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Aux (codes) sources de la poésie

Le livre ./code --poetry est un objet original rĂ©unissant programmation, poĂ©sie et graphisme, que l’amoureux du code peut prendre plaisir Ă  avoir dans sa bibliothĂšque pour le feuilleter de temps en temps et mĂ©diter sur toute cette littĂ©rature pour machines qu’il a Ă©crite depuis ses premiers Ă©mois binaires. Attelage a priori improbable, Daniel Holden est programmeur et travaille dans les jeux vidĂ©os Ă  MontrĂ©al alors que Chris Kerr est un poĂšte qui vit Ă  Londres. Ils ont en fait frĂ©quentĂ© la mĂȘme Ă©cole et se connaissent depuis l’ñge de onze ans. Explorons leur livre :

  • Daniel Holden et Chris Kerr, ./code --poetry, Broken Sleep Books, 2023, ISBN 978-1-915760-89-0.

    Sommaire

    Sources et rendus

    Un code poem est un code source mĂ©langĂ© Ă  de la poĂ©sie, alors on pourrait traduire l’expression par un mot composĂ© comme code-poĂšme ou poĂšme-source. J’utiliserai plutĂŽt cette derniĂšre traduction, le mot « source Â» ayant clairement des connotations poĂ©tiques. Pour ce qui est du concept de code poetry, poĂ©sie-source me satisfait moins. À vous de voir.

    Dans les poÚmes-sources du livre, parfois les mot-clés du langage utilisé font partie du texte du poÚme, parfois le poÚme est simplement contenu dans des commentaires que la coloration syntaxique et la mise en page aideront à mettre en valeur. Utiliser des chaßnes de caractÚres est une autre solution facile. On peut aussi généralement utiliser des noms de variables (éventuellement inutilisées), de fonctions, de labels, etc. Dans certains poÚmes-sources les parties de code imprononçables sont isolées en haut ou en bas du code source comme dans chernobyl.rkt. Le code est toujours mis en forme avec soin et constitue parfois un calligramme, mot inventé par Apollinaire, par exemple une raquette de tennis pour Processing. Les auteurs se réclament également de la poésie concrÚte.

    On notera que dans le cas oĂč l’on utilise Ă©galement les mots-clĂ©s du langage dans le texte poĂ©tique, on sera bien sĂ»r dans la plupart des langages plutĂŽt incitĂ© Ă  Ă©crire en anglais. Mais on pourrait aussi considĂ©rer leurs mots-clĂ©s comme des parties d’un mot, par exemple for(midable=0;;) // j’étais fort minable. Sinon, on pourra utiliser un langage Logo en français ou quelques autres rares langages pour batracien hexagonal que vous pourrez citer en commentaires.

    Une contrainte majeure respectĂ©e dans le livre est qu’un programme doit ĂȘtre exĂ©cutable : il produit alors souvent de l’art ASCII, soit statique soit le plus souvent dynamique comme dans water.c, mais peut aussi produire un texte mixant poĂ©sie et codes informatiques (des balises HTML par exemple dans divide.php). Quant au titre du poĂšme, c’est simplement le nom du fichier source.

    Les sujets abordĂ©s dans ces poĂšmes sont variĂ©s : expĂ©riences personnelles, thĂ©ories du complot, dystopies, technologie et environnement, etc. D’aprĂšs l’introduction du livre, chaque poĂšme-source et sa sortie sont censĂ©s reflĂ©ter le caractĂšre du langage informatique utilisĂ©. On trouvera pour chacun des vingt-six poĂšmes le code source sur la page gauche, avec coloration syntaxique, sur fond clair ou sombre, et sur la page droite la sortie. Le livre se double d’un site compagnon https://code-poetry.com/ qui a l’avantage de montrer les versions animĂ©es des sorties. Le livre essaie nĂ©anmoins de rendre cela par des successions de copies d’écran quand c’est possible. Comme la banniĂšre en haut du site web semble boguĂ©e ou incomplĂšte, voici les liens directs vers les vingt-six codes disponibles : Javascript, Julia, PHP, Racket, C++, Piet, Bash, Shakespeare, Perl, C, Haskell, C, J, Batch, Ruby, Objective C, Go, Processing, Ante, Befunge, C#, Python, Python, Erlang, Lua, Brainfuck. On notera que parmi les langages vedettes, le C et le Python ont droit Ă  deux codes. Et on saluera les efforts du programmeur pour arriver Ă  maĂźtriser les bases de tous ces langages pour la rĂ©daction du livre. Si vous y trouvez un de vos langages prĂ©fĂ©rĂ©s, vous pouvez partager en commentaires les particularitĂ©s ou astuces des codes prĂ©sentĂ©s (on frise parfois l’offuscation).

    Autres textes pour « massive nerds Â»

    AprÚs les vingt-six poÚmes, nous tombons sur la Code Poetry Manual Page, placée dans la section 7 des man-pages (Overview, conventions, and miscellaneous) : ./code --poetry - A collection of executable art. Chaque poÚme ou langage a droit à un paragraphe de commentaires (techniques, littéraires ou humoristiques).

    Le livre se termine par un texte de chaque auteur. Le premier texte, celui du poĂšte, explique les contraintes liĂ©es Ă  la mise en page et Ă  la prĂ©sentation graphique des codes sources et de leurs sorties Ă  la fois dans le livre et sur le site compagnon, puis se termine par une liste d’autres livres dĂ©jĂ  publiĂ©s sur le sujet, en insistant sur ce en quoi le prĂ©sent livre s’en dĂ©marque.

    Le second texte est Ă©crit par le programmeur du tandem et s’intitule (si l’on interprĂšte le graphisme d’introduction) « I love ASCII Â». Il tente d’abord d’expliquer au candide (qui serait tombĂ© par hasard sur ce livre ?) ce qu’est un langage de programmation pour l’introduire Ă  la culture geek. Il explique par exemple la multiplicitĂ© des langages et dit :

    Les gens ont donc tendance Ă  s’identifier Ă  certains langages plus qu’à d’autres, ce qui entraĂźne un effet d’amplification. Au fur et Ă  mesure que les gens affluent vers le langage qui leur correspond le mieux, la culture s’homogĂ©nĂ©ise. Des frontiĂšres sont tracĂ©es, des nations se dĂ©veloppent et des drapeaux sont hissĂ©s.
    Ces factions sont connues pour se livrer Ă  des « guerres de religion Â» Ă  propos du meilleur style de programmation. La lecture des arguments est une expĂ©rience en soi, quelque part entre un dĂ©bat thĂ©orique entre physiciens des particules et une dispute enfantine sur Porsche versus Ferrari.

    Le texte se termine par la dĂ©claration d’amour au code ASCII annoncĂ©e en titre, avec des explications intĂ©ressantes sur les origines de certains caractĂšres. Mais quand l’auteur taquine sa compagne en lui disant qu’il va se faire tatouer les quatre-vingt-quinze caractĂšres imprimables du code ASCII, elle lui rĂ©pond en substance : « Please don’t, you massive nerd! Â»

    Finalement, la derniĂšre page imprimĂ©e du livre nous invite Ă  nous mettre au travail avec la chaĂźne de caractĂšres layoutyourunrest Ă©crite en majuscules puis en minuscules. On peut traduire ça par : « exposez votre trouble Â». C’est en fait la devise de la maison d’édition Broken Sleep Books (dont le fondateur est insomniaque !), spĂ©cialisĂ© dans la poĂ©sie et basĂ©e au Pays de Galles. Alors lecteur linuxien, es-tu inspirĂ© ? N’es-tu pas en mal de dĂ©fi depuis que TapTempo a Ă©tĂ© portĂ© dans ton langage favori ? Are you experienced?

    Le logos informatique

    Le verbe créateur est bien sûr un thÚme biblique. Wikipedia rappelle également que :

    Le terme « poĂ©sie Â» et ses dĂ©rivĂ©s « poĂšte Â», « poĂšme Â» viennent du grec ancien Ï€ÎżÎŻÎ·ÏƒÎčς / poĂ­esis par le verbe Ï€ÎżÎčέω / poiĂ©Ć, « faire, crĂ©er Â» : le poĂšte est donc un crĂ©ateur, un inventeur de formes expressives [
]

    On sait bien que les Ă©crivains crĂ©ent des mondes, certains poussant mĂȘme la chose Ă  l’extrĂȘme, comme J.R.R. Tolkien qui a crĂ©Ă© tout un monde avec sa mythologie, son histoire, sa gĂ©ographie, ses crĂ©atures, ses langues, ses poĂšmes et chansons, etc. Mais les dĂ©veloppeurs ne sont pas en reste. Que le logos informatique soit crĂ©ateur et crĂ©e des mondes, voire le monde, pour le meilleur et pour le pire, quiconque a vĂ©cu l’évolution de notre sociĂ©tĂ© depuis les dĂ©buts du web pourra difficilement en douter.

    Notes diverses

    • Difficile aprĂšs cette conclusion de ne pas avoir envie de rĂ©Ă©couter Un autre monde (1984) de TĂ©lĂ©phone. « Dansent les ombres du monde Â».
    • Cette alliance de la poĂ©sie et de la technologie m’a fait aussi penser Ă  Anne Clark, qui dans les annĂ©es 80 dĂ©clamait ses textes dans un style dit « spoken word Â» sur fond de musique Ă©lectronique new wave. Son morceau le plus connu est Our Darkness (1984), qualifiĂ© plus rĂ©cemment par certains de proto-house. Elle a continuĂ© sa carriĂšre et en 2022 a sorti un album Borderland (Found Music for a Lost World) dans un style musique de chambre. On y trouve en particulier un poĂšme de Mary E. Coleridge (1861-1907) intitulĂ© L’oiseau bleu rĂ©citĂ© par Anne Clark : The Bluebird. Enfin, sur son site officiel, on voit qu’en 2024 elle a prĂȘtĂ© sa voix Ă  des installations rĂ©alisĂ©es par l’artiste Clemens von Wedemeyer qui s’intĂ©resse entre autres aux relations sociales, comme on peut le voir sur ces photos montrant des graphes : Social Geometry. Malheureusement, on ne l’entendra pas ; il aurait fallu aller Ă  Berlin.
    • Cette dĂ©pĂȘche n’est pas sans lien non plus avec Des nouvelles de Fortran n°6 oĂč j’évoquais rĂ©cemment l’utilisation du langage dans les annĂ©es 60-70 pour explorer la gĂ©nĂ©ration automatique de poĂšmes.
    • On notera que comprendre la poĂ©sie moderne anglo-saxonne peut parfois ĂȘtre ardu, la syntaxe de la langue, dĂ©jĂ  plutĂŽt souple, subissant des contorsions et le vocabulaire puisant dans le vaste rĂ©pertoire de la langue anglaise. Sans compter ici le mĂ©lange avec le code source qui brouille parfois la lecture (faut-il lire les mots-clĂ©s du langage ?).

    Bibliographie

    • Chris Kerr et Daniel Holden, « Optimizing Code for Performance: Reading ./code --poetry Â» in Poetry and Contemporary Visual Culture / Lyrik und zeitgenössische Visuelle Kultur, Ă©ditĂ© par Magdalena Elisabeth Korecka et Wiebke Vorrath, Berlin, Boston: De Gruyter, pages 167-184, 2023, https://doi.org/10.1515/9783111299334-009, licence CC BY-NC-ND 4.0. Dans ce chapitre, on trouvera en particulier des explications Ă©clairantes sur certains des poĂšmes-sources du livre.
    • Interview des auteurs du livre (en), Daniel Holden et Chris Kerr, par Aaron Kent, 11 octobre 2023.
    • Alan Riddell, Typewritter Art, London Magazine Editions, 1975, PDF en ligne. Ce livre contient de belles illustrations de cet art de la machine Ă  Ă©crire, une forme de poĂ©sie concrĂšte.
    • L’entrĂ©e nerd dans Linguee.
    • Le livre avait Ă©tĂ© Ă©voquĂ© dans la section Liens en aoĂ»t 2023 : https://linuxfr.org/users/gilcot/liens/what-is-code-poetry .
    • Quatre poĂšmes-sources du livre avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© publiĂ©s en 2019 sur le site https://www.welcometothejungle.com/fr/tags/developers-poem-programs .

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    Nouvelle annĂ©e, vƓux 2025 et accomplissements passĂ©s et futurs

    Traditionnelle pĂ©riode de vƓux lors du changement d’annĂ©e. Voyons ce qui devrait
 changera
 pourrait Ă©ventuellement changer ou non. Donc revenons cette annĂ©e encore sur nos accomplissements passĂ©s et futurs et de ce que nous aimerions voir plus sur notre site prĂ©fĂ©rĂ©.

    Bonne année 2025

    Cinq personnes se sont prĂȘtĂ©es au jeu de cette dĂ©pĂȘche pas vraiment de vƓux, mais un peu quand mĂȘme. En vrac dans les accomplissements : hurl, cadran solaire, programmes Ă©lectoraux, Amstrad CPC, financement europĂ©en, Haiku, CV, Transimpressux, visualisation scientifique, XMPP, commentaires de code, docker, menstruation, vĂ©lo, documentation, Ă©diteur pixel art, assembleur, OSXP, Smalltalk. L’annĂ©e qui vient, sur LinuxFr.org, promet d’ĂȘtre (fe)diverse, Ă©vĂ©nementielle, ferroviaire, bureautique, rĂ©parable, un peu rouillĂ©e, rĂ©solue et motivĂ©e.

    Sommaire

    BenoĂźt Oumph Sibaud

    Accomplissements, rĂ©alisations, progrĂšs de l’annĂ©e 2024

    Le retard cĂŽtĂ© adminsys pour LinuxFr.org se rĂ©duit, de mĂȘme pour celui sur le code (Ă©videmment ça ne va jamais assez vite, c’est le principe) (voir les dĂ©pĂȘches sur nos services img et epub). J’ai eu l’occasion de jouer un peu avec Hurl pour des tests HTTP (voir les dĂ©pĂȘches prĂ©cĂ©demment mentionnĂ©es et celle sur Hurl 6.0.0) et docker et docker compose, en plus de faire un peu de Go. J’ai pu de nouveau ĂȘtre prĂ©sent pour le stand et les animations sur place lors de la confĂ©rence Open Source eXPerience Paris et c’était bien de revoir d’autres personnes de l’équipe, de notre lectorat, des libristes connus de longue date et des nouvelles personnes (et de goĂ»ter la biĂšre de nos 25 ans aussi). Le 28 juin 2024, la politique de minimisation des donnĂ©es mise en place un an plus tĂŽt (pour les 25 ans du site) s’est appliquĂ©e pour les comptes dĂ©jĂ  fermĂ©s prĂ©alablement (prochaine Ă©tape en juin 2026).

    Je suis aussi content de ma dĂ©pĂȘche sur le contenu programmatique lors des Ă©lections europĂ©ennes de juin. Je mentionnerais aussi dans les sujets importants la question du programme de financement europĂ©en Next Generation Internet (NGI) et la dĂ©pĂȘche sur le dĂ©cĂšs de lunar, un hacktiviste pĂ©dagogue.

    Ce que je voudrais faire, apprendre ou approfondir en 2025

    DĂ©jĂ  dans les reports de 2024, je voudrais m’intĂ©resser au Fediverse et Ă  ActivityPub peut-ĂȘtre, et peut-ĂȘtre Ă  Gemini (le protocole) ? Il y a des travaux en cours sur le service de partage sur les rĂ©seaux sociaux share. Par contre j’ai donnĂ© moins de confĂ©rences en 2024 pour LinuxFr.org et globalement assistĂ© Ă  moins d’évĂ©nements : donc je rĂ©itĂšre l’ambition 2025 de rencontrer plus rĂ©guliĂšrement le lectorat ou les personnes contribuant au site ou des publics nouveaux, car c’est apprĂ©ciable pour le moral et la motivation.

    Des contenus que je voudrais voir plus sur LinuxFr.org (type de contenu, sujet, etc.)

    Je peux reprendre in extenso mon propos de l’annĂ©e derniĂšre : je serais intĂ©ressĂ© d’avoir plus de contenus (idĂ©alement des dĂ©pĂȘches) sur la rĂ©paration et la rĂ©utilisation, sur de l’informatique sobre, sur des sujets qui ne me viendraient pas Ă  l’idĂ©e (sĂ©rendipitĂ©), sur les politiques autour du numĂ©rique et des donnĂ©es, sur des retours d’expĂ©rience et sur les sujets qui vous passionnent vous.

    Ysabeau

    Accomplissements, rĂ©alisations, progrĂšs de l’annĂ©e 2024

    Quelque chose dont je suis plutĂŽt franchement fiĂšre c’est d’avoir parlĂ© d’un sujet typiquement fĂ©minin sur LinuxFr.org tout en restant parfaitement dans le thĂšme du site et celui de la JournĂ©e internationale des droits des femmes. Le dessin de l’illustration, qui met les points sur les « i Â» m’a beaucoup amusĂ©. La qualitĂ© de l’accueil de la dĂ©pĂȘche sur LinuxFr.org et ailleurs m’a ravie. Dans la sĂ©rie rĂ©alisations : les portraits que j’ai faits, quelque chose que j’entends continuer, ont Ă©tĂ© une grande source de connaissances en ce qui me concerne. Pour finir le modĂšle-tutoriel de CV – Fiche de candidature qui me trottait dans la tĂȘte depuis un certain temps.

    Concernant les progrĂšs : je pense avoir atteint, en matiĂšre d’EPUB, le niveau pour mes besoins. Un jour il faudra que je fasse une dĂ©pĂȘche sur ce sujet et sur Sigil. Et j’ai bien progressĂ© avec Inkscape, et mĂȘme en XML hourra !

    Ce que je voudrais faire, apprendre ou approfondir en 2025

    Je n’ai pas fini la sĂ©rie Transimpressux, je vais continuer Ă  travailler dessus. En 2024, j’avais aussi pour objectif, dĂ©sir, de me pencher sur l’informatique et le handicap, l’exploration de l’espace, entre autres sujet, m’en a Ă©loignĂ©e. À voir si j’arrive cette annĂ©e Ă  mieux explorer le terrain. J’ai aussi dans l’idĂ©e de rĂ©diger quelque chose sur l’art la maniĂšre de faire des modĂšles pour LibreOffice et le site des extensions de LibreOffice. Parce que ce n’est pas si Ă©vident. Peut-ĂȘtre mĂȘme, si je trouve comment faire, transformer en extension certaines de mes sĂ©ries de modĂšles.

    Quoi d’autre ? Ah oui et faire des modĂšles de jouets et miniatures (pour maisons de poupĂ©e par exemple) pour Draw et Inkscape qui pourraient ĂȘtre faits soit en imprimant le modĂšle sur papier et en utilisant des matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration (cartons divers) pour la rĂ©alisation, soit en utilisant un graveur (dĂ©coupeur ?) laser. AmĂ©liorer peut-ĂȘtre ma connaissance du XML et finir de lire les spĂ©cifications de l’ODF peut-ĂȘtre.

    Des contenus que je voudrais voir plus sur LinuxFr.org (type de contenu, sujet, etc.)

    Comme pour l’annĂ©e derniĂšre, j’aimerais qu’on explore plus les questions de rĂ©parabilitĂ© trĂšs concrĂštement et sur les plans techniques et juridiques. Il y a aussi la question du handicap et de l’informatique qui mĂ©rite d’ĂȘtre plus mise en avant. Et plus de tutoriels.

    vmagnin

    Accomplissements, rĂ©alisations, progrĂšs de l’annĂ©e 2024

    J’ai publiĂ© en mars 2024, avec mon coauteur Ali, une bibliothĂšque en Fortran orientĂ© objet nommĂ©e ForColormap qui propose des palettes de couleurs pour la visualisation scientifique. CĂŽtĂ© hobbys, j’ai bien progressĂ© dans mes projets musicaux ForMIDI et ForSynth (qui gĂ©nĂšre des WAV), avec Ă  nouveau l’introduction de l’orientĂ© objet. C’est une façon d’étudier la musique : programmer c’est comprendre. J’ai aussi avancĂ© sur mon projet de cadran solaire ForSundial, le seul que j’ai hĂ©bergĂ© pour l’instant sur Codeberg. J’espĂšre avoir le temps un jour d’aller au-delĂ  du prototype en peuplier (il paraĂźt que la dĂ©coupe laser peut graver du marbre). Ah oui, je me suis aussi achetĂ© une carte Greaseweazle 4.1 pour rĂ©cupĂ©rer le contenu de disquettes des annĂ©es 80 (en particulier au format Atari ST, non lisible sur PC), mais je n’ai toujours pas eu le temps de faire ce que je voulais. Chacun de ces points pourrait faire l’objet d’un journal, mais le temps, c’est ça le problĂšme


    Sur LinuxFr.org, je n’ai publiĂ© que ma dĂ©pĂȘche pseudo-pĂ©riodique « Des nouvelles de Fortran n°6 Â» pour NoĂ«l, ainsi que deux journaux, dont un long qui est la suite de celui de novembre 2021 sur le pulsar iconique CP 1919 et qui parle de beaucoup de choses : histoire de l’informatique, musique Ă©lectronique, plongĂ©e dans les dĂ©cennies 70 et 80 et ce qu’elles ont Ă  nous dire sur le monde d’aujourd’hui (similaritĂ©s et diffĂ©rences), etc.

    Mais j’ai en fait aussi participĂ© plus ou moins Ă  d’autres dĂ©pĂȘches qui m’intĂ©ressaient : relecture, discussion ou rĂ©daction. C’est sympa Ă  faire et c’est un peu comme y avoir accĂšs en avant-premiĂšre. N’hĂ©sitez pas Ă  franchir le pas (onglet RĂ©daction) si ce n’est dĂ©jĂ  fait.

    Ce que je voudrais faire, apprendre ou approfondir en 2025

    Je commence Ă  apprendre le Rust, non pas tellement parce que j’en aurais un quelconque besoin cĂŽtĂ© professionnel ou cĂŽtĂ© hobby, mais avant tout pour Ă©tudier de nouveaux (pour moi) concepts comme les gĂ©nĂ©riques, les traits, les motifs, la possession et la durĂ©e de vie, les fermetures, etc. J’ai empruntĂ© un bon livre : DĂ©veloppez avec Rust traduit rĂ©cemment chez Dunod. La derniĂšre fois que j’avais vraiment Ă©tĂ© excitĂ© d’apprendre un nouveau langage, c’était avec Python il y a quinze ans (et les expressions rĂ©guliĂšres en mĂȘme temps). AprĂšs le serpent, je prendrais bien un peu de crabe


    Sinon, j’aimerais bien avoir le temps de faire en 2025 ce que je n’ai pas eu le temps de faire en 2024 :-) Mais j’ai peut-ĂȘtre tort, je devrais peut-ĂȘtre vouloir faire moins de choses pour avoir plus de temps
 Ă  ne rien faire (en plus c’est Ă©cologique). Être idle.

    Des contenus que je voudrais voir plus sur LinuxFr.org (type de contenu, sujet, etc.)

    Donc des journaux ou dĂ©pĂȘches sur Rust :-) J’aime bien aussi ce qui concerne l’histoire de l’informatique, et ce qui sort des clous comme l’histoire des sciences, les arts, en particulier la musique, etc. L’informatique Ă©tant quasiment partout, on trouve facilement un prĂ©texte pour parler de n’importe quoi
 On pourrait publier des critiques de livres autour de l’informatique ou de la science et la technologie, et pourquoi pas de films ou autres Ɠuvres. Enfin, des bricolages en FabLab peuvent ĂȘtre intĂ©ressants.

    gUI

    Une version trÚs raccourcie pour moi, je voudrais me concentrer particuliÚrement sur une chose cette année :

    Ce que je voudrais faire, apprendre ou approfondir en 2025

    De la documentation !

    Plusieurs points dans ce sens :

    • AmĂ©liorer mes commentaires (j’y documente dĂ©jĂ  tous les piĂšges Ă  cons, mais je continue d’avoir du mal Ă  me comprendre quand je dĂ©terre des vieux bouts de code)
    • AmĂ©liorer mes notes perso : aujourd’hui j’utilise nb pour ça. C’est pas mal, mais c’est un peu le foutoir, c’est pas centralisĂ©, bref
 peut mieux faire
    • AmĂ©liorer la doc de mon infra domestique : oui en bon vieux gros Geek c’est pas simple chez moi. Alors dĂ©jĂ  quand je dois remettre les mains sur un truc qui tourne sans soucis depuis des annĂ©es j’ai des gouttes de sueurs, je n’ose imaginer s’il m’arrive quelque chose (eh oui, soyons prĂ©voyants) comment ma famille (pourtant pas des manches) va s’en sortir.
    • Quelques autres projets de doc un poil hors-sujet ici (livret d’accueil dans mon association sportive par exemple)

    PulkoMandy

    Accomplissements, rĂ©alisations, progrĂšs de l’annĂ©e 2024

    J’ai continuĂ© Ă  travailler sur l’adaptation de vbcc et vasm pour la console de jeux VTech V. Smile. L’assembleur et le compilateur C sont fonctionnels et on peut compiler le systĂšme d’exploitation Contiki avec. Le code gĂ©nĂ©rĂ© n’est pas du tout optimisĂ© pour l’instant.

    J’ai un peu avancĂ© sur mon interprĂ©teur pour les fictions interactives du jeu Lectures Enjeu mais il y a des fonctionnements que je n’arrive pas Ă  comprendre: si je fais fonctionner un jeu, j’en casse un autre :(

    J’ai publiĂ© une nouvelle version de l’éditeur pixel art GrafX2, il n’y en avait pas eu depuis 2021. Je ne fais plus grand-chose pour ce projet, je pense que le logiciel est assez complet.

    Je continue bien sĂ»r Ă  travailler pour Haiku: entre autres sur les dĂ©pĂȘches Linuxfr, le navigateur web WebPositive, et le client XMPP Renga. Je n’ai jamais le temps et la motivation de participer autant que je le voudrais.

    Enfin, j’ai entrepris la rĂ©alisation d'un interprĂ©teur Smalltalk pour Amstrad CPC. Il fonctionne, mais il est beaucoup trop lent.

    Et comme il n’y a pas que l’informatique dans la vie, j’ai traversĂ© la France en vĂ©lo pour me rendre de Toulouse Ă  Avranches, soit environ 900km en une douzaine de jours. J’ai eu plus de problĂšmes au retour en train qu’à l’aller en vĂ©lo.

    Ce que je voudrais faire, apprendre ou approfondir en 2025

    Du cĂŽtĂ© des problĂšmes techniques: le systĂšme de sauvegarde externe de mon serveur auto hĂ©bergĂ© est cassĂ©. Il faut que j’investigue les scripts perl fournis par le service de sauvegarde que j’ai choisi (qui a l’avantage d’ĂȘtre vraiment pas cher, et les inconvĂ©nients qui vont avec).

    Je vais sĂ»rement continuer Ă  travailler sur les projets mentionnĂ©s ci-dessus (et quelques autres) et essayer de ne pas en commencer de nouveaux avant d’avoir fini quelque chose. J’ai beaucoup d’idĂ©es mais pas le temps pour tout faire.

    Je vais essayer de lire les livres que j’ai gagnĂ©s grĂące Ă  mes contributions Ă  LinuxFr.org et que je n’ai pas tous eu le temps d’ouvrir :(

    Je vais Ă©galement essayer de faire du vĂ©lo plus rĂ©guliĂšrement, ces derniers temps la motivation m’a beaucoup manquĂ© pour ça.

    Des contenus que je voudrais voir plus sur LinuxFr.org (type de contenu, sujet, etc.)

    J’aimerais lire des choses sur d’autres systĂšmes d’exploitation: Linux, BSD, mais aussi Serenity, ReactOS ou Redox OS et sĂ»rement plein d’autres dont je n’ai pas entendu parler.

    (mais ce serait en plus des contenus existants sur plein de sujets, et des débats dans les commentaires, qui sont passionnants).

    Pour finir

    Nous vous souhaitons tout de mĂȘme la meilleure annĂ©e possible (on oscille entre ĂȘtre rebelles et conformistes). Et, bien Ă©videmment, n’hĂ©sitez pas Ă  « continuer Â» cette dĂ©pĂȘche dans les commentaires.

    Et un merci à toutes celles et ceux qui font de LinuxFr.org un site enrichi en sérendipité et surprises.

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    Des nouvelles de Fortran n°6 - décembre 2024

    Que s’est-il passĂ© dans le monde du Fortran depuis dĂ©cembre 2023 ? Nous avons un centenaire Ă  fĂȘter (non, ce n’est pas le vieux barbu coincĂ© dans la cheminĂ©e), ainsi qu’un nouveau Roi (il n’est pas libre, mais tant pis pour lui, il n’avait qu’à choisir de vivre dans une amphore). Sans oublier un artiste octogĂ©naire (on en profite pour explorer les liens entre FORTRAN et art dans les annĂ©es 60-70). Et on dĂ©construit enfin un mythe sur les ordinateurs des sondes Voyager.

    Sommaire

    John Backus est né il y a cent ans

    John Backus (1924-2007), pÚre du langage, est né à Philadelphie le 3 décembre 1924. Le site mathématique MacTutor propose une biographie intéressante (en anglais) du mathématicien/informaticien, avec des citations. Par exemple, à propos de ses années dans le secondaire :

    I flunked out every year. I never studied. I hated studying. I was just goofing around. It had the delightful consequence that every year I went to summer school in New Hampshire where I spent the summer sailing and having a nice time.

    Sur le front des compilateurs

    Compilateurs opérationnels

    Le Roi est mort, vive le Roi ! Le compilateur classique Intel ifort n’est plus maintenu Ă  partir d’IntelÂź Fortran Compiler 2025.0, sorti le 31 octobre 2024. Sa version dĂ©finitive est la 2021.13. C’est son dauphin Intel ifx, basĂ© sur LLVM, qui prend le relais, aprĂšs ĂȘtre sorti de sa version beta avec la 2022.0.

    Mais « si je n’étais Intel ifx, je voudrais ĂȘtre GNU Fortran ». Au moins, l’animal est libre, dans l’immensitĂ© des savanes. Certains anciens prĂ©tendent mĂȘme en avoir aperçu un assis en tailleur et jouant de la flĂ»te. GFortran, compilateur Fortran de la GCC, en est Ă  la version 14.2. On notera des amĂ©liorations concernant OpenMP et OpenACC. Si le compilateur accepte dĂ©sormais l’option -std=f2023, ne nous rĂ©jouissons pas trop vite. Pour l’instant la nouvelle fonctionnalitĂ© gĂ©rĂ©e concerne l’augmentation de la longueur des lignes Ă  10 000 caractĂšres (au lieu de 132 depuis Fortran 90) et des instructions Ă  un million de caractĂšres (elles peuvent ĂȘtre continuĂ©es sur un grand nombre de lignes). À quoi ça sert ? C’est utile pour des codes gĂ©nĂ©rĂ©s automatiquement.

    En gestation

    Il faut 22 mois de gestation pour un Ă©lĂ©phant, mais beaucoup plus pour un nouveau compilateur Fortran ! On doit non seulement implĂ©menter prĂšs de 700 pages de norme technique, mais aussi tout un tas de choses externes telles que MPI, OpenMP ou OpenACC pour le calcul parallĂšle, et gĂ©rer de nombreuses architectures matĂ©rielles. On comprend donc que les motivations sous-jacentes doivent ĂȘtre puissantes pour s’attaquer Ă  un tel chantier et on comprend pourquoi la plupart des nouveaux compilateurs s’appuient sur l’infrastructure LLVM.

    L’avancĂ©e du travail sur le nouveau Flang pour LLVM est dĂ©crite dans le dernier Flang Liaison Report au J3 (24/10/2024). Et d’aprĂšs Phoronix, flang-new a Ă©tĂ© rebaptisĂ© flang pour la version LLVM 20.1 du printemps prochain, ce qui est de bon augure. Flang est un projet soutenu par NVIDIA et le DĂ©partement de l’Énergie amĂ©ricain.

    AMD travaille de son cĂŽtĂ© Ă  sa version Next-gen Fortran compiler permettant le dĂ©lestage (offloading) des instructions OpenMP sur ses GPU. Bref, c’est chaud dans le monde du calcul parallĂšle sur processeur graphique !

    Le dĂ©veloppement du compilateur LFortran continue. Il passera en version beta quand il sera capable de compiler une sĂ©lection de dix bibliothĂšques Fortran matures : en dĂ©cembre 2023, il en Ă©tait Ă  4/10. Il est dĂ©sormais Ă  7/10. Et il a Ă©tĂ© annoncĂ© en novembre 2024 que LFortran gĂ©rait dĂ©sormais toutes les fonctions intrinsĂšques de Fortran 2018. Le mĂȘme blog prĂ©sente Ă©galement quelques dĂ©mos en ligne du back-end WebAssembly de LFortran.

    Fortran 2028

    Alors que les compilateurs n’implĂ©mentent pour l’instant que certaines parties de Fortran 2023, la prochaine mouture est dĂ©jĂ  en cours d’élaboration. Et on commence Ă  voir l’appellation Fortran 2028 apparaĂźtre dans les documents du comitĂ© J3 Ă  la place de 202Y. Dans la liste des caractĂ©ristiques retenues par le groupe de travail WG5 fin juin, on trouve en particulier :

    • des templates pour la programmation gĂ©nĂ©rique ;
    • la gestion des tĂąches asynchrones ;
    • un prĂ©-processeur Fortran ;
    • la possibilitĂ© de dĂ©finir les KIND utilisĂ©s par dĂ©faut dans un programme (on pourrait par exemple demander dans le code lui-mĂȘme que tous les REAL soient considĂ©rĂ©s comme des REAL64, ou REAL32 ou REAL128).

    La proposition d’ajouter au langage des entiers non signĂ©s a disparu (pour l’instant ?), malgrĂ© l’option expĂ©rimentale -funsigned qui sera disponible dans GFortran 15.

    Communauté Fortran-lang

    Projets Fortran-lang

    L’organisation Fortran-lang est dĂ©sormais financĂ©e par l’organisation amĂ©ricaine Ă  but non lucratif NumFOCUS.

    fpm

    Le gestionnaire de paquets Fortran fpm est disponible en version 0.10.1 depuis mars 2024. Une liste d’environ 300 projets utilisant fpm est disponible ici.

    stdlib

    La bibliothÚque standard stdlib est sortie en version 0.7.0 début juillet. Elle apporte entre autres choses les valeurs CODATA 2022 des constantes physiques fondamentales. Ces valeurs, utilisées par tous les physiciens, sont mises à jour par le NIST (National Institute of Standards and Technology) tous les quatre ans, au fil des progrÚs en métrologie.

    Quelques projets divers

    • Fortitude, un linter Ă©crit en Rust, est disponible en version 0.6.2.
    • Le projet fprettify, un utilitaire de formatage automatique de code Fortran, Ă©crit en Python, a Ă©tĂ© officiellement adoptĂ© par l’organisation Fortran-lang.
    • forgex, un moteur d’expressions rĂ©guliĂšres entiĂšrement Ă©crit en Fortran, est disponible en version 3.5.

    Art et Fortran

    C’est NoĂ«l, on veut ce qui n’a pas de prix, on veut du beau ! Que la technologie serve Ă  faire du beau.

    Earl Einhorn, 81 ans, crĂ©e ses images Ă  l’aide de programmes Fortran depuis 1989, et utilise Photoshop pour finaliser les couleurs. Ses Ɠuvres actuelles comportent souvent des visages, leur symĂ©trie facilitant son travail depuis la perte de son Ɠil droit. Vous pouvez voir son travail sur son site. Il y explique qu’actuellement il crĂ©e typiquement des images de 12 000 sur 15 000 pixels, ce qui lui permet de les imprimer en 300 PPP pour des tableaux d’environ un mĂštre de cĂŽtĂ©.

    VoilĂ  qui peut sembler original, mais dans les annĂ©es 60-70 de nombreux artistes ont en fait utilisĂ© FORTRAN 1 pour explorer ce que l’ordinateur, machine alors rĂ©volutionnaire et rare, pouvait apporter Ă  la musique, aux arts graphiques et Ă  la poĂ©sie. Pourquoi FORTRAN ? C’était simplement le langage dominant et facile Ă  apprendre Ă  l’époque, le Python des Beatles !

    En 1963, Iannis Xenakis (1922-2001) publie son livre Musiques formelles : nouveaux principes formels de composition musicale. Le chapitre IV « Musique Stochastique libre, Ă  l’ordinateur » contient le listing du programme en FORTRAN IV utilisĂ© pour gĂ©nĂ©rer sur IBM 7090 une Ɠuvre de musique stochastique intitulĂ©e ST/10=1,080262. Il est maintenant en ligne sur GitHub. Au fait, bonne Ă©coute !

    Pierre Barbaud (1911-1990) a Ă©galement utilisĂ© FORTRAN pour composer par exemple une oeuvre de musique Ă©lectronique intitulĂ©e Terra incognita ubi sunt leones (1973). Le dĂ©but du code est visible ici (hum
 que penser de cet appel rĂ©pĂ©tĂ© Ă  cette procĂ©dure : CALL GIRL(IDIV) ?). Bonne Ă©coute !

    Au niveau des arts graphiques, on pourrait penser que les imprimantes de l’époque Ă©taient rudimentaires, mais ce serait oublier les traceurs (plotters), ou tables traçantes, qui permettaient de tracer des dessins techniques avec prĂ©cision 2. Les artistes programmeurs (ou programmeurs artistes) vont s’en emparer.

    Dans les annĂ©es 60, l’artiste japonais Hiroshi Kawano a travaillĂ© sur sa sĂ©rie Artificial Mondrian. Le site du Zentrum fĂŒr Kunst und Medien Karlsruhe prĂ©sente son oeuvre KD 52, rĂ©alisĂ©e en 1969 Ă  l’aide d’un programme en FORTRAN IV pour les formes et peinte ensuite Ă  la gouache. On pourra lire cet article de blog : « The man-machine: Hiroshi Kawano’s algorithmic Mondrian » par Claudio Rivera.

    En 1962, A. Michael Noll (Bell Labs) a commencĂ© Ă  utiliser un Stromberg Carlson SC-4020 microfilm plotter pour faire des dessins abstraits. Un faisceau d’électrons dessinait les formes sur un Ă©cran cathodique qui lui-mĂȘme impressionnait un microfilm. Il rend compte de ses premiĂšres expĂ©rimentations dans ce mĂ©mo datĂ© du 28 aoĂ»t 1962, avec bien sĂ»r un court code FORTRAN.

    On peut Ă©galement citer l’Allemand Manfred Mohr, nĂ© en 1938. Voir son site et l’article de blog « Surveying Manfred Mohr’s Five-Decade Collaboration with the Computer » (2019). Citons aussi le SlovĂšne Edward Zajec (1938 – 2018) dont on peut voir des oeuvres sur cette page. Son assistant MatjaĆŸ Hmeljak a continuĂ© sa carriĂšre dans l’art gĂ©nĂ©ratif au moins jusqu’en 2020.

    Les Ɠuvres de Vera MolnĂĄr (1924-2023), pionniĂšre de l’art gĂ©nĂ©ratif, ont Ă©tĂ© exposĂ©es Ă  la biennale de Venise en 2022. Elle a Ă©crit en 1974-1976 un programme baptisĂ© Molnart avec son mari :

    François Molnar et moi avons conçu et mis au point un programme souple qui permet une expérimentation picturale systématique. Il est écrit en Fortran pour ordinateur de grande capacité relié à un écran de visualisation et à un traceur.

    Voir Ă©galement :

    Dans le domaine des arts graphiques, vous trouverez plus d’Ɠuvres numĂ©riques rĂ©alisĂ©es entre 1963 et 1980 Ă  l’aide de FORTRAN sur le site compart.

    MĂȘme les poĂštes ont utilisĂ© FORTRAN. L’écrivain portugais Pedro Barbosa a ainsi publiĂ© en 1977 un livre intitulĂ© A literatura cibernĂ©tica 1. Autopoemas gerados por computador. On peut y lire des extraits de code. Et le poĂšte brĂ©silien Erthos Albino de Souza a utilisĂ© FORTRAN et PL/1 pour crĂ©er des poĂšmes graphiques.

    J. M. Coetzee, prix Nobel de littĂ©rature 2003, a commencĂ© sa carriĂšre comme programmeur chez IBM dans les annĂ©es 60. Il a expĂ©rimentĂ© la gĂ©nĂ©ration automatique de poĂ©sie : « The line generator was composed in a combination of FORTRAN-style pseudocode and assembly code », comme rapportĂ© dans cet article :

    DĂ©construction

    Depuis 2013 circulait l’idĂ©e que les logiciels internes des sondes spatiales Voyager 1 et Voyager 2, lancĂ©es en 1977, avaient Ă©tĂ© Ă©crits originellement en FORTRAN. Le buzz remonte apparemment Ă  un article intitulĂ© « Interstellar 8-Track: How Voyager’s Vintage Tech Keeps Running » paru dans Wired. Charles A. Measday a publiĂ© sur son blog dĂ©but 2024 un article approfondi intitulĂ© « Voyager and Fortran 5 » qui dĂ©construit ce mythe urbain. Si une partie des logiciels au sol ont Ă©tĂ© Ă©crits Ă  l’époque en FORTRAN, les ordinateurs de bord des sondes Ă©taient et sont toujours programmĂ©s en assembleur, ainsi qu’à l’aide de sĂ©quences de commandes spĂ©cifiques aux sondes.

    La citation de Backus

    Terminons en revenant au point de dĂ©part de la dĂ©pĂȘche, avec une citation de Backus issue d’une de ses derniĂšres interviews en 2006. Voici son bon conseil pour les jeunes :

    Well, don’t go into software. It’s just such a complicated mess that you just frazzle your brains trying to do anything worthwhile.


    1. On Ă©crit le nom du langage en majuscules pour la pĂ©riode avant Fortran 90. â†©

    2. Ce n’est peut-ĂȘtre pas un hasard si le langage Logo, avec sa cĂ©lĂšbre tortue, est crĂ©Ă© Ă  cette Ă©poque (1967). â†©

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    La conquĂȘte de l’espace : une affaire fĂ©minine, deuxiĂšme partie les missions Apollo

    Dans l’histoire de l’espace, les Ă©pisodes qui ont le plus marquĂ© les esprits sont, probablement, ceux des marches sur la Lune qui ont Ă©tĂ© le fait des missions Apollo. Dans cette deuxiĂšme dĂ©pĂȘche Ă  l’occasion de la journĂ©e Ada Lovelace de 2024, on retrouvera donc un portrait de quatre femmes qui ont codĂ© ou calculĂ© les missions Apollo, Judith Love Cohen (1933 – 2016), Margaret Hamilton, JoAnn H. Morgan et Frances (Poppy) Northcutt mais aussi une histoire de celles, plus anonymes, qui ont tissĂ© les mĂ©moires des modules Apollo.

    Ces biographies sont prĂ©cĂ©dĂ©es d’un genre d’état des lieux de l’informatique en URSS et aux USA et suivies d’une sitographie pour prolonger un peu plus l’exploration.

    Journée Ada Lovelace

    Sommaire

    Préambule

    Pourquoi n’est-il essentiellement question que des informaticiennes de la NASA ou ayant travaillĂ© pour la NASA ? Cela revient Ă  poser la question de l’informatique cĂŽtĂ© Union soviĂ©tique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la mĂ©connaissance que l’on a des personnes qui, cĂŽtĂ© soviĂ©tique, ont travaillĂ© sur les programmes relatifs Ă  la conquĂȘte de l’espace, Ă  commencer par l’histoire qui est, disons compliquĂ©e surtout par rapport Ă  celle des USA.

    Ensuite, c’était un secteur stratĂ©gique : envoyer des satellites pose les mĂȘmes questions balistiques que l’envoi d’un missile intercontinental. L’existence du fondateur du programme spatial soviĂ©tique, SergueĂŻ Korolev, qui subissait des peines d’emprisonnement pour raisons politiques (dont quatre mois de goulag) et qui avait Ă©tĂ© admis dans l’équipe de l’ingĂ©nieur aĂ©ronautique AndreĂŻ Tupolev lui-mĂȘme prisonnier politique Ă  l’époque, a Ă©tĂ© tenue secrĂšte jusque bien aprĂšs sa mort. On peut penser qu’il en va de mĂȘme pour les autres personnes ayant participĂ© aux programmes de conquĂȘte spatiale.

    Concernant l’informatique proprement dite, trois noms apparaissent. SergueĂŻ Lebedev (1902 - 1974) est considĂ©rĂ© comme le pĂšre de l’informatique soviĂ©tique. Lebedev semble ĂȘtre un nom assez courant, ainsi, on trouve un cosmonaute russe du nom de Valentin Lebedev. L’Ukrainienne Ekaterina Yushchenko (en) (1919 - 2001) que le site ukrainien (en) sur l’histoire de l’informatique en Ukraine appelle « l’Ada Lovelace ukrainienne Â». Yushenko a posĂ© les bases de la programmation thĂ©orique en Ukraine (et en URSS avant) et Ă©crit le langage de haut niveau Address. AndreĂŻ Erchov (en) (1931 – 1988), fondateur de l’École sibĂ©rienne de science informatique dont le livre, Programmation pour le BESM, a marquĂ© un certain Donald Knuth.

    Les ordinateurs de la conquĂȘte de l’espace URSS et USA

    Les ordinateurs soviétiques

    Le premier ordinateur soviĂ©tique date de 1950, construit sous la direction de SergeĂŻ Lebedev, dans un contexte oĂč le traitement Ă©lectronique de l’information, considĂ©rĂ© par Staline (1878 – 1953) et son entourage comme « fausse science au service de l’impĂ©rialisme Â»1 n’est pas encouragĂ© par le pouvoir. Il s’agit du MESM (МЭСМ, ĐœĐ°Đ»Đ°Ń ŃĐ»Đ”ĐșŃ‚Ń€ĐŸĐœĐœĐ°Ń ŃŃ‡Đ”Ń‚ĐœĐŸ-Ń€Đ”ŃˆĐ°ŃŽŃ‰Đ°Ń ĐŒĐ°ŃˆĐžĐœĐ°, petit calculateur Ă©lectronique, qui Ă©tait plutĂŽt assez gros en volume), dĂ©veloppĂ© par une vingtaine de personnes. La plupart des ordinateurs soviĂ©tiques en dĂ©couleront.

    Le BESM sur lequel AndrĂ©ĂŻ Erchov a Ă©crit son livre de programmation a Ă©tĂ© produit Ă  partir de 1953. Il se dĂ©clinera en deux sĂ©ries les : BESM–1 (1950) Ă  BESM–6 (1966) et les M -20 et ses descendants. Ces derniers, dont le premier, fabriquĂ© Ă  Moscou, est sorti en 1956 seront les ordinateurs des premiers Ăąges de la conquĂȘte spatiale. Le dernier de la sĂ©rie, le M-220 Ă©tait, quant Ă  lui, fabriquĂ© Ă  Kazan. Ils ont, par la suite, probablement Ă©tĂ© remplacĂ©s par le MINSK dans les annĂ©es 1960.

    Quant aux langages de programmation, Yves LogĂ©, en 1987, dans l’article Les ordinateurs soviĂ©tiques : Histoire obligĂ©e de trois dĂ©cennies de la Revue d’études comparatives Est-Ouest relevait ceci :

    • 1953 – librairie de sous-programmes pour STRELA et BESM,
    • 1955 – langage de compilation (PP2 – PP – BESM),
    • 1957 – assembleurs (PAPA, SSP),
    • 1962 – compilateur Algol 60 (TA 1),
    • 1962 – moniteur de traitement par lots (AUTOOPERATOR),
    • 1966 – premier systĂšme d’exploitation (MINSK 22, BESM 6),
    • 1967 – langage de programmation (EPSILON, ALMO).

    Le FORTRAN et l’ALGOL, bien qu’ayant Ă©tĂ© introduits dans les ordinateurs soviĂ©tiques dans les annĂ©es 1960, ne commenceront Ă  ĂȘtre vraiment utilisĂ©s qu’à partir des annĂ©es 1970, Ă©poque Ă  laquelle l’URSS abandonnera la conception de ses propres ordinateurs.

    Les ordinateurs des missions Apollo

    L’informatisation de la NASA a commencĂ© avec des machines IBM, la sĂ©rie IBM 700/7000 commercialisĂ©e dans les annĂ©es 1950 Ă  1960 ; c’était la premiĂšre version des ordinateurs Ă  transistors. Les langages de programmation les plus courants Ă  l’époque Ă©taient le Cobol et le FORTRAN pour lequel des personnes comme Frances Allen avaient Ă©tĂ© recrutĂ©es afin de former des chercheurs, parfois rĂ©ticents, au langage.

    En 1964, IBM sort la sĂ©rie System/360 qui pouvait travailler en rĂ©seau et dont le systĂšme d’exploitation, multitĂąches, Ă©tait OS/360. Il Ă©tait dotĂ© d’une RAM, insuffisante, d’un mĂ©gaoctet qui a poussĂ© les ingĂ©nieurs Ă  adopter un code abrĂ©gĂ©. Et, Ă©videmment, il se programmait encore Ă  l’époque avec du papier.

    L’invention qui a permis d’équiper informatiquement les modules des missions Apollo est celle des circuits intĂ©grĂ©s, inventĂ©s par Jack Kilby en 1958. Ils Ă©quiperont les ordinateurs Ă  partir de 1963, la NASA Ă©tant dans les premiers utilisateurs pour les ordinateurs de guidage d’Apollo. Par la suite, les circuits intĂ©grĂ©s permettront de fabriquer les « mini-ordinateurs Â» (qui restent toujours assez encombrants) et les micro-ordinateurs. Les premiers micro-ordinateurs, Ă  l’allure de ceux que nous avons actuellement avec : l’ordinateur, un Ă©cran, un dispositif de saisie, puis, plus tard, un dispositif de pointage sortiront en 1973, aprĂšs les missions Apollo.

    Judith Love Cohen (1933 – 2016) l’accouchement du programme de guidage Apollo

    Judith Love Cohen est ingénieure aérospatiale, aprÚs sa retraite, elle deviendra écrivaine et fondera une entreprise multimédia Cascade Pass.

    En 1952, celle qui aidait ses camarades de classe Ă  faire leurs devoirs de mathĂ©matiques, est embauchĂ©e par la North American Aviation. Elle obtient, en 1957 un Bachelor of Art (licence) en sciences, puis, en 1962, un master en sciences Ă  l’UniversitĂ© de Californie. En 1957, aprĂšs son BA, elle est embauchĂ©e par le « Space Technology Laboratories (laboratoire des technologies spatiales) qui deviendra TRW. Elle y travaillera jusqu’à sa retraite en 1990, souvent seule femme ingĂ©nieure de l’équipe dans laquelle elle se trouvait.

    Son travail : les ordinateurs de guidage. Elle a fait partie de l’équipe qui a conçu le « Tracking and Data Relay Satellites (TDRS) Â», le systĂšme suivi et de relais des donnĂ©es des satellites de la NASA. Ce systĂšme qui permet notamment de rester en contact avec la Station spatiale internationale.

    Elle s’occupera aussi du tĂ©lescope Hubble. Elle avait Ă©tĂ© chargĂ©e de concevoir le systĂšme terrestre des opĂ©rations scientifiques. Elle dira dans une vidĂ©o (en) rĂ©alisĂ©e par Cascade Pass qu’elle avait travaillĂ© avec les astronomes, car c’étaient eux qui allaient utiliser le tĂ©lescope. Le systĂšme avait trois fonctions principales :

    • planification des observations,
    • contrĂŽle en temps rĂ©el du rĂ©glage de la mise au point et du changement des filtres,
    • rĂ©cupĂ©ration des donnĂ©es pour gĂ©nĂ©rer des photos, partie que Cohen considĂ©rait comme la plus intĂ©ressante et la plus difficile Ă  rĂ©aliser.

    Mais, le point culminant de sa carriĂšre a Ă©tĂ© le programme Apollo, notamment le systĂšme de guidage de la mission Apollo 13 qui devait ĂȘtre la troisiĂšme Ă  se poser sur la Lune, l’ordinateur AGS (Abort Guidance System, systĂšme de guidage d’abandon pour le module destinĂ© Ă  rester sur la Lune). Cette mission commence mal : les astronautes prĂ©vus Ă  l’origine changent presque Ă  la derniĂšre minute, quand la fusĂ©e dĂ©colle le 11 avril 1970, le moteur central du deuxiĂšme Ă©tage s’éteint trop tĂŽt. Ce sera compensĂ©, sans incidence sur la trajectoire. Le 13 avril, l’un des astronautes, Jack Swigert, lance le fameux :

    Houston, we’ve had a problem.

    Le module de service d’Apollo 13 est hors d’usage, l’équipe change de module de service en urgence et embarque dans le module lunaire (LM) prĂ©vu pour deux personnes alors qu’ils sont trois. L’AGS servira en tant qu’ordinateur de bord et contrĂŽlera tous les Ă©quipements vitaux, mais il n’aurait pas pu revenir sur l’orbite terrestre si Cohen n’avait pas bataillĂ© avec la NASA pour que la fonction de retour y soit incluse.

    Son fils, l’ingĂ©nieur en informatique Neil Siegel (en) racontera, ce qui a Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ©, qu’elle avait conçu l’AGS pendant qu’elle Ă©tait enceinte de son demi-frĂšre, l’acteur Jack Black. Le 28 aoĂ»t 1969, au moment de partir pour l’hĂŽpital pour accoucher, elle prend aussi le code d’un problĂšme sur lequel elle travaillait. Elle appellera son patron plus tard pour lui signaler qu’elle l’avait rĂ©solu, et aussi, en passant, que le bĂ©bĂ© Ă©tait nĂ©. Le problĂšme en question concernait l’AGS.

    Margaret Hamilton (née en 1936) la jeune femme à cÎté de la pile de livre de sa hauteur

    La photo probablement la plus connue de Margaret Hamilton est celle oĂč on la voit poser Ă  cĂŽtĂ© d’une pile de gros documents reliĂ©s : le code du logiciel de navigation de la mission Apollo 11.

    Margaret Hamilton intĂšgre le MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1960 pour dĂ©velopper des logiciels informatiques. En 1961, la NASA confie au MIT la mission de rĂ©aliser un ordinateur embarquĂ© de navigation et de pilotage avec un cahier des charges assez lĂ©ger et permettant au MIT une grande crĂ©ativitĂ©. Ce sera l’AGC (Apollo Guidance Computer) qui sera le premier Ă  utiliser des circuits intĂ©grĂ©s. Lourd, 32 kilos, il prĂ©figure nĂ©anmoins les ordinateurs portables puisque tous les Ă©lĂ©ments, ordinateur, mĂ©moire, Ă©cran et dispositif de saisie Ă©taient rĂ©unis dans un seul boitier.

    Mais avant de travailler sur l’AGC, Hamilton intĂšgre, en 1961, le laboratoire Lincoln pour travailler sur le projet militaire ultra-secret SAGE qui devait produire en temps rĂ©el une image de l’espace aĂ©rien Ă©tats-unien. Elle racontera ensuite avoir fait l’objet d’un bizutage (une coutume apparemment) : on lui avait demandĂ© de travailler sur un programme piĂ©gĂ© commentĂ© en grec et en latin. Elle Ă©tait la premiĂšre Ă  avoir rĂ©ussi Ă  le faire fonctionner. Et c’est ainsi qu’en 1963 elle est invitĂ©e Ă  rejoindre le laboratoire Draper du MIT qui Ă©tait en charge du dĂ©veloppement des logiciels embarquĂ©s d’Apollo.

    Elle Ă©voquera aussi la fois oĂč, emmenant de temps en temps sa fille au laboratoire, un jour, cette derniĂšre, jouant Ă  l’astronaute, fait planter le systĂšme : elle avait sĂ©lectionnĂ© le programme d’atterrissage alors qu’elle Ă©tait « en vol Â» (un appui sur une mauvaise touche). Ce que voyant Hamilton alerte la direction pour que l’on modifie le programme, rĂ©ponse « ils sont expĂ©rimentĂ©s, ça n’arrivera pas Â». Sauf qu’évidemment, c’est arrivĂ© au pendant la mission Apollo 8. On peut imaginer qu’Hamilton et son Ă©quipe Ă©taient prĂ©parĂ©es Ă  cette Ă©ventualitĂ© : les donnĂ©es de navigation seront renvoyĂ©es et la trajectoire corrigĂ©e. Elle codera aussi un systĂšme de prioritĂ© des tĂąches afin d’éviter que l’AGC ne sature et qu’il fasse le travail correctement. L’AGC pouvait ainsi interrompre des tĂąches pour faire passer celles qui Ă©taient les plus prioritaires et c’est ce qui a permis Ă  Apollo 11 d’atterrir correctement sur la Lune.

    Hamilton quittera le MIT en 1974 pour co-fonder une entreprise de dĂ©veloppement de logiciels, Higher Order Software (HOS) qu’elle dirigera jusqu’en 1984. HOS se spĂ©cialisait notamment sur les logiciels de dĂ©tection des erreurs. Ensuite, en 1986, elle crĂ©era Hamilton Technologies et concevra le langage de programmation USL (Universal Systems Language).

    Elle reçoit en 2016 la mĂ©daille prĂ©sidentielle de la libertĂ© des mains de Barack Obama. Margaret Hamilton est considĂ©rĂ©e comme une pionniĂšre de l’ingĂ©nierie logicielle et comme une des personnes qui ont contribuĂ© Ă  la populariser.

    JoAnn H. Morgan (nĂ©e en 1940) la seule femme prĂ©sente dans la salle de tir lors du lancement d’Apollo 11

    Sur une photo de la salle de tir d’Apollo 11, le 16 juillet 1969, elle apparaĂźt comme la seule femme derriĂšre une console. Les femmes que l’on voit sur le cĂŽtĂ© sont entrĂ©es aprĂšs le lancement.

    Étant enfant, elle prĂ©fĂ©rait lire Jules Verne Ă  jouer Ă  la poupĂ©e2 et jouer avec la boĂźte de chimie que son pĂšre lui avait offert. Son pĂšre, justement, travaillait pour le programme de dĂ©veloppement des fusĂ©es amĂ©ricaines. JoAnn H. Morgan va passer son adolescence Ă  Titusville en Floride, Ă  quelques kilomĂštres de la base de lancement de Cap Canaveral. Elle y regardera les lancements des fusĂ©es. Ce qui la dĂ©cidera dans son orientation professionnelle. Elle commence, Ă  dix-sept ans, par un stage Ă  l’Army Ballistic Missile Agency (ABMA, Agence des missiles balistiques de l'armĂ©e de terre). Elle continuera Ă  travailler Ă  Cap Canaveral pendant l’étĂ©. En 1963, elle obtient un Bachelor of Arts (licence) en mathĂ©matiques. Elle commence Ă  travailler pour la NASA au Centre spatial Kennedy (KSC) en tant qu’ingĂ©nieure. Elle sera la seule, ça n’a pas Ă©tĂ© facile : entre le fait que son supĂ©rieur hiĂ©rarchique trouve nĂ©cessaire de prĂ©ciser qu’elle est ingĂ©nieure et pas lĂ  pour faire le cafĂ© pour ses collĂšgues (en) ou l’absence de toilettes pour femmes.

    En 1969, elle est promue et devient « Chief Instrumentation Controller, KSC Technical Support Â» (ContrĂŽleur en chef de l’instrumentation, support technique du centre), ce qui lui donne un poste dans la salle de contrĂŽle de la mission Apollo 11. L’équipe de Morgan sera celle qui supervisera le lancement de la mission ce qui lui demandera de rester dans la salle de contrĂŽle encore aprĂšs le lancement pour pouvoir vĂ©rifier les Ă©quipements et faire un rapport sur les dommages consĂ©cutifs au lancement afin de prĂ©parer le suivant, sa tĂąche, dans le cadre de la mission, s’arrĂȘte au moment de l’atterrissage lunaire. Elle considĂšre que c’est ce qui a lancĂ© sa carriĂšre.

    AprĂšs Apollo 11, elle bĂ©nĂ©ficiera d’une bourse Sloan pour poursuivre des Ă©tudes et elle obtiendra une maĂźtrise en sciences de gestion en 1977 et retournera Ă  la NASA en 1979 oĂč elle est promue chef de la division des services informatique du KSC, premiĂšre femme Ă  occuper ce poste en particulier et un poste de direction Ă  la NASA. Une tĂąche ardue dans une pĂ©riode de transition technologique : la NASA changeait son systĂšme informatique et commençait Ă  remplacer les vieux ordinateurs gĂ©ants par des PC. Elle deviendra ensuite directrice adjointe des vĂ©hicules de lancement (deputy of Expendable Launch Vehicles, director of Payload Projects Management) puis directrice de la sĂ©curitĂ© de la mission ( director of Safety and Mission Assurance). Elle aura Ă©tĂ© l’une des deux derniĂšres personnes Ă  avoir vĂ©rifiĂ© le lancement de la navette spatiale.

    Elle prend sa retraite en 2003 aprÚs avoir passé toute sa carriÚre à la NASA.

    Morgan continue Ă  militer pour que plus de femmes puissent suivre des carriĂšres scientifiques et techniques.

    Frances Northcutt dite « Poppy Â» (nĂ©e en 1943) l’autre seule femme prĂ©sente dans les salles de tir des missions Apollo 8 et 13

    Frances « Poppy Â» Northcutt a planifiĂ© les trajectoires des vols des missions Apollo dans les annĂ©es 1960 et 1970.

    Elle commence sa carriĂšre dans l’aĂ©rospatiale comme Judith Love Cohen en Ă©tant embauchĂ©e en 1965 par TRW. Elle sera d’abord une des calculatrices humaines. ProblĂšme : pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier d’une promotion, elle devait faire des heures supplĂ©mentaires si nĂ©cessaire, ce qui Ă©tait interdit aux femmes Ă©tats-uniennes de l’époque. Elle tient le pari d’en faire mais non rĂ©munĂ©rĂ©es. Cela fonctionne, elle obtient une promotion et intĂšgre l’équipe technique (personnel effectuant des travaux ingĂ©nierie), mieux payĂ©e. Ce qui pose un autre problĂšme, celui de l’écart de rĂ©munĂ©ration entre les hommes et les femmes.

    Le travail de l’équipe technique consistait Ă  Ă©crire le programme. D’autres assuraient la tĂąche de le rentrer dans l’ordinateur, ce qui n’allait pas sans quelques bugs au passage, qui pouvaient avoir des consĂ©quences fatales. L’équipe de Northcutt Ă©tait chargĂ©e du calcul de la trajectoire de retour d’Apollo 8. C’était une mission mĂ©morable pour Northcutt Ă  plus d’un titre. D’abord, c’était la premiĂšre fois qu’un vĂ©hicule spatial habitĂ© allait ĂȘtre mis en orbite autour de la Lune. C’était aussi ce qui aura permis de dĂ©terminer l’équipement et le matĂ©riel nĂ©cessaire pour les missions suivantes, notamment la quantitĂ© de carburant nĂ©cessaire. Enfin, c’était la premiĂšre fois que les calculs de Northcutt et de son Ă©quipe Ă©taient utilisĂ©s, et cela allait servir aussi aux missions suivantes. Ainsi, aprĂšs Apollo 8, il n’y aura pas eu de modifications des programmes, sauf en cas de problĂšme. Pour Apollo 13, avec d’autres ingĂ©nieurs, elle aura pour mission de calculer le retour de la capsule Apollo aprĂšs l’explosion du rĂ©servoir d’oxygĂšne qui oblige l’équipage Ă  rentrer sur Terre dans le module lunaire.

    Elle suivra ensuite des Ă©tudes de droit Ă  l’UniversitĂ© de Houston pour devenir avocate. Elle en sortira diplĂŽmĂ©e en 1981 et travaillera pour le procureur du comtĂ© de Harris Ă  Houston, sera stagiaire auprĂšs d’un juge fĂ©dĂ©ral en Alabama avant de se tourner vers le privĂ© et dĂ©fendre des causes sur les droits de femmes, elle qui a longtemps travaillĂ© avec un salaire infĂ©rieur Ă  celui de ses collĂšgues pour le mĂȘme travail.

    Elle expliquera au site astronomy (en) :

    J’ai eu beaucoup de chance. La plupart des femmes n’avaient pas quelqu’un qui se battait aussi durement pour elles.

    Elle ajoutera :

    C’est le problĂšme auquel sont confrontĂ©es les femmes en particulier, lorsqu’elles sont embauchĂ©es pour un salaire infĂ©rieur Ă  ce qu’elles valent. Si vous ne partez pas sur un pied d’égalitĂ©, vous ne pourrez jamais vous rattraper.

    Northcutt continue Ă  militer pour les droits des femmes, mis Ă  mal aux États-Unis lors de la prĂ©sidence de Trump.

    Les tisserandes

    Les tisserandes, dont beaucoup Ă©taient navajos ou noires, les « Little Old Ladies Â» ont tressĂ© les mĂ©moires Ă  tores de ferrite des missions Apollo. Elles avaient littĂ©ralement la vie des astronautes entre leurs mains.

    Les RAM des ordinateurs des annĂ©es 1950 Ă  1975 Ă©taient le plus souvent des mĂ©moires Ă  tores de ferrite. D’aprĂšs la notice de celles prĂ©sentĂ©es au musĂ©e du Conservatoire National des Arts et MĂ©tiers (CNAM) Ă  Paris dans la photo ci-dessous :

    elles sont encore utilisées lors de certaines missions spatiales car elles ne sont pas endommagées par les rayons cosmiques.

    Mémoire à tores de ferrite avec détail et pile de mémoire
    MĂ©moires Ă  tores de ferrite du Gamma 60 d’une capacitĂ© de 512 octets, dĂ©but des annĂ©es 1960, musĂ©e du CNAM, Paris.

    La fabrication de ces mĂ©moires ne pouvait pas ĂȘtre mĂ©canisĂ©e, elles Ă©taient donc tissĂ©es Ă  la main. Et, Ă  l’époque des missions Apollo les seules personnes qui avaient l’habilitĂ© et la prĂ©cision digitale nĂ©cessaires pour le faire Ă©taient des femmes, surnommĂ©es les LOL et supervisĂ©es par les « rope mothers Â» (mĂšres des cordes), gĂ©nĂ©ralement des hommes, et dont la cheffe Ă©tait Margaret Hamilton. Ce travail extrĂȘmement critique, Ă©tait contrĂŽlĂ© par trois ou quatre personnes avant d’ĂȘtre validĂ©. Il rĂ©clamait non seulement des ressources manuelles mais aussi des capacitĂ©s intellectuelles certaines pour ĂȘtre accompli correctement.

    Quand, en 1975, un rapport de la NASA sur les missions Apollo s’extasiait, Ă  juste titre, sur les systĂšmes informatiques dĂ©veloppĂ©s en mis en Ɠuvre, il nĂ©gligeait complĂštement cet aspect essentiel. Les journalistes de cette Ă©poque, prĂ©sentaient la fabrication des mĂ©moires comme un travail ne nĂ©cessitant aucune rĂ©flexion ni aucune compĂ©tence


    Pour compléter

    Les ordinateurs soviétiques

    Missions Apollo

    L’exploration spatiale et les astronautes

    Sur la journée Ada Lovelace et la place des femmes dans les carriÚres scientifiques et techniques

    Excuse et paragraphes de la fin

    Cette dĂ©pĂȘche paraĂźt assez tardivement aprĂšs la prĂ©cĂ©dente pour des raisons assez indĂ©pendantes de ma volontĂ© et incluant un piratage d’un de mes sites.

    Ceci Ă©tant, un grand merci une fois de plus Ă  vmagnin pour ses suggestions, notamment pour cette citation tirĂ©e d’une de ses lectures, Forces de la nature de François Lacombe, Anna Reser et Leila McNeil chez Belin :

    Dans l’histoire des sciences et des vols spatiaux, on constate que cette distinction nette Ă©tablie entre les tĂąches techniques et non techniques a Ă©tĂ© l’une des façons de marginaliser systĂ©matiquement les femmes.

    Ce qui se vérifie amplement notamment avec les tisserandes des mémoires.

    Comme de bien entendu, entre les recherches, l’écriture et les commentaires de la dĂ©pĂȘche prĂ©cĂ©dente, il appert qu’il y a un sujet connexe, celui de l’astronomie et de l’évolution du mĂ©tier d’astronome et d’astrophysicienne qui mĂ©riterait d’ĂȘtre traitĂ©. Ce qui sera fait, d’ici la fin de l’annĂ©e. Et, si vous cherchez un sujet de mĂ©moire ou thĂšse, Ă  mon avis le thĂšme des langages informatiques : naissance, diversitĂ©, histoire, pourquoi un langage trĂšs populaire finit par ĂȘtre abandonnĂ©, etc. pourrait ĂȘtre passionnant (si ça n’a pas dĂ©jĂ  Ă©tĂ© fait). Peut-ĂȘtre qu’un jour je vous infligerai un texte sur l’histoire de l’informatique soviĂ©tique (ou peut-ĂȘtre pas).


    1. Citation reprise de l’article d’Yves LogĂ© dans « Les ordinateurs soviĂ©tiques : histoire obligĂ©e de trois dĂ©cennies Â» Revue d’études comparatives Est-Ouest AnnĂ©e 1987 18-4 pp. 53-75 qui cite D. Brand, L’Union SoviĂ©tique, France, Sirey, 1984, p. 230. â†©

    2. L’autrice de cette dĂ©pĂȘche aussi Ă  qui ce comportement paraĂźt tout Ă  fait normal. â†©

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    La conquĂȘte de l’espace : une affaire fĂ©minine, premiĂšre partie du NACA Ă  la NASA

    Pour cette journĂ©e Ada Lovelace, on vous invite Ă  la conquĂȘte de l’espace, une histoire qui n’aurait peut-ĂȘtre pas pu se faire sans les femmes. Pas uniquement parce que ce sont des femmes : les anonymes qui ont tressĂ© les mĂ©moires en tore de ferrite des missions Apollo, ou les plus connues qui ont voyagĂ© dans l’espace. Mais aussi parce qu’elles ont calculĂ© ou codĂ© les explorations spatiales. Et comme c’est un sujet vaste, il s’agit, pour l’instant, de la premiĂšre partie consacrĂ©e Ă  trois femmes afro-amĂ©ricaines qui ont travaillĂ© au NACA puis Ă  la NASA : Dorothy Vaughan (1910 – 2008), Katherine Johnson (1919-2020) et Mary Jackson (1921 – 2005). Les portraits de ces trois femmes sont prĂ©cĂ©dĂ©s d’une chronologie de la conquĂȘte de l’espace.

    Journée Ada Lovelace

    Sommaire

    Préambule

    La journĂ©e Ada Lovelace (en) (Ada Lovelace Day ou ALD en anglais) est une journĂ©e internationale consacrĂ©e aux rĂ©alisations des femmes en science, technologie, ingĂ©nierie et mathĂ©matiques (STIM ou STEM en anglais). Elle a lieu le deuxiĂšme mardi du mois d’octobre. En 2023, cette journĂ©e avait Ă©tĂ©, pour LinuxFr.org, l’occasion d’évoquer Lorinda Cherry, membre de l’équipe de conception d’Unix, Evi Nemeth et la premiĂšre hackeuse Judith Milhon. Et c’est, on l’aura peut-ĂȘtre compris, surtout un prĂ©texte pour parler de l’histoire de l’informatique.

    Cette dĂ©pĂȘche et sa suivante sont malheureusement amĂ©ricano-centrĂ©es. Et ce pour la bonne et simple raison que, s’il est facile de trouver de l’information sur les cosmonautes russes, en trouver sur les informaticiennes est beaucoup plus ardu. En fait, on n’en a pas trouvĂ© d’autre que Rozetta Zhilina (en), 1933 – 2003, qui a plutĂŽt travaillĂ© dans un contexte militaire et dont la spĂ©cialitĂ© Ă©tait les algorithmes en balistique et Ekaterina Samoutsevitch, nĂ©e en 1982, membre du groupe de punk-rock fĂ©ministe les Pussy Riot. C’est d’autant plus regrettable que l’URSS avait une rĂ©elle avance en matiĂšre de conquĂȘte de l’espace. Avance que la Russie a toujours sur certains points. Par exemple, le cĂŽtĂ© russe de la station spatiale internationale a des toilettes prĂ©vues pour que les femmes puissent avoir leur rĂšgles et changer ainsi leurs protections hygiĂ©niques.

    Les portraits des trois femmes qui figurent ci-dessous peuvent sembler assez idylliques. Dans la rĂ©alitĂ© elles ont dĂ» affronter beaucoup de difficultĂ©s du fait de leur groupe ethnique et de leur genre : mĂ©prisĂ©es par les hommes blancs, peu valorisĂ©es, Dorothy Vaughan n’aura pas eu la promotion Ă  laquelle elle pouvait prĂ©tendre du fait de ses fonctions, Mary Jackson verra sa carriĂšre bloquĂ©e, et souvent pas assez outillĂ©es pour leur travail. Par exemple, Katherine Johnson n’aura pas toujours accĂšs Ă  l’intĂ©gralitĂ© des donnĂ©es dont elle avait besoin dans le cadre de son travail pour le « SpaceTask Group Â».

    Les portraits des femmes seront donnĂ©s dans l’ordre chronologique de leur naissance.

    La conquĂȘte de l’espace en quelques dates

    La conquĂȘte de l’espace a Ă©tĂ© d’abord marquĂ©e par la lutte entre les deux grands blocs : Est contre Ouest, la « Course Ă  l’espace Â» (Race for Space en anglais). La Russie soviĂ©tique ayant conservĂ© pendant plusieurs annĂ©es son avance sur les USA. Une chronologie qui s’arrĂȘte Ă  la fin du programme Apollo et qui est centrĂ©e sur les rĂ©alisations des deux gĂ©ants.

    Un aperçu de la chronologie de la conquĂȘte dans l’espace
    Un rendu un peu plus visuel des dates qui sont données ci-aprÚs, la Russie est dans la colonne de gauche, les USA dans celle de droite. Le document est téléchargeable au format fichier pdf hybride et nettement plus lisible.

    1957 : la Russie envoie dans l’espace le Spoutnik 1, premier satellite artificiel en octobre. En novembre c’est la chienne LaĂŻka qui s’envole, c’est le premier animal vivant Ă  rĂ©aliser une orbite dans l’espace.

    1958 : crĂ©ation de la NASA.

    1960 : les deux chiennes, Belka et Strelka que la Russie soviĂ©tique avait envoyĂ©es dans l’espace reviennent vivantes de leur vol orbital, ainsi que le lapin et les souris qui les accompagnaient.

    1961 : en janvier, la NASA envoie le chimpanzĂ© Ham accomplir un vol orbital. En avril c’est le Russe Youri Gagarine qui s’envole et devient le premier homme Ă  avoir accompli un voyage dans l’espace, ainsi que la coqueluche des foules. Dix mois aprĂšs les Russes, le 20 fĂ©vrier 1962, les USA envoient John Glenn pour accomplir un vol orbital. La mĂȘme annĂ©e, en dĂ©cembre, la sonde Mariner 2 survole VĂ©nus. Le Royaume-uni et le Canada envoient leur premier satellite en orbite.

    1963 : la cosmonaute russe Valentina Terchkova est la premiĂšre femme Ă  aller dans l’espace et, Ă  ce jour, la seule Ă  y avoir effectuĂ© une mission en solo. Le 18 mars 1965, le cosmonaute soviĂ©tique AlexeĂŻ Leonov effectue la premiĂšre sortie dans l’espace. En juillet, la sonde amĂ©ricaine Mariner 4 survole Mars. La mĂȘme annĂ©e, la France lance la fusĂ©e-sonde LEX, l’Italie un satellite. La sonde russe Luna 9 se pose sur la Lune le 3 fĂ©vrier 1966. Luna 10, quant Ă  elle, se placera en orbite autour du satellite de la Terre.

    1968 : septembre dans le cadre de la mission russe Zond 5, un vaisseau habitĂ© par des tortues survole la lune. DĂ©cembre, c’est au tour de la NASA d’envoyer un vaisseau habitĂ© vers la lune. Elle envoie un Ă©quipage en orbite lunaire, mission Apollo 8.

    Juillet 1969 : tandis que les Russes lancent leur premiĂšre navette spatiale, BOR-2, elle servira au programme Bourane, la mission Apollo 11 envoie Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune.

    1971 : en avril, les Russes lancent Saliout 1, premiĂšre station spatiale habitĂ©e. En novembre, la sonde amĂ©ricaine Mariner 9 orbite autour de Mars. En dĂ©cembre, la sonde russe Mars 3 se pose en douceur sur Mars.

    1972 : Apollo 17 derniĂšre mission lunaire du programme Apollo. La conquĂȘte de l’espace entre dans une autre phase peu aprĂšs.

    Le NACA (National Advisory Committee for Aeronautics, en français, ComitĂ© consultatif National pour l’AĂ©ronautique), prĂ©dĂ©cesseur de la NASA

    Le NACA est une agence fédérale états-unienne créée en 1915.

    Comme son nom le suggĂšre, l’objectif du NACA Ă©tait de favoriser la recherche en aĂ©ronautique, un secteur qui commençait Ă  se dĂ©velopper et sur lequel les États-Unis Ă©taient en retard par rapport Ă  l’Europe. Le centre de recherche Langley du NACA Ă©tait basĂ© Ă  Hampton en Virginie. Dans cette AmĂ©rique sĂ©grĂ©gationniste, les zones de travail entre Blancs et Noirs sont sĂ©parĂ©es, celle de l’unitĂ© de calcul de la zone ouest (West Area Computing Unit) Ă©tant rĂ©servĂ©es aux personnes afro-amĂ©ricaines oĂč travailleront les trois hĂ©roĂŻnes de cette dĂ©pĂȘche. Quand le NACA disparaĂźtra en 1958 pour faire place Ă  la NASA, les secteurs raciaux disparaĂźtront Ă©galement et il n’y sera plus fait, sur le plan des locaux, de distinction entre les personnes selon leur couleur de peau ou selon leur sexe.

    On doit au NACA (et peut-ĂȘtre mĂȘme en partie Ă  Mary Jackson) un type de prise d’air la prise d’air NACA qu’on verra par la suite sur Ă  peu prĂšs toutes les voitures Ă  partir de 1956.

    Dorothy Vaughan (1910 – 2008), mathĂ©maticienne et informaticienne

    Dorothy Vaughan naĂźt en 1910. Elle obtient un Bachelor of Arts (l’équivalent d’une licence) de mathĂ©matique Ă  l’universitĂ© de Wilberforce (Ohio) en 1929, elle a dix-neuf ans. À la suite de ça, elle va enseigner les mathĂ©matiques dans un lycĂ©e afro-amĂ©ricain de Farmville (Virginie).

    Arrive la deuxiĂšme guerre mondiale, le gouvernement Ă©tats-unien fait appel aux travailleurs et travailleuses pour soutenir l’effort de guerre, le NACA recrute. Elle candidate au poste de « calculateur Â» Ă  Langley. Elle est recrutĂ©e en dĂ©cembre 1943 et affectĂ©e Ă  l’unitĂ© de calcul de la zone ouest dont l’objet Ă©tait de faire des calculs mathĂ©matiques pour les ingĂ©nieurs qui se livraient Ă  des expĂ©riences aĂ©ronautiques. Pour cela, point d’ordinateur (le premier ordinateur reconnu comme tel date de 1942), mais des rĂšgles Ă  calcul, des calculatrices mĂ©caniques (merci Pascal), et le visionnage de films. Elles fournissaient ainsi aux ingĂ©nieurs les paramĂštres techniques en matiĂšre de vol et de soufflerie.

    Au dĂ©part, les chefs de sa section seront des hommes, blancs. Finalement, elle sera promue Ă  la tĂȘte de l’unitĂ© informatique de la zone ouest qu’elle dirigera de 1949 Ă  1958. Elle aura Ă©tĂ© la premiĂšre femme afro-amĂ©ricaine Ă  diriger un dĂ©partement du NACA tout en Ă©tant une mathĂ©maticienne aux compĂ©tences respectĂ©es. Il arrivait ainsi qu’on lui demande personnellement d’effectuer certains calculs complexes. Pendant cette pĂ©riode, elle co-Ă©crira avec deux autres mathĂ©maticiennes, Sara Bullock et Vera Huckel, un manuel de mĂ©thodes algĂ©briques pour les machines Ă  calculer utilisĂ©es dans le groupe. Elle participera Ă  la « Course Ă  l’espace Â», cette pĂ©riode oĂč les USA et l’URSS luttaient pour avoir la suprĂ©matie dans le domaine spatial.

    Arrive 1958, le NACA est dissout remplacĂ© par la NASA. Elle rejoint le « Numerical Techniques Branch Â» (section des techniques numĂ©riques) et acquiert une expertise en FORTRAN. Elle contribuera au programme de dĂ©veloppement des lanceurs de fusĂ©e Scout. Elle continuera pendant toute sa carriĂšre Ă  apprendre les nouvelles technologies informatiques. Elle formera d’ailleurs ses collĂšgues Ă  ces disciplines.

    Elle quitte la NASA en 1971.

    AprĂšs sa mort, survenue en 2008, elle reçoit Ă  titre posthume la MĂ©daille d’or du congrĂšs pour son travail pour la NASA.

    Katherine Johnson (1918 – 2020), la calculatrice humaine

    Katherine Johnson est nĂ©e en 1918. Elle fait ses Ă©tudes au West Virginia State College, qui deviendra l’universitĂ© d’État de Virginie occidentale (West Virginia State University). Elle en sort en 1937 avec un diplĂŽme de mathĂ©matiques et de français. Elle intĂšgre en 1939, avec deux autres Ă©tudiants afro-amĂ©ricains, l’universitĂ© de Virginie occidentale qui accueille ainsi ses tout premiers Ă©tudiants afro-amĂ©ricains. Elle obtiendra un doctorat (PhD) de mathĂ©matiques.

    Elle est recrutĂ©e en juin 1953 par le NACA oĂč elle intĂšgre la section de calcul de Langley. Elle fait partie des calculateurs humains noirs dans cette AmĂ©rique qui pratique encore la sĂ©grĂ©gation raciale, plus prĂ©cisĂ©ment des calculatrices car la section Ă©tait purement fĂ©minine. Deux semaines aprĂšs son entrĂ©e en fonction, Dorothy Vaughan l’assigne Ă  un projet dans la branche des charges de manƓuvre (Maneuver Loads Branch) de la division des Recherches en vol (the Flight Research Division) pĂ©rennisant ainsi son poste. Elle effectuera toute sa carriĂšre Ă  la NASA qu’elle quittera en 1986.

    L’annĂ©e 1957 est une annĂ©e charniĂšre dans sa carriĂšre et dans la conquĂȘte l’espace : la Russie, on l’a vu, y envoie le Spoutnik 1, premier satellite artificiel d’une famille de dix qui marque le dĂ©but de la « course Ă  l’espace Â». Elle fournit une partie des calculs des « Notes on Space Technology (en) Â» de 1958. Ces notes font partie d’un cours de technologie spatiale donnĂ© Ă  la division des Recherches en vol du NACA. Elle intĂšgre ainsi le « SpaceTask Group Â» (groupe de travail de l’espace). Quand le NACA sera dissout pour faire place Ă  la NASA, elle suivra naturellement le chemin.

    Elle effectuera les analyses de trajectoire pour la capsule spatiale Freedom 7 d’Alan Shepard en mai 1961, premier AmĂ©ricain dans l’espace pour un vol suborbital. En 1960 elle co-Ă©crit avec l’ingĂ©nieur Ted Skopinski la note technique « Determination of Azimuth Angle at Burnout for Placing a Satellite Over a Selected Earth Position (en) Â» qui expose les Ă©quations dĂ©crivant un vol spatial orbital dans lequel la position d’atterrissage du vaisseau spatial est spĂ©cifiĂ©e. Elle sera la premiĂšre femme de la division des Recherches en vol du NACA Ă  ĂȘtre crĂ©ditĂ©e comme auteur.

    En 1962, prĂ©paration du vol orbital de John Glenn : elle est appelĂ©e Ă  y participer. C’est une opĂ©ration complexe, qui entraĂźne des calculs complexes eux aussi. Les ordinateurs Ă©taient programmĂ©s pour contrĂŽler la trajectoire de la capsule Friendship 7. Cependant, les astronautes Ă©taient rĂ©ticents Ă  l’idĂ©e de confier leur vie Ă  des machines susceptibles de tomber en panne ou de subir des coupures de courant.

    Dans le cadre de la liste de contrĂŽle avant le vol, Glenn avait demandĂ© aux ingĂ©nieurs de « demander Ă  la fille Â» (Johnson) d’exĂ©cuter les mĂȘmes nombres dans les mĂȘmes Ă©quations que celles programmĂ©es dans l’ordinateur, mais Ă  la main, sur sa machine Ă  calculer mĂ©canique de bureau. « Si elle dit qu’ils sont bons Â», se souvient Katherine Johnson, « alors je suis prĂȘt Ă  partir Â». Le vol de Glenn fut un succĂšs et marqua un tournant dans la compĂ©tition entre les États-Unis et l’Union soviĂ©tique dans l’espace.1

    Elle aura aussi calculĂ© la synchronisation du module lunaire d’Apollo 11 avec le module de commande et de service en orbite lunaire, ce qu’elle considĂ©rait comme sa plus grande contribution Ă  la conquĂȘte de l’espace. Elle a travaillĂ© aussi sur les navettes spatiales (Space Shuttle) et sur le programme d’observation de la Terre Ă  des fins civiles Landsat (en).

    En 2015, Barack Obama la dĂ©core de la plus haute dĂ©coration amĂ©ricaine : la mĂ©daille prĂ©sidentielle de la LibertĂ©.

    Mary Jackson (1921 – 2005), l’ingĂ©nieure

    Mary Jackson naĂźt le 9 avril 1921 Ă  Hampton, Virginie oĂč elle passera toute sa vie. En 1942 elle obtient un BS en mathĂ©matiques et sciences physiques au Hampton Institute. Elle commence sa carriĂšre professionnelle comme ses deux collĂšgues en tant qu’enseignante dans un Ă©tablissement d’enseignement pour enfants noirs. AprĂšs d’autres emplois (rĂ©ceptionniste, comptable, secrĂ©taire militaire), elle est embauchĂ©e par le NACA et rejoint la section de calcul de la zone ouest en 1951 dirigĂ©e par Dorothy Vaughan.

    Deux ans aprĂšs, elle reçoit une proposition de travail pour l’ingĂ©nieur aĂ©ronautique Kazimierz Czarnecki (en) (qui a un homonyme polonais et althĂ©rophile) sur la soufflerie supersonique. Il lui suggĂšre de suivre une formation pour devenir ingĂ©nieure. Ce qu’elle fera avec succĂšs, non sans avoir eu Ă  obtenir une autorisation spĂ©ciale de la ville de Hampton pour suivre les cours car ils se dĂ©roulaient dans l’école secondaire, blanche, de la ville. Elle deviendra la premiĂšre ingĂ©nieure afro-amĂ©ricaine de la NASA en 1958. Elle Ă©crira aussi, avec Czarnecki, cette mĂȘme annĂ©e « Effects of Nose Angle and Mach Number on Transition on Cones at Supersonic Speeds Â» (en). Dans ses fonctions d’ingĂ©nieure aĂ©rospatiale, son travail portera sur l’analyse des donnĂ©es des expĂ©riences en souffleries et en vol Ă  des vitesses supersoniques.

    De 1958 Ă  1975, elle aura Ă©crit en tout douze documents techniques pour le NACA et la NASA.

    Elle change d’orientation en 1976 (avec diminution de salaire), sa carriĂšre Ă©tant bloquĂ©e pour Ɠuvrer en faveur de l’embauche et de la promotion de la nouvelle gĂ©nĂ©ration d’ingĂ©nieures, de mathĂ©maticiennes et scientifiques de la NASA. Elle prendra sa retraite en 1985. Mary Jackson meurt le 11 fĂ©vrier 2005.

    Le siĂšge de la NASA Ă  Washington DC est rebaptisĂ© a sa mĂ©moire en 2020 et s’appelle dĂ©sormais le « Mary W. Jackson NASA Headquarters Â».

    Remarques incidentes

    Les trois femmes ainsi portraiturĂ©es ont fait l’objet d’un film sorti en 2016 : «Hidden Figures Â» (Les Figures de l’ombre). Dans les pages qui leur sont consacrĂ©es sur le site de la NASA (en), le nom de l’actrice associĂ©e Ă  chaque rĂŽle dans le film est ajoutĂ©. Je me suis beaucoup inspirĂ©e de ces pages d’ailleurs. Il y a aussi, probablement, dans tout cela une excellente affaire de marketing dont on n’a pas l’équivalent pour la Russie qui a une histoire politique plus compliquĂ©e.

    Ceci n’était que le premier volet, celui des calculatrices humaines. Le prochain consacrera une partie Ă  l’environnement informatique, tant aux USA qu’en Russie. Il y aura aussi des portraits de femmes (amĂ©ricaines, mais si vous avez des noms et des liens d’informaticiennes russes Ă  suggĂ©rer
) dont, Ă©videmment Margaret Hamilton.

    Cette dĂ©pĂȘche ne saurait se terminer sans remercier vmagnin et BenoĂźt Sibaud d’avoir pensĂ© Ă  mes longues soirĂ©es d’automne en m’ouvrant d’autres portes parce qu’en fait ce texte aurait dĂ» n’ĂȘtre qu’en une seule partie et plus court.


    1. Biographie de Katherine Johnson (en sur le site de la NASA. â†©

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    Les langues peu documentées et le libre : quelques enjeux scientifiques

    Comme beaucoup de domaines scientifiques, la documentation de la diversitĂ© linguistique entretient une relation forte avec les mondes du Libre. Dans cette dĂ©pĂȘche, je vous propose de dĂ©couvrir ce domaine Ă  travers la prĂ©sentation de plusieurs logiciels et ressources libres ou en accĂšs ouvert. La documentation des langues Ă©tant un thĂšme peu courant sur LinuxFr.org, on commencera par une prĂ©sentation de cette problĂ©matique. Nous continuerons par une description des deux ressources principales existantes pour cataloguer et se repĂ©rer au sein de cette diversitĂ© linguistique. Je parlerai ensuite d’ELAN et de FLEX, deux logiciels utilisĂ©s pour annoter des enregistrements audio-visuels, une Ă©tape clef dans l’analyse linguistique, et qui permet le partage et la rĂ©utilisation de ces enregistrements. Enfin, aprĂšs un court passage sur la question de l’archivage, je prĂ©senterai deux compilations de corpus de documentation en accĂšs libre, une pratique rĂ©cente qui permet de nouveaux questionnements quantitatifs sur les langues orales peu documentĂ©es, et qui contribue Ă©galement Ă  la transparence et la traçabilitĂ© des analyses linguistiques.

      Sommaire

      L’étude des langues Ă  travers le monde

      Actuellement, environ 7000 langues ont Ă©tĂ© recensĂ©es Ă  travers le monde. Ce chiffre ne peut ĂȘtre qu’une approximation car, il n’y a pas de consensus sur la dĂ©finition de ce qu’est une langue. Une difficultĂ© par exemple est de dĂ©finir Ă  quel moment une langue est distincte d’une autre. Lorsqu’il y a variation, mais intercomprĂ©hension, de nombreux linguistes s’accordent Ă  dire qu’il s’agit alors de dialectes d’une mĂȘme langue, et donc, lorsqu’il n’y a pas intercomprĂ©hension, alors il s’agit diffĂ©rentes langues. Cette perspective considĂšre que tout le monde parle un dialecte (que ce soit celui de rĂ©fĂ©rence, ou un plus rĂ©gional comme celui de Paris, de Marseille, du QuĂ©bec), la langue n’étant qu’une abstraction permettant de regrouper les diverses pratiques langagiĂšres. En ce qui concerne l’intercomprĂ©hension, ce critĂšre n’est malheureusement pas absolu car elle peut varier selon les personnes et leur parcours personnel. Et lorsqu’on considĂšre l’évolution d’une langue Ă  travers le temps, sa diachronie, dĂ©finir ce qu’est une mĂȘme langue Ă  travers ses Ă©volutions temporelles se complexifie d’autant plus.

      Si certaines langues ont Ă©mergĂ© rĂ©cemment, on pense assez souvent aux langues dites crĂ©oles (le Bichelamar, les crĂ©oles malais, Ă  Madagascar ou au Cap Vert), ou Ă©galement lorsque certains dialectes se distinguent suffisamment pour ne plus ĂȘtre intercomprĂ©hensibles, la tendance actuelle est surtout Ă  la disparition massive des langues. Cette disparition est souvent rapportĂ©e Ă  travers la mort des derniers locuteurs et locutrices, on peut aussi considĂ©rer qu’une langue meurt lorsqu’elle n’est plus parlĂ©e d’une part, et qu’elle disparait si elle n’est pas documentĂ©e. Si certains aujourd’hui se questionnent sur la corrĂ©lation entre la diversitĂ© culturelle et la diversitĂ© Ă©cologique, il est Ă©vident que la disparition des langues correspond Ă©galement Ă  des inĂ©galitĂ©s et des tensions socio-politiques.

      Bref, la documentation des langues, c’est un sujet actuel, et d’un point de vue scientifique, la perte de cette diversitĂ© aura de tristes consĂ©quences sur la connaissance des langues et de l’univers des possibles languagiers, encore souvent sous-estimĂ© :

      • l’article The myth of language universals : Language diversity and its importance for cognitive science d’Evans donne un bel aperçu du dĂ©bat qui existe entre les linguistes fonctionnalistes, notamment les approches gĂ©nĂ©rativistes telles que proposĂ©es par Noam Chomsky. Pourtant, rĂ©guliĂšrement Ă  travers la documentation des langues, des catĂ©gories cognitives jusque-lĂ  non-soupçonnĂ©s, voire rejetĂ©es car non-observĂ©es, sont identifiĂ©s. Nous nous sommes rendu compte rĂ©cemment qu’un quart des langues grammaticalisaient l’emploi d’évidentiels, ces morphĂšmes qui indiquent la source d’une information. Au niveau de l’odorat, des neurologistes pensaient que si nous n’avions pas de termes abstraits pour catĂ©goriser les odeurs, c’était liĂ© au fait que notre cerveau ne le permettait pas. La description des termes liĂ©s Ă  l’odorat en Jahai (par ici si vous souhaitez Ă©couter du Jahai), qui possĂšde donc des termes spĂ©cifiques pour catĂ©goriser les odeurs, a montrĂ© le contraire.
      • accĂ©der Ă  des facettes non-matĂ©rielles de la prĂ©histoire, non-accessibles Ă  travers l’archĂ©ologie. La documentation des langues nous permet d’accĂ©der, dans une certaine mesure, aux termes et aux concepts utilisĂ©s durant les diffĂ©rentes prĂ©histoires Ă  travers la comparaison des langues et de leurs structures. Les travaux sont nombreux et anciens en ce qui concerne les langues europĂ©ennes, mais les recherches en linguistique historique (ou comparĂ©e) portent Ă©galement sur toutes les langues connues Ă  travers le monde. Les chercheurs et chercheuses de ce domaine collaborent assez rĂ©guliĂšrement avec les archĂ©ologues pour retracer les mouvements de population.
      • mettre au point des systĂšmes d’écriture pour les langues orales, ou simplement des traitements de texte adaptĂ© aux Ă©critures existantes. Parfois, certaines personnes savent Ă©crire dans la ou les langues officielles du pays, mais ne connaissent pas d’écriture pour une de leurs langues rĂ©gionales. C’est ainsi souvent le cas pour les personnes au Vanuatu. Le pays reconnait mĂȘme le droit d’enseigner les langues locales Ă  l’école, mais il n’existe que trĂšs rarement des ressources (que ce soit les personnes ou les manuels) pour cela. Parfois, les gens ne connaissent tout simplement pas de systĂšme d’écriture.

      Quelques concepts et termes liés à la documentation des langues

      Comme tout domaine de recherche, la terminologie et les concepts linguistiques Ă©voluent au grĂ© des discussions et peut se distinguer de l’usage attendu des termes. Une Ă©tape importante dans la documentation d’une langue est la production d’une grammaire dĂ©crivant les structures linguistiques de cette langue. De nombreux linguistes estiment alors qu’on peut dire que cette langue est dĂ©crite. Il ne faut pas se tromper cependant, aucun linguiste ne considĂšre qu’une langue est alors complĂštement dĂ©crite. Une grammaire ne contient que quelques aspects estimĂ©s actuellement essentielles par les linguistes de terrain. Ces points sont, le plus souvent, une description du systĂšme phonologique d’une langue (c’est-Ă -dire comment les sons d’une langue sont organisĂ©s les uns vis-Ă -vis des autres), des morphĂšmes et des processus morphologiques associĂ©s (la conjugaison, l’expression de la possession, les dĂ©clinaisons, les genres, les classifications, etc.) d’une langue et souvent un dĂ©but de description des processus syntaxiques. Il existe de nombreuses approches pour dĂ©crire les faits linguistiques, et la description d’une langue se fait souvent en dialogue avec les pratiques et terminologies qui ont Ă©tĂ© employĂ©es dans l'aire linguistique concernĂ©e.

      Depuis l’article Documentary and descriptive linguistics de Nicholaus Himmelman, qui a promu la distinction entre la documentation linguistique et la description linguistique, on accorde beaucoup plus d’importance Ă  la production d’un corpus d’enregistrements annotĂ©s. On dit alors d’une langue qu’elle est documentĂ©e si des enregistrements annotĂ©s, de prĂ©fĂ©rences audio-visuels, de cette langue existe. Enfin, il existe la problĂ©matique de l’outillage d’une langue, c’est-Ă -dire si ses locuteurs et locutrices ont accĂšs ou non aux outils informatisĂ©s, du traitement texte aux dictionnaires informatisĂ©s en passant par la reconnaissance vocale, la transcription automatique, voire aujourd’hui aux modĂšles de langues et autres ressources nĂ©cessitant des corpus beaucoup plus grands.

      Les catalogues et base de donnĂ©es pour l’identification des langues

      Une problĂ©matique rĂ©currente dans le domaine des langues est de clairement identifier la langue sur laquelle on travaille. Cependant, identifier une langue, ce qui relĂšve ou non de cette langue, oĂč elle est parlĂ©e, est l’enjeu de nombreux dĂ©bats, souvent politique, et n’est pas une tĂąche simple. Quoi qu’il en soit, il existe des ressources, bases de donnĂ©es, qui proposent d’associer Ă  des noms de langues, endonymes ou exonymes, des codes pour rendre leur identification univoque.

      L’Ethnologue et l’ISO 639 : une norme gĂ©rĂ©e par le Summer Institute of Linguistics (SIL)

      Ethnologue, Languages of the World, ou plus simplement l’Ethnologue, est une base de donnĂ©es dĂ©veloppĂ©e et maintenu par l’organisme Ă©vangĂ©lique SIL, Summer Institute of Linguistic depuis 1951. Elle vise Ă  recenser toutes les langues du monde. L’ISO 639 est une norme issue de ce catalogue, Ă©galement maintenue par le SIL. Cet organisme est trĂšs actif au niveau de la documentation des langues et de la crĂ©ation d’écritures, car un de ses objectifs est de traduire la Bible dans toutes les langues du monde. Historiquement, l’Ethnologue est un des premiers catalogues dont l’objet a Ă©tĂ© de recenser les langues. Si cette norme semble le plus souvent suffisamment exhaustive pour les besoins liĂ©s Ă  l’informatique, aprĂšs tout, les internautes consultent Internet en trĂšs peu de langue, d’un point de vue linguistique, il possĂšde de nombreuses lacunes.

      La liste SIL des langues

      Un premier souci est la nĂ©cessitĂ© d’avoir une granularitĂ© plus importante que simplement la langue. Les linguistes travaillent sur des dialectes et des variĂ©tĂ©s, sur des familles de langues, et parfois ont travaillĂ© sur des distinctions qui n’ont parfois plus cours. Afin de pouvoir associer ces ressources Ă  des langues, ou des entitĂ©s linguistiques particuliĂšres, l’approche du SIL ne suffit pas.

      Enfin, la gestion du catalogue par un organisme religieux, donc avec parfois d’autres enjeux qu’uniquement scientifiques, le fait qu’il s’agisse d’une norme, donc la nĂ©cessitĂ© de collaborer avec l’ISO, et le fait que seule une partie du catalogue est accessible (il faut un abonnement pour accĂ©der Ă  la totalitĂ© de la ressource) rend la ressource moins pertinente pour de nombreux linguistes. Ces limites ont poussĂ© des linguistes Ă  proposer une ressource alternative.

      Glottocode : par le Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology.

      Le projet Glottolog, initialement dĂ©veloppĂ© par Sebastian Nordhoff et Harald Hammarström, catalogue non seulement les langues du monde actuelles et passĂ©s, les familles de langues et leurs diffĂ©rentes branches, mais Ă©galement « les restes Â» des hypothĂšses de langues ou de regroupements historiques. Cette granularitĂ© permet de retrouver les documents associĂ©s Ă  chacun de ces objets. Si le catalogue est dĂ©diĂ© aux langues moins connues, les langues les plus centrales sont elles aussi rĂ©pertoriĂ©es. Il s’agit actuellement du catalogue mis en avant par les linguistes documentant les langues Ă  travers le monde. L’application Glottolog est disponible via la licence MIT.

      Aperçu du Glottolog à travers la liste des langues

      Si aux premiers abords, la liste des langues du Glottolog ne se distingue pas franchement de celle de l’ISO 639, c’est parce qu’il faut regarder plus en dĂ©tail pour comprendre les diffĂ©rences essentielles entre les deux ressources. Notons tout de mĂȘme la colonne « Child dialects » : « Dialectes enfants », et les champs vides au niveau des colonnes Top-level-family et pour la langue Abai Tubu-Abai Sembuak dans la colonne « ISO-639-3 Â». La colonne « Child dialects » reprĂ©sente une information qui n’est pas documentĂ© dans l’ISO 639, ce n’est pas son objet aprĂšs tout, mais qui est intĂ©ressant pour les linguistes travaillant sur cette langue, indiquant qu’un minimum de donnĂ©es sociolinguistiques sont disponibles. Les champs vides dans la colonne « Top-level family » sont dus au fait que ces langues sont des isolats, c’est-Ă -dire que la linguistique comparĂ©e ne trouve pas de correspondances significatives entre cette langue et d’autres langues qui permettraient de les regrouper en une famille. Enfin, le vide dans la colonne ISO-963-3 rĂ©vĂšle que la langue Abai Tubu-Abai Sembuak ne possĂšde pas d’entrĂ©e dĂ©diĂ©e dans la norme.

      Ainsi, lorsque l’on consulte une langue en particuliĂšre, ici le Nisvai, on voit apparaitre tous les embranchements existants associĂ©s Ă  cette langue :

      La langue Nisvai dans le Glottolog

      Cette vue de l’arborescence associĂ©e Ă  une langue particuliĂšre rĂ©vĂšle tous les embranchements auxquels peut⁻ĂȘtre associĂ©e une langue. Et Ă  chacun de ces embranchements, si des ressources linguistiques ont Ă©tĂ© identifiĂ©es par les mainteneurs du Glottolog, celles peuvent ĂȘtre proposĂ©es. Cette fonction permet aux linguistes de trouver des ressources sur les langues proches, non pas gĂ©ographiquement (mĂȘme si en pratique c’est le plus souvent le cas), mais d’un point de vue gĂ©nĂ©alogique.

      Les autres

      Il existe d’autres initiatives pour cataloguer les langues du monde, que ce soit la liste proposĂ©e par Wikipedia, la liste de la CIA ou encore The Linguasphere Register, mais ces initiatives ne sont pas aussi pertinentes du point de vue de la documentation des langues.

      Documenter les langues

      ELAN : des schĂ©mas d’annotation flexibles

      ELAN est un des logiciels libres (GPL3) les plus utilisĂ©s par les linguistes pour annoter des enregistrements audio et vidĂ©o. Il permet d’élaborer des structures d’annotation complexes permettant ainsi de rendre compte des analyses que les linguistes souhaitent associer Ă  un enregistrement. Ces couches d’annotation sont reliĂ©es les unes aux autres par des relations logiques, avec le plus souvent une couche de rĂ©fĂ©rence indexĂ©e temporellement Ă  l’enregistrement. Les annotations les plus courantes sont une transcription, une traduction et une annotation morphologique. Mais des nombreuses autres analyses peuvent ĂȘtre incluses, que ce soit les parties du discours, les rĂ©fĂ©rences et anaphores, l'animĂ©itĂ©, mais aussi les gestes, la structuration du discours, les signes pour les sourds et malentendants.

      Extrait d’une narration prĂ©sente dans DoReCo, et vue sur les diffĂ©rentes couches d’annotation pouvant ĂȘtre associĂ©s Ă  un enregistrement.

      Dans cette capture d’écran issu d’un texte de DoReCo retravaillĂ© par l’auteur, on aperçoit un extrait de quelques secondes d’une narration nisvaie. Il s’agit d’un des modes de visualisation des annotations proposĂ©es par ELAN pour reprĂ©senter les diffĂ©rentes couches d’annotation. Certaines de ces annotations ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă  la main par l’auteur, d’autres ont Ă©tĂ© retravaillĂ©es par les algorithmes mis en place par DoReCo, puis manuellement corrigĂ©s. Enfin, il y a Ă©galement des couches d’annotation de la prosodie par le biais de SLAM+.

      FLEX : gĂ©rer un projet de documentation

      FLEX est un logiciel dĂ©veloppĂ© par le SIL et dont le code source est rĂ©gie par la licence LGPL 2.1. Il est conçu davantage pour coordonner l’ensemble d’une documentation linguistique, de la gestion des textes Ă  l’élaboration d’un dictionnaire, en passant par les analyses linguistiques. En revanche, il ne gĂšre pas rĂ©ellement l’annotation d’enregistrements. De nombreux linguistes l’utilisent en complĂ©ment d’ELAN.

      Si le logiciel est prometteur sur le papier, Ă  chaque fois que je l’ai essayĂ©, j’ai Ă©tĂ© rebutĂ© par son cĂŽtĂ© usine Ă  gaz, et surtout ses nombreux plantages notamment lorsqu’on essaie de gĂ©rer des fichiers multimĂ©dia avec. Et il en est de mĂȘme pour les autres logiciels dĂ©veloppĂ© par le SIL, tel que SayMore pour gĂ©rer les mĂ©tadonnĂ©es des enregistrements, WeSay pour faire des dictionnaires en collaboration avec les locuteurs et locutrices, Ă  chaque fois que je les ai essayĂ©s, enthousiasmĂ© par leurs fonctionnalitĂ©s, j’ai Ă©tĂ© déçu par le fait qu’ils ne fonctionnaient pas correctement sur mon ordinateur.

      Aperçu de Flex

      Cette capture d’écran illustre un des modes de saisie de FLEX, ici la vue tabulaire du lexique, qui permet de rentrer et gĂ©rer les dĂ©finitions des lexĂšmes (les entrĂ©es du dictionnaire) de maniĂšre assez rapide. On aperçoit dans la partie en haut Ă  gauche les autres modes d’édition du lexique, et en dessous les autres catĂ©gories liĂ©es Ă  la gestion d’un projet de documentation : Texts & Words, Grammar, Notebook et Lists. C’est Ă  travers la catĂ©gorie Texts & Words que l’on peut par exemple importer des textes transcrits, voire des fichiers ELAN pour peupler la base de donnĂ©es lexicales. Grammar permet de dĂ©crire les paradigmes grammaticaux, FLEX propose d’ailleurs quelques algorithmes qui aident Ă  la construction des paradigmes grammaticaux. Notebook et Lists servent Ă  la gestion du projet, le premier pour prendre des notes diverses, et le second pour crĂ©er des listes, en particulier des tĂąches encore Ă  rĂ©aliser.

      Et il y en a bien d’autres encore

      Il existe de nombreux autres logiciels similaires, tels qu’EXmaralda pour l’annotation des enregistrements (surtout utilisĂ© en Allemagne Ă  ma connaissance), Sonal (non libre, et dont le dĂ©veloppement semble arrĂȘtĂ©) qui est utilisĂ© par les sociologues et les anthropologues pour une annotation thĂ©matique de leurs entretiens, Anvil, qui semble intĂ©ressant mais que je n’ai jamais rĂ©ellement vu utilisĂ©, ou enfin le vieux Transcriber qui lui Ă©tait encore employĂ© par certains projets il y a quelques annĂ©es. Rentrer dans le dĂ©tail de tous ces logiciels dĂ©passerait le cadre d’une dĂ©pĂȘche comme celle-ci, mais Ă©numĂ©rer la diversitĂ© logicielle montre qu’il s’agit d’un secteur un minimum dynamique, d’ailleurs la question de la transcription et de l’annotation des enregistrements ne se limite pas du tout qu’au domaine de la documentation des langues du monde.

      L’archivage et la compilation de corpus

      Afin de conserver et partager les corpus et donnée enregistrées par les linguistes, chercheurs voire simplement les personnes ayant documenté une langue, il existe des archives, le plus souvent en ligne. Il y a en France par exemple Pangloss, géré par le LACITO, dédié aux langues orales, ou ORTOLANG, plus générique, pour les corpus de langue. En Océanie, il y a Paradisec. Il y a aussi ELAR, autrefois à Londres, et qui a déménagé récemment à Berlin récemment.

      Ces archives proposent diverses interfaces pour dĂ©poser, gĂ©rer et parfois mĂȘme consulter les enregistrements et les annotations rĂ©alisĂ©s par les linguistes et leurs collaborateurs·e·s. À noter que pour ces archives, Ortolang dĂ©crit son architecture logicielle qui repose sur des briques ouvertes, en revanche concernant Paradisec et Pangloss, bien que leur statuts soient sĂ»rement similaires du fait de la dĂ©marche gĂ©nĂ©rale de ses ingĂ©nieurs, je n’ai pas trouvĂ© de liens vers les logiciels employĂ©s. Quant Ă  ELAR, le logiciel utilisĂ© est Preservica, une solution propriĂ©taire qui, quand on a le malheur de devoir l’utiliser, fonctionne bien lentement.

      La compilation de corpus, si elle se rapproche de l’archivage en ce qu’il s’agit Ă©galement de recueillir, conserver et publier les corpus des linguistes, correspond Ă©galement Ă  une Ă©dition particuliĂšre de ces corpus. La compilation de corpus est rĂ©alisĂ© Ă  travers la mise en place de processus de qualitĂ©, d’annotations et de conventions particuliĂšres. Les deux compilations de corpus prĂ©sentĂ©es ici sont des compilations de corpus de documentation de langues orales. Les enregistrements ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement annotĂ©s en utilisant une convention nommĂ©e les gloses interlinaires (le nom fait en fait rĂ©fĂ©rence Ă  la pratique ancienne d’insĂ©rer des explications entre les lignes d’un texte. En pratique aujourd’hui, ce n’est plus vraiment ce que font les linguistes, puisque le travail est informatisĂ© et les annotations ne sont plus entre les lignes, mais, le terme a cependant Ă©tĂ© conservĂ©).

      DoReCo

      DoReCo est une compilation de 52 corpus en accĂšs ouvert (NdR : auquelle l’auteur a contribuĂ©). La compilation a nĂ©cessitĂ© la mise en place de processus de qualitĂ© afin d’assurer la cohĂ©rence de l’ensemble et de fournir un certain nombre de garanties quant aux qualitĂ©s du corpus.

      Les langues dans DoReCo

      Une premiĂšre qualitĂ©, et l’une des originalitĂ©s de DoReCo, est de proposer un alignement temporel est trĂšs fin. La durĂ©e de chaque phonĂšme, de chaque morphĂšmes, de chaque mot (ici suivant la dĂ©finition de la personne Ă  l’origine du corpus, car la dĂ©finition d’un mot n’a rien d’une Ă©vidence) et enfin de chaque groupe de souffle est fournie. Une deuxiĂšme qualitĂ© a Ă©tĂ© de s’assurer que pour l’ensemble des retranscriptions, chacun des termes et des morphĂšmes possĂšde une glose, c’est-Ă -dire qu’ils possĂšdent une explication linguistique.

      La compilation totalise une centaine d’heures d’enregistrements audio, en grande majoritĂ© des narrations monologiques. À noter que les corpus de la compilation sont accĂšs ouvert, via une licence Creative Commons, mais que les droits d’utilisation varient d’un corpus Ă  l’autre. Les donnĂ©es sont accessibles aux formats d’ELAN : .eaf, de Praat : . TextGrid, TEI.xml, et.csv.

      Multi-CAST

      Multi-CAST est Ă©galement une compilation de 18 corpus de documentation de langues diffĂ©rentes. Les textes annotĂ©s via le logiciel ELAN. Contrairement Ă  DoReCo, l’alignement temporel des annotations n’est pas rĂ©alisĂ© de maniĂšre prĂ©cise, mais manuellement, par les personnes Ă  l’origine du corpus, Ă  l’échelle de l’énoncĂ©. Les textes sont Ă©galement en grande majoritĂ© des narrations monologiques. L’originalitĂ© de cette compilation de corpus vient du fait que les textes contiennent trois couches d’annotation particuliĂšres : GRAID, Grammatical Relations and Animacy in Discourse, (voir), puis RefIND et ISNRef (Referent Indexing in Natural Language Discourse, voir Schiborr et al. 2018).

      La page d’accueil de Multi-Cast

      Cette compilation de corpus est aussi disponible dans plusieurs formats. XML Ă©videmment, puisque c’est le format natif d’ELAN, mais aussi TSV et il existe Ă©galement un paquet pour R. Tout cela est disponible via la licence CC-BY 4.0.

      Conclusion

      J’espĂšre que vous avez apprĂ©ciĂ© cette introduction Ă  la documentation des langues Ă  travers les logiciels libres. L’idĂ©e est surtout d’attiser la curiositĂ©, car il reste Ă©videmment encore de nombreux aspects ou points Ă  discuter et Ă  approfondir. La prochaine fois que j’aborderai le thĂšme de la documentation linguistique ici, j’espĂšre que ça sera pour prĂ©senter mon application basĂ©e sur Django pour faire de la lexicographie.

      Il y a Ă©galement un autre sujet sur lequel j’aimerais bien Ă©changer ici prochainement : la question des licences des donnĂ©es collectĂ©s et la nĂ©gociation lorsque l’on travaille avec des personnes Ă  tradition orale. Si ouvrir l’accĂšs aux donnĂ©es de recherche et aux corpus peut sembler ĂȘtre une Ă©vidence pour certains, il ne faut pas oublier que souvent, les chercheurs et chercheuses de terrain collectent des informations personnelles, que la connaissance n’est pas forcĂ©ment considĂ©rĂ©e comme un bien public et les enregistrements, notamment les narrations, qui ne sont pas forcĂ©ment perçues comme des fictions, sont souvent couverts par des droits locaux. Enfin, ouvrir ses donnĂ©es de recherche, si c’est permettre Ă  d’autres de rĂ©utiliser ses donnĂ©es, requiert beaucoup de travail de la part des linguistes, c’est une tĂąche longue, ingrate et surtout peu valorisĂ©e. Alors qu’il est de plus en plus prĂ©caire d’ĂȘtre chercheur en sciences humaines, il est aussi difficile de demander Ă  ces chercheurs et chercheuses de consacrer une grande partie de leur temps Ă  des tĂąches qui ne leur permettront pas de se constituer un CV, nĂ©cessaire si l’on souhaite avoir un poste stable (c’est-Ă -dire plus de deux ans).

      Label sans IA : ce texte a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© sans aucun aide de la part d’une LLM.

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      Codeberg, la forge en devenir pour les projets libres ?

      Face aux risques que fait peser GitHub sur le monde des logiciels libres suite Ă  son rachat par Microsoft en 2018, une alternative semble avoir percĂ©. Cette dĂ©pĂȘche propose un tour d'horizon des problĂšmes posĂ©s par GitHub et expose comment Codeberg pourrait y rĂ©pondre.
      Logo Codeberg

        Sommaire

        Les points forts de Codeberg

        L'association Codeberg e.V. 1 et son projet Codeberg.org ont été fondés en janvier 2019, suite au rachat par Microsoft de GitHub. En plus d'un statut associatif à but non lucratif, ce qui limite les risques de disparition du jour au lendemain, Codeberg est basé en Europe (à Berlin), ce qui est un plus pour nos données personnelles.

        Son logo reprĂ©sente un sommet enneigĂ© sur fond de ciel bleu. En effet, en Allemand, der Berg veut dire la montagne et on pourrait donc traduire Codeberg par une « montagne de code Â». Et effectivement, la communautĂ© compte fin avril 2024 plus de 102 000 utilisateurs et plus de 129 000 projets y sont hĂ©bergĂ©s. L'association qui dirige le projet compte plus de 400 membres. Le financement s'effectue par les dons (dĂ©ductible des impĂŽts en Allemagne) et/ou contributions aux projets sous-jacents Ă  la forge.

        La forge est basĂ©e sur Forgejo, logiciel libre sous licence MIT, dont le nom vient de l'Esperanto forĝejo, ce qui est cohĂ©rent avec l'attention portĂ©e Ă  la langue de l'utilisateur et aux problĂšmes de traduction (service Weblate). Comme avec GitLab, la licence libre implique qu'un projet peut possĂ©der sa propre instance s'il le souhaite. On notera que Forgejo est un fork de Gitea, lui-mĂȘme fork de Gogs, et est donc Ă©crit en langage Go, langage sous licence BSD avec un brevet. Le projet Forgejo, Ă©videmment hĂ©bergĂ© sur Codeberg, est trĂšs actif avec plus de 900 Pull Requests acceptĂ©es depuis un an.

        La problématique du tout GitHub

        GitHub, lancĂ© en 2008, est devenu la plus grosse plateforme d'hĂ©bergement de codes sources, utilisĂ©e par un grand nombre de projets majeurs du monde du libre (Firefox, Matrix, Yunohost
). Ce qui par effet d'attraction — et de rĂ©seau centralisant, contraire au choix de git dĂ©centralisĂ© par nature — conduit souvent Ă  faire de Github un choix par dĂ©faut, facilitant les interactions avec les autres projets et permettant d'accĂ©der Ă  une large base de contributeurs potentiels. Quand on cite une URL GitHub dans un rĂ©seau social, on peut d'ailleurs voir apparaĂźtre ce genre de message :

        Contribute to Someone/my_project development by creating an account on GitHub.

        Cependant, si ce service fourni par Microsoft est actuellement encore gratuit, il est soumis à son bon-vouloir, avec le risque de voir se répéter l'épisode SourceForge (publicités trompeuses, installateurs modifiés, usurpation d'identité de projets partis ailleurs, etc.).

        Par ailleurs, derriĂšre une communication favorable Ă  l'open source, le code de la forge GitHub est volontairement fermĂ©. Vous ne pouvez donc pas avoir votre propre instance de GitHub. En outre, cela laisse un flou sur l'exploitation de nos donnĂ©es (au sens large, le code lui-mĂȘme et nos donnĂ©es personnelles, l'hĂ©bergement Ă©tant dĂ©lĂ©guĂ©). Avec l'arrivĂ©e du projet Copilot, il est cependant certain que nos codes servent Ă  alimenter un outil d'IA, permettant Ă  Microsoft de monĂ©tiser des suggestions de code en faisant fi des questions de licence. Une partie d'un code sous licence libre pourrait potentiellement se retrouver injectĂ©e dans un projet avec une licence incompatible et de surcroĂźt sans citation de l'auteur.

        Des alternatives possibles

        On pense tout d'abord à GitLab, logiciel lancé en 2011, qui permet d'avoir sa propre instance serveur pour maßtriser l'ensemble (client et serveur sont libres). Parmi les grands projets libres, on trouve en particulier GNOME et Debian qui utilisent leur propre instance GitLab CE (Community Edition), logiciel sous licence MIT. Mais il faut nuancer : la forge GitLab.com utilise GitLab EE (Enterprise Edition) qui est propriétaire et propose des fonctionnalités supplémentaires. GitLab suit donc un modÚle dit open core. GitLab compterait plus de 30 millions d'utilisateurs inscrits et l'entreprise GitLab Inc., lancée en 2014, génÚre plusieurs centaines de millions de dollars de revenus. On notera enfin qu'en 2018, le site migre de Microsoft Azure à Google Cloud Platform (USA), ce qui a posé des problÚmes d'accÚs dans certains pays.

        Autres projets de forges libres plus modestes :

        • Codingteam.net (une initiative française, service clĂŽturĂ© en 2019).
        • SourceHut http://sr.ht (et https://sourcehut.org/), initiĂ© par Drew DeVault.
        • Disroot basĂ© sur Forgejo comme Codeberg, mais il ne semble pas avoir attirĂ© de projets d'envergure (le portail, sorte de Framasoft nĂ©erlandais, est nĂ©anmoins Ă  recommander).
        • Chez un Chaton (GitLab ou Gitea pour la plupart).
        • L'auto-hĂ©bergement : chez-vous, dans un fablab, en datacenter sur serveur dĂ©dié 

        Pour vous faire venir sur Codeberg

        PremiĂšres impressions

        La page principale est accueillante et annonce que Codeberg.org ne vous piste pas et n'utilise pas de cookies tiers. Les statistiques actuelles sont affichĂ©es : nombre de projets, d'utilisateurs et de membres de l'association. Chose agrĂ©able, vous avez la possibilitĂ© de choisir le français parmi les nombreuses langues proposĂ©es pour l'interface. Petite icĂŽne qui attire l'attention : l'activitĂ© de chaque dĂ©pĂŽt peut ĂȘtre suivie grĂące Ă  un flux RSS. Sinon, l'organisation gĂ©nĂ©rale est trĂšs semblable Ă  celle de GitHub ou GitLab et la prise en main de Codeberg se fait donc sans effort.

        Fonctionnalités avancées

        • Codeberg pages : permet de disposer d'un site web statique pour le projet
        • Forgejo actions : pour dĂ©rouler automatiquement les actions nĂ©cessaires Ă  l'intĂ©gration continue (CI/CD)
        • Weblate : pour gĂ©rer les traductions de votre projet. On peut d'ailleurs y constater que parmi les traductions de Forgejo, le Français est dans le peloton de tĂȘte.

        Projets ayant migré ou ayant un miroir sur Codeberg

        Un certain nombre de projets importants utilisent désormais Codeberg, ce qui est à la fois un gage de confiance et assure une base de contributeurs a minima :

        • libreboot : remplacement libre de BIOS/UEFI.
        • Conversations : le client majeur XMPP sur Android.
        • WideLands : jeu libre basĂ© sur le concept de Settlers II.
        • LibreWolf : fork de Firefox axĂ© sur la vie privĂ©e.
        • F-Droid : magasin d'applications libres pour Android.
        • FreeBSD : miroir de https://cgit.freebsd.org/
        • FreeCAD : miroir officiel.
        • Forgejo : fork communautaire de Gitea suite Ă  la privatisation de celui-ci en 2022.
        • Fedilab : client Android pour le Fediverse.
        • irssi : client IRC.
        • Peppermint OS : une distribution Linux avec bureau minimaliste.
        • DivestOS : un fork de LineageOS orientĂ© sur la protection de la vie privĂ©e.
        • VeggieKarte : un service pour trouver des restaurants vĂ©gĂ©tariens/vĂ©gĂ©taliens.
        • 


        Comment migrer vers Codeberg ?

        Migrer le code source et l'éventuel Wiki associé ne devrait pas poser de problÚme particulier. Il suffit de configurer git pour pusher vers la nouvelle forge. Cette page décrit comment migrer l'ensemble de votre projet (incluant les issues, le wiki, les Pull Request, etc.) vers Codeberg : https://docs.codeberg.org/advanced/migrating-repos/

        Concernant les Workflows (CI), bien qu'il n'y ait pas de garantie de compatibilité avec les Actions Github, la syntaxe se veut similaire pour faciliter la transition : https://forgejo.org/2023-02-27-forgejo-actions/

        Au-delĂ  de l'aspect technique, il reste aussi Ă  faire migrer la communautĂ© d'utilisateurs (la prĂ©sence fortement suivie sur Mastodon peut ĂȘtre un avantage).

        Conclusion

        Codeberg est un outil prometteur. Il reste pour la communauté du logiciel libre à le faire grandir. Rappelons les statistiques : 100 millions de développeurs sur GitHub, 30 millions utilisant GitLab et 100 000 pour Codeberg. Le potentiel est grand, l'un des enjeux est de financer l'association pour accompagner la croissance de la communauté, tout en faisant monter en puissance l'infrastructure informatique.

        Sources / Liens

        Controverse GitHub

        Forges diverses

        Codeberg


        1. e.V. est l'abrĂ©viation de eingetragener Verein (association dĂ©clarĂ©e). â†©

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        L’informatique sans Ă©cran

        Lors d’un NoĂ«l de ma tendre jeunesse prĂ©-adolescente est arrivĂ© un « ordinateur Â» dans le foyer. Ce PC (Intel 386) a Ă©tĂ© installĂ© dans le bureau et a vite dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en console de jeux. Puis les annĂ©es passant c’est devenu une formidable source d’expĂ©rimentation informatique pour un geek en devenir. À cette Ă©poque on sensibilisait la jeunesse Ă  ne pas passer trop de temps devant la tĂ©lĂ©vision et la console de jeux, puis devant l’ordinateur et les jeux vidĂ©o violents. Mais on ne parlait pas vraiment de l’écran.

        Aujourd’hui les messages de sensibilisation se rĂ©sument aux Ă©crans :

        • « pas d’écran avant trois ans Â»
        • « nos jeunes passent leurs temps sur leurs Ă©crans Â» (comme si les « vieux Â» n’y Ă©taient pas non plus)
        • « attention les Ă©crans fabriquent une gĂ©nĂ©ration de crĂ©tins Â»
        • « les Ă©crans, les Ă©crans, les Ă©crans »

        Il est vrai qu’aujourd’hui l’informatique ne se rĂ©sume presque plus qu’à un Ă©cran. De l’ordinateur avec clavier+souris+Ă©cran, voire crayon optique, on est passĂ© aux tablettes et ordiphones qui n’ont plus que l’écran (tactile quand mĂȘme).

        Pour prendre le contre-pied de cette obsession des Ă©crans, je me demandais donc s’il existait encore une informatique « sans Ă©cran Â». La formidable multiplicitĂ© des activitĂ©s que l’on peut avoir sur un ordinateur pourrait-elle se faire sans Ă©cran ? Dans quelle mesure peut-on coder, surfer sur le web, lire/envoyer des mails sans Ă©cran ? Cette informatique fantasmĂ©e par notre ex-ministre de l’éducation est elle une rĂ©alitĂ© ?

          Sommaire

          L’informatique, une histoire d’abord sans Ă©cran

          Si l’on date la naissance de l’ùre de l’informatique avec Ada Lovelace, et qu’on estime l’arrivĂ©e des ordinateurs avec Ă©crans Ă  la fin des annĂ©es 1970, alors on peut aisĂ©ment dire que l’informatique a Ă©tĂ© plus longtemps sans Ă©cran qu’avec.

          Peinture d’Ada LovelaceMalgrĂ© son look cosplay de manga elle n’a pas subi trop d’écrans dans son enfance, elle.

          De mĂȘme, il est raisonnable de considĂ©rer l’ordinateur comme l’outil principal pour faire de l’informatique. Il fut largement sans Ă©cran Ă  ses dĂ©buts.

          Ken Thompson (assis) et Dennis Ritchie (debout) manipulant un DEC PDP-11
          Pas d’écran pour ces deux geeks qui ont dĂ©veloppĂ© UNIX et le langage C (source)

          L’altair8800, sorti en 1975 et sur lequel Microsoft a Ă©crit son BASIC, se programmait avec des rubans perforĂ©es, voire avec des commutateurs, et l’affichage se faisait avec quelques diodes (DEL) en face avant.
          Les cartes à trous étant plutÎt utilsées avec les gros ordinateurs (aka Big Iron).

          Vue de face de l’Altair8800Difficile de considĂ©rer ces deux lignes de diodes rouges comme l’écran de l’Altair8800

          L’écran ≠ la vue

          Pour faire sans Ă©cran, on pense instinctivement Ă  utiliser d’autres sens que la vue comme l’ouĂŻe ou le toucher (pour le goĂ»t ou l’odorat difficile d’imaginer la chose). Mais l’histoire de l’informatique nous montre que les premiĂšres interfaces homme-machine ne fonctionnaient pas avec des Ă©crans, et pourtant utilisaient la vue (lumiĂšre, LED, imprimante, position mĂ©canique
).

          Mais qu’appelle-t-on Ă©cran ?

          D’aprĂšs la dĂ©finition de WikipĂ©dia, « un Ă©cran d’ordinateur est un pĂ©riphĂ©rique de sortie vidĂ©o d’ordinateur. Il affiche les images gĂ©nĂ©rĂ©es par la carte graphique de l’ordinateur. GrĂące au taux de rafraĂźchissement d’écran Ă©levĂ©, il permet de donner l’impression de mouvement. »

          Donc si l’on s’en tient Ă  wikipĂ©dia, un Ă©cran d’ordinateur c’est :

          • des images gĂ©nĂ©rĂ©es par une carte graphique d’ordinateur. Exit la tĂ©lĂ© cathodique avec un tuner analogique (qui devient rare aujourd’hui avec la TNT).
          • avec un taux de rafraĂźchissement Ă©levĂ©. Exit les liseuses et autres appareils utilisant un affichage type «  papier Ă©lectronique Â».
          • pas d’indication de rĂ©solutions.

          On peut sans doute rajouter les écrans (comme les télés) qui ne sont pas raccordés à une carte graphique dans la catégorie écran.

          Cela serait donc la résolution (définition et taille
) et le rafraßchissement (fréquence de balayage) du périphérique de sortie vidéo qui font un écran.

          La matrice 5 × 5 d’un micro:bit ne correspond pas Ă  un critĂšre de rĂ©solution suffisant, pas plus que les deux poussoirs ne pourraient prĂ©tendre Ă  ĂȘtre un clavier.
          micro:bit Pourtant il affiche bien une « image » de cƓur <3 !

          Les afficheurs 7 segments ne peuvent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des Ă©crans. Ils n’affichent que des chiffres et quelques symboles. Difficile de crĂ©er une impression de mouvement avec seulement des segments.
          Afficheur 7 segmentsEn faisant un effort, on arrive Ă  reconstituer quelques lettres.

          En doublant le nombre de segments, on arrive à afficher l’ensemble des lettres de l’alphabet latin
          Afficheur 14 segmentsSans diacritiques, faut pas pousser

          Un « panel Â» LCD 20×4 et ses caractĂšres de 8 pixels sur 5 forme un Ă©cran de 100 pixels sur 32, la rĂ©solution est dĂ©jĂ  meilleure, mĂȘme s’il est toujours prĂ©vu pour n’afficher que du texte. NĂ©anmoins on se rapproche de l’idĂ©e que l’on se fait d’un « Ă©cran Â».

          Du papier Ă©lectronique ne peut pas ĂȘtre un Ă©cran. La rĂ©solution peut ĂȘtre excellente mais le rafraĂźchissement reste insuffisant.

          Finalement la dĂ©finition de WikipĂ©dia n’est guĂšre rigoureuse ni efficace, entre l’unique LED du panneau de contrĂŽle et l’écran haute rĂ©solution, il y a un continuum de pĂ©riphĂ©riques de sortie utilisant des signaux lumineux pour former des images. Il faut peut-ĂȘtre alors chercher les systĂšmes informatiques qui, dans leur usage normal, utilisent d’autres pĂ©riphĂ©riques de sortie ou pas de pĂ©riphĂ©riques de sortie du tout.

          L’embarquĂ©e, une informatique massivement sans Ă©cran

          Bien sĂ»r il faut dĂ©finir le mot « informatique Â». Si l’on se rĂ©fĂšre Ă  la dĂ©finition de WikipĂ©dia :

          L’informatique est un domaine d’activitĂ© scientifique, technique, et industriel concernant le traitement automatique de l’information numĂ©rique par l’exĂ©cution de programmes informatiques hĂ©bergĂ©s par des dispositifs Ă©lectriques-Ă©lectroniques : des systĂšmes embarquĂ©s, des ordinateurs, des robots, des automates, etc.

          Avec cette dĂ©finition, le moindre dispositif Ă©lectronique embarquĂ© est de l’informatique. Lancer une machine Ă  laver, programmer son four ou prĂ©parer une cafetiĂšre pour le lendemain est donc une forme de manipulation informatique
 qu’on peut envisager sans Ă©cran.

          Cependant dĂšs que vient le besoin de dĂ©velopper un systĂšme embarquĂ© ou mĂȘme de le rĂ©parer/dĂ©verminer, l’écran revient au galop. On a rapidement besoin d’un Ă©cran pour y connecter son environnement de dĂ©veloppement et sa sonde de debug. Et mĂȘme l’oscilloscope ou l’analyseur logique que l’on branche pour « voir Â» les signaux dispose d’un Ă©cran.

          En usage normal donc, certains dispositifs informatiques sont conçus pour ne pas nĂ©cessiter d’écran parce qu’ils disposent d’un autre pĂ©riphĂ©rique de sortie. Certains centres commerciaux, certaines gares proposent des distributeurs d’histoires courtes : trois boutons comme pĂ©riphĂ©rique d’entrĂ©e et une imprimante thermique comme pĂ©riphĂ©rique de sortie. Appuyez et vous aurez de la lecture pour une, trois ou cinq minutes.

          Distributeur d’histoires courtes en gare de Lyon-PerracheSoyons optimistes : il n’y aura pas plus de cinq minute d’attente !

          Plus courant, une box Internet domestique est aussi un dispositif informatique sans Ă©cran.

          Livebox 6- Il est oĂč l’écran ? - Dans ton
 navigateur

          Il faut reconnaĂźtre que si l’usage courant, la connexion Ă  l’Internet, ne nĂ©cessite pas d’écran sur la box, son paramĂ©trage en utilise bien un : celui de l’ordinateur sur lequel tourne votre navigateur prĂ©fĂ©rĂ©.

          Les assistants vocaux sont des ordinateurs sans Ă©cran. Les principaux pĂ©riphĂ©riques d’entrĂ©e comme de sortie sont audio : commande vocale, rĂ©ponse Ă©galement. Radio France fait d’ailleurs la publicitĂ© pour son offre pour enfants, une histoire et
 Oli, sur cette absence d’écran, jouant, sans trop le dire, sur cette peur parentale des Ă©crans.

          Pourrait-on pousser l’utilisation de ces ordinateurs pour faire du dĂ©veloppement et «coder en vocal» ? Possible, il est tout Ă  fait possible de programmer l’ouverture de ses volets, la lecture d’une musique ou le thermostat de sa chaudiĂšre avec. Mais ça n’est pas du dĂ©veloppement.

          L’éducation numĂ©rique mais sans Ă©cran

          Il est largement possible d’apprendre l’informatique sans Ă©cran, et mĂȘme sans ordinateur.

          La robotique pĂ©dagogique se dĂ©veloppe depuis l’apparition de la tortue Logo. Actuellement, pour les plus jeunes dĂšs l’école maternelle, c’est une abeille qui est proposĂ©e comme initiation Ă  la programmation.

          Bee-Bot en actionSi, si, je suis bien un ordinateur

          La Bee-Bot se programme Ă  l’aide de sept touches et les pĂ©riphĂ©riques de sortie sont les moteurs de dĂ©placement, un petit haut-parleur et en option un porte-crayon. Avec une interface HommeEnfant-Machine aussi simple, il s’agit plutĂŽt d’une mĂ©morisation de sĂ©quences de mouvements que de programmation Ă  proprement parler et pour en utiliser toutes les capacitĂ©s, un interfaçage avec une application ou un ordinateur plus conventionnel est possible, mais on y retrouve un Ă©cran ! De nombreux autres robots pĂ©dagogiques, un peu plus complexes et performants, existent mais ceux-ci utilisent un Ă©cran classique pour accĂ©der Ă  l’interface de programmation.

          Quitte Ă  supprimer les Ă©crans autant aller au bout de la dĂ©marche et supprimer l’ordinateur dans son ensemble. Des pĂ©dagogues ont ainsi inventĂ© l’informatique dĂ©connectĂ©e. Un papier, un crayon, ni Ă©cran ni matĂ©riel comme le jeu du robot idiot. Les esprits chagrins pourraient y voir une solution au manque de matĂ©riel des Ă©tablissements scolaires.
          Plus que d’informatique il s’agit en fait d’initiation à l’algorithmie.

          Mais peut-on se passer d’écran pour dĂ©velopper ?

          Les plages braille

          Il existe une catĂ©gorie de population qui est contrainte de se passer d’écran pour se servir d’un ordinateur : les aveugles.

          Les personnes aveugles peuvent pourtant se servir d’ordinateur, notamment grĂące Ă  un clavier spĂ©cifiquement dĂ©veloppĂ© pour eux nommĂ© « plage braille Â». GrĂące Ă  ces plages brailles, les aveugles peuvent lire les caractĂšres en braille en touchant une ligne munie de petites pointes pilotĂ©s.

          Le prix de ces appareils est assez prohibitif pour quelqu’un qui voudrait jouer avec sans en avoir rĂ©ellement besoin (un geek quoi). C’est pourtant une bonne maniĂšre de faire de l’informatique sans Ă©cran. Pour le codage informatique, on utilise un braille Ă  huit points au lieu des six habituels ce qui permet d’avoir 256 combinaisons, soit autant que la table ASCII. La table braille informatique actuelle a Ă©tĂ© approuvĂ©e Ă  l’unanimitĂ© en 2007 par la Commission Évolution du Braille Français, elle porte le numĂ©ro TBFR2007.

          Que vaudrait un jeu vidĂ©o dĂ©veloppĂ© pour une plage braille ? Et pourrait-on l’appeler jeu vidĂ©o ?

          Avec du papier et un stylo/machine à écrire/carte perforé puis scanner

          On peut Ă©galement faire beaucoup de choses un papier un crayon/stylo/pinceau puis le scanner pour qu’il soit utilisĂ© dans l’ordinateur. Ça reste gĂ©nĂ©ralement qu’une Ă©tape du dĂ©veloppement les programmes ne sont pas plus rĂ©alisĂ©s intĂ©gralement sur papier avant d’ĂȘtre intĂ©grĂ© Ă  l’ordinateur.

          Pour conclure

          Avec des Ă©crits comme « la fabrique du crĂ©tin digital Â» et des propos comme ceux de notre ex-ministre de l’éducation, les Ă©crans sont devenus la bĂȘte noire de tous les pĂ©dagogos.

          Mais l’important n’est-il pas de savoir ce que l’on fait avec un Ă©cran ? Faut-il vraiment s’acharner Ă  s’en passer ?

          Sans doute pas.

          Il serait cependant intĂ©ressant d’apprendre Ă  se servir d’outils rĂ©servĂ©s aux aveugles par exemple. Si nous n’avons plus besoin de la vue pour coder, nous pourrions ĂȘtre un peu plus multi-tĂąches et coder tout en
 regardant la tĂ©lĂ© !

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