applications proposant qu’à chaque appel reçu son téléphone aille interroger une base de données sur le web pour identifier s’il s’agit d’un appel commercial puis d’agir en conséquence (rejet de l’appel par exemple). Chaque application peut cumuler plusieurs défauts, comme :

  • être elle-même initiatrice de publicité sur le téléphone (il est dommage de remplacer une forme de spam par une autre…),
  • nécessiter des droits démesurés sur le téléphone (à charge pour l’utilisateur de modifier ces droits si son téléphone et l’application le permettent),
  • manquer de transparence : toutes les informations des appels sont envoyées sur internet, ces données risquent d’être exploitées par d’autres démarcheurs,
  • consommer trop de batterie : l’application nécessite d’être exécutée en arrière plan, la consommation de batterie est donc continue et l’effet peut être significatif en ce qui concerne l’autonomie du téléphone.

L’application SpamBlocker

Les utilisateurs d’ordiphones basés sur AOSP (android, /e/, lineageOS, replicant, etc.) peuvent utiliser l’application SpamBlocker qui simplifie le blocage de numéros de téléphone en masse. Il s’agit d’un logiciel libre disponible gratuitement dans le dépôt par défaut de f-droid qui nécessite une liste restreinte de droits, qui n’incluent notamment pas l’accès à internet afin que vos informations personnelles restent en local sur le téléphone. Le blocage en masse de préfixes entiers de numéros de téléphones est rendu possible par la prise en compte des expressions rationnelles, par exemple si on ne veut pas être dérangé en Martinique, il suffit de mettre dans la liste noire l’entrée 5969477.* (les numéros doivent être saisis format international), et décider ce qu’on en fait (rejeter, laisser sonner dans le vide, décrocher/raccrocher). Voici la configuration à mettre en place pour la France métropolitaine :

capture d’écran de la configuration de SpamBlocker incluant tous les numéros de France métropolitaine

À l’usage, il n’est pas apparu de baisse d’autonomie d’un téléphone utilisant cette application.

Et les SMS ?

Les fonctionnalités de blocage des appels intégrées aux téléphones et à SpamBlocker peuvent aussi s’appliquer aux SMS. Il existe des plages de numéros de téléphone virtuels qu’il peut être tentant de bloquer, mais cela présente un risque de blocage de messages légitimes provenant d’utilisateurs d’applications utilisant de tels numéros. Il n’y a pas (encore ?) en France de norme en ce qui concerne les numéros de démarcheurs par SMS, il est cependant possible :

  • d’être désinscrit de la liste d’un démarcheur en envoyant « STOP » au numéro émetteur d’un de ses SMS,
  • de signaler un spam en transférant le message gratuitement au 33700 (on recevra par la suite un message demandant de préciser l’émetteur et l’heure du message).

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Retour d’expérience sur l’utilisation de GrapheneOS (ROM Android libre)

Suite à la dépêche Comparatif : GrapheneOS vs LineageOS, je souhaitais faire part d’un retour d’expérience sur l’utilisation de GrapheneOS sur un téléphone Android Pixel 7a. Ce commentaire est repris ici sous forme de dépêche.

    Sommaire

    Le point de départ est celui d’un utilisateur sensible aux logiciels libres mais qui utilise un téléphone Android Samsung « comme tout le monde », avec :

    • Utilisation du Google Play Store, avec un compte Google personnel
    • Utilisation d’un compte Google professionnel
    • Utilisation du Samsung store, avec un compte Samsung
    • Utilisation d’une montre connectée Samsung avec appli Samsung health

    L’utilisateur a déjà expérimenté par le passé les solutions suivantes :

    • UbuntuOS (abandonné rapidement par manque d’applications)
    • LineageOS, avec Micro-G + « signature spoofing » pour permettre l’installation des applications bancaires

    PixelOS

    Installation

    La mise en œuvre du système « stock » installé sur le smartphone est très facile et simple d’utilisation. Les téléphones Pixel proposent des fonctionnalités « avancées » spécifiques qui sont proposées au démarrage, avec à chaque fois le jeu de « voulez-vous activer cette fonctionnalité ? Si oui, acceptez le contrôle des données suivantes… »
    On est dans un environnement full google, donc avec quelques habitudes à changer me concernant venant d’un environnement Samsung (la surcouche de l’OS est différente).

    Interface

    Launcher Pixel avec une barre de recherche Google qui ne peut pas être enlevée (The search bar cannot be removed from the bottom of the home screen, it's part of the Pixel Launcher https://support.google.com/pixelphone/thread/133065648/is-there-any-way-to-remove-the-google-search-bar-from-the-home-screen?hl=en), sinon tout est fluide / "beau"

    Fonctionnalités spécifiques/avancées de PixelOS

    • Déblocage du téléphone par reconnaissance faciale (probablement un cauchemar en termes de privacy, mais je pourrais comprendre pourquoi une personne lambda souhaiterait activer ce service)
    • « Double tap » au dos du téléphone pour lancer une action (dans mon cas : la lampe torche)
      • On peut utiliser Torchie pour une fonctionnalité proche (https://f-droid.org/fr/packages/in.blogspot.anselmbros.torchie/)
      • Les fonctions d’urgence « avancées » fournies par l’application « sécurité personnelle » (https://play.google.com/store/apps/details?id=com.google.android.apps.safetyhub&hl=fr&gl=US)
      • L’application est disponible sur le playstore mais ne fonctionne pas sur GrapheneOS
      • Il existe une fonction d’urgence « de base » dans GrapheneOS (AOSP ?) (appuyer 5x sur power pour lancer un appel d’urgence vers le 112)
      • Dans PixelOS, il y a un conflit de raccourcis entre « appuyer 5x sur power pour lancer un appel d’urgence » et l’option « appuyer 2x pour lancer l’appareil photo » (quand les deux sont activées : l’appareil photo prend le dessus)
    • Paiements NFC (non accessibles sur GrapheneOS)
      • Certaines applications de paiement autres que Google Wallet peuvent fonctionner (par ex. Paylib)
    • Fonctionnalité « bien être numérique », notamment le fait de passer l’écran en noir & blanc à partir d’une certaine heure pour tenter de limiter le temps devant les écrans. L’application existe dans le Play Store (https://play.google.com/store/apps/details?id=com.google.android.apps.wellbeing&hl=fr&gl=US) mais impossible à retrouver depuis le client Play Store sur le téléphone.
      • Il existe probablement des alternatives

    GrapheneOS

    Installation

    Procédure d’installation web très simple et rassurante. C’est la première fois que je me verrai recommander ce type d’install à un utilisateur non technique (alors que la procédure d’install de LineageOS - à l’époque ou j’ai essayé - est complexe et obscure, avec le risque de se planter à plusieurs étapes).

    Interface

    • Le bureau par défaut est très minimaliste et pas très accueillant (je sais que cela peut paraître peu important, mais le fond noir + icônes en noir & blanc peut rebuter / n’est pas aussi accueillant que le système de base).
    • Le clavier par défaut m’a dérangé (après des années à utiliser le clavier Gboard), surtout pour l’écriture « swipe » (que je pratique souvent quand j’écris un message à une main).

    Applications et « stores »

    Pour le Store Google, il est possible d’installer plusieurs « briques » de l’éco-système :

    • Google Services Framework (GSF), dont dépendent :
      • Google Play services + Google Play Store (interdépendants) On peut donc choisir : rien du tout, GSF pour les applis qui en dépendent, ou les trois.

    Gestion des autorisations

    • Les possibilités sont très fournies = positif (permet de limiter les accès réseau, les accès stockage)
    • Les possibilités sont très fournies = complexe à gérer : il faut se poser des questions / passer du temps à configurer les choses.
      • Exemple : la synchronisation des contacts Google ne se fait pas sans la permission « Contacts » dans l’appli « Google Services Framework ».

    Séparation des usages

    Il existe deux approches possibles de séparation des usages :

    • Utilisation d’un « user profile » : il s’agit d’un profil complètement distinct. On peut passer de l’un à l’autre assez facilement. Les deux profils ne peuvent pas se parler, sauf via les notifications croisées (https://www.youtube.com/watch?v=WjrANjvrSzw)
    • Utilisation d’un « work profile » : ici on utilise un seul profil, mais à l’intérieur duquel on vient activer la fonctionnalité « work profile » d’Android pour séparer les usages (via une application tierce telle que Shelter, https://www.youtube.com/watch?v=20C0FD7mGDY pour une explication détaillée)

    Détail des approches suivies

    1ʳᵉ approche

    • Profil « owner » avec Shelter
      • Profil « Personnel » = pas de services Google
      • Profil « Professionnel » = Services Google avec compte personnel
    • 2ᵉ Profil « Travail » = Services Google avec compte professionnel

    Ce qui bloque : je voulais utiliser la fonctionnalité « work profile » d’Android avec Shelter pour isoler mon compte Google personnel. Hors c’est ce compte qui jusqu’ici synchronise les contacts. Les applications par défaut de GrapheneOS ne gèrent pas cette synchro (autrement que via import/export manuel, ou alors je n’ai pas trouvé comment). Si on veut quelque chose qui s’intègre tout seul il faut passer par les applications Google de Téléphone/Contacts/Calendrier. Hors ces applications ne peuvent pas devenir « applications par défaut » (pour remplacer celles existantes de GrapheneOS) dans le « work profile », c’est le profil personnel qui gère cette configuration.

    2ᵉ approche (test en cours)

    • Profil « owner » (unique, sans Shelter) = Services Google avec compte personnel
    • 2ᵉ Profil « Travail » (unique, sans Shelter) = Services Google avec compte professionnel

    Ce qui bloque : j’utilise le téléphone à la fois pour le pro & perso, sauf que le fait d’avoir deux profils implique de jongler systématiquement entre les deux profils. Trop compliqué au quotidien.

    3ᵉ approche (d’ici une semaine)

    • Profil « owner » avec Shelter
      • Profil « standard » = Services Google avec compte personnel
      • Profil « work » = Services Google avec compte personnel

    Détails : utilisation sans les services Google

    Synchronisation des contacts & agendas

    La première problématique c’est la synchro des contacts et des agendas. Pour se passer de Google sur ce point, il faut mettre en place au préalable un service de partage de contact / agenda :

    Bref c’est un projet en tant que tel, pas forcément à la portée de tous

    Quid des applications non libres hébergées sur le play store

    À ce stade, pour accéder à d’éventuelles applications uniquement présentes sur le Play Store, il est possible de :

    • passer par l’application Aurora
    • passer par apkmirror pour les télécharger une à une

    Cependant, de nombreuses applications du Play Store requièrent l’installation du Google Services Framework (« GSF ») pour fonctionner.

    Me concernant, j’ai la liste suivante d’applications que j’ai pu récupérer par ce biais (et qui fonctionnent sans GSF) :

    • Appli Banque (SG)
    • Paiement NFC via Paylib (pas encore testé « en vrai » mais l’appli s’installe sans broncher)
    • Deezer (musique)
    • Somfy (alarme)
    • NetAtmo (thermostat connecté)
    • Doctolib (Santé)
    • Appli mutuelle (Alan)
    • Freebox connect (utilitaire freebox)
    • Wifiman (utilitaire réseau)

    Certaines applications nécessitent le GSF, c’est le cas notamment de :

    Détails : Utilisation avec les services Google

    Dans un profil séparé

    J’ai mis du temps à comprendre / trouver comment activer la fonctionnalité de profils multiples (alors que c’est simple) : Paramètres > Système > Utilisateurs multiples > Autoriser plusieurs utilisateurs (https://www.youtube.com/watch?v=SZ0PKtiXTSs)

    Le profil séparé à l’avantage d’être comme un « deuxième téléphone ». C’est aussi un inconvénient pour les personnes qui ne sont pas prêtes à faire cet « effort » (passer de l’un à l’autre), même si les notifications « cross profile » aident sur ce point.
    Il faut reproduire sur chacun des profils toutes les « custo » faites (changement de launcher, de clavier, configurations diverses, etc).

    Via la fonction « work profile » d’Android

    La fonction work profile fournit une séparation moins forte, mais c’est aussi plus « pratique » au quotidien car toutes les applications (et les comptes) sont dans un seul profil. J’ai testé via l’application Shelter.

    Avantages :

    • Tout est accessible dans le même profil
    • Dans le tiroir d’application, on retrouve deux « onglets » séparant les applications « perso » et « pro ».

    Inconvénients :

    • Comme pour le profil séparé, il y a une « double maintenance »
      • Ex: en cas d’utilisation de deux profils Google Play (profil perso + pro), il faut faire les mises à jour « des deux côtés »
    • Il faut bien choisir dans quel contexte on souhaite installer chaque application
    • Je n’ai pas trouvé comment faire pour 1. Synchroniser mon compte Google perso dans le « work profile » de Shelter et 2. faire remonter ces informations dans les applications « contacts » et « téléphone » par défaut de GrapheneOS. C’est le profil « Personnel » qui va dicter quelles applications par défaut sont utilisées.

    Conclusion, cas d’usages et « threat model » (modèle de menace)

    J’ai passé beaucoup plus de temps que prévu à comprendre GrapheneOS, tester différentes solutions et configurer les options / trouver des alternatives. Je suis bien conscient que plusieurs « problèmes » remontés pourraient tout simplement être résolus si j’acceptais de faire les choses différemment. Cela me pousse à m’interroger sur le compromis à choisir entre sécurité / respect de la vie privée / facilité d’utilisation ? Cette question dépend bien sur du modèle de menace (« threat model ») de chacun.

    Sécurité

    GrapheneOS répondrait parfaitement à des contraintes de sécurité « forte » pour des personnes étant journaliste / activiste / lanceur d’alerte / député. Dans ce cas d’usage, le coût de la sécurité est accepté.

    Vie privée

    GrapheneOS apporte un choix indéniable permettant à chacun de trouver le meilleur usage possible.

    Facilité d’utilisation

    Dans mon cas d’usage, je trouve que la fonction de profil séparé apporte trop de friction au quotidien, et je suis prêt à tout rassembler au sein du même profil. L’utilisation de deux téléphones différents (un perso / un pro) pourrait être une alternative. De la même manière, je n’ai pas encore passé le pas de me séparer de mon compte Google (pour la synchro des contacts / agendas), donc pour le moment je continue d’utiliser le Play Store. À terme, j’essaierai de ne plus en dépendre.

    Note : l’impact du matériel (« hardware ») sur la vie privée

    • Un casque Bluetooth Bose nécessite l’app « Bose Connect » qui dépend de GSF/Play Store
    • Un casque Bluetooth Samsung Buds2 Pro nécessite l’app Samsung qui demande la création d’un compte cloud chez eux
    • L’application Google Wallet me permet de régler mes courses via paiement NFC, mais donne accès par ce biais à un pan entier de données personnelles

    À chaque fois la question est : est-ce utile ou pas ? Puis-je facilement m’en passer ?

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    Des cycles, des applis et des données

    Avec son plus d’un quart de siècle, il serait temps que LinuxFr se penche sur un sujet qui concerne la population en situation de procréer, soit quelques milliards d’individus, et qui concerne aussi à peu près tout le monde puisqu’il est question de données privées sensibles ; soit encore plus de milliards de personnes. Vous l’avez probablement deviné, il sera donc question des cycles féminins, des applis sous licences libres pour Android servant à le suivre et des données qu’elles récoltent, et également de suggestions d’alternatives.

    Théorie de manchots avec des protections hygiéniques entre les ailes le dernier a un ordiphone

    Sommaire

    Le cycle féminin, de la complexité de la gestion du temps

    Un petit rappel qui peut être utile. Le cycle féminin, qui débute au premier jour des règles, est, le plus souvent, de vingt-huit jours, presque comme celui de la Lune qui est d’un peu plus de vingt-sept jours. Il est marqué, à mi-parcours, par une ovulation qui rend les femmes fécondables. Cette coïncidence a fait écrire des âneries, notamment à Aristote :

     Les menstruations ont tendance à se produire naturellement pendant la lune décroissante […]. Car cette période du mois est plus froide et plus humide à cause de la déperdition et de la disparition de la Lune.1

    Les cycles peuvent, en fait, être plus ou moins longs selon les femmes, durer plus ou moins longtemps et être plus ou moins abondants. Et cela change au cours du temps. Un cycle est considéré comme court lorsqu’il dure moins de vingt-deux jours, et long lorsqu’il dure plus de trente-cinq jours2. Un retard de règles peut être le signe d’une grossesse, de problèmes de santé ou du début de la ménopause. La survenue des menstruations plus tôt dans le cycle peut être aussi source d’inquiétude. Surveiller son cycle n’est donc pas inutile. Une jeune fille peut être fécondée dès l’apparition de ses règles, entre onze et treize ans généralement. La grossesse la plus précoce que l’on connaisse est celle de Lina Medina qui a eu un enfant à cinq ans et demi et avait été réglée à trois ans et elle n’est pas la seule petite fille à avoir subi une grossesse précoce.

    Tout cela s’applique aux femmes qui ne bénéficient pas de contraception orale. Les autres peuvent, ou non, selon les contraceptifs, avoir des saignements.

    Des données sensibles

    Le suivi des menstruations concernant un très vaste public, de (très) nombreuses applications existent pour ordiphone : on peut en retrouver quelque chose comme une centaine sur le Play Store, voire plus. Elles proposent toutes basiquement un calendrier où noter les jours des règles avec la possibilité de paramétrer l’ajout d’autres informations :

    • abondance des règles,
    • relations sexuelles, protégées ou non,
    • symptômes physiques,
    • symptômes mentaux

    Ce qui fait beaucoup, beaucoup de données très sensibles si elles sont soigneusement et régulièrement remplies. Des données qui peuvent intéresser des entreprises ou des pouvoirs publics, qui ne se font pas faute de les utiliser.

    Ainsi, en 2019, des applis partageaient gentiment à des fins de revenus publicitaires les données sur Facebook, sans autorisation des personnes concernées. Certaines femmes pendant certaines périodes de leur cycle pouvant être plus susceptibles d’être influencées par des messages publicitaires bien choisis.

    Aux États-Unis, depuis la révocation du droit à l’avortement3 les données collectées par ces applications font craindre qu’elles ne causent des préjudices aux femmes les plus vulnérables. Et les applis peuvent, ont intérêt à, ou ne refuseront pas de collaborer avec la police pour traquer les femmes susceptibles d’avorter.

    Une quinzaine d’experts onusiens estiment que la pénalisation de l’avortement dans quatorze États états-uniens :

    pourrait conduire à des violations des droits des femmes à la vie privée, à l’intégrité et à l’autonomie corporelles, à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, à l’égalité et à la non-discrimination et à la protection contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que contre la violence fondée sur le genre.

    Ce qui concerne des millions de personnes.

    Les mêmes experts constatent que :

    ces interdictions d’avortement dans de nombreux États américains se sont accompagnées d’une érosion constante et rapide du droit à la vie privée, les forces de l’ordre s’appuyant de plus en plus sur des données électroniques pour traquer les personnes souhaitant avorter ou celles qui les aident et les encouragent à le faire. La plupart de ces données peuvent être consultées sans mandat.

    Ce qui vaut spécifiquement pour l’avortement aux USA, vaut pour tout et partout, notamment l’érosion constante du droit à la vie privée. Par exemple, Google admet que les utilisateurs de Chrome peuvent être suivis dans le mode Incognito. Et on rappellera qu’en France, les services de police judiciaires peuvent accéder aux ordiphones à notre insu et qu’on a l’obligation de donner le code de déverrouillage d’un ordiphone sous certaines conditions4.

    Basiquement, comme d’habitude :

    • on donne le moins possible de données,
    • on choisit ses applis, logiciels, réseaux sociaux, magasins en ligne, etc.,
    • on protège ses données.

    Et, accessoirement (⁉) on lit régulièrement LinuxFr ou ces questions sont souvent traitées, notamment avec les étiquettes vie_privée, pistagedonnées personnelles, ainsi que dans la section sécurité.

    Les applis de suivi des menstruations pour Android sur F-Droid

    S’il paraît nécessaire de recourir à une appli de suivi des menstruations, les critères de choix doivent être, d’une part, qu’elle ne collecte aucune donnée, et, d’autre part, que l’on puisse la télécharger de préférence anonymement.

    Sur F-Droid, il y a quatre applis5, dans l’ordre alphabétique BlueMoon, Drip, Log 28 et Periodical, on les retrouve aussi sur le Play Store. Elles sont sous licence GNU-GPL et LGPL. Toutes les quatre permettent d’ajouter beaucoup d’informations sur la santé physique ou mentale et les relations sexuelles. Ces informations ne sont pas nécessaires pour le suivi des menstruations. Elles affirment toutes que les données ne sont stockées que sur le téléphone et ne sont en aucune façon collectées. Seule Periodical est traduite en français, les trois autres sont en anglais.

    BlueMoon : menstruation et contrôle de la fertilité

    Des quatre applis, c’est celle qui exige la version d’Android la plus récente puisqu’elle n’est accessible qu’à partir des versions 8.

    Captures d’écran de l’appli de suivi des menstruations BlueMoon

    BlueMoon prétend suivre les menstruations et la sexualité des utilisatrices. L’écran d’ajout d’une info propose clairement le choix entre les règles, où on précise l’abondance du flux (trois niveaux), et la sexualité. Dans le second cas de figure, l’appli propose d’indiquer le type d’activité (solo, partenaire, groupe) et demande quel type de contraception, à choisir entre huit propositions. Dans les paramètres de l’appli, on peut configurer la surveillance de la prise de pilules contraceptives : cela se manifeste par une notification vous rappelant de la prendre.

    Il est possible de sauvegarder et de restaurer les données, mais dans un format propre à l’application. On peut aussi les supprimer.

    Fiche technique

    • Android 8.0 et plus
    • Licence GNU GPL v3
    • Version 1.0.4 (5), février 2024
    • Développé par Nibs Grob
    • La fiche sur le site F-Droid
    • Le dépôt de l’appli.

    Drip : une esthétique sobre, un mot de passe et des notifications

    Drip est peut-être l’appli la plus aboutie des quatre en termes de fonctionnalités. L’objectif de l’appli, telle qu’elle se définit elle-même :

    rappelez-vous que vous n’avez pas besoin d’une appli pour comprendre votre cycle ! Cependant, drip veut vous aider et faciliter le suivi de vos règles, plus facile et plus sûr.

    Captures d’écran de l’appli de suivi des menstruations drip

    Pour marquer un jour : il faut indiquer les saignements (bleedings) en cochant leur intensité, de spotting (traces) à heavy (abondant). Cela s’affichera sur le calendrier avec des couleurs rouges dont l’intensité varie selon l’importance du flux. Il faut le faire pour chaque jour. Il est possible de marquer un jour et de l’exclure du suivi menstruel. L’appli peut, sur demande, envoyer des notifications quelques jours avant la date prévisible des règles.

    Les statistiques indiquent les durées minimum et maximum des cycles, l’écart-type et le nombre de cycles.

    On peut protéger l’accès à l’appli par un mot de passe, exporter ou importer les données au format CSV et les effacer du téléphone.

    Fiche technique

    • Android 6 et plus pour la dernière version, la version 0.1905.29-beta (3) de 2020 est compatible Android 4.1 et plus
    • Licence GNU GPL v3
    • Version 1.2311.14 (25), janvier 2024
    • Développé par Bloody Health GbR
    • La fiche sur le site F-Droid
    • Le site de l’appli.

    Log28, pour les vieux ordiphones sous Android 4

    Comme pour la précédente : on ajoute des jours en indiquant les saignements. Ici, pas d’indication d’intensité du flux, mais on peut saisir des notes au besoin. La maintenance de Log28 semble en stase : la dernière version date de 2020.

    Captures d’écran de l’appli de suivi des menstruations log28

    L’écran Overview (Aperçu) indique combien de jours il reste, ou, selon la date, le nombre de jours antérieurs à la date du jour. Il permet de faire défiler horizontalement les informations par jour. Dans Add Info (Ajouter des infos) on peut rajouter des notes et d’autres éléments si on a paramétré l’appli pour ce faire. Par défaut tout est coché, sur les captures d’écran de suivi, je n’ai gardé que les Physicals Symptoms (symptômes physiques) et uniquement Bleeding (saignements).

    Dans Calendar (calendrier) on a un aperçu mensuel et on peut faire défiler les mois dans le sens vertical. Et enfin, le menu History (historique) indique les dates de début des cycles, sur la période ainsi que le nombre de jours des règles et celui des cycles. En haut, figurent les moyennes des durées des cycles et des règles. Et c’est tout.

    Fiche technique

    • Android 4 ou plus
    • Licence : LGPL 3 uniquement
    • Version 0.6 .2, octobre 2020
    • Développé par Waterbird Software
    • La fiche de l’appli sur F-Droid
    • Le dépôt de l’appli.

    Periodical, facile à utiliser et en français

    Periodical a le mérite, outre d’être traduite en français, d’être d’une utilisation très simple. Elle s’ouvre sur le calendrier : on appuie sur un jour et elle vous demande s’il faut le marquer comme premier jour des règles. Il n’y a rien d’autre à indiquer ! On peut, bien sûr, « Modifier les détails » pour ajouter d’autres informations, l’intensité par exemple de 1 (léger) à 4 (abondant). L’abondance des flux figure sur le calendrier sous forme de points, de 1 à 4 donc.

    Captures d’écran de l’appli de suivi des menstruations Periodical

    Le calendrier est en couleurs : rouge pour les jours des règles (comme c’est original  !), bleu pour les jours fertiles et jaune pour les autres. Ça ne peut pas se configurer. Il y a un historique avec les moyennes, un historique détaillé par jour. On peut sauvegarder les données au format json.gz ou les restaurer. Et enfin, l’appli a une aide bien complète et bien faite.

    Des quatre, c’est, de mon point de vue, la plus facile à utiliser, mais peut-être la moins réussie sur le plan esthétique.

    Fiche technique

    • Android 5 et plus
    • En français, licence GNU GPL v3.0 ou plus
    • Version 1.75 (99), octobre 2023
    • La fiche de l’appli sur F-Droid
    • Le site de l’appli.

    À quoi servent ces applis ?

    À quoi servent-elles, ou plutôt comment servent-elles ?

    Elles sont, bien évidemment, utilisées pour suivre le flux et pour prévoir les dates, plus ou moins exacte, des prochaines règles et, par conséquent, faire les courses nécessaires afin de ne pas être pris au dépourvu. On peut aussi, par contrecoup prendre certains rendez-vous, médicaux notamment, en fonction, ou encore des jours de congé.

    Elles peuvent aussi être utiles pour les informations de santé en permettant de repérer rapidement un retard des règles et, selon les cas de figure : s’en réjouir, s’en inquiéter, consulter, etc.

    Elles sont susceptibles d’être utilisées dans un but procréatif : repérer les jours les plus fertiles du cycle. Pour un couple dont un (ou les deux) membre se déplace souvent, cela peut être utile pour programmer les déplacements dans la mesure du possible.

    Peut-on les utiliser à des fins contraceptives ? Non si on ne se base que sur les dates d’ovulation ! Enfin pas si on ne veut vraiment pas avoir d’enfant. En revanche, oui si on a besoin d’un suivi de la prise de pilule.

    Et des alternatives

    Suivre ses menstruations n’est pas indispensable, mais, si on en ressent le besoin, une appli n’est pas le seul moyen. Avec ces alternatives, plus ou moins élaborées, les risques de dispersion des données dans la nature numérique sont quasiment nuls.

    On peut faire ça « à l’ancienne » donc sur du papier. Les diaristes peuvent utiliser leur journal : « cher journal, aujourd’hui les anglais ont débarqué, et ça fait un mal de chien. » On peut utiliser un calendrier, ou un agenda. Ça se fabrique et se vend toujours.

    Si vous n’avez pas de calendrier imprimé sous la main, ni envie d’en acheter un, vous pouvez télécharger et imprimer par exemple :

    • un calendrier fait avec Inkscape, la version d’origine est en anglais et vous la modifierez en même pas quinze minutes avec Inkscape en faisant un Rechercher-Remplacer pour le texte et en passant par l’éditeur XML pour les polices (ce logiciel est une merveille),
    • un calendrier annuel pour Calc, à personnaliser car il est en allemand, il s’imprime sur une feuille A4,
    • un pack de calendriers pour Calc. Prendre le fichier « calendrier_perpetuel_annuel_v16 ». La liste des années s’arrête à 2014 mais on peut la modifier et ça fonctionne très bien pour les années à partir de 2024.

    Et, si on préfère passer par l’ordinateur, les calendriers sous Calc ci-dessus peuvent servir. Mais si, en plus, on veut pouvoir s’amuser avec les données avec des calculs et la possibilité d’ajouter des diagrammes, vous pouvez récupérer ce classeur de Suivi des menstruations qui ne fait que ça et ne s’occupe pas des symptômes ou de votre vie sexuelle. En prime, il est utilisable avec Collabora Office pour Android (pas super confortablement). Il est très certainement améliorable et vous pouvez aussi le « détourner » pour d’autres usages après tout. Il est possible de le compliquer pour rajouter tout ce que vous voulez, donc les symptômes, le budget, etc. Il repose principalement sur des plages, des styles et des formules et des formats conditionnels.

    Pour finir, je tiens à remercier celles et ceux qui, sur Mastodon, m’ont donné des pistes pour la rédaction de cette dépêche.


    1. Citation reprise par Marie Desange, Cycles menstruels et cycles lunaires : il y a bien un lien mais pas celui que l’on croit, Presse santé, 25 août 2021. 

    2. Si vous voulez en savoir plus sur la question, Cycle menstruel (règles) : calcul, durée, ovulation, schéma du site Le Journal des femmes, est vraiment bien fait. 

    3. Le droit à l’avortement consiste à pouvoir interrompre volontairement une grossesse sans que cela soit un délit, à pouvoir bénéficier de soins médicaux pour ce faire sans avoir à justifier quoi que ce soit ni dépendre d’une autorisation, et à ne pas risquer de poursuites pénales en cas de fausse couche. Amnesty International considère que c’est un soin de santé de base. Les grossesses sont à chaque fois des risques pour les mères : une femme meurt toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l’accouchement. 

    4. Sur le sujet de la surveillance et la démocratie, je vous renvoie à article d’Asma Mhalla Techno-politique de la surveillance de la revue Le Grand Continent. 

    5. Tout au moins, je n’ai repéré que ces quatre là. 

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    Projets libres ! Episode 15 : /e/OS, un OS android dégoogelisé

    Dans ce nouvel épisode, nous partons à la rencontre de Gaël Duval, pour parler de /e/OS.
    /e/OS est une version d'Android dégoogelisée, que Gaël a créé.

    Avec lui nous abordons les sujets suivants :

    • ses expériences passées
    • la genèse du projet
    • l'articulation entre le projet communautaire et la société commerciale (Murena)
    • les différentes sources de financement
    • la collaboration avec les fabricants de téléphones, en particulier Fairphone
    • le travail sur les smartphones Murena, le retour d'expérience du Murena 1 et le Murena 2
    • la FairTEC
    • les défis à venir du projet

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