Comment lâarchĂ©ologie entre progressivement dans lâĂšre du logiciel libre
LâarchĂ©ologie est un domaine qui, depuis ses dĂ©buts, sâattache au catalogage, Ă la structuration et lâarchivage de donnĂ©es issues de fouilles. Sur le terrain, elle a longtemps reposĂ© sur la crĂ©ation de fiches, la collecte manuelle dâinformation sur papier, et le dessin Ă la main, retranscrit lors des phases dâĂ©tude sur support numĂ©rique. Ce nâest que rĂ©cemment que certains archĂ©ologues ont lancĂ© le mouvement de la fouille «âŻtout numĂ©riqueâŻÂ». Je vous propose de raconter ici lâhistoire de la numĂ©risation de lâarchĂ©ologie, qui, comme vous allez le voir, repose en partie sur le logiciel libre.
- lien nᔠ1 : Le Chantier de fouille en cours à Noisy-Le-Grand, pionnier du tout-numérique
- lien nᔠ2 : SQLPage, pour créer des interfaces graphiques rapidement au dessus de la base de données
- lien nᔠ3 : Spatialite, qui permet de créer de petites bases de données géo-référencées
- lien ná” 4 : PostGIS, pour changer d'Ă©chelle
- lien nᔠ5 : QGis, le systÚme d'informations géographiques libre de référence
- lien nᔠ6 : La Base Archéologique de Données Attributaires et Spatiales (gitlab)
- lien ná” 7 : L'extension badass pour Qgis
Sommaire
- Quâest-ce quâun chantier de fouilles ?
- Pratique de lâarchĂ©ologie : exemple dans le prĂ©ventif
- Le début de la numérisation
- Le mouvement tout numérique
- Cas dâutilisation et bĂ©nĂ©fices concrets
- Conclusion
Quâest-ce quâun chantier de fouilles ?
LâarchĂ©ologie française se divise en deux branches principales : lâarchĂ©ologie prĂ©ventive, qui intervient lors de projets de construction, et lâarchĂ©ologie programmĂ©e, menĂ©e sur des sites choisis pour rĂ©pondre Ă des problĂ©matiques de recherche. SupervisĂ©es par les Services RĂ©gionaux de lâArchĂ©ologie du MinistĂšre de la Culture, ces activitĂ©s sont rĂ©alisĂ©es par diffĂ©rents organismes : opĂ©rateurs publics et privĂ©s pour lâarchĂ©ologie prĂ©ventive, et associations, CNRS ou universitaires pour lâarchĂ©ologie programmĂ©e. Cette derniĂšre mobilise souvent des bĂ©nĂ©voles, notamment des Ă©tudiants, leur offrant une formation pratique complĂ©mentaire.
Pour lâarchĂ©ologue, la fouille est un outil, et non un but en soi. Ce que lâarchĂ©ologue cherche, câest de lâinformation. En substance, il sâagit de comprendre lâhistoire dâun site, son Ă©volution, ses habitants Ă travers les Ă©lĂ©ments quâils ont laissĂ©s derriĂšre eux, que ce soit les ruines de leurs habitats, de leurs activitĂ©s artisanales ou leurs sĂ©pultures. Ceci est dâautant plus important que la fouille est un acte destructeur, puisque lâarchĂ©ologue dĂ©mantĂšle son sujet dâĂ©tude au fur et Ă mesure de la fouille.
Pour ĂȘtre exploitĂ©e, lâinformation archĂ©ologique doit ĂȘtre organisĂ©e selon des principes bien Ă©tablis. Le premier concept clĂ© est la couche sĂ©dimentaire (UnitĂ© Stratigraphique - US), qui tĂ©moigne dâune action humaine ou dâun phĂ©nomĂšne naturel. LâĂ©tude de lâagencement de ces couches rĂ©vĂšle la chronologie du site, la succession des Ă©vĂšnements qui sây sont dĂ©roulĂ©s. Ces couches peuvent ĂȘtre regroupĂ©es en faits archĂ©ologiques : fossĂ©s, caves, sĂ©pultures, sont en effet des regroupements de couches qui dĂ©finissent un Ă©lĂ©ment spĂ©cifique. Enfin, les objets trouvĂ©s dans ces couches, ou mobiliers, sont cataloguĂ©s et identifiĂ©s par leur couche dâorigine, fournissant des indications chronologiques et culturelles cruciales.
Le chantier de fouilles de la NĂ©cropole des Mastraits, Ă Noisy-le-Grand (93).
Les actions menĂ©es par lâarchĂ©ologue tout au long du chantier sont Ă©galement enregistrĂ©es. En effet, lâarchĂ©ologue procĂšde Ă des sondages, rĂ©alise des tranchĂ©es, mais fait aussi de nombreuses photos, ou des dessins de tout ce quâil dĂ©couvre au fur et Ă mesure de lâavancement du chantier. La documentation produite peut ĂȘtre plĂ©thorique, et un catalogage indispensable.
Cette information descriptive est complĂ©tĂ©e par une information spatiale, le plan des vestiges mis au jour Ă©tant essentiel pour lâanalyse et la prĂ©sentation des rĂ©sultats. LâĂ©tude de ce plan, associĂ©e aux informations descriptives et chronologiques, met en Ă©vidence les grandes Ă©volutions du site ou des dĂ©tails spĂ©cifiques. Sa rĂ©alisation est gĂ©nĂ©ralement confiĂ©e Ă un topographe en collaboration avec les archĂ©ologues.
Ă lâissue de la phase de terrain, une phase dâanalyse des donnĂ©es collectĂ©es est rĂ©alisĂ©e. Cette phase dite de post-fouille permet de traiter lâensemble des informations recueillies, dâen rĂ©aliser la description complĂšte, dâeffectuer les Ă©tudes nĂ©cessaires Ă la comprĂ©hension du site en faisant appel Ă de nombreux spĂ©cialistes : cĂ©ramologues, anthropologues, archĂ©ozoologues, lithiciens, carpologues, anthracologues, spĂ©cialistes de la palĂ©omĂ©tallurgie, etc.
Cette phase de post-fouille aboutit dans un premier temps Ă la rĂ©alisation dâun rapport dâopĂ©ration, compte rendu le plus exhaustif possible du site et de son Ă©volution. Ces rapports sont remis au ministĂšre de la Culture qui en juge la qualitĂ©. Ils ne sont pas destinĂ©s Ă ĂȘtre largement diffusĂ©s, mais sont normalement accessibles Ă toute personne qui en fait la demande auprĂšs de lâadministration concernĂ©e. Ils sont une base de travail importante pour lâensemble de la communautĂ© scientifique.
Sur la base de ce rapport, la publication dâarticles dans des revues spĂ©cialisĂ©es permet de prĂ©senter les rĂ©sultats de lâopĂ©ration plus largement, parfois en fonction de certaines thĂ©matiques ou problĂ©matiques spĂ©cifiques.
Pratique de lâarchĂ©ologie : exemple dans le prĂ©ventif
Lâutilisation de trĂšs nombreux listings papier est une constante. Ces listings permettent de tenir Ă jour lâenregistrement de la donnĂ©e sous forme de tableaux dâinventaire des couches, des faits, des sondages, des photos, etc. Des fiches dâenregistrement spĂ©cifiques sont Ă©galement utilisĂ©es dans de nombreuses spĂ©cialitĂ©s de lâarchĂ©ologie, telle que lâanthropologie funĂ©raire.
Sur le terrain, les Ă©lĂ©ments mis au jour sont encore pour une trĂšs grande majoritĂ© dessinĂ©s Ă la main, sur papier calque ou millimĂ©trĂ©, quâil sâagisse dâun plan de vestiges ou des nombreux relevĂ©s de coupe stratigraphique. Ceci demande bien entendu un temps important, en particulier en cas de vestiges complexes.
Lâutilisation de tachĂ©omĂštres Ă©lectroniques, puis du GPS diffĂ©rentiel a permis de se passer des dĂ©camĂštres, ou des systĂšmes de carroyage, lors de la fouille des sites. Des topographes, spĂ©cifiquement formĂ©s, ont alors commencĂ© Ă intervenir sur site pour la rĂ©alisation des plans gĂ©nĂ©raux.
La collection documentaire obtenue Ă lâissue dâun chantier de fouille est particuliĂšrement prĂ©cieuse. Il sâagit lĂ des seuls Ă©lĂ©ments qui permettront de restituer lâhistoire du site, en croisant ces donnĂ©es avec le rĂ©sultat des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es. La crainte de la disparition de ces donnĂ©es, ou de leur utilisation par autrui du fait dâune dĂ©couverte remarquable, est un sentiment souvent partagĂ© au sein de la communautĂ© archĂ©ologique. LâarchĂ©ologue peut se sentir dĂ©positaire de cette information, voire exprimer un sentiment de possession qui va tout Ă fait Ă lâencontre de lâidĂ©e de science partagĂ©e et ouverte. LâidĂ©e que lâouverture de la donnĂ©e est le meilleur moyen de la protĂ©ger est loin dâĂȘtre une Ă©vidence.
Fiche de conservation, illustrant le coloriage manuel des parties de squelette retrouvées
Exemple, parmi tant dâautres, de fiche descriptive vierge dâune couche archĂ©ologique
Le début de la numérisation
Câest essentiellement aprĂšs la phase terrain que les outils numĂ©riques ont Ă©tĂ© apprivoisĂ©s par les archĂ©ologues.
En post-fouille, la documentation papier est encore souvent une base documentaire fondamentale pour lâanalyse du site. Lâirruption de lâinformatique au milieu des annĂ©es 80 a conduit les archĂ©ologues Ă transcrire cette donnĂ©e sous forme numĂ©rique, afin de faciliter son analyse et sa prĂ©sentation. Bien que les logiciels aient Ă©voluĂ©, le processus est pratiquement le mĂȘme aujourdâhui, avec une numĂ©risation de la documentation sous de nombreux formats.
Les listings peuvent ĂȘtre intĂ©grĂ©s Ă des bases de donnĂ©es (le plus souvent propriĂ©taires tel MS Access, FileMaker ou 4D) ou des tableurs. De nombreuses bases ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es en interne, localement, par les archĂ©ologues eux-mĂȘmes. Uniquement attributaires, elles se sont progressivement mises en rĂ©seau et adaptĂ©es au support, permettant dâenvisager un usage sur le terrain, sans que ceci ne soit largement dĂ©ployĂ©.
Exemple dâune base de donnĂ©es au tournant des annĂ©es 2000
Toute la documentation dessinĂ©e sur le terrain est amenĂ©e Ă ĂȘtre redessinĂ©e au propre sur support numĂ©rique, dans des logiciels de dessin vectoriel, trĂšs souvent Adobe Illustrator, parfois Inkscape.
Les donnĂ©es en plan, levĂ©es par le topographe, sont rĂ©alisĂ©es sous Autocad et Ă©taient exportĂ©s en .dxf ou .dwg avant dâĂȘtre remis au propre sous Adobe illustrator, ce qui est le cas Ă©galement des dessins rĂ©alisĂ©s sur le terrain.
Le mobilier est confiĂ© Ă des spĂ©cialistes qui le dĂ©crivent, le dessinent, en dressent lâinventaire, le plus souvent dans des tableurs. Leurs dessins sont lĂ encore scannĂ©s et remis au propre numĂ©riquement.
Avec le recul, nous constatons que les outils numĂ©riques sont majoritairement utilisĂ©s comme des outils de mise au propre de lâinformation collectĂ©e sur le terrain. Bien des tableurs ne sont ainsi que la stricte transcription des tableaux papier utilisĂ©s par les archĂ©ologues, auquel on ajoutera quelques totaux, moyennes ou mĂ©dianes. Les dessins rĂ©alisĂ©s sur papier, sont dĂ©calquĂ©s dans des logiciels de vectorisation pour plus de lisibilitĂ© et les plus-values scientifique sont finalement assez limitĂ©es.
Il en rĂ©sulte une documentation numĂ©rique relativement disparate, avec lâusage de nombreux outils propriĂ©taires, des formats fermĂ©s, et une sĂ©paration trĂšs forte entre lâinformation spatiale et lâinformation descriptive (ou attributaire).
Lâusage progressif des bases de donnĂ©es a cependant permis dâagglomĂ©rer certaines donnĂ©es et de rassembler et mettre en relation lâinformation. Des travaux universitaires ont Ă©galement permis dâalimenter la rĂ©flexion sur la structuration des donnĂ©es archĂ©ologiques et de former de nombreux archĂ©ologues, permettant dâadopter des pratiques plus vertueuses.
Le mouvement tout numérique
JusquâĂ prĂ©sent, passer au tout numĂ©rique dans le cadre archĂ©ologique semblait relativement utopique. Il a fallu que de nouvelles technologies apparaissent, que des supports portables et simples dâusage se mettent en place, que les rĂ©seaux se dĂ©veloppent, et que les archĂ©ologues sâemparent de ces nouveaux outils.
Le collectif Ramen (Recherches ArchĂ©ologiques en ModĂ©lisation de lâEnregistrement NumĂ©rique) est nĂ© des Ă©changes et des expĂ©riences de divers archĂ©ologues de lâInstitut National De Recherches ArchĂ©ologiques PrĂ©ventives (Inrap) qui se sont regroupĂ©s autour de la rĂ©alisation de la fouille programmĂ©e de la nĂ©cropole mĂ©diĂ©vale de Noisy-Le-Grand, fouille gĂ©rĂ©e par lâassociation ArchĂ©ologie des NĂ©cropoles et confiĂ©e Ă la direction scientifique de Cyrille Le Forestier (Inrap). Cette fouille programmĂ©e a permis de lancer une expĂ©rimentation sur la complĂšte dĂ©matĂ©rialisation de la donnĂ©e archĂ©ologique en se basant sur la photogrammĂ©trie, le SIG, et une base de donnĂ©es spatiale.
Principe général
Si le topographe intervient bien toujours pour la prise de points de rĂ©fĂ©rence, le relevĂ© dĂ©taillĂ© des vestiges est assurĂ©, pour cette expĂ©rimentation, par la mise en Ćuvre de la photogrammĂ©trie de maniĂšre systĂ©matique. Cette mĂ©thode permet, par la rĂ©alisation de multiples photos dâun objet ou dâune scĂšne, de rĂ©aliser un modĂšle 3D prĂ©cis, et donc exploitable Ă postĂ©riori par lâarchĂ©ologue en post fouille. La photogrammĂ©trie constitue Ă Noisy lâunique outil de relevĂ©, remplaçant purement et simplement le dessin sur papier. En effet, Ă partir de ce nuage de points 3D, il est possible dâextraire de multiples supports en 2D et dâajouter la gĂ©omĂ©trie ou des informations supplĂ©mentaires dans la base de donnĂ©es: contours de la sĂ©pulture, reprĂ©sentation du squelette in situ, profils, mesures, altitudes, etc.
RelevĂ© photogrammĂ©trique dâune sĂ©pulture
Lâenregistrement des donnĂ©es est assurĂ© par lâutilisation dâune base de donnĂ©es relationnelles et spatiales dont lâinterface est accessible dans QGIS, mais Ă©galement via une interface web directement sur le terrain, sans passer par des inventaires ou listing papier. Lâinterface web a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e grĂące Ă SQLPage, serveur web qui utilise un langage Ă base de SQL pour la rĂ©alisation de lâinterface graphique, sans avoir Ă passer par les langages de programmation plus complexes classiquement utilisĂ©s pour la crĂ©ation dâapplications web, tel PHP.
Bien entendu, cette dĂ©marche se poursuit Ă©galement en laboratoire lors de lâĂ©tape dâanalyse du site.
Logiciels et formats libres
Mais lâabandon du support papier nĂ©cessite de nous poser la question de la pĂ©rennitĂ© des fichiers et des donnĂ©es quâils contiennent.
En effet, dans un processus de dĂ©matĂ©rialisation complet, la mĂ©moire du site nâest plus contenue sur des centaines de fiches manuscrites, mais dans des fichiers numĂ©riques dont nous ignorons Ă priori si nous pourrons les conserver sur le long terme. LâimpossibilitĂ© dâaccĂ©der Ă cette donnĂ©e avec dâautres logiciels que ceux originellement utilisĂ©s lors de leur crĂ©ation Ă©quivaut Ă leur destruction. Seuls les formats standards peuvent rĂ©pondre Ă cette problĂ©matique, et ils sont particuliĂšrement utilisĂ©s par les logiciels libres. Pour la photogrammĂ©trie, les formats .ply
et .obj
, qui sont implémentés dans de nombreux logiciels, libres et propriétaires, ont été choisis. Pour la donnée attributaire et spatiale, elle est enregistrée dans des bases de données relationnelles libres (Spatialite et Postgis), et facilement exportable en .sql
, qui est un format standardisé et reconnu par de trÚs nombreuses bases de données.
Malheureusement, le logiciel libre reste peu utilisĂ© dans notre quotidien archĂ©ologique, et les logiciels propriĂ©taires sont souvent trĂšs bien implantĂ©s. Le libre souffre encore aujourdâhui dâa priori et dâune mauvaise image au sein de la communautĂ© archĂ©ologique, qui le trouve plus compliquĂ©, moins joli, moins efficace, etc.
Le libre a cependant fait une incursion majeure avec lâarrivĂ©e du SystĂšme dâInformation GĂ©ographique (SIG) libre QGIS, qui a permis dâinstaller un SIG sur tous les postes des agents de lâinstitut et de lâenvisager comme un outil dâanalyse Ă lâĂ©chelle dâun site archĂ©ologique. Par un accompagnement et la mise en place dâun plan de formation adĂ©quat, de nombreux archĂ©ologues ont Ă©tĂ© formĂ©s Ă lâusage du logiciel au sein de lâInstitut.
QGIS a vĂ©ritablement rĂ©volutionnĂ© nos pratiques en permettant lâinterrogation immĂ©diate de la donnĂ©e attributaire par la donnĂ©e spatiale (quel est ce vestige que je vois sur le plan ?) ou, Ă lâinverse, de localiser un vestige par sa donnĂ©e attributaire (oĂč se trouve la sĂ©pulture 525 ?). Il est cependant trĂšs frĂ©quent dâavoir encore dâun cĂŽtĂ© la donnĂ©e attributaire dans des tableurs ou des bases de donnĂ©es propriĂ©taires, et la donnĂ©e spatiale dans QGIS, lâinterrogation des deux reposant sur des jointures.
Bien entendu, QGIS permet aussi lâanalyse des donnĂ©es, la crĂ©ation de plans thĂ©matiques ou chronologiques, indispensables supports Ă nos rĂ©flexions. Nous pouvons, Ă partir de ces Ă©lĂ©ments, rĂ©aliser les trĂšs nombreuses figures du rapport dâopĂ©ration, sans passer par un logiciel de dessin vectoriel, en plan comme en coupe (reprĂ©sentation verticale de la stratigraphie). Il permet de normaliser les figures par lâemploi des styles, et, par lâusage de lâoutil Atlas, de rĂ©aliser des catalogues complets, pour peu que la donnĂ©e soit rigoureusement structurĂ©e.
Exemple dâanalyse dans Qgis de rĂ©partition des rejets de cĂ©ramique sur un site gaulois
Dans le cadre de lâexpĂ©rimentation sur la nĂ©cropole des Mastraits, Si Qgis est bien un des piliers du systĂšme, quelques logiciels propriĂ©taires sont encore employĂ©s.
Le logiciel de traitement utilisĂ© pour la photogrammĂ©trie est propriĂ©taire. Lâobjectif Ă terme est de pouvoir utiliser un logiciel libre, MicMac, dĂ©veloppĂ© par lâIGN, Ă©tant un possible candidat. Il manque cependant encore dâune interface pleinement intuitive pour que les archĂ©ologues puissent sâapproprier lâoutil de maniĂšre autonome.
De mĂȘme, les enthousiasmantes derniĂšres Ă©volutions du projet Inkscape devraient nous inciter Ă nous tourner davantage vers ce logiciel et Ă utiliser de maniĂšre systĂ©matique le .svg. Lâusage de Scribus pour la PAO devrait Ă©galement ĂȘtre sĂ©rieusement envisagĂ©e.
Le logiciel libre et ses indĂ©niables avantages prend ainsi doucement place, essentiellement via QGIS, dans la chaĂźne de production de nos donnĂ©es archĂ©ologiques. Nous ne pouvons quâespĂ©rer que cette place grandira. Le chemin paraĂźt encore long, mais la voie libreâŠ
Badass, spatial et attributaire réunis
Le dĂ©veloppement de la Base ArchĂ©ologique de DonnĂ©es Attributaires et SpatialeS a eu comme objectif dâintĂ©grer, au sein dâune seule et mĂȘme base de donnĂ©es, les informations attributaires renseignĂ©es par les archĂ©ologues et les informations spatiales recueillies par le topographe. Il sâagit mĂȘme de rassembler, au sein des tables dĂ©diĂ©es, les informations attributaires et spatiales, garantissant ainsi lâintĂ©gritĂ© de la donnĂ©e.
Son principe sâappuie sur le fonctionnement de la chaine opĂ©ratoire en archĂ©ologie, Ă savoir lâidentification et lâenregistrement par lâarchĂ©ologue des vestiges mis au jour, auquel succĂšde le relevĂ© tridimentionnel rĂ©alisĂ© par le topographe. Ce dernier dispose, dans la base de donnĂ©es, de tables spĂ©cifiques dans laquelle il peut verser la gĂ©omĂ©trie et des donnĂ©es attributaires minimales (numĂ©ro, type). Des triggers vont ensuite alimenter les tables renseignĂ©es par les archĂ©ologues avec la gĂ©omĂ©trie, selon leur identifiant et leur type.
La base est ainsi lâunique dĂ©positaire de lâinformation attributaire et spatiale tout au long de lâopĂ©ration, du terrain Ă la post fouille.
Le format de la base de donnĂ©es est Ă lâorigine SpatiaLite. Mais la masse documentaire produite par la nĂ©cropole des Mastraits nous a conduit Ă la porter sous PostGIS. Nombre dâopĂ©rations archĂ©ologiques ne nĂ©cessitent cependant quâune petite base SpatiaLite, qui permet en outre Ă lâarchĂ©ologue dâavoir la main sur son fichier de donnĂ©es. Seuls quelques gros chantiers peuvent avoir besoin dâune solution PostgreSQL, par ailleurs utilisĂ©e pour le CAtalogue de VIsualisation ARchĂ©ologique (Caviar) qui a vocation Ă accueillir les donnĂ©es spatiales et attributaires produites Ă lâinstitut.
Naturellement, Badass a Ă©tĂ© couplĂ©e Ă un projet QGIS proposant dĂ©jĂ des styles par dĂ©faut, mais aussi quelques requĂȘtes ou vues communĂ©ment utilisĂ©es lors dâune Ă©tude archĂ©ologique. Une extension QGIS a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par plusieurs Ă©tudiants afin de permettre la gĂ©nĂ©ration automatique du projet et de la base de donnĂ©es.
Pour entrer dans Badass : la BadâMobil
Il restait la question de la portabilitĂ© de ce systĂšme. QGIS est un logiciel demandant beaucoup de ressource et dont lâinterface est inadaptĂ©e aux petits Ă©crans, apprĂ©ciĂ©s pour leur portabilitĂ© sur le terrain (tĂ©lĂ©phones et tablettes).
Choisir dâutiliser une base SpatiaLite ou PostGIS permettait dâenvisager dĂšs le dĂ©part une interface web, qui pourrait alors ĂȘtre utilisĂ©e sur nâimporte quel terminal. Il avait dâabord Ă©tĂ© envisagĂ© de lancer un dĂ©veloppement en PHP/HTML/CSS avec un serveur web Apache. Mais ceci nĂ©cessitait de disposer dâun serveur web, et de programmer toute une interface. Il restait aussi Ă rĂ©pondre Ă quelques questions dâinfrastructure : oĂč lâhĂ©berger, quels financements pour cela, et qui pour administrer lâensemble ?
Câest ici mĂȘme, sur LinuxFR, que lâun des membres du collectif a dĂ©couvert SQLPage. Ce logiciel libre, dĂ©veloppĂ©e par lovasoa, permet de disposer dâun serveur web trĂšs simple, et la rĂ©alisation dâune application de type CRUD avec une interface dont le dĂ©veloppement ne repose que sur du SQL.
SQLPage repose sur un fichier exĂ©cutable, qui, lancĂ© sur un poste informatique, transforme celui-ci en serveur web. Un fichier de configuration permet de dĂ©finir notamment lâemplacement de la base de donnĂ©es qui sera interrogĂ©e. Pour chaque page web de lâinterface, on Ă©crit un fichier .sql
pour dĂ©finir les donnĂ©es Ă aller chercher ou modifier dans la base, et les composants dâinterface qui permettront de lâafficher (tableaux, formulaires, graphiquesâŠ). LâaccĂšs Ă cette interface se fait dans un navigateur web. Si le poste est en rĂ©seau, lâadresse IP du poste permet dây accĂ©der Ă distance, avec une adresse comme http://192.168.1.5:8080
par exemple. Lâutilisation dâun VPN nous permet dâutiliser le rĂ©seau de tĂ©lĂ©phonie mobile, ce qui nous dispense de toute mise en place dâun rĂ©seau local avec routeur, antennes, etc.
Principe de fonctionnement général
Ainsi, lâinstallation de lâensemble est trĂšs simple et ne repose que sur une arborescence de fichiers Ă dĂ©ployer sur le poste serveur : la base de donnĂ©e, et un rĂ©pertoire contenant le binaire SQLPage et les fichiers constituant les pages web.
En nous appuyant sur la documentation (et en posant parfois des questions Ă lâauteur du logiciel), nous avons pu dĂ©velopper seuls une interface trĂšs complĂšte rĂ©pondant bien Ă nos besoins sur le terrain. NommĂ©e BadâMobil, lâinterface web permet dâaccĂ©der Ă lâensemble des donnĂ©es attributaires renseignĂ©es par les archĂ©ologues et permet dĂ©sormais, grĂące aux Ă©volutions constantes de dĂ©veloppement de SQLPage, de visualiser la donnĂ©e spatiale. La documentation produite au cours du chantier peut Ă©galement ĂȘtre consultĂ©e si les fichiers (photos, dessins scannĂ©s, etc.) sont placĂ©s au bon endroit dans lâarborescence. Les pages se composent principalement de formulaires de crĂ©ation ou de modification, ainsi que de tableaux listant les Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ enregistrĂ©s. La visualisation de la gĂ©omĂ©trie permet de se repĂ©rer spatialement sur le terrain, en particulier en cas de chantier complexe, et dâinteragir avec la donnĂ©e attributaire.
Lâinterface de BadMobil, avec SQLPage
Cas dâutilisation et bĂ©nĂ©fices concrets
PremiÚre expérience aux Mastraits
Le chantier de fouille de la NĂ©cropole des Mastraits a Ă©tĂ© le chantier test de ces dĂ©veloppements. Lâimportante quantitĂ© de donnĂ©es rĂ©coltĂ©es, mais Ă©galement son statut de fouille programmĂ©e permet de mettre en place ce genre dâexpĂ©rimentation avec un impact bien moindre que dans une fouille prĂ©ventive oĂč les dĂ©lais sont particuliĂšrement contraints.
La mise en place de lâinterface SQLPage a permis la dĂ©matĂ©rialisation complĂšte de lâenregistrement attributaire, et se rĂ©vĂšle trĂšs performante. Il sâagit dâun changement majeur de nos pratiques et va nous permettre gagner un temps extrĂȘmement important lors du traitement des donnĂ©es.
Ceci permet Ă©galement de centraliser lâinformation, de travailler Ă plusieurs personnes en mĂȘme temps sans attendre la disponibilitĂ© des classeurs dâenregistrement traditionnellement utilisĂ©s, et de guider les archĂ©ologues au cours du processus dâenregistrement, Ă©vitant les oublis et les erreurs. GrĂące Ă une interface simplifiĂ©e, la saisie peut se faire de maniĂšre trĂšs intuitive sans rĂ©elle nĂ©cessitĂ© de formation approfondie.
LâhomogĂ©nĂ©itĂ© de la donnĂ©e saisie est ainsi meilleure, et les possibilitĂ©s dâinterrogation bien plus importantes.
Perspectives dâavenir
Ă lâissue du dĂ©veloppement de Badass et Badâmobil sur la nĂ©cropole des Mastraits, il nous a paru possible dâenvisager son dĂ©ploiement dans le cadre de lâarchĂ©ologie prĂ©ventive. Si la question de lâinfrastructure rĂ©seau nĂ©cessaire au fonctionnement de cette solution peut se poser (nĂ©cessitĂ© de disposer dâune alimentation Ă©lectrique stable sur des chantiers perdus en pleine campagne, disponibilitĂ© des tablettes, couverture rĂ©seauâŠ), les bĂ©nĂ©fices en termes dâhomogĂ©nĂ©itĂ© des donnĂ©es et de facilitĂ© de saisie sont trĂšs importants. Quelques chantiers dâarchĂ©ologie prĂ©ventive ont ainsi pu tester le systĂšme, la plupart du temps sur des sites de petite ampleur, en bĂ©nĂ©ficiant de lâaccompagnement des membres du collectif.
Les dĂ©veloppements futurs sâorienteront sans doute vers lâintĂ©gration de nouveaux formulaires, ou de nouveaux outils de suivi. Actuellement, Badass permet de recueillir les observations communes Ă tous les sites archĂ©ologiques, ainsi que les observations anthropologiques du fait de son utilisation au sein de la nĂ©cropole des Mastraits.
Nous pourrions ainsi envisager dâintĂ©grer les nombreuses spĂ©cialitĂ©s de lâarchĂ©ologie, mais il est probable que nous obtenions alors une Ă©norme machine dont la maintenance pourrait sâavĂ©rer complexe. Nous restons donc prudents Ă ce sujet.
Conclusion
Petit Ă petit, lâemploi des outils numĂ©riques sâest gĂ©nĂ©ralisĂ© dans les mĂ©tiers de lâarchĂ©ologie. AprĂšs les traitements de texte et tableurs des annĂ©es 90 (souvent sous mac), les premiers dessins vectoriels numĂ©risĂ©s sous Adobe Illustrator, et les bases de donnĂ©es sous Filemaker, Access ou 4D, les outils numĂ©riques sont aujourdâhui en mesure dâĂȘtre utilisĂ©s au cours de toute la chaĂźne dâacquisition de la donnĂ©e.
Lâapport des logiciels et des formats libres est majeur pour cette nouvelle Ă©tape.
QGIS a fondamentalement rĂ©volutionnĂ© la pratique archĂ©ologique en offrant au plus grand nombre lâaccĂšs au SIG, permettant de relier et de manipuler les donnĂ©es attributaires et spatiales. Il a ouvert la voie Ă de nouvelles Ă©volutions, et Ă lâintĂ©gration de technologies jusque-lĂ peu utilisĂ©es par lâarchĂ©ologie (notamment lâutilisation de bases de donnĂ©es relationnelles et spatiales au format SQL).
SQLpage nous a permis dâoffrir Ă lâarchĂ©ologue une interface complĂšte et simple afin dâaccĂ©der Ă une base de donnĂ©es en rĂ©seau. Si son dĂ©veloppement nĂ©cessite une connaissance certaine du SQL et du fonctionnement dâun site web, son dĂ©ploiement et sa maintenance sont tout Ă fait abordables.
SQLPage rĂ©pond Ă un rĂ©el besoin sur le terrain. Pour les archĂ©ologues, il permet de simplifier leur pratique tout en rĂ©pondant Ă la complexitĂ© grandissante face Ă la masse documentaire Ă traiter, et Ă lâaccroissement de lâexigence qualitative des rendus.
Lâassociation de QGIS, des bases de donnĂ©es spatiales et relationnelles et dâune interface web parfaitement adaptĂ©e au terrain comblent dĂ©sormais le manque constatĂ© dâun outil efficace et fiable dâenregistrement archĂ©ologique Ă lâĂ©chelle de lâopĂ©ration. Ă ce titre, Badass associĂ©e Ă BadâMobil comblent totalement les attentes des archĂ©ologues qui les ont expĂ©rimentĂ©s.
Si les logiciels libres ont, ces derniĂšres annĂ©es, entamĂ© une timide percĂ©e chez de nombreux opĂ©rateurs dâarchĂ©ologie (certains les ont pleinement adoptĂ©s), des rĂ©ticences restent prĂ©sentes, que ce soit des utilisateurs, mais aussi parfois des DSI des administrations publiques, qui peuvent prĂ©fĂ©rer opter pour un service tout-en-un dotĂ© dâun support technique.
Mais la persistance des usages des logiciels propriĂ©taires nâest pas sans poser de rĂ©els problĂšmes quant Ă la pĂ©rennitĂ© des donnĂ©es archĂ©ologiques et les archĂ©ologues commencent juste Ă dĂ©couvrir le problĂšme. Leur attachement Ă leurs donnĂ©es â si elle va parfois Ă lâencontre du principe de la science ouverte â devrait cependant les inciter Ă opter pour des formats dont la pĂ©rennitĂ© apparaĂźt certaine, garantissant par lĂ mĂȘme lâaccĂšs Ă ces donnĂ©es dans le futur, quel que soit le logiciel ou le systĂšme dâexploitation utilisĂ©, sâils ne veulent pas que leur travail tombe dans lâoubliâŠ
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