❌

Vue lecture

Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraĂźchir la page.

Alternatiba poursuit sa sortie des logiciels propriétaires et adopte un outil de base de données no-code et libre

Le mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale nous parle de sa vision des outils numĂ©riques et comment il entreprend de sortir concrĂštement des logiciels privateurs. Partage d’expĂ©rience dans la mise en place d’un outil de base de donnĂ©es no-code.

Bonjour Adrien et Gauthier ! Pouvez-vous vous prĂ©senter ?

Salut, ici Gauthier, profil type de l’ingĂ©nieur qui aurait pu travailler dans la voie toute tracĂ©e de l’industrie mais qui se posait trop de questions pour ça. AprĂšs une escapade dans l’éducation nationale, je suis devenu militant Ă  plein temps Ă  Alternatiba / ANV-COP21 Grenoble, puis je me suis impliquĂ© de plus en plus dans l’équipe informatique globale jusqu’à devenir salariĂ© du mouvement en 2021. Je suis aussi impliquĂ© dans plein d’assos militantes ou dans le domaine de l’animation, et je traĂźne dans le monde du numĂ©rique libre depuis quelques annĂ©es ! Aujourd’hui, je dirais que je suis un geek (barbu, lunettes et tout đŸ€“) qui comprend Ă  peu prĂšs ce que disent les machines (encore que
), mais qui prĂ©fĂšre surtout parler aux humains (c’est ça qui est intĂ©ressant !).

 

Salut ! Moi, c’est Adrien ! J’ai 35 ans. Dans une autre vie, j’ai fait des Ă©tudes de maths pour l’information et une thĂšse en cryptographie quantique. J’ai quittĂ© le monde de la recherche aprĂšs mon doctorat et j’ai travaillĂ© pour diffĂ©rentes ESN. J’ai notamment fait une mission de 3 ans en tant qu’ingĂ©nieur de recherche en analyse de donnĂ©es pour Michelin. J’ai dĂ©missionnĂ© durant l’étĂ© 2021 pour me consacrer entiĂšrement Ă  des engagements associatifs, notamment Ă  Alternatiba et ANV-COP21 Ă  Clermont-Ferrand, mais Ă©galement dans un atelier bois partagĂ© ou pour la monnaie locale du Puy-de-DĂŽme. J’ai rejoint Gauthier Ă  la commission informatique d’Alternatiba en dĂ©cembre 2022.

 

Le mouvement Alternatiba est dĂ©jĂ  relativement mĂ©diatisĂ© et connu, mais sans doute pas de tout le monde. Alors, c’est quoi Alternatiba ? Et quel est votre rĂŽle ?

Alternatiba et Action Non-Violente COP21 (ANV-COP21) sont les deux « jambes Â» d’un mĂȘme mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale. NĂ© au Pays Basque en 2013, ce mouvement forme aujourd’hui un rĂ©seau de 115 groupes locaux implantĂ©s sur les territoires et vise Ă  relever le dĂ©fi climatique en contribuant Ă  faire Ă©merger un mouvement de masse, Ă  la fois radical, populaire, non-violent et dĂ©terminĂ©. Alternatiba promeut les alternatives et fait de la mobilisation citoyenne (organisation de marches climat, de villages des alternatives, d’actions de plaidoyer, etc.) En parallĂšle la « jambe Â» ANV-COP21 s’oppose et rĂ©siste face aux projets climaticides par l’organisation d’actions de dĂ©sobĂ©issance civile non violente.

Ces deux « jambes Â» nous permettent de faire passer les citoyen⋅nes Ă  l’action autour du slogan « Changeons le systĂšme, pas le climat ! Â»

Pour animer ce rĂ©seau de 115 groupes locaux, une Ă©quipe d’animation a pour rĂŽle de faciliter le lien entre tous ces groupes et de crĂ©er des dynamiques, sur des thĂšmes ou des campagnes ou projets communs. Cette Ă©quipe, composĂ©e de bĂ©nĂ©voles et d’une quinzaine de membres permanent⋅es salarié·es, est rĂ©partie en diffĂ©rentes commissions (animation du rĂ©seau, communication externe, collecte, finances, etc.). Pour notre part, nous sommes les deux coordinateurs de la commission informatique. Nous mettons en place et maintenons les outils numĂ©riques utilisĂ©s par l’équipe globale et nous sommes force de proposition pour transposer les valeurs du mouvement Ă  nos pratiques numĂ©riques !

 

Groupe de personnes, assises en demi-cercle, participant Ă  une formation/animation par Alternatiba.

Formation lors du Camp Climat Militant Nord 2022

 

Comment dĂ©finiriez-vous le rapport entre votre mouvement et « le numĂ©rique Â» en gĂ©nĂ©ral ?

Les groupes locaux du rĂ©seau sont tous autonomes et ont chacun leur propre style cĂŽtĂ© numĂ©rique : ça va du « geek de service Â» un peu tout seul qui bricole les outils du groupe avec les moyens du bord, aux « gros Â» collectifs qui mettent en place des systĂšmes plus robustes et souvent avec des outils libres et une Ă©quipe informatique plus structurĂ©e. RĂ©sultat ? Un joyeux mĂ©li-mĂ©lo de pratiques numĂ©riques qui dĂ©pend souvent de la magie des personnes en charge ! đŸ€Ș Une des questions que l’on se pose d’ailleurs beaucoup au sein de la commission informatique est de savoir comment accompagner les diffĂ©rents groupes locaux pour mettre en place des outils numĂ©riques qui leur permettent de mobiliser efficacement.

Pour ce qui est de l’équipe d’animation globale, notre rapport au numĂ©rique a longtemps Ă©tĂ© dictĂ© par l’usage des outils les plus rĂ©pandus, les moins chers, et les plus faciles Ă  utiliser
 oui, vous avez bien devinĂ©, on est encore beaucoup chez Google
 Ces outils ont Ă©tĂ© choisi par dĂ©faut au dĂ©but d’Alternatiba par les premier⋅es militant⋅es du mouvement.

La crĂ©ation de la commission informatique en 2018, suivie par l’arrivĂ©e d’un salariĂ© dĂ©diĂ©, a permis de concrĂ©tiser la volontĂ© de mettre en cohĂ©rence nos pratiques numĂ©riques avec nos valeurs et d’initier les changements nĂ©cessaires : structuration des usages numĂ©riques, sobriĂ©tĂ© numĂ©rique, sensibilisation au capitalisme de surveillance, choix d’hĂ©bergeurs Ă©thiques, virage vers des logiciels Ă©mancipateurs, etc.

À savoir que les membres permanent⋅es de l’équipe d’animation globale n’ont pas une trĂšs grande connaissance du monde du numĂ©rique en gĂ©nĂ©ral. Pour beaucoup, les outils numĂ©riques sont utilisĂ©s par nĂ©cessitĂ© (parce que nous sommes une Ă©quipe dĂ©centralisĂ©e – vive les visios
 😅) et doivent avant tout ĂȘtre des outils fonctionnels et efficaces. Par ailleurs, la multiplication d’outils numĂ©riques est globalement vue comme une contrainte qui peut gĂ©nĂ©rer de la lassitude ou de la frustration. C’est clair qu’on prĂ©fĂ©rerait faire de la randonnĂ©e, de la soudure ou du jardinage plutĂŽt que d’ĂȘtre devant un Ă©cran !

En rĂ©sumĂ©, nous restons collectivement pragmatiques : nous sommes un mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale, et nos outils numĂ©riques doivent avant tout nous permettre de rĂ©pondre Ă  ces objectifs de maniĂšre efficace. Le numĂ©rique n’est pas le « cƓur de mĂ©tier Â» d’Alternatiba / ANV-COP21 : nous, c’est la mobilisation citoyenne ! Alors on Ă©vite d’auto-hĂ©berger ou de dĂ©velopper nos propres outils : en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, on se tourne plutĂŽt vers des hĂ©bergeurs en qui on a confiance et vers des outils qui existent dĂ©jĂ . Cependant, la conviction que le choix des outils numĂ©riques est politique est globalement partagĂ©e par tout le monde et nous donne (en tant que commission informatique) la lĂ©gitimitĂ© de pousser Ă  dĂ©velopper une culture du numĂ©rique libre au sein du mouvement.

 

Et y a-t-il une volontĂ©, une politique/doctrine, envers le logiciel libre en particulier ?

La volontĂ© de valoriser les logiciels libres est clairement prĂ©sente au sein du mouvement. Cela a Ă©tĂ© affirmĂ© Ă  plusieurs reprises dans diffĂ©rentes instances du mouvement, notamment au sein du conseil d’administration. Pour nous, les logiciels libres incarnent dans le monde du numĂ©rique les valeurs que nous dĂ©fendons pour une sociĂ©tĂ© dĂ©sirable : plus de communs gĂ©rĂ©s de maniĂšre dĂ©mocratique, moins de surveillance, une philosophie d’opposition au capitalisme


En thĂ©orie, tout ça est bien beau mais, en pratique, c’est beaucoup moins Ă©vident
 😬 Cette volontĂ© de s’affranchir des logiciels privateurs et de mettre en place des usages numĂ©riques alternatifs Ă©mancipateurs est limitĂ©e par l’habitude (« oui mais je connais bien ce logiciel
 Â»), le manque de convivialitĂ© et d’ergonomie de certains outils (« ah non c’est moche ! Â») ou le besoin de fiabilitĂ© (« oui c’est sympa mais bon, ça ne marche jamais ton truc Â»). Ces questions Ă©tant actuellement portĂ©es par un nombre restreint de personnes, il y a une certaine inertie au sein du mouvement, et c’est normal.

En rĂ©sumĂ©, nous adoptons une posture radicalo-pragmatique : nous cherchons Ă  nous Ă©manciper du numĂ©rique privateur autant que possible mais nous utilisons ce que nous avons Ă  disposition ici et maintenant pour continuer d’avancer efficacement. Alternatiba / ANV-COP21 est avant tout un mouvement citoyen Ă©cologiste qui se veut accessible Ă  toutes et tous, et qui a besoin d’avoir des outils facilement appropriables pour les gens. La question de la convivialitĂ© et de la formation Ă  ces outils est primordiale, nous devons encore beaucoup travailler dessus !

"ce qu'on veut" vs "ce qu'on parvient Ă  faire"

Allégorie du quotidien de la commission informatique

 

Dans vos actions, vous utilisez donc diffĂ©rents logiciels ou plateformes. Peut-on savoir lesquels ?

Globalement, nous sommes toujours dĂ©pendant⋅es d’un certain nombre de logiciels propriĂ©taires. L’outil de travail central de l’équipe globale est un Google Drive sur lequel nous stockons et partageons nos documents de travail, les ordres du jours et les comptes rendus (on fait beaucoup de rĂ©daction collaborative ! ✏), ainsi que des tableaux de suivi et de nombreux autres documents. Nos boĂźtes mails et listes mails sont actuellement hĂ©bergĂ©es chez OVH, mais nous avons initiĂ© un processus pour les migrer chez un hĂ©bergeur associatif. Nous utilisons encore beaucoup Zoom pour faire des rĂ©unions en visio. On utilise Ă©galement Brevo (ex Sendinblue) pour envoyer nos infolettres, des outils spĂ©cifiques pour la collecte de don, et Ohme comme CRM. Enfin, en tant que mouvement de mobilisation, nous sommes presque « contraint⋅es Â» Ă  utiliser les rĂ©seaux sociaux dominants pour toucher un maximum de personnes.

Cependant, nous migrons peu Ă  peu nos usages vers des outils libres. Nos sites web sont hĂ©bergĂ©s chez Infomaniak sur WordPress depuis 2018. Nous utilisons le logiciel de messagerie instantanĂ©e Mattermost, hĂ©bergĂ© par le CHATONS le Cloud Girofle, nous avons un serveur Mumble pour les rĂ©unions audio, on utilise l’instance Vaultwarden de Tedomum (un autre CHATONS) pour la gestion de nos mots de passe, Paheko pour la gestion de notre caisse, BigBlueButton chez Globenet pour les visios, et Aktivisda, le petit nouveau qui permet de crĂ©er des visuels. Et bien sĂ»r, nous utilisons beaucoup des services de Framasoft : Framadate (sondage), Framaforms (formulaire), Framavox (prise de dĂ©cision), Framagit (forge logicielle)
 Certains groupes locaux ont Ă©galement mis en place une instance Nextcloud pour partager les fichiers et s’organiser. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous Ă©vitons de dĂ©velopper nos propres logiciels, mais en 2019 Alternatiba s’est malgrĂ© tout lancĂ© dans une chouette aventure en participant au dĂ©veloppement de NOÉ, une application libre d’organisation d’évĂ©nements, car nous avions des besoins trĂšs spĂ©cifiques pour l’organisation des Camps Climat. â›ș Aujourd’hui, le projet s’est autonomisĂ© mais nous continuons Ă  utiliser ce logiciel pour nos Ă©vĂ©nements, et notamment pour notre projet de Camp Climat 2025.

Enfin, pour certains usages spécifiques liés à la désobéissance civile avec ANV-COP21, nous utilisons certains outils qui mettent en avant la confidentialité et le chiffrement, par exemple Proton Mail, Signal ou Cryptpad.

Vous noterez qu’on dĂ©pend de pas mal d’hĂ©bergeurs diffĂ©rents, mais on essaie de maintenir un lien de confiance avec les humain⋅es de ces diffĂ©rentes organisations. Notre critĂšre primordial : « suis-je capable de boire une biĂšre avec mon hĂ©bergeur ? Â» Â» đŸ»

OĂč sont nos donnĂ©es ? - La galaxie des hĂ©bergeurs sympas autour d'Alternatiba

OĂč sont nos donnĂ©es ? – La galaxie des hĂ©bergeurs sympas autour d’Alternatiba

 

Vous nous avez contactĂ© au sujet d’un projet, d’une envie. Celle d’utiliser des outils type « base de donnĂ©es no-code Â». On a beau ĂȘtre sur Framasoft : pouvez-vous nous expliquer ce que sont ces outils, et quels sont leurs principaux avantages ?

En tant qu’équipe d’animation globale, nous cherchons Ă  suivre la dynamique du rĂ©seau Alternatiba / ANV-COP21 et Ă  faire circuler des informations dans l’ensemble des groupes locaux. Pour cela, nous devons stocker un certain nombre d’informations, comme les contacts des diffĂ©rents rĂ©fĂ©rent⋅es, les activitĂ©s des groupes, les participations aux diffĂ©rentes mobilisations et campagnes ou encore les formations donnĂ©es.

Toutes ces donnĂ©es ont longtemps Ă©tĂ© stockĂ©es dans de nombreux tableaux de suivi sous forme de Google Sheets. Le temps passant, ces tableaux sont devenus lourds et difficiles Ă  maintenir et Ă  mettre Ă  jour car ils n’ont pas Ă©tĂ© conçus de maniĂšre optimale Ă  l’origine. La mise Ă  jour ou la rĂ©cupĂ©ration de donnĂ©es spĂ©cifiques se sont avĂ©rĂ©es compliquĂ©es, fastidieuses et chronophages, un peu comme dans le grenier de la vieille maison de famille dans lequel on entasse un peu tout ce qui passe annĂ©es aprĂšs annĂ©es
 đŸ•žïž

À l’inverse de ces tableaux indĂ©pendants, une base de donnĂ©es est un outil qui permet nativement de rĂ©pondre Ă  ce type de besoin en liant diffĂ©rents tableaux entre eux de telle sorte que les informations des uns puissent ĂȘtre lues ou mises Ă  jour Ă  partir des autres. Cela Ă©vite les doublons et facilite grandement la mise Ă  jour et la consultation des donnĂ©es ! Au contraire d’une base de donnĂ©es « classique Â» qui s’utilise par des requĂȘtes type SQL, un outil de base de donnĂ©es dit «  no-code  Â» est dotĂ© d’une couche supplĂ©mentaire qui permet de rendre invisible pour l’utilisateur⋅rice les formules qui se cachent derriĂšre et est donc parfaite pour des utilisateurices non geeks.

C’est pour ces raisons que nous avons dĂ©cidĂ© de procĂ©der Ă  un grand mĂ©nage de printemps de notre vieux grenier et de nous orienter vers ce type d’outils pour faciliter le suivi de notre rĂ©seau ! đŸ§č

 

OK, merci : on y voit (un peu) plus clair :-) Maintenant, pouvez vous prĂ©ciser votre projet ?

Dans l’idĂ©e de sortir petit Ă  petit un maximum de nos donnĂ©es de Google (en particulier les donnĂ©es personnelles), notre projet est de migrer l’ensemble de nos tableaux de suivi Google Sheets vers un outil de base de donnĂ©es no-code existant. Le leader du marchĂ© est AirTable, un logiciel propriĂ©taire amĂ©ricain de la Sillicon Valley BigTech et compagnie. Nous avons choisi une alternative open-source, Baserow, qui offre Ă©galement de nombreuses fonctionnalitĂ©s intĂ©ressantes.

Nous avons donc construit une (vraie) base de donnĂ©es sur Baserow pour le suivi de notre rĂ©seau. Finies les bidouilles : place aux tables de suivi interconnectĂ©es, oĂč chaque info est bien rangĂ©e Ă  sa place et prĂȘte Ă  ĂȘtre trouvĂ©e en deux clics. 😁 Plus besoin de jouer aux dĂ©tectives, toute l’équipe peut accĂ©der aux infos sans prise de tĂȘte.

Pour complĂ©ter le tout, nous voulions avoir un maximum de contrĂŽle sur l’ensemble de nos donnĂ©es (qui ne sont donc plus stockĂ©es sur les serveurs de Google) et en particulier sur les donnĂ©es sensibles de notre rĂ©seau. Il s’avĂšre cependant que nous n’avons trouvĂ© aucun CHATONS qui administre et met Ă  disposition des instances Baserow. Nous avons donc fait le pari d’auto-hĂ©berger notre propre instance Baserow afin d’avoir facilement la main sur nos donnĂ©es. Pour cela, nous utilisons une machine chez GrĂ©sille un hĂ©bergeur associatif de confiance avec qui nous avons des liens forts. ❀

 

Ca Ă  l’air chouette ! Comment vous y ĂȘtes-vous pris·es ?

Bien que Baserow soit un outil relativement simple d’utilisation, il ne fallait pas foncer tĂȘte baissĂ©e sans rĂ©flĂ©chir
 La premiĂšre Ă©tape a Ă©tĂ© de concevoir la structure de notre base de donnĂ©es : quelles tables, quelles infos, Ă  quelle place ? Cette pĂ©riode de conception nous a occupé·es pendant plusieurs mois.

Ensuite, un gros travail a Ă©tĂ© de mettre en place les fonctionnalitĂ©s qui rĂ©pondent Ă  nos besoins. Baserow ayant aujourd’hui des fonctionnalitĂ©s natives relativement limitĂ©es, nous avons dĂ» nous adapter et ĂȘtre inventifs dans la conception de la base de donnĂ©es en attendant le dĂ©veloppement de ces fonctionnalitĂ©s. Pour cela, on a crĂ©Ă© grĂące Ă  notre complice n8n (un outil libre que l’on hĂ©berge aussi et qui se branche sur Baserow) de nombreuses automatisations de tĂąches grĂące Ă  des nƓuds prĂ©configurĂ©s et un soupçon de code maison. Exemple ? Un systĂšme d’envoi automatique de courriels mensuels aux groupes locaux pour qu’ils mettent Ă  jour leurs infos eux-mĂȘmes. RĂ©sultat : les donnĂ©es des groupes sont Ă  jour sans se prendre la tĂȘte ! đŸ§˜â€â™‚ïž

D’ailleurs, nous avons Ă©tĂ© impressionnĂ©s par la dynamique de dĂ©veloppement de Baserow qui tĂ©moigne d’un lien fort avec la communautĂ© d’utilisateurices. Nous avons osĂ© publier quelques demandes de fonctionnalitĂ©s en expliquant notre besoin, et elles ont Ă©tĂ© prises en compte par l’équipe dans le dĂ©veloppement ! đŸ€©

Schéma de fonctionnement dans le cas de la mise à jour mensuelle des groupes locaux - Source Excalidraw

SchĂ©ma de fonctionnement dans le cas de la mise Ă  jour mensuelle des groupes locaux – SchĂ©ma rĂ©alisĂ© avec Excalidraw

 

 

Capture d'Ă©cran du logiciel Baserow, montrant un menu sur la partie gauche et un tableur sur le reste du texte

Capture d’écran du logiciel Baserow

 

Pour mettre en place tous ces outils, nous avons fait appel Ă  Maxime, dĂ©veloppeur salariĂ© de la coopĂ©rative TelesCoop et qui a Ă©tĂ© un membre actif d’un groupe local Alternatiba par le passe.

TelesCoop est une coopĂ©rative super chouette qui accompagne « les acteurs qui participent Ă  l’amĂ©lioration des problĂ©matiques sociales et environnementales de notre sociĂ©tĂ© Ă  travers les technologies de l’information Â». Au delĂ  des compĂ©tences techniques, nous avons Ă©tĂ© touchĂ©â‹…es par les choix forts qui ont Ă©tĂ© fait dans l’entreprise concernant les conditions salariales (Ă©galitĂ© femme/homme Ă©videmment, salaire adaptĂ© en fonction des besoins, temps de travail modulable) et le choix des projets qu’ils et elles choisissent d’accompagner. Chaque salariĂ©â‹…e peut allouer une partie de son temps de travail sur des projets bĂ©nĂ©voles mais qui remplissent des critĂšres Ă©thiques forts ! 😍 Cela rĂ©sonne fortement avec les valeurs que nous portons au sein du mouvement Alternatiba.

Nous sommes uni·e·s et engagé·e·s autour de valeurs communes – Ă©cologie, justice sociale, sobriĂ©tĂ© – et d’une volontĂ© de mettre en commun nos expĂ©riences individuelles au service d’un projet collectif.
— TelesCoop, sur leur site https://telescoop.fr

Quelle est la suite pour ce projet Ă  moyen terme ?

Aujourd’hui, nous continuons d’intĂ©grer peu Ă  peu l’ensemble des donnĂ©es du mouvement et nous connectons notre base de donnĂ©es Ă  diffĂ©rents outils pour des fonctionnalitĂ©s spĂ©cifiques : formulaires de contact sur nos sites web, visualisation d’indicateurs de la dynamique du rĂ©seau grĂące Ă  Metabase, inscription/dĂ©sinscription Ă  nos listes mails, ou encore mise Ă  jour automatique de nos diffĂ©rentes cartes interactives GoGoCarto. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les possibilitĂ©s offertes par Baserow (et n8n) sont infinies pour ajouter des nouvelles fonctionnalitĂ©s Ă  notre systĂšme !

Par ailleurs, nous avons conçu ce systĂšme d’information en nous appuyant sur les besoins de notre mouvement Alternatiba / ANV-COP21, structurĂ© en groupes locaux rĂ©partis sur tout le territoire et animĂ© par une Ă©quipe dĂ©diĂ©e. Mais peut-ĂȘtre que d’autres mouvements ou collectifs ont une organisation similaire Ă  la notre, et pourraient ĂȘtre intĂ©ressĂ©s par cet outil ? Une fois que tout sera en place et fonctionnel, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de le diffuser et le proposer Ă  d’autres mouvements qui ont les mĂȘmes besoins que nous ! C’est ça aussi la dynamique du logiciel libre. :)

 

Cool ! Mais
 ça va prendre du temps ? NĂ©cessiter de l’argent ? Comment allez-vous faire ?

Le projet a commencĂ© concrĂštement avec Maxime de TelesCoop au mois de mars 2023. D’un point de vue opĂ©rationnel, nous Ă©tions quatre cĂŽtĂ© Alternatiba Ă  suivre le dĂ©veloppement de l’outil : deux personnes de l’équipe informatique et deux de l’équipe d’animation du rĂ©seau. Il y a eu beaucoup d’aller-retour entre TelesCoop et nous sur les fonctionnalitĂ©s, la configuration des tables de donnĂ©es ou les workflows n8n.

Pour ce qui est du dĂ©veloppement, on met les mains dans la technique cĂŽtĂ© Alternatiba pour pouvoir gĂ©rer en interne le support et les Ă©volutions par la suite mais c’est surtout Maxime qui a dĂ©veloppĂ© la structure de l’outil en travaillant sur le projet plusieurs heures par semaine. Le temps bĂ©nĂ©vole et le mĂ©cĂ©nat de compĂ©tences que TelesCoop nous consacre Ă  travers Maxime ont permis de faire avancer ce projet trĂšs rapidement.

Aujourd’hui, le projet est fonctionnel et utilisĂ© par toute l’équipe. 🎉 La premiĂšre version a Ă©tĂ© lancĂ©e courant aoĂ»t 2023. AprĂšs de nombreux tests, nous avons migrĂ© toutes nos donnĂ©es sur notre nouvelle base de donnĂ©es. Les Google Sheet sont maintenant figĂ©s. Le premier mail automatique, contenant les liens vers les formulaires de mise Ă  jour, est parti dĂ©but septembre 2023. Nous avons Ă©galement commencĂ© Ă  mettre Ă  disposition des projets Baserow pour les groupes locaux intĂ©ressĂ©s !

Nous avons apportĂ© une attention particuliĂšre Ă  former toustes nos collĂšgues et, aujourd’hui, Baserow est un outil largement adoptĂ© dans l’équipe. Cette annĂ©e, nous avons notamment rĂ©alisĂ© la gestion du projet du Tour Alternatiba 2024 (notre grand projet qui a impliquĂ© des centaines de bĂ©nĂ©voles dans plus de 100 villes de France sur 4 mois) avec efficacitĂ© et il sera encore central dans l’organisation du Camp Climat 2025 !

C’est merveilleux (et je pĂšse mes mots) pour moi de vĂ©rifier les mises Ă  jour des rĂ©fĂ©rent·es de groupe sans avoir Ă  ouvrir 3 tableaux Google pour repĂ©rer / noter les modifs / les faire / les doubler dans un autre tableau. Effet Whaouh !

— LĂ©a, animatrice du rĂ©seau Alternatiba / ANV-COP21

Comment Baserow a changé la vie de Léa, animatrice du réseau Alternatiba / ANV-COP21

Vous avez des besoins d’aide ? Technique ? FinanciĂšre ? Autre ?

D’un point de vue technique, le projet roule aujourd’hui parfaitement et nous ajoutons rĂ©guliĂšrement de nouvelles fonctionnalitĂ©s. Nous avons un petit groupe de travail qui assure le support et l’amĂ©lioration continue de notre systĂšme Baserow/n8n.

D’un point de vue financier, nous avons lancĂ© dĂ©but dĂ©cembre notre campagne de collecte de fin d’annĂ©e. Cette collecte est cruciale dans un contexte d’incertitude financiĂšre croissante pour notre mouvement et, plus largement, pour tous les acteurs de la mobilisation climatique et sociale. Plus que jamais, l’auto-financement devient une nĂ©cessitĂ© (toujours dans une logique d’autonomie !). Pour vous donner un ordre d’idĂ©e, en 2024, la collecte de dons de particuliers a reprĂ©sentĂ© 26,3 % de nos financements sur Alternatiba et 59,5 % sur ANV-COP21.

Notre objectif est de faire grandir cette part afin de garantir notre indĂ©pendance et notre vision Ă  long terme. Pour renforcer notre mouvement, multiplier nos actions, et gagner en autonomie face Ă  l’urgence climatique, nous avons besoin du soutien financier des citoyen·nes, car c’est leur mouvement avant tout. Chaque nouveau donateur·rice crĂ©dibilise nos actions : en soutenant financiĂšrement, des centaines de personnes renforcent la pression citoyenne pour un monde plus juste et soutenable. Si vous souhaitez contribuer, vous pouvez faire un don directement sur don.alternatiba.eu ! ❀

 

👉 Je soutiens Alternatiba

 

Personne avec un tshirt Alternatiba, au milieu d'un groupe, souriante et levant un pouce.

 

 

Du libre dans les Ă©coles belges avec NumEthic

Aujourd’hui, nous partons Ă  la dĂ©couverte de NumEthic, une association belge qui Ɠuvre pour promouvoir le libre notamment dans les Ă©coles.

Pour commencer, pouvez-vous nous prĂ©senter NumEthic ? 

NumEthic est une association qui a pour but de promouvoir et de crĂ©er un espace de rĂ©flexions et de pratiques autour du numĂ©rique dans l’éducation et en particulier dans l’enseignement. Pour cela nous organisons et donnons des ateliers, des animations et formations autour de ce sujet. Nous voulons Ă©galement accompagner des Ă©coles dans la rĂ©flexion et la mise en place d’outils informatiques libres.

Logo de NumEthic

Vous ĂȘtes une ASBL, pouvez-vous expliquer aux non-belges ce que cela signifie ?

C’est une Association Sans But Lucratif. C’est l’équivalent d’une association loi 1901 en France. Pour faire simple, s’il y a des bĂ©nĂ©fices liĂ©s Ă  nos activitĂ©s, ils ne peuvent pas ĂȘtre distribuĂ©s aux membres de l’association. Ils doivent ĂȘtre rĂ©investis dans l’association.

NumEthic, votre nom d’association est clair. Mais, vous mettez quel sens exactement derriĂšre cette notion de « NumĂ©rique Éthique Â» ?

Parce que nous avons une dĂ©marche dĂ©mocratique et parce que nous nous sommes mal coordonnĂ©s ;-), voici ici et lĂ  deux rĂ©ponses intĂ©ressantes et qui se complĂštent.
Émilie : Nous le comprenons dans le sens dĂ©crit par Éric Sadin, Ă  savoir que l’éthique Ă  pour base de permettre « le respect inconditionnel de l’intĂ©gritĂ© et de la dignitĂ© humaine Â». Ainsi, pour ĂȘtre Ă©thique, il faut permettre Ă  toute personne d’exercer son jugement, de pouvoir dĂ©cider en conscience et sans ĂȘtre pris dans un quelconque engrenage marchand.  Notre objectif est donc clairement de provoquer une dĂ©marche de questionnement par rapport aux usages que nous avons du numĂ©rique car aucune technologie n’est neutre comme le dĂ©fendait Jacques Ellul, que du contraire. À nos yeux, un numĂ©rique Ă©thique serait un numĂ©rique respectueux de l’intĂ©gritĂ© intellectuelle, morale, psychique de tout un chacun ; un numĂ©rique sobre et responsable qui se soucie des questions environnementales, dĂ©mocratiques, citoyennes, humaines

Manu : C’est une bonne question. Nous ne pensons pas qu’il y a une rĂ©ponse simple et dĂ©finitive. D’abord, parce que notre sociĂ©tĂ© et le numĂ©rique sont complexes et en mutations constantes, s’arrĂȘter Ă  une rĂ©ponse, ce serait l’oublier. Ensuite, mĂȘme si nous partageons une culture relativement commune chaque situation, chaque relation entre une personne ou un groupe de personnes et un objet numĂ©rique est singuliĂšre. Les enjeux, les besoins et les dĂ©sirs ne sont pas les mĂȘmes. Notre volontĂ© est de mettre Ă  disposition toute une sĂ©rie de repĂšres, de grilles de lecture pour que tout un chacun puisse dĂ©terminer, avec les valeurs qui sont les leurs, ce que devrait ĂȘtre un « numĂ©rique Ă©thique Â» dans leur contexte particulier. D’ailleurs, nous ne voyons pas le logiciel libre comme une fin en soi. Pour nous, c’est non seulement un moyen d’émancipation, par la libertĂ© qu’il procure aux utilisateurs, mais aussi une maniĂšre d’expliciter, de mettre en Ă©vidence qu’il y a un intĂ©rĂȘt Ă  penser la relation que nous avons avec les logiciels, qu’il y a des enjeux philosophiques, culturels, politiques et Ă©cologiques. C’est donc une super porte d’entrĂ©e pour y rĂ©flĂ©chir.

Tout le monde n’a pas la mĂȘme vision de l’éthique ;-)

Vos actions ciblent principalement le monde de l’éducation. Pourquoi ce choix ?

Émilie : Probablement parce que les fondateurs sont tous les deux des enseignants ;-) plus sĂ©rieusement, l’école est un espace d’apprentissage et de dĂ©couverte. À l’heure oĂč elle est dĂ©sormais investie par les grandes multinationales de la tech pour rĂ©pondre Ă  la « transition numĂ©rique Â» de l’enseignement, c’est un devoir moral presque d’éveiller les Ă©lĂšves (et les adultes de l’équipe Ă©ducative) aux enjeux du numĂ©rique -tant sociĂ©taux qu’écologiques- et de leur proposer un panel d’outils plus respectueux de leurs donnĂ©es personnelles. Cela rentre dans notre dĂ©marche d’éducation AU numĂ©rique, qui souhaite donner des clefs de comprĂ©hension de la culture numĂ©rique et de son impact sur l’organisation de notre sociĂ©tĂ©.
Manu : Tous les membres actifs travaillent d’une maniĂšre ou d’une autre dans les Ă©coles que ce soit en tant qu’enseignant, en tant que technicien en informatique ou les deux. C’est donc quelque chose que nous connaissons, oĂč nous avons de l’expĂ©rience et un petit rĂ©seau. MĂȘme si la voie est libre, la route est longue, autant commencer par un chemin que nous connaissons un peu ;-).

Quel accueil reçoivent vos interventions de la part des enseignants ?

Émilie : Certains sont curieux,  intĂ©ressĂ©s voire dĂ©jĂ  convaincus. Cependant, pour la majoritĂ©, le numĂ©rique n’est pas un enjeu, seulement un outil : ils et elles prĂ©fĂšrent alors rester dans la simplicitĂ© des systĂšmes dominants bien connus. 
Manu : Ça dĂ©pend vraiment des personnes et du sujet. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, c’est difficile de ne pas faire le constat que le numĂ©rique est quasi omniprĂ©sent et qu’il transforme notre sociĂ©tĂ© en profondeur, d’oĂč le besoin d’y rĂ©flĂ©chir. Les enseignants sont assez sensibles Ă  l’aspect « manipulation Â» des GAFAM vis-Ă -vis des jeunes, mais l’effort nĂ©cessaire Ă  la mise en place d’actions ou dispositif pĂ©dagogique bloque la majoritĂ© d’entre eux. Il faut savoir qu’en Belgique francophone l’utilisation de Google ou Microsoft est encouragĂ© dans pas mal d’écoles. Le systĂšme d’enseignement belge est composĂ© de plusieurs « rĂ©seaux Â». Certains sont clairement pro-GAFAM, d’autres pas.

Et de la part des inspections (je ne sais pas si cela fonctionne comme cela en Belgique) ?

Nous avons des inspecteurs, mais ils sont lĂ  pour vĂ©rifier le travail des enseignants. J’imagine que ce n’est pas la mĂȘme fonction en France.

En France, rĂ©cemment, nous avons eu la chance de voir l’émergence de apps.education au niveau d’une branche du ministĂšre. Est-ce qu’au niveau belge, il y a une volontĂ© ministĂ©rielle de mettre en avant le libre ?

Au niveau du ministĂšre, la volontĂ© est des plus molles pour mettre en place du libre. Il y a bien un accĂšs Ă  une plateforme Moodle offerte Ă  toutes les Ă©coles ou encore une utilisation assez importante de pix.org, mais c’est malheureusement tout. Par ailleurs, il y a un dĂ©ni Ă©vident de nos politiciens vis-Ă -vis de la violation de la vie privĂ©e de la part des GAFAM. C’est donc difficile de faire bouger les lignes mĂȘme si nous ne dĂ©sespĂ©rons pas.

Arrivez-vous facilement Ă  intervenir dans les Ă©coles ?

Ce n’est pas Ă©vident. En tant qu’association, nous existons seulement depuis 2021. Pour le moment, c’est principalement par le bouche-Ă -oreilles que nous avons accĂšs Ă  des Ă©coles, et donc par des gens qui nous font dĂ©jĂ  confiance. 

Parmi vos objectifs prĂ©sents sur votre site, vous indiquez vouloir « privilĂ©gier la diversitĂ© de des outils Â». Ne craignez vous pas que pour certaines personnes, avoir trop d’outils diffĂ©rents ne soit pas un peu dĂ©stabilisant ?

Si une personne est seule face Ă  tous ces outils, c’est sĂ»r que ce sera dĂ©stabilisant. C’est pour ça que nous n’envisageons pas les outils comme des « individus Â» hors de tout contexte, mais comme faisant partie d’une dynamique sociale, d’une communautĂ© sur laquelle les personnes pourront s’appuyer pour faire face Ă  la complexitĂ© du monde numĂ©rique. Une communautĂ© qui pourra orienter les nouveaux venus qu’ils pourront intĂ©grer par la suite. Et par communautĂ©, j’entends NumEthic, Framasoft, les GULL, ceux autour d’un logiciel spĂ©cifique, etc.

C’est vous qui dĂ©marchez les Ă©tablissements ou ceux-ci vous contactent directement ?

Dans la grande majoritĂ© des cas, ce sont les Ă©tablissements qui viennent vers nous. Le peu de dĂ©marchage que nous avons fait n’a pas donnĂ© beaucoup de rĂ©sultats.

Quels sont vos souhaits, perspectives d’évolutions pour NumEthic ?

Notre premier souhait, c’est de faire plus d’ateliers, d’animations, d’accompagnements d’école et de faire grandir une communautĂ© autour du projet de NumEthic. Pour cela, nous aimerions engager quelqu’un de maniĂšre permanente. Nous espĂ©rons Ă©galement faire plus de lobbying au niveau institutionnel. Et surtout rencontrer plein de chouettes gens :-).

Et pour finir, une petit question trollesque : pourquoi choisir une licence non libre (CC-BY-NC-SA) pour la publication sur votre site qui promeut les logiciels libres ?

C’est une chouette question, parce qu’il met en Ă©vidence une certaine tension entre ce que nous dĂ©fendons en premier lieu, un numĂ©rique Ă©thique, et comment, en pratique, celui-ci prend forme avec les logiciels libres par exemple. Dans ce cas, c’est la clause non-commerciale (NC) qui pose problĂšme. Une clause qui s’attarde sur l’aspect Ă©conomique que nous ne voudrions surtout pas mettre de cĂŽtĂ© pour penser l’éthique du numĂ©rique. Nous ne voudrions d’ailleurs pas tomber dans une vision Ă©thique « absolue Â», mais plutĂŽt « politique Â», c’est-Ă -dire qui s’intĂ©resse Ă  ce que cela produit chez celles et ceux qui la pratique, l’émancipation par exemple.

Pour ĂȘtre honnĂȘte, nous n’avons pas discutĂ© du choix de la licence. En Belgique, il y a beaucoup d’acteurs commerciaux, grands ou petits. J’imagine que la clause NC nous permet juste de rĂ©sister Ă  ce contexte et de nous dĂ©marquer en tant que petit acteur.

Troll par Thodor Kittelsen (un de premiers à avoir représenté des trolls)

 

Un grand merci Ă  NumEthic d’avoir pris le temps de nous prĂ©senter leur association !

Argos Panoptùs, l’interview

Pour Framaspace, Framasoft a fait développer un outil de supervision de sites web nommé Argos PanoptÚs (ou juste Argos pour aller plus vite).

DĂ©veloppĂ© par Alexis MĂ©taireau, dĂ©veloppeur entre autres du gĂ©nĂ©rateur de site statique Pelican, et de l’outil de gestion de dĂ©penses Ă  plusieurs « I Hate money Â» (repris dans l’app cospend sur Nextcloud), le besoin a Ă©tĂ© dĂ©fini par Luc Didry, l’administrateur systĂšme de Framasoft.

Luc et Alexis rĂ©pondent Ă  nos questions dans cet interview, pour plus d’information concernant Argos vous pouvez consulter l’article dĂ©diĂ©.

Bonjour Ă  tous les deux :) Ici on connaĂźt dĂ©jĂ  Luc puisque c’est notre admin sys prĂ©fĂ©rĂ©, mais Alexis, peux-tu nous dire qui tu es pour le framablog ?

Alexis : Bonjour, Framasoft, et merci pour la discussion ! Et bien, c’est parti pour l’exercice de la prĂ©sentation alors.

Je suis un dĂ©veloppeur de bientĂŽt 40 ans, intĂ©ressĂ© par les dynamiques collectives, le logiciel libre et la protection des donnĂ©es personnelles, depuis quelques annĂ©es maintenant. Par le passĂ© j’ai pu publier et maintenir quelques outils comme Pelican, un gĂ©nĂ©rateur de sites statiques et I hate money, pour gĂ©rer les dĂ©penses partagĂ©es. J’ai travaillĂ© quelques annĂ©es pour Mozilla sur la partie synchronisation et chiffrement des donnĂ©es (Firefox Sync, Kinto) et sur quelques autres outils.

J’ai quittĂ© le dĂ©veloppement « pro Â» entre 2018 et 2023. Durant ces annĂ©es j’ai eu la chance / le privilĂšge de pouvoir monter une brasserie sur Rennes avec un ami. Nous avons essayĂ© de faire vivre les valeurs de la collaboration (plutĂŽt que celles de la compĂ©tition). Cela est restĂ© trĂšs proche des valeurs du logiciel libre, nos recettes et les plans de nos machines Ă©tant par exemple publiĂ©s sur notre site web.

À l’étĂ© 2023 j’ai dĂ©cidĂ© de quitter la brasserie pour Ă  la fois refaire du dĂ©veloppement et travailler sur les outils de la prise de dĂ©cision collective, et la gestion des conflits dans les collectifs. C’est Ă  ce moment que nous sommes rentrĂ©s en contact avec Luc pour travailler sur Argos.

Pouvez-vous nous prĂ©senter l’outil Argos sur lequel vous avez travaillĂ© ? À quel besoin rĂ©pond-il pour Framaspace ?

Alexis : Argos est un outil de supervision de sites web. L’idĂ©e est assez simple : surveiller que les sites vont bien, et gĂ©nĂ©rer des alertes quand c’est utile, en envoyant des notifications par email ou autre.

La spĂ©cificitĂ© d’Argos est de pouvoir gĂ©rer un nombre de sites important. Framaspace, en grossissant, expose pas loin de 900 domaines au public, qui parfois tombent en panne. Je crois que le rĂ©el besoin derriĂšre Argos Ă©tait de simplifier la vie de Luc (vous saviez qu’il n’y avait qu’un seul adminsys chez Framasoft ? ! !) et de lui permettre d’avoir une meilleure vision globale de l’état du service.

Les vĂ©rifications concernent les statuts du site web, mais aussi l’état des certificats SSL, par exemple, et quelques vĂ©rifications spĂ©cifiques.

Luc : On surveillait dĂ©jĂ  plus de 200 sites via notre outil de supervision (Shinken), mais celui-ci, avec toutes les autres sondes de supervision de notre infrastructure, avait bien de la peine Ă  repasser toutes les 5 minutes sur les sites. Ce qui faisait qu’on pouvait se rendre compte qu’un site Ă©tait tombĂ© au bout de trop de temps.

Avec Framaspace, je savais que j’aurai des centaines (et Ă  terme des milliers) de sites Ă  surveiller en plus, sachant qu’un site est la cible de plusieurs vĂ©rifications, comme dit par Alexis. Il fallait donc un outil dĂ©diĂ©.

Les outils existants comme statping-ng ou Uptime Kuma prĂ©sentent un dĂ©faut rĂ©dhibitoire : vouloir afficher l’état de chaque site en mĂȘme temps sur l’interface web. Ça va bien quand on a quelques sites, pas quand on en a des centaines (l’outil peine Ă  envoyer les donnĂ©es de centaines de sites).

C’est de lĂ  qu’est nĂ©e l’idĂ©e d’Argos, qui a le bon goĂ»t de n’afficher qu’un rĂ©sumĂ© de l’état des sites par dĂ©faut.

 

4 blocs avec des statuts (inconnu, ok, avertissement, erreur) et pour chacun, un nombre correspondant.

Capture d’écran de la page de statut d’Argos

 

Si on regarde de plus prĂšs les coutures, on voit que c’est dĂ©veloppĂ© en langage Python avec une base de donnĂ©es en PostgreSQL. Laissez-moi deviner : Alexis a choisi Python et Luc a choisi PostgreSQL ?

Alexis : Ah, je vois que tu nous connais un peu, mais figure toi que mĂȘme pas ! J’aurais aimĂ© plaider coupable pour le coup, mais Luc cherchait spĂ©cifiquement quelqu’un qui savait faire du Python, et c’est comme ça qu’on s’est rencontrĂ©. J’ai proposĂ© d’utiliser le framework FastAPI Ă  la place de Flask parce que ça nous permettait de faire de l’asynchrone de maniĂšre plus simple, et d’utiliser les fonctionnalitĂ©s de typage de Python.

Luc : Pour Framaspace, j’ai Ă©tĂ© plus ou moins obligĂ© de faire du Python car Salt, l’orchestrateur utilisĂ© pour dĂ©ployer les espaces est en Python : je pouvais, en utilisant ce langage, l’utiliser comme une bibliothĂšque, sans utiliser de bidouilles sales.

Comme Argos a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans le cadre de Framaspace, j’ai voulu garder le mĂȘme langage de programmation, pour avoir un tout cohĂ©rent.

Python n’est pas un langage si pire que ça. Il n’est pas amusant, mais ça fait le job. Peut-ĂȘtre aussi que je vieillis : j’utilise de plus en plus Python pour des scripts. Peut-ĂȘtre qu’écrire des scripts ne m’amuse plus, et que je veux les Ă©crire vite pour passer Ă  autre chose.

MĂšme the Rock qui conduit - Et ton machin va ĂȘtre en Perl, comme d'hab - Non j'ai choisi Python cette fois The rock se retourne, interloquĂ©

La question habituelle de libriste : pourquoi avez-vous choisi de dĂ©velopper un outil dĂ©diĂ©, il n’existait pas d’outils libres pour de la supervision ? Quelles sont ses spĂ©cificitĂ©s ?

Alexis : Je te laisse rĂ©pondre Luc, c’est toi qui a affinĂ© le besoin :-)

Luc : Ah bah zut, j’ai dĂ©jĂ  rĂ©pondu au-dessus 😅

L’avantage d’avoir notre propre outil nous permet aussi de le tordre pour nos besoins spĂ©cifiques. Ainsi Argos envoie-t-il des notifications Ă  notre serveur Gotify. IntĂ©grer un tel canal de communication dans un outil existant aurait pu prendre du temps (comprendre le code, faire une PR, attendre une release
).

En lisant la doc, ça a l’air tout simple Ă  utiliser par rapport Ă  d’autres outils ! ! Comme administrateur⋅ice systĂšme du dimanche aprĂšs-midi, si je veux surveiller l’état de mes sites, est-ce qu’il y a des piĂšges ou des choses Ă  savoir ?

Alexis : Je pense que ça pourrait tout Ă  fait permettre de surveiller l’état de quelques sites, bien que peut-ĂȘtre surdimensionnĂ©. Argos a besoin de lancer un serveur, une base de donnĂ©es et des agents. Est-ce bien utile pour un⋅e adminSys du dimanche ? Peut-ĂȘtre !

Luc : Franchement, je pense qu’il peut ĂȘtre utilisĂ© aussi bien par une grosse organisation que par un·e adminSys du dimanche. La configuration est simple, l’installation pas trĂšs compliquĂ©e, et il n’a pas l’air de consommer beaucoup de ressources.

Alexis tu Ă©tais en mode prestation pour dĂ©velopper, comment s’est passĂ©e la relation avec Framasoft ?

Alexis : Franchement, c’était une surprise totale, et un plaisir du dĂ©but Ă  la fin. On a d’abord pu se faire quelques appels avec Luc pour clarifier les besoins, je me suis retrouvĂ© avec une liste de fonctionnalitĂ©s de base, et j’ai avancĂ© comme ça.

Quand j’avais besoin j’ai pu Ă©changer avec Luc qui Ă©tait toujours assez rĂ©actif, et j’ai pu lever quelques blocages. J’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© rĂ©pondre Ă  un besoin concret, en ayant l’utilisateur final au bout du fil pour clarifier les choses.

Par la suite, on a pu se faire quelques sessions ensemble, Ă  la fois de prĂ©sentation de l’outil, puis de pair-programming pour accompagner Luc sur certains aspects quand c’était utile, l’idĂ©e Ă©tant que ce soit lui qui prenne la main sur le projet.

C’était en fait ma premiĂšre mission en tant que « prestataire Â», je crois que je suis trĂšs bien tombĂ© !

Luc : Pareil de mon cĂŽtĂ©, c’était trĂšs agrĂ©able de bosser avec toi !

Est-ce que vous pensez que ça peut ĂȘtre utilisĂ© dans d’autres contextes que Framaspace ?

Alexis : je pense que ça peut ĂȘtre utilisĂ© dans d’autres contextes bien sĂ»r. Je pense aux « fermes de sites Â», comme par exemple ce que peut faire NoBlogs en Allemagne, mais de maniĂšre gĂ©nĂ©rale c’est utile d’avoir un outil simple d’accĂšs pour faire de la supervision. Bosser lĂ -dessus m’a donnĂ© envie de permettre de faire de la supervision « en tant que service Â», pour des collectifs pour qui ce serait utile, mais
 j’imagine que c’est une autre histoire.

Luc : CarrĂ©ment ! Pas seulement pour des fermes de sites mais partout oĂč on a besoin d’une supervision qui passe trĂšs rĂ©guliĂšrement. On peut avoir des vĂ©rifications effectuĂ©es toutes les minutes, ce qui peut ĂȘtre utile sur des sites qui ne doivent pas tomber. Et un grand nombre de sites ne devrait pas faire peur Ă  Argos : on peut multiplier le nombre d’agents (le logiciel qui s’occupe d’effectuer les vĂ©rifications et d’en remonter le rĂ©sultat au serveur), et le choix de PostgreSQL comme base de donnĂ©es a (aussi) Ă©tĂ© fait parce que c’est un SGBD robuste qui peut encaisser de la charge de travail.

Et est-ce que vous imaginez une suite, avec une feuille de route ou des invitations Ă  contribuer ?

Luc : Il y a dĂ©jĂ  des idĂ©es de dĂ©veloppements futurs pour amĂ©liorer Argos, mais ça n’est pas urgent : la premiĂšre version est dĂ©jĂ  tout Ă  fait fonctionnelle.

Alexis : J’aime bien l’idĂ©e de ne pas avoir de feuille de route trop prĂ©cise pour le futur, ce qui nous permet de se concentrer sur des besoins rĂ©els et de ne pas en faire une usine Ă  gaz. Si vous l’utilisez et que vous avez des retours Ă  faire, ou bien si vous souhaitez contribuer, n’hĂ©sitez pas. C’est pensĂ© pour ĂȘtre simple Ă  Ă©tendre, donc n’hĂ©sitez pas Ă  jeter un Ɠil et Ă  proposer des changements.

Si vous avez encore des choses Ă  dire :)

Alexis : Coucou Numahell, chouette de te recroiser par ici aprĂšs ces quelques annĂ©es :-)

Luc : Merci Ă  toi, Alexis, pour le temps bĂ©nĂ©vole que tu as consacrĂ© Ă  Argos aprĂšs ta prestation !

Pour aller plus loin

Podcast Projets Libres ! Des humain⋅es derriĂšre les projets !

Le podcast est un mĂ©dia particuliĂšrement consommĂ© en France, comme le rappelait l’interview de Benjamin Bellamy de Castopod en mai 2022 sur ce mĂȘme blog (aussi disponible en
 podcast !). Il permet d’écouter une interview en faisant la vaisselle, des crĂȘpes, ou du roller (mais pas en milieu urbain – ceci est un message de la sĂ©curitĂ© routiĂšre). Cela veut dire, par exemple, que vous pouvez Ă©couter cette interview de Pouhiou et Booteille sur le projet PeerTube par
 Walid de Podcast Projets Libres ! tout en changeant le joint de culasse de votre ordinateur ! C’est dingue cette coĂŻncidence, non ? !

Un petit micro interview un grand micro. CC-BY-SA JJJJOOOOOOOOOOEEEEEEEEEEEPINO

Peux-tu te prĂ©senter ? Qui es-tu ? D’oĂč viens-tu ? Quelle est ta couleur prĂ©fĂ©rĂ©e ?

Je m’appelle Walid Nouh, mon surnom est wawa (ou wawax).

J’ai dĂ©couvert l’informatique (et le roller) Ă  l’ñge de huit ans. Depuis, je n’ai jamais arrĂȘtĂ© :)

J’habite actuellement en rĂ©gion parisienne et je travaille dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire dans la rĂ©paration et le reconditionnement de gros Ă©lectromĂ©nager.

Ma couleur préférée est le noir.

À quel moment, dans ton parcours, as-tu croisĂ© le logiciel libre ?

Durant mes annĂ©es d’IUT. En cours, nous avions des ordinateurs sous Red Hat Linux.

Mon premier ordinateur personnel sous Linux c’était en 2000, il tournait sur une MandrakeLinux.

C’est Ă  la sortie de mes Ă©tudes que j’ai vraiment dĂ©couvert le libre et compris que c’était ce que j’allais faire dans les annĂ©es Ă  venir.

C’est lors de ma premiĂšre expĂ©rience professionnelle, dans une ESN nommĂ©e Atos, que j’ai eu l’occasion de rejoindre le Centre Open Source de la compagnie, et de rencontrer d’autres personnes passionnĂ©es et qui avaient l’habitude de contribuer sur des projets libres.

Pourquoi le format podcast ?

Le podcast est ma maniĂšre prĂ©fĂ©rĂ©e de consommer de l’information. J’écoute entre 10 et 20 heures de podcasts par semaine


J’aime le fait que le format est libre, qu’on peut trouver des podcasts de niche, et que l’on peut aller trùs en profondeur dans les sujets.

Je suis un trĂšs grand fan des podcasts longs (entre 45 minutes et deux heures), j’ai d’ailleurs du mal Ă  Ă©couter des Ă©pisodes de 15 minutes.

On peut vraiment faire ce qu’on veut en Ă©coutant un podcast – ici, un astronaute jouant avec l’apesanteur en Ă©coutant un podcast

D’ailleurs, tes podcasts font trĂšs pros (format, montage) : des astuces ou bons logiciels Ă  conseiller ?

Chaque Ă©pisode me prend 6 Ă  10 heures de travail  !

Pour arriver à ce résultat je passe énormément de temps à me documenter, écouter des podcasts ou vidéos, afin de réaliser une trame.

Je soumets ensuite cette trame au(x) invitĂ©(s), afin qu’ils puissent se prĂ©parer ou ajuster celle-ci.

Cette phase prĂ©paratoire peut prendre des semaines, car elle est nourrie par mes rencontres, rĂ©flexions ou lectures. Chaque Ă©pisode commence, pour moi, par la dĂ©couverte du sujet et un questionnement sur l’angle que je veux donner Ă  l’interview, et comment celle-ci s’inscrit dans la suite des prĂ©cĂ©dentes.

Pour le montage j’utilise Audacity, c’est trùs classique (il faut que j’essaye Ardour
).

Pour la mise en ligne je passe par la plateforme libre Castopod, qui est trÚs bien et nativement connectée au Fediverse.

Si je devais donner des conseils :

  1. bien rĂ©flĂ©chir Ă  sa ligne Ă©ditoriale, ce que l’on veut faire, et en quoi ses Ă©pisodes vont se distinguer de ce qui existe dĂ©jĂ  dans l’univers du podcast.
  2. ĂȘtre clair sur l’objectif de son podcast : est-ce que l’on veut un podcast plutĂŽt “live” ? (donc sans montage par la suite). Est-ce qu’on se fixe des limites en temps Ă  passer par Ă©pisode ?
  3. est-ce que tu veux vivre ou te rĂ©munĂ©rer avec ton podcast ? (Auquel cas renseigne-toi bien, regarde ce que font les autres pour trouver un modĂšle qui te convient).

De mon cĂŽtĂ©, je me suis fixĂ© plusieurs rĂšgles :

  1. la durĂ©e de l’épisode n’est pas un problĂšme
  2. je ne m’interdis aucun sujet : le podcast reflĂšte mes intĂ©rĂȘts. Je suis conscient que certains Ă©pisodes ne vont pas intĂ©resser la majoritĂ© des gens, mais du moment que j’ai envie de le faire, alors il n’y a pas de raison de s’en priver :)
  3. je ne m’astreint Ă  aucun calendrier de sortie fixe (mĂȘme si j’aime bien le format de 2 par mois, mais ça risque de glisser plutĂŽt vers 1 toute les trois semaines)
  4. je fais le minimum en termes de communication sur les réseaux sociaux et je laisse faire le bouche-à-oreille
  5. des Ă©pisodes peuvent ĂȘtre super techniques et d’autres grand public, Ă  mon apprĂ©ciation

Pourquoi le sujet du libre et non celui du roller ?

J’ai commencĂ© les podcasts il y a deux ans par collaborer sur un podcast de roller, nommĂ© Balado Roller. Dans ce podcast nous interviewons des personnes qui ont contribuĂ© Ă  l’essor du roller. J’ai commencĂ© par y ĂȘtre invitĂ©, puis co-animateur et aujourd’hui je rĂ©alise une partie des montages des Ă©pisodes auxquels je participe. Son audience est bien supĂ©rieure Ă  celle de Projets Libres ! et nous savons qu’il est Ă©coutĂ© par les professionnels de ce sport.

Le podcast Projets libres !, reprend le mĂȘme concept mais appliquĂ© Ă  ma seconde passion, qui est le logiciel libre. La diffĂ©rence c’est que pour celui de roller nous sommes deux, et nous nous appuyons sur un site qui existe depuis 20 ans.

Pour Projets Libres !, je suis tout seul, c’est moi qui fait tout de A Ă  Z, suivant mes propres dĂ©sirs (je suis assez perfectionniste).

Une autre diffĂ©rence est que sur nos interviews roller, le travail de prĂ©paration a soit Ă©tĂ© dĂ©jĂ  fait en amont sur le site rollerenligne.com au fil des annĂ©es, soit il est minimal car nous connaissons personnellement la plupart de nos invitĂ©s. Sur Projets Libres ! je dois faire beaucoup plus de recherche pour Ă©viter de dire des bĂȘtises, et aussi pour ĂȘtre sĂ»r de la qualitĂ© de l’échange de l’on va avoir.

Comment choisis-tu qui tu vas interviewer ? En fonction des affinitĂ©s ? Parce que tu utilises le logiciel ou projet ? Du buzz ?

C’est une combinaison de plusieurs facteurs :

  1. mes propres passions, sujets de fond. Principalement : la cartographie des projets francophones, les financements des projets, les transports, le Fediverse, les forks et les ERPs
  2. les personnes qui me contactent pour me proposer un sujet ou une mise en relation
  3. les rencontres que je fais sur les salons ou conférences, et qui alimentent mes réflexions
  4. les outils que j’utilise et dont je suis fan
  5. mon travail, dans le mĂ©tier du reconditionnement, qui m’amĂšne Ă  vouloir creuser certains sujets qui m’intĂ©ressent

J’essaye de n’interviewer que des personnes qui sont au coeur des projets. Ma stratĂ©gie est de proposer un contenu original, que j’espĂšre de qualitĂ©, et que les personnes concernĂ©es feront tourner dans leur communautĂ©. Je ne souhaite pas faire de publicitĂ©. Ma communication est plutĂŽt du type LinuxFR que du type LinkedIn.

Je fais des podcasts en français car c’est ma langue natale et aussi parce qu’il y  a dĂ©jĂ  de trĂšs bons podcasts en anglais.

J’en profite d’ailleurs pour indiquer que des statistiques publiques du podcast sont disponibles ici : https://statistics.projets-libres.org/

Dans tes podcasts, tu te concentres sur l’histoire humaine derriĂšre les projets : c’est important pour toi ?

Pas de logiciel libre sans femmes et hommes !

J’ai eu la chance d’ĂȘtre un professionnel du logiciel libre, actif dans l’univers francophone pendant plus de 10 ans, d’ĂȘtre core developer sur un logiciel, d’avoir participĂ© au fork d’un autre, d’avoir travaillĂ© en ESN spĂ©cialisĂ©es dans le libre. Partout oĂč je suis passĂ© j’ai rencontrĂ© des femmes et des hommes passionnĂ©s par le libre et ses valeurs.

C’est en partie ce que je cherche Ă  mettre en valeur, en m’appuyant sur ma propre expĂ©rience.

Pour faire simple, je cherche Ă  produire le contenu que j’aimerais entendre. Je suis souvent frustrĂ© Ă  la fin d’une interview car personnellement j’aurais posĂ© d’autres questions, ou creusĂ© d’autres sujets !

Mes podcasts ont pour but d’ĂȘtre complĂ©mentaires avec ceux qui existent dĂ©jĂ , que j’écoute rĂ©guliĂšrement et que j’aprĂ©cie.

Qui aimerais-tu interviewer pour un prochain Ă©pisode ?

J’ai comme projet d’essayer interviewer toutes les associations historiques du libre.

L’idĂ©e serait de pouvoir faire une cartographie ou une frise temporelle de l’apparition des unes par rapport aux autres.

Je vais aussi me concentrer sur la notion de fork, et ce que cela veut dire au niveau humain (pour les personnes qui forkent, et pour les mainteneurs qui se font forker).

Bref, j’ai dĂ©jĂ  une feuille de route pour les 6 mois Ă  venir ^^

Page Castopod de Projets Podcasts Libres !

Quels sont les dĂ©fis Ă  venir pour le podcast ?

  1. Durer. Je me suis fixé 1 an sous cette forme et seul. Le podcast est un travail journalier, qui me prend presque tout mon temps libre.
    En 2024, il va falloir que je constitue une équipe, pour aider à monter en qualité et garder un rythme raisonnable.
  2. La paritĂ© femme/homme dans les interviews. Ce n’est pas si simple, mais j’y travaille et c’est trĂšs important pour moi.
  3. Se renouveler, d’avoir toujours des bonnes personnes avec du contenu intĂ©ressant.
  4. Il va falloir que je me finance mes besoins en me basant sur le don : je ne suis pas intĂ©ressĂ© par mettre la publication ou du sponsoring dans le podcast. Comment donc faire en sorte que les gens acceptent de me financer, sans que cela ne me demande plus de travail supplĂ©mentaire (par exemple faire du contenu exclusif pour ses donateurs). Dans une dĂ©marche bĂ©nĂ©vole, tout contenu que je produis est du temps que je ne passe pas pour d’autres projets ou dans ma vie personnelle
  5. RĂ©aliser un Ă©pisode avec sa transcription : c’est un dĂ©fi permanent, car cela ajoute plusieurs heures de travail par Ă©pisode :)

La transcription des Ă©pisodes doit effectivement prendre un temps fou. C’est important pour toi ?

C’est une des premiĂšres choses qui m’a Ă©tĂ© demandĂ©, et j’avais mis le sujet de cĂŽtĂ© car je ne pouvais pas tout faire. C’est en lisant le manifeste de Julie Moynat, relayĂ© par FrĂ©dĂ©ric Couchet que j’ai remis le sujet au goĂ»t du jour.

La transcription a plusieurs fonctions :

  1. permettre aux gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas écouter le podcast de suivre notre conversation. Je dois avouer que, dans le cadre de mon travail, je déteste les tutoriels vidéos car tu ne peux pas rechercher dedans pour trouver exactement ce que tu veux

  2. elle améliore le référencement du texte
  3. elle participe Ă  la dĂ©marche “de ne pas juste avoir un podcast” mais d’avoir un media

Techniquement je passe par un service (non libre) de transcription. Je dois ensuite retravailler les phrases pour en faire un texte lisible. Cela pose des questions sur le niveau de retravail, entre avoir un texte en bon français et garder le sens et l’atmosphĂšre de l’interview. J’ai bien essayĂ© de demander une IA de me corriger les phrases sans les modifier, mais je n’ai pas encore atteint le bon rĂ©sultat. J’ai des Ă©changes avec Benjamin Bellamy de Castopod, car c’est un de leurs axes de travail actuel.

N’étant pas un professionnel, la correction transcription d’un Ă©pisode d’un heure me prend 2 Ă  3 heures de travail (avec la mise en forme sur le site). C’est une des raisons pour lesquelles je pense changer le rythme de sortie des Ă©pisodes.

Je voudrais faire quelques remerciements :

  • ma femme qui supporte tous mes enregistrements et mes conversations autour du podcast !
  • mes amis et collĂšgues pour les idĂ©es, Ă©coutes et commentaires
  • mon ami Emilien Martinoty pour son aide et pour crĂ©ation et maintenance du site
  • l’équipe de Castopod pour la migration sur leur plate-forme et les discussions rĂ©guliĂšres
  • tous les invitĂ©s qui m’ont fait confiance
  • pour finir toute l’équipe framasoft pour leur accueil et la promotion de mon podcast

Quelques liens :

Bifurquer avec le CollÚge européen de Cluny

Changer de voie professionnelle pour ĂȘtre plus en phase avec ses valeurs, ça se prĂ©pare : le Master of Advanced Studies « Innovation territoriale Â», organisĂ© conjointement par le CollĂšge europĂ©en de Cluny et la prestigieuse UniversitĂ© de Bologne, recrute sa promo 2023-2024 jusqu’au 29 septembre.

Framasoft y anime le module « Se connecter sans exclure Â» ­dans le cadre de l’UPLOAD1

On y parle culture libre et re-dĂ©centralisation d’Internet, bien sĂ»r, mais aussi impact social et environnemental du numĂ©rique.

Nous profitons de cette rentrĂ©e pour donner un coup de projecteur sur ce post-master riche en promesses qui s’inscrit dans la perspective de bifurcation sociale et environnementale que Framasoft s’efforce d’accompagner.
Il vous reste 3 semaines pour embarquer dans ce chouette train.

logo de établissement : un C jaune comme Cluny au centre de la représentation stylisée de l'abbaye. Texte : CollÚge européen de Cluny, démocraties locales & innovation

Bonjour Jean-Luc, pourrais-tu d’abord te prĂ©senter et nous dire par quelle trajectoire tu en es venu Ă  proposer une formation aussi originale.

photo de Jean-Luc Puech, bras croisĂ©s, souriantProfessionnellement, ma formation d’ingĂ©nieur m’a conduit vers les domaines de l’énergie et de l’environnement, puis de l’enseignement supĂ©rieur. En parallĂšle, je me suis engagĂ© en citoyen dans l’action publique locale, avec un mandat de maire et trois mandats de prĂ©sident de communautĂ© de communes en milieu rural Ă  Cluny, dans le sud de la Bourgogne.
De cette double expĂ©rience, j’ai acquis la conviction que les modes de vie ne changeront que si l’action publique locale invente de nouvelles solidaritĂ©s, de nouveaux services aux habitants. Et pour cela, la formation des acteurs est indispensable et urgente. Il faut sortir de l’hyper-spĂ©cialisation et du prĂȘt-Ă -penser.

Ah oui en somme, tu as toi-mĂȘme parcouru plusieurs voies
 et c’est ainsi que le CollĂšge europĂ©en de Cluny a ouvert sous ta direction un post-master que tu dĂ©finis comme une formation « pour les bifurqueuses et bifurqueurs Â».

Oui, cette formation qui est portĂ©e par un Ă©tablissement Ă  statut associatif, ce qui lui donne une large libertĂ© d’inventer, est ouverte Ă  toutes les personnes titulaires d’un diplĂŽme de niveau master (ou disposant d’une expĂ©rience professionnelle Ă©quivalente), qui veulent donner un autre sens Ă  leur parcours professionnel : sortir du carcan du monde d’avant, regarder en face les dĂ©fis du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversitĂ©, du creusement des inĂ©galitĂ©s territoriales et sociales, pour contribuer Ă  tracer des chemins d’avenir par l’intelligence collective.

VoilĂ  des perspectives et de nobles objectifs mais qui pourraient sembler un peu idĂ©alistes
 Pour donner des exemples concrets, peux-tu parler de personnes qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de la formation l’annĂ©e derniĂšre, et dire dans quoi elles se sont engagĂ©es ensuite ?

Dans la premiĂšre promotion, nous avons eu Ă  la fois des profils de personnes qui venaient d’obtenir leur master et souhaitaient ouvrir leurs horizons, et d’autres qui aprĂšs quelques annĂ©es d’activitĂ© professionnelle dĂ©cevante, souhaitaient se rĂ©orienter vers l’action publique Ă  l’échelle des territoires.
Ainsi par exemple, Arnaud n’en pouvait plus de servir une sociĂ©tĂ© de services informatiques, le Master of advanced studies lui a permis de devenir dĂ©veloppeur de projets d’énergie renouvelable en collectivitĂ© locale, Mathilde, juriste de l’environnement se consacre dĂ©sormais Ă  un pĂŽle territorial d’économie circulaire. ClĂ©ment, kinĂ©, prĂ©fĂšre travailler Ă  l’issue de sa nouvelle formation sur la mobilitĂ© douce en milieu rural plutĂŽt que de rĂ©parer les dĂ©gĂąts de modes de vie dĂ©sĂ©quilibrĂ©s.

Ça pourrait bien donner des idĂ©es aux lectrices et lecteurs du Framablog
 Mais pour le contenu de la formation, quels sont les cours et ateliers qui sont proposĂ©s ?
La formation est structurĂ©e en deux types de modules, organisĂ©s chacun sur deux jours et demi par semaine :

  • Des modules qui portent sur des enjeux sectoriels :
    • se nourrir local,
    • se dĂ©placer bas-carbone,
    • gĂ©rer l’énergie et le climat,
    • habiter l’existant, vivre avec le vivant,
    • se connecter sans exclure, etc.
  • Des modules mĂ©thodologiques :
    • mobiliser l’intelligence collective,
    • mobiliser le design pour l’innovation publique,
    • agir en citoyen local, rĂ©gional, national, europĂ©en et global face Ă  l’anthropocĂšne, etc.

Dans ces modules, on alterne analyse théorique, expérimentation sur le terrain et rencontre avec des acteurs locaux.

groupe d'étudiants et étudiantes autour d'une table blanche ovale, photo prise au CollÚge européen de Cluny

Ah donc les participants et participantes font aussi l’expĂ©rience du terrain avec des projets ou stages ?

Oui, la formation comporte une pĂ©riode de conduite de projet territorial innovant, en collectivitĂ©, en association ou en entreprise, comme travailler avec les ados d’un territoire Ă  l’évolution de leurs pratiques de mobilitĂ©, animer un collectif d’artisans et d’artistes dans la revitalisation d’une friche hospitaliĂšre pour en faire un lieu de partage de compĂ©tences, accompagner une intercommunalitĂ© dans la valorisation de ses ressources en bois local, etc.

Par ailleurs, la formation est en partenariat avec l’UniversitĂ© de Bologne, qu’est-ce que ça signifie au juste ?

Eh bien, le diplĂŽme obtenu est un diplĂŽme de l’universitĂ© de Bologne et du CollĂšge europĂ©en de Cluny. Le premier mois de formation (en novembre) a lieu Ă  l’universitĂ© de Bologne, sur son campus situĂ© Ă  Ravenne‎. Les cours y sont donnĂ©s en anglais par des professeurs de l’UniversitĂ© de Bologne. La suite de la formation, de dĂ©cembre Ă  mars a lieu Ă  Cluny, sur le campus Arts et MĂ©tiers, au sein de l’ancienne abbaye, par des enseignants-chercheurs et des acteurs des territoires français. Le projet d’innovation en immersion professionnelle se dĂ©roule de mars Ă  juillet.
logo de l'université de Bologne. dans un cachet rond : alma mater studiorum, A.D. 1088 avec au centre une gravure médiévale. reprise du texte latéralement + "Università di Bologna"

Les frais de scolaritĂ© sont assez importants, mais vous vous dĂ©menez pour proposer des solutions Ă  celles et ceux qui ont peu de moyens, dans une dĂ©marche d’ouverture et d’inclusion.

Les droits de scolaritĂ© sont de 5000 € pour le diplĂŽme conjoint avec l’UniversitĂ© de Bologne. Mais d’une part nous avons organisĂ© une souscription populaire : des dons de citoyens permettent de donner un coup de pouce aux personnes qui auraient du mal Ă  boucler le budget, d’autre part l’organisation du cursus Ă  raison de 2,5 jours par semaine sur 6 mois est compatible avec une activitĂ© Ă  temps partiel. Et le CollĂšge europĂ©en est en contact avec les employeurs locaux, qui recherchent des Ă©quipiers : secteur sanitaire et social, artisanat, hospitalitĂ©, mobilitĂ©. Ces activitĂ©s peuvent ĂȘtre elles-mĂȘmes une riche expĂ©rience contribuant Ă  la rĂ©flexion sur la nĂ©cessitĂ© de changer les modes de vie et les services.

Pour finir, quelle formule magique tu proposerais pour convaincre quelqu’un de s’inscrire dĂšs cette promo ? « Il y a urgence Â» ? « Engagez-vous Â» ?

mmmh, disons :

N’attends pas le monde d’aprĂšs, donne-toi les moyens de participer Ă  son invention !

 

personnage à droite un peu prétentieux : "j'ai bifurqué, j'étais chez Total, mais l'énergie c'est mort. Je me suis inscrit en master "IA et finance internationale", c'est pas évident hein, mais faut bien sauver sa gueule." deuxiÚme personnage, une femme souriante : " ah moi aussi j'ai bifurqué, je suis le post-master de Cluny, on se forme à innover autrement : intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à l'échelle du territoire
 faut bien essayer de sauver le monde !

~~~~~~

  • En savoir plus ? Tous les dĂ©tails nĂ©cessaires figurent dans la plaquette de l’établissement
  • 
 et Framasoft dans tout ça ?
Se connecter sans exclure, un module animé par Framasoft.
Le développement rapide du numérique (médias sociaux, services en ligne, intelligence artificielle
) ouvre des opportunités, mais il génÚre également des situations douloureuses (exclusion, dépendance, prolétarisation
). Il pose également des questions environnementales complexes, loin de la promesse originelle de la dématérialisation.
Le cours permet de questionner les principales consĂ©quences Ă©conomiques, sociales et environnementales de l’usage du numĂ©rique, Ă  partir de constats actuels et de projections Ă  court et moyen terme. On se penche sur des questions Ă©thiques (accĂšs Ă  l’administration, illettrisme numĂ©rique, vie privĂ©e, croissance exponentielle
) en partageant des exemples (politiques publiques, initiatives citoyennes, recherches et formations
) pour anticiper et surmonter les risques qui accompagnent la rĂ©volution numĂ©rique.–> Le dĂ©tail du module

Comment dĂ©gafamiser une MJC – un tĂ©moignage

Nous ouvrons volontiers nos colonnes aux tĂ©moignages de dĂ©googlisation, en particulier quand il s’agit de structures locales tournĂ©es vers le public. C’est le cas pour l’interview que nous a donnĂ©e Fabrice, qui a entrepris de « dĂ©gafamiser Â» au sein de son association. Il Ă©voque ici le cheminement suivi, depuis les constats jusqu’à l’adoption progressive d’outils libres et Ă©thiques, avec les rĂ©sistances et les passages dĂ©licats Ă  nĂ©gocier, ainsi que les alternatives qui se sont progressivement imposĂ©es. Nous souhaitons que l’exemple de son action puisse donner envie et courage (il en faut, certes) Ă  d’autres de mener Ă  leur tour cette « migration Â» Ă©mancipatrice.

Bonjour, peux-tu te prĂ©senter briĂšvement pour le Framablog ?
Je m’appelle Fabrice, j’ai 60 ans et aprĂšs avoir passĂ© prĂšs de 30 annĂ©es sur Paris en tant que DSI, je suis venu me reposer au vert, Ă  la grande campagne
 Framasoft ? Je connais depuis trĂšs longtemps
 Linux ? Aussi puisque je l’ai intĂ©grĂ© dans une grande entreprise française, y compris sur des postes de travail, il y a fort longtemps


Ce n’est que plus tard que j’ai pris rĂ©ellement conscience du pouvoir nĂ©faste des GAFAM et que je dĂ©fends dĂ©sormais un numĂ©rique Libre, simple, accessible Ă  toutes et Ă  tous et respectueux de nos libertĂ©s individuelles. Ayant du temps dĂ©sormais Ă  accorder aux autres, j’ai intĂ©grĂ© une association en tant que bĂ©nĂ©vole, une asso qui compte un peu moins de 10 salariĂ©s et un budget annuel avoisinant les 400 K€.

Quel a Ă©tĂ© le dĂ©clencheur de  l’opĂ©ration de dĂ©gafamisation ?

En fait, quand je suis arrivĂ© au sein de l’association le constat Ă©tait un peu triste :

  • des postes de travail (PC sous Windows 7, 8, 10) poussifs, voire inutilisables, avec 2 ou 3 antivirus qui se marchaient dessus, sans compter les utilitaires en tout genre (Ccleaner, TurboMem, etc.)
  • une multitude de comptes Gmail Ă  gĂ©rer (plus que le nb d’utilisateurs rĂ©els dans l’asso.)
  • des partages de Drive incontrĂŽlables
  • des disques durs portables et autres clĂ©s USB qui faisaient office aussi de « solutions de partage Â»
  • un niveau assez faible de comprĂ©hension de toutes ces « technologies Â»

Il devenait donc urgent de « rĂ©parer Â» et j’ai proposĂ© Ă  l’équipe de remettre tout cela en ordre mais en utilisant des outils libres Ă  chaque fois que cela Ă©tait possible. À ce stade-lĂ , je pense que mes interlocuteurs ne comprenaient pas exactement de quoi je parlais, ils n’étaient pas trĂšs sensibles Ă  la cause du Libre et surtout, ils ne voyaient pas clairement en quoi les GAFAM posaient un problĂšme


deux mains noires tiennent une bombe de peinture verte, un index appuie sur le haut de l'objet. Plusieurs doigts ont des traces de peinture. Dans l'angle inférieur droit le logo : MJC L'aigle en blanc

Quand on lance une dĂ©gafamisation, ce n’est pas simplement pour changer la couche de peinture


 

En amont de votre « dĂ©gafamisation Â», avez-vous organisĂ© en interne des moments pour crĂ©er du consensus sur le sujet et passer collectivement Ă  l’action (lever aussi les Ă©ventuelles rĂ©sistances au changement) ? RĂ©unions pour prĂ©senter le projet, ateliers de rĂ©flexion, autres ?

Le responsable de la structure avait compris qu’il allait y avoir du mieux – personne ne s’occupait du numĂ©rique dans l’asso auparavant – et il a dit tout simplement « banco Â» Ă  la suite de quelques dĂ©mos que j’ai pu faire avec l’équipe :

  • dĂ©mo d’un poste de travail sous Linux (ici c’est Mint)
  • dĂ©mo de LibreOffice


Pour ĂȘtre trĂšs franc, je ne pense pas que ces dĂ©mos aient emballĂ© qui que ce soit


Franchement, il Ă©tait difficile d’expliquer les mises Ă  jour de Linux Mint Ă  un utilisateur de Windows qui ne les faisait de toutes façons jamais, d’expliquer LibreOffice Writer Ă  une personne qui utilise MS Word comme un bloc-notes et qui met des espaces pour centrer le titre de son document

NĂ©anmoins, aprĂšs avoir dressĂ© le portrait peu glorieux des GAFAM, j’ai tout de mĂȘme rĂ©ussi Ă  faire passer un message : les valeurs de l’association (ici une MJC) sont Ă  l’opposĂ© des valeurs des GAFAM ! Sous-entendu, moins on se servira des GAFAM et plus on sera en adĂ©quation avec nos valeurs !

Comment avez-vous organisĂ© votre dĂ©gafamisation ? Plan stratĂ©gique machiavĂ©lique puis passage Ă  l’opĂ©rationnel ? Ou par itĂ©rations et petit Ă  petit, au fil de l’eau ?

Pour montrer que j’avais envie de bien faire et que mon bĂ©nĂ©volat s’installerait dans la durĂ©e, j’ai candidatĂ© pour participer au Conseil d’Administration et j’ai Ă©tĂ© Ă©lu. J’ai prĂ©sentĂ© le projet aux membres du C.A sans vĂ©ritable plan, si ce n’est de remettre tout d’équerre avec du logiciel Libre ! LĂ  encore, les membres du C.A n’avaient pas forcĂ©ment une exacte apprĂ©hension le projet mais Ă  partir du moment oĂč je leur proposais mieux, ils Ă©taient partants !

Le plan (Ă©talĂ© sur 12 mois) :

PrioritĂ© no1 : remettre en route les postes de travail (PC portables) afin qu’ils soient utilisables dans de bonnes conditions. Certains postes de moins de 5 ans avaient Ă©tĂ© mis au rebut car ils « ramaient Â»â€Š

  • choix de la distribution : Linux Mint Cinnamon ou Linux Mint XFCE pour les machines les moins puissantes
  • choix du socle logiciel : sĂ©lection des logiciels nĂ©cessaires aprĂšs analyse des besoins / observations

PrioritĂ© no 2 : stopper l’utilisation de Gmail pour la messagerie et mettre en place des boites mail (avec le nom de domaine de l’asso), boites qui avaient Ă©tĂ© achetĂ©es mais jamais utilisĂ©es


PrioritĂ© no 3 : augmenter le niveau des compĂ©tences de base sur les outils numĂ©riques

ProritĂ© no 4 : mettre en place un cloud privĂ© afin de stocker, partager, gĂ©rer toutes les donnĂ©es de l’asso (350Go) et cesser d’utiliser les clouds des GAFAM


Est-ce que vous avez rencontrĂ© des rĂ©sistances que vous n’aviez pas anticipĂ©es, qui vous ont pris par surprise ?

Bizarrement, les plus rĂ©ticents Ă  un poste de travail Libre Ă©taient ceux qui maĂźtrisaient le moins l’utilisation d’un PC

« Nan mais tu comprends, Windows c’est quand mĂȘme vachement mieux
 Ah bon, pourquoi ? Ben j’sais pî
c’est mieux quoi
 Â»

* Quand on reprĂ©sente la plus grosse association de sa ville, il y a de nombreux Ă©changes avec les collectivitĂ©s territoriales et, on s’arrache les cheveux Ă  la rĂ©ception des docx ou pptx tout pourris
 Il en est de mĂȘme avec les services de l’État et l’utilisation de certains formulaires PDF qui ont un comportement Ă©trange

* Quand un utilisateur resté sous Windows utilise encore des solutions Google alors que nous avons désormais tout en interne pour remplacer les services Google, je ne me bats pas

* Quand certains matĂ©riels (un Studio de podcast par exemple) requiĂšrent l’utilisation de Windows et ne peuvent pas fonctionner sous Linux, c’est dĂ©sormais Ă  prendre en compte dans nos achats

* Quand Il faut aussi composer avec les services civiques et autres stagiaires qui dĂ©barquent, ne jurent que par les outils d’Adobe et expliquent au directeur que sans ces outils, leur crĂ©ation est diminuĂ©e


* Quand le directeur commence Ă  douter sur le choix des logiciels libres, je lui rappelle gentiment que le vĂ©hicule de l’asso est une Dacia et non une Tesla

* Quand on se rend compte qu’un mail provenant des serveurs Gmail est rarement considĂ©rĂ© comme SPAM par les autres alors que nos premiers mails avec OVH et avec notre nom de domaine ont eu du mal Ă  « passer Â» les premiĂšres semaines
et de temps en temps encore maintenant


 

dessin probablement mural illustrant les activités de la MJC avec un dessin symbolique : une main noire et une blanche s'associant par le petit doigt sur fond bleu. des coulures de couleurs tombent des doigts.

 

Est-ce qu’au contraire, il y a eu des changements que vous redoutiez et qui se sont passĂ©s comme sur des roulettes ?

Rassembler toutes les donnĂ©es de l’asso. et de ses utilisateurs au sein de notre cloud privĂ© (Nextcloud) Ă©tait vraiment la chose qui me faisait le plus peur et qui est « passĂ©e crĂšme Â» ! Peut-ĂȘtre tout simplement parce que certaines personnes avaient un peu « oubliĂ© Â» oĂč Ă©taient rangĂ©es leurs affaires auparavant



 et finalement quels outils ou services avez-vous remplacĂ©s par lesquels ?

  • Messagerie Google –> Messagerie OVH + Client Thunderbird ou Client mail de Nextcloud (pour les petits utilisateurs)
  • Gestion des Contacts Google –> Nextcloud Contacts
  • Calendrier Google –> Nextcloud Calendrier
  • MS Office –> LibreOffice
  • Drive Google, Microsoft, Apple –> Nextcloud pour les fichiers personnels et tous ceux Ă  partager en interne comme en externe
  • Doodle –> Nextcloud Poll
  • Google Forms –> Nextcloud Forms

NB : Concernant les besoins en crĂ©ation graphique ou vidĂ©o on utilise plusieurs solutions libres selon les besoins (Gimp, Krita, Inkscape, OpenShotVideo,
) et toutes les autres solutions qui Ă©taient utilisĂ©es de maniĂšre « frauduleuse Â» ont Ă©tĂ© mises Ă  la poubelle ! Nous avons nĂ©anmoins un compte payant sur canva.com

À combien estimez-vous le coĂ»t de ce changement ? Y compris les coĂ»ts indirects : perte de temps, formation, perte de donnĂ©es, des trucs qu’on faisait et qu’on ne peut plus faire ?

Il s’agit essentiellement de temps, que j’estime Ă  150 heures dont 2/3 passĂ©es en « formation/accompagnement/documentation Â» et 1/3 pour la mise au point des outils (postes de travail, configuration du Nextcloud).
CĂŽtĂ© coĂ»ts directs : notre serveur Nextcloud dĂ©diĂ©, hĂ©bergĂ© par un CHATONS pour 360 €/an et, c’est tout, puisque les boĂźtes mail avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© achetĂ©es avec un hĂ©bergement web mais non utilisĂ©es

Il n’y a eu aucune perte de donnĂ©es, au contraire on en a retrouvĂ© !
À noter que les anciens mails des utilisateurs (stockĂ©s chez Google donc) n’ont pas Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s, Ă  la demande des utilisateurs eux-mĂȘmes ! Pour eux c’était l’occasion de repartir sur un truc propre !
À ma connaissance, il n’y a rien que l’on ne puisse plus faire aujourd’hui, mais nous avons conservĂ© deux postes de travail sous Windows pour des problĂšmes de compatibilitĂ© matĂ©rielle.
Cerise sur le gĂąteau : des PC portables ont Ă©tĂ© ressuscitĂ©s grĂące Ă  une distribution Linux, du coup, nous en avons trop et n’en avons pas achetĂ© cette annĂ©e !

Est-ce que votre dĂ©gafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y rĂ©agit-il ? Est-il informĂ© du fait que c’est libre ?

Un impact direct ? Oui et non


En fait, en plus de notre dĂ©marche, on invite les collectivitĂ©s et autres assos Ă  venir « voir Â» comment on a fait et Ă  leur prouver que c’est possible, ce n’est pas pour autant qu’on nous a demandĂ© de l’aide.

Pour eux, la marche peut s’avĂ©rer trop haute et ils n’ont pas forcĂ©ment les compĂ©tences pour franchir le pas sans aide. Imaginez un peu, notre mairie continue de sonder la population Ă  coups de GoogleForms alors qu’on leur a dit quantitĂ© de fois qu’il existe des alternatives plus Ă©thiques et surtout plus lĂ©gales !

Et encore oui, bien que nous utilisions essentiellement ces outils en interne le public en est informĂ©, les « politiques Â» et autres collectivitĂ©s qui nous soutiennent le sont aussi et ils sont toujours curieux et, de temps en temps, admiratifs ! La gestion mĂȘme de nos adhĂ©rents et de nos activitĂ©s se fait au travers d’une application client / serveur dĂ©veloppĂ©e par nos soins avec LibreOffice Base. Les donnĂ©es personnelles de nos adhĂ©rents sont ainsi entre nos mains uniquement.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?
Oui
 nos Ă©quipes continuent Ă  utiliser Facebook et WhatsApp
 Facebook pour promouvoir nos activitĂ©s, actions et contenus auprĂšs du grand public et WhatsApp pour discuter instantanĂ©ment ensemble (en interne) ou autour d’un « projet »avec des externes. Dans ces deux cas, il y a certes de trĂšs nombreuses alternatives, mais elles sont soit incomplĂštes (ne couvrent pas tous les besoins), soit inconnues du grand public (donc personne n’adhĂšre), soit trop complexes Ă  utiliser (ex. Matrix) mais je garde un Ɠil trĂšs attentif sur tout cela, car les usages changent vite


photo noir/blanc de l'entrée de la MJC, chevrons jaunes pointe vers le haut pour indiquer le sens de l'entrée. on distingue le graph sur une porte : MJC Le rond-point

Entrée de la MJC

Quels conseils donneriez-vous Ă  des structures comparables Ă  la vĂŽtre (MJC, Maison de quartier, centre culturel
) qui voudrait se dĂ©gafamiser aussi ? Des erreurs Ă  ne pas commettre, des bonnes pratiques Ă©prouvĂ©es Ă  l’usage ?

  • Commencer par dĂ©ployer une solution comme Nextcloud est une Ă©tape trĂšs fondatrice sur le thĂšme « reprendre le contrĂŽle de ses donnĂ©es Â» surtout dans des structures comme les nĂŽtres oĂč il y a une rotation de personnels assez importante (contrats courts/aidĂ©s, services civiques, volontaires europĂ©ens, stagiaires, apprentis
).
  • Pour un utilisateur, le fait de retrouver ses affaires, ou les affaires des autres, dans une armoire bien rangĂ©e et bien sĂ©curisĂ©e est un vrai bonheur. Une solution comme Nextcloud, avec ses clients de synchronisation, reprĂ©sente une mĂ©canique bien huilĂ©e dĂ©sormais et, accessible Ă  chacun. L’administration de Nextcloud peut trĂšs bien ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par une personne avertie (un utilisateur ++), c’est Ă  dire une personne qui sait lire une documentation et qui est rigoureuse dans la gestion de ses utilisateurs et de leurs droits associĂ©s. Ne vous lancez pas dans l’auto-hĂ©bergement si vous n’avez pas les compĂ©tences requises ! De nombreuses structures proposent dĂ©sormais « du Nextcloud Â» Ă  des prix trĂšs abordables.
  • À partir du moment oĂč ce type de solution est installĂ©e, basculez-y la gestion des contacts, la gestion des calendriers et faites la promotion, en interne, des autres outils disponibles (gestion de projets, de budget, formulaires
)
  • Fort de ce dĂ©ploiement et, si votre messagerie est encore chez les GAFAM, commencez Ă  chercher une solution ailleurs en sachant qu’il y aura des coĂ»ts, des coups et des pleurs
 Cela reste un point dĂ©licat compte-tenu des problĂšmes exposĂ©s plus haut
 Cela prend du temps mais c’est tout Ă  fait possible ! Pour les jeunes, le mail est « ringard Â», pour les administratifs c’est le principal outil de communication avec le monde extĂ©rieur
 LĂ  aussi, avant de vous lancer, analysez bien les usages
 Si Google vous autorise Ă  envoyer un mail avec 50 destinataires, ce ne sera peut-ĂȘtre pas le cas de votre nouveau fournisseur

  • Le poste de travail (le PC) est, de loin, un sujet sensible : c’est comme prendre la dĂ©cision de jeter Ă  la poubelle le doudou de votre enfant, doudou qui l’a endormi depuis de longues annĂ©es
 Commencez par recycler des matĂ©riels “obsolĂštes” pour Windows mais tout Ă  fait corrects pour une distribution Linux et faites des heureux ! Montrer aux autres qu’il s’agit de systĂšmes non intrusifs, simple, rapides et qui disposent d’une logithĂšque de solutions libres et Ă©thiques incommensurable !

Cela fait deux ans que notre asso. est dans ce mouvement et si je vous dis que l’on utilise FFMPEG pour des traitements lourds sur les mĂ©dias de notre radio FM associative, traitements que l’on n’arrivait pas Ă  faire auparavant avec un logiciel du commerce ? Si je vous dis qu’avec un simple clic-droit sur une image, un utilisateur appose le logo de notre asso en filigrane (merci nemo-action !). Si je vous dis que certains utilisateurs utilisent des scripts en ligne de commande afin de leur faciliter des traitements fastidieux sur des fichiers images, audios ou vidĂ©os ? Elle est pas belle la vie ?

NĂ©anmoins, cela n’empĂȘche pas des petites remarques de-ci de-lĂ  sur l’utilisation de solutions libres plutĂŽt que de « faire comme tout le monde Â» mais ça, j’en fais mon affaire et tant que je leur trouverai une solution libre et Ă©thique pour rĂ©pondre Ă  leurs besoins alors on s’en sortira tous grandis !
Ah, j’oubliais : cela fait bien longtemps maintenant qu’il n’est plus nĂ©cessaire de mettre les mains dans le cambouis pour dĂ©ployer un poste de travail sous Linux, le support est quasi proche du zĂ©ro !

Merci Fabrice d’avoir pilotĂ© cette opĂ©ration et d’en avoir partagĂ© l’expĂ©rience au lectorat du Framablog !

 

Un kit pédagogique proposé par Exodus Privacy

À l’heure oĂč dans une dĂ©rive policiĂšre inquiĂ©tante on criminalise les personnes qui veulent protĂ©ger leur vie privĂ©e, il est plus que jamais important que soient diffusĂ©es Ă  une large Ă©chelle les connaissances et les pratiques qui permettent de prendre conscience des enjeux et de prĂ©server la confidentialitĂ©. Dans cette dĂ©marche, l’association Exodus Privacy joue un rĂŽle important en rendant accessible l’analyse des trop nombreux pisteurs qui parasitent nos ordiphones. Cette mĂȘme association propose aujourd’hui un nouvel outil ou plutĂŽt une boĂźte Ă  outils tout aussi intĂ©ressante


Bonjour, Exodus Privacy. Chez Framasoft, on vous connaĂźt bien et on vous soutient mais pouvez-vous rappeler Ă  nos lecteurs et lectrices en quoi consiste l’activitĂ© de votre association ?

Oui, avec plaisir ! L’association Exodus Privacy a pour but de permettre au plus grand nombre de personnes de mieux protĂ©ger sa vie privĂ©e sur son smartphone. Pour cela, on propose des outils d’analyse des applications issues du Google Play store ou de F-droid qui permettent de savoir notamment si des pisteurs s’y cachent. On propose donc une application qui permet d’analyser les diffĂ©rentes applications prĂ©sentes sur son smartphone et une plateforme d’analyse en ligne.

Logo d'exodus privacy, c'est un E

Logo d’Exodus Privacy

Alors ça ne suffisait pas de fournir des outils pour ausculter les applications et d’y dĂ©tecter les petits et gros espions ? Vous proposez maintenant un outil pĂ©dagogique ? Expliquez-nous ça

Depuis le dĂ©but de l’association, on anime des ateliers et des confĂ©rences et on est rĂ©guliĂšrement sollicité·es pour intervenir. Comme on est une petite association de bĂ©nĂ©voles, on ne peut ĂȘtre prĂ©sent·es partout et on s’est dit qu’on allait proposer un kit pour permettre aux personnes intĂ©ressĂ©es d’animer un atelier « smartphones et vie privĂ©e Â» sans avoir besoin de nous !

Selon vous, dans quels contextes le kit peut-il ĂȘtre utilisĂ© ? Vous vous adressez plutĂŽt aux formatrices ou mĂ©diateurs de profession, aux bĂ©nĂ©voles d’une asso qui veulent proposer un atelier ou bien directement aux membres de la famille Dupuis-Morizeau ?
Clairement, on s’adresse Ă  deux types de publics : les mĂ©diateur·ices numĂ©riques professionnel·les qui proposent des ateliers pour leurs publics, qu’ils et elles soient en bibliothĂšque, en centre social ou en maison de quartier, mais aussi les bĂ©nĂ©voles d’associations qui proposent des actions autour de la protection de l’intimitĂ© numĂ©rique.

Bon en fait qu’est-ce qu’il y a dans ce kit, et comment on peut s’en servir ?
Dans ce kit, il y a tout pour animer un atelier d’1h30 destinĂ© Ă  un public dĂ©butant ou peu Ă  l’aise avec le smartphone : un dĂ©roulĂ© dĂ©taillĂ© pour la personne qui anime, un diaporama, une vidĂ©o pĂ©dagogique pour expliquer les pisteurs et une fiche qui permet aux participant·es de repartir avec un rĂ©capitulatif de ce qui a Ă©tĂ© abordĂ© pendant l’atelier.

Par exemple, on propose, Ă  partir d’un faux tĂ©lĂ©phone, dont on ne connaĂźt que les logos des applications, de deviner des Ă©lĂ©ments sur la vie de la personne qui possĂšde ce tĂ©lĂ©phone. On a imaginĂ© des mĂ©thodes d’animation ludiques et participatives, mais chacun·e peut adapter en fonction de ses envies et de son aisance !

un faux téléphone pour acquérir de vraies compétences en matiÚre de vie privée

un faux téléphone pour acquérir de vraies compétences en matiÚre de vie privée

Comment l’avez-vous conçu ? Travail d’une grosse Ă©quipe ou d’un petit noyau d’acharnĂ©s ?
Nous avons Ă©tĂ© au total 2-3 bĂ©nĂ©voles dans l’association Ă  crĂ©er les contenus, dont MeTaL_PoU qui a suivi/pilotĂ© le projet, HĂ©loĂŻse de NetFreaks qui s’est occupĂ©e du motion-design de la vidĂ©o et _Lila* de la crĂ©ation graphique et de la mise en page. Tout s’est fait Ă  distance ! À chaque rĂ©union mensuelle de l’association, on faisait un point sur l’avancĂ©e du projet, qui a mis plus longtemps que prĂ©vu Ă  se terminer, sĂ»rement parce qu’on n’avait pas totalement bien Ă©valuĂ© le temps nĂ©cessaire et qu’une partie du projet reposait sur du bĂ©nĂ©volat. Mais on est fier·es de le publier maintenant !

Vous l’avez dĂ©jĂ  bĂȘta-testĂ© ? PremiĂšres rĂ©actions aprĂšs tests ?
On a fait tester un premier prototype Ă  des mĂ©diateur·ices numĂ©riques. Les retours ont confirmĂ© que l’atelier fonctionne bien, mais qu’il y avait quelques dĂ©tails Ă  modifier, notamment des Ă©lĂ©ments qui manquaient de clartĂ©. C’est l’intĂ©rĂȘt des regards extĂ©rieurs : au sein d’Exodus Privacy, des choses peuvent nous paraĂźtre Ă©videntes alors qu’elles ne le sont pas du tout !

aspi espion qui aspire les donnĂ©es avec l'Ɠil de la surveillance

Aspi espion qui aspire vos donnĂ©es privĂ©es en vous surveillant du coin de l’Ɠil

 

Votre kit est disponible pour tout le monde ? Sous quelle licence ? C’est du libre ?
Il est disponible en CC-BY-SA, et c’est du libre, comme tout ce qu’on fait ! Il n’existe pour le moment qu’en français, mais rien n’empĂȘche de contribuer pour l’amĂ©liorer !

Tout ça reprĂ©sente un coĂ»t, ça justifie un appel aux dons ?
Nous avons eu de la chance : ce projet a Ă©tĂ© financĂ© en intĂ©gralitĂ© par la Fondation AFNIC pour un numĂ©rique inclusif et on les remercie grandement pour ça ! Le coĂ»t de ce kit est quasi-exclusivement liĂ© Ă  la rĂ©munĂ©ration des professionnel·les ayant travaillĂ© sur le motion design, la mise en page et la crĂ©ation graphique.

Est-ce que vous pensez faire un peu de communication Ă  destination des publics visĂ©s, par exemple les mĂ©diateur-ices numĂ©riques de l’Éducation Nationale, des structures d’éducation populaire comme le CEMEA  etc. ?

Mais oui, c’est prĂ©vu : on est dĂ©jĂ  en contact avec le CEMEA et l’April notamment. Il y a Ă©galement une communication prĂ©vue au sein des ProfDoc. et ce sera diffusĂ© au sein des rĂ©seaux de MedNum.

Le travail d’Exodus Privacy va au delĂ  de ce kit et il est important de le soutenir ! Pour dĂ©couvrir les actions de cette formidable association et y contribuer, c’est sur leur site web : https://exodus-privacy.eu.org/fr/page/contribute On souhaite un franc succĂšs et une large diffusion Ă  ce nouvel outil. Merci pour ça et pour toutes leurs initiatives !

un personnage vĂȘtu de gris assis sur un banc est presque entiĂšrement abritĂ© derriĂšre un parapluie gris. le banc est sur l'herbe, au bord d'un trottoir pavĂ©

« Privacy Â» par doegox, licence CC BY-SA 2.0.

Piwigo, la photo en liberté

Nous avons profitĂ© de la sortie d’une nouvelle version de l’application mobile pour interroger l’équipe de Piwigo, et plus particuliĂšrement Pierrick, le crĂ©ateur de ce logiciel libre qui a fĂȘtĂ© ses vingt ans et qui est, c’est incroyable, rentable.

 

 

 

Salut l’équipe de Piwigo ! Nous avons lu avec intĂ©rĂȘt la page https://fr.piwigo.com/qui-sommes-nous

Moi je note que « Piwigo Â» c’est plus sympa que « PhpWebGallery Â», comme nom de logiciel. Enfin, un logiciel libre qui n’a pas un nom trop tordu. Qu’est-ce que vous pouvez nous apprendre sur Piwigo, le logiciel ?

Piwigo est un logiciel libre de gestion de photothĂšque. Il s’agit d’une application web, donc accessible depuis un navigateur web, que l’on peut Ă©galement consulter et administrer avec des applications mobiles. Au-delĂ  des photos, Piwigo permet d’organiser et indexer tout type de mĂ©dia : images, vidĂ©os, documents PDF et autres fichiers de travail des graphistes. Originellement conçu pour les particuliers, il s’est au fil des ans trouvĂ© un public auprĂšs des organisations de toutes tailles.

 

Le logo de Piwigo, le logiciel

 

La gestation du projet PhpWebGallery dĂ©marre fin 2001 et la premiĂšre version sortira aux vacances de PĂąques 2002. Pendant les vacances, car j’étais Ă©tudiant en Ă©cole d’ingĂ©nieur Ă  Lyon et j’ai eu besoin de temps libre pour finaliser la premiĂšre version. Le logiciel a tout de suite rencontrĂ© un public et des contributeurs ont rejoint l’aventure. En 2009, « PhpWebGallery Â» est renommĂ© « Piwigo Â» mais seul le nom a changĂ©, il s’agit du mĂȘme projet.

Les huit premiĂšres annĂ©es, le projet Ă©tait entiĂšrement bĂ©nĂ©vole, avec des contributeurs (de qualitĂ©) qui donnaient de leur temps libre et de leurs compĂ©tences. Le passage d’étudiant Ă  salariĂ© m’a donnĂ© du temps libre, vraiment beaucoup. Je faisais pas mal d’heures pour mon employeur mais en comparaison avec le rythme prĂ©pa/Ă©cole, c’était trĂšs tranquille : pas de devoirs Ă  faire le soir ! Donc Piwigo a beaucoup avancĂ© durant cette pĂ©riode. Devenu parent puis propriĂ©taire d’un appartement, avec les travaux Ă  faire
 mon temps libre a fondu et il a fallu faire des choix. Soit j’arrĂȘtais le projet et il aurait Ă©tĂ© repris par la communautĂ©, soit je trouvais un modĂšle Ă©conomique viable et compatible avec le projet pour en faire mon mĂ©tier. Si je suis ici pour en parler douze ans plus tard, c’est que cette deuxiĂšme option a Ă©tĂ© retenue.

En 2010 vous lancez le service piwigo.com ; un logiciel libre dont les auteurs ne crĂšvent pas de faim, c’est plutĂŽt bien. Est-ce que c’est vrai ? Avez-vous trouvĂ© votre modĂšle Ă©conomique ?

 

Le logo de Piwigo, le service

 

Pour ce qui me concerne, je ne crĂšve pas du tout de faim. J’ai pu rapidement retrouver des revenus Ă©quivalents Ă  mon ancien salaire. Et davantage aujourd’hui. J’estime vivre trĂšs confortablement et ne manquer de rien. Ceci est trĂšs subjectif et mon mode de vie pourrait paraĂźtre « austĂšre Â» pour certains et « extravagant Â» pour d’autres. En tout cas moi cela me convient :-)

Notre modĂšle Ă©conomique a un peu Ă©voluĂ© en 12 ans. Si l’objectif est depuis le dĂ©part de se concentrer sur la vente d’abonnements, il a fallu quelques annĂ©es pour que cela couvre mon salaire. J’ai eu l’opportunitĂ© de rĂ©aliser des prestations de dev en parallĂšle de Piwigo les premiĂšres annĂ©es pour compenser la croissance lente des ventes d’abonnements.

Ce qui a beaucoup changĂ© c’est notre cible : on est passĂ© d’une cible B2C (Ă  destination des individus) Ă  une cible B2B (Ă  destination des organisations). Et cela a tout changĂ© en terme de chiffre d’affaires. Malheureusement ou plutĂŽt « factuellement Â» nous plafonnons depuis longtemps sur les particuliers. Nos offres Entreprise quant Ă  elles sont en croissance continue, sans que l’on atteigne encore de plafond. Nous avons donc dĂ©cidĂ© de communiquer vers cette cible. Piwigo reste utilisable pour des particuliers bien sĂ»r, mais ce sont prioritairement les organisations qui vont orienter notre feuille de route.

GrĂące Ă  la rĂ©orientation de notre modĂšle Ă©conomique, il a Ă©tĂ© possible de faire grossir l’équipe.

Donc on a Piwigo.org qui fournit le logiciel libre que chacun⋅e peut installer Ă  condition d’en avoir les compĂ©tences, et Piwigo.com, service commercial gĂ©rĂ© par ton Ă©quipe et toi. Vous vous chargez de la maintenance, des mises Ă  jour, des sauvegardes.

Qui est vraiment derriĂšre Piwigo.com aujourd’hui ? Et combien de gens est-ce que ça fait vivre ?

Une petite Ă©quipe mĂȘlant des salariĂ©s, dont plusieurs alternants, des freelances dans les domaines du support, de la communication, du design ou encore de la gestion administrative. Cela reprĂ©sente 8 personnes, certaines Ă  temps plein, d’autres Ă  temps partiel. J’exclus le cabinet comptable, mĂȘme s’il y passe du temps compte tenu du nombre de transactions que les abonnements reprĂ©sentent


Qu’est-ce qui est lourd ?

Certains aspects purement comptables de l’activitĂ©. La gestion de la TVA par exemple. Non pas le principe de la TVA mais les rĂšgles autour de la TVA. Nous vendons en France, dans la zone Euro et hors zone Euro : Ă  chaque situation sa rĂšgle d’application des taxes. Les PCA (produits constatĂ©s d’avance) sont aussi une petite source de tracas qu’il a fallu gĂ©rer proprement. Jamais je n’aurais imaginĂ© passer autant de temps sur ce genre de sujets en lançant le projet commercial.

Qu’est-ce qui est cool ?
Constater que Piwigo est leur principal outil de travail de nombreux clients. On comprend alors que certains choix de design, certaines optimisations de performances font pour eux une grande différence au quotidien.

 

CrĂ©ation d’un⋅e utilisateur⋅ice

 

Nous avons lancĂ© depuis quelques semaines une sĂ©rie d’entretiens utilisateurs durant lesquels des clients nous montrent comment ils utilisent Piwigo et c’est assez gĂ©nial de les voir utiliser voire dĂ©tourner les fonctionnalitĂ©s que l’on a dĂ©veloppĂ©es.

D’un point de vue vraiment personnel, ce que je trouve cool c’est qu’un projet dĂ©marrĂ© sur mon temps libre pendant mes Ă©tudes soit devenu crĂ©ateur d’emplois. Et j’espĂšre un emploi « intĂ©ressant Â» pour les personnes concernĂ©es. Qu’elles soient participantes Ă  l’aventure ou utilisatrices dans leur mĂ©tier. Je crois vraiment au rĂŽle social de l’entreprise et je suis particuliĂšrement fier que Piwigo figure dans le parcours professionnel de nombreuses personnes.

Votre liste de clients https://fr.piwigo.com/clients est impressionnante


Oui, je suis d’accord : ça claque ! et bien sĂ»r tout est absolument authentique. Évidemment on n’affiche qu’une portion microscopique de notre liste de clients.

Recevez-vous des commandes spĂ©cifiques des gros clients pour dĂ©velopper certaines fonctionnalitĂ©s ?

Pourquoi des « gros Â» ? Certaines entreprises « pas trĂšs grosses Â» ont des demandes spĂ©cifiques aussi. Bon, en pratique c’est vrai que certains « gros Â» ont l’habitude que l’outil s’adapte Ă  leur besoin et pas le contraire. Donc parfois on adapte : en personnalisant l’interface quasiment toujours, en dĂ©veloppant des plugins parfois. C’est moins de 5 % de nos clients qui vont payer une prestation de dĂ©veloppement. Vendre ce type de prestation n’est pas au cƓur de notre modĂšle Ă©conomique mais ne pas le proposer pourrait nuire Ă  la vente d’abonnements, donc on est ouverts aux demandes.

Est-ce que vous refusez de faire certaines choses ?

D’un point de vue du dĂ©veloppement ? Pas souvent. Je n’ai pas souvenir de demandes suffisamment farfelues
 pardon « spĂ©cifiques Â» pour qu’on les refuse a priori. En revanche il y a des choses qu’on refuse systĂ©matiquement : rĂ©pondre Ă  des appels d’offre et autre « marchĂ©s publics Â». Quand une administration nous contacte et nous envoie des « dossiers Â» avec des listes de questions Ă  rallonge, on s’assure qu’il n’y a pas d’appel d’offre derriĂšre car on ne rentrera pas dans le processus. Nous ne vendons pas assez cher pour nous permettre de rĂ©pondre Ă  des appels d’offre. Je comprends que les entreprises qui vendent des tickets Ă  50k€+ se permettent ce genre de dĂ©marche administrative, mais avec notre ticket entre 500€ et 4 000€, on serait perdant Ă  tous les coups. Le « coĂ»t administratif Â» d’un appel d’offre est plus Ă©levĂ© que le coĂ»t opĂ©rationnel de la solution proposĂ©e. C’est aberrant et on refuse de rentrer lĂ -dedans.

Bien que nous refusions de rĂ©pondre Ă  cette complexitĂ© administrative (trĂšs française), nous avons de nombreuses administrations comme clients : ministĂšre, mairies, conseils dĂ©partementaux, offices de tourisme
 Comme quoi c’est possible (et lĂ©gal) de ne pas gaspiller de l’énergie et du temps Ă  remplir des dossiers.

Y a-t-il beaucoup de particuliers qui, comme moi, vous confient leurs photos ? Faites pĂ©ter les chiffres qui dĂ©coiffent !

Environ 2000 particuliers sont clients de notre offre hĂ©bergĂ©e. Ils sont bien plus nombreux Ă  confier leurs photos Ă  Piwigo, mais ils ne sont pas hĂ©bergĂ©s sur nos serveurs. Notre derniĂšre enquĂȘte en 2020 indiquait qu’environ un utilisateur sur dix Ă©tait client de Piwigo.com [donc 90% des gens qui utilisent le logiciel Piwigo s’auto-hĂ©bergent ou s’hĂ©bergent ailleurs, NDLR] .

Si on Ă©largit un peu le champ de vision, on estime qu’il y a entre 50 000 et 500 000 installations de Piwigo dans le monde. Avec une Ă©norme majoritĂ© d’installations hors Piwigo.com donc. Difficile Ă  chiffrer prĂ©cisĂ©ment car Piwigo ne traque pas les installations.

 

La page d’administration de Piwigo

 

Pour des chiffres qui « dĂ©coiffent Â», je dirais qu’on a fait 30 % de croissance en 2020. Puis encore 30 % de croissance en 2021 (merci les confinements
) et qu’on revient Ă  notre rythme de croisiĂšre de +15 % par an en 2022. Dans le contexte actuel de difficultĂ© des entreprises, je trouve qu’on s’en sort bien !

Autre chiffre qui dĂ©coiffe : on n’a pas levĂ© un seul euro. Aucun business angel, aucune levĂ©e de fonds auprĂšs d’investisseurs. Notre croissance est douce mais sereine. Attention pour autant : je ne dĂ©nigre pas le principe de lever des fonds. Cela permet d’aller beaucoup plus vite. Vers le succĂšs ou l’échec, mais beaucoup plus vite ! Rien ne dit que si c’était Ă  refaire, je n’essaierais pas de lever des fonds.

Encore un chiffre respectable : Piwigo a soufflĂ© sa vingtiĂšme bougie en 2022. Le projet a connu plusieurs phases et nous vivons actuellement celle de la professionnalisation. Beaucoup de projets libres s’arrĂȘtent avant et disparaissent car ils ne franchissent pas cette Ă©tape. Si certains voient dans l’arrivĂ©e de l’argent une « trahison Â» de la communautĂ©, je trouve au contraire que c’est sain et gage de pĂ©rennitĂ©. Lorsque les fondateurs d’un projet ont besoin d’un modĂšle Ă©conomique viable pour payer leurs propres factures, vous pouvez ĂȘtre sĂ»rs que le projet ne va pas ĂȘtre abandonnĂ© sur un coup de tĂȘte.

Est-ce que les rĂ©seaux sociaux axĂ©s sur la photographie concurrencent Piwigo ? On pense Ă  Instagram mais aussi Ă  Pixelfed, Ă©videmment.

J’ai regardĂ© rapidement ce qu’était Pixelfed. Ma conclusion au bout de quelques minutes : c’est un clone opensource Ă  Instagram, en mode dĂ©centralisĂ©.

Piwigo n’est pas un rĂ©seau social. Pour certains utilisateurs, Piwigo a perdu de son intĂ©rĂȘt dĂšs lors que Facebook et ses albums photos sont arrivĂ©s. Pour d’autres, Piwigo constitue au contraire une solution pour ceux qui refusent la centralisation/uniformisation telle que proposĂ©e par Facebook ou Google. Enfin pour de nombreux clients pro (photographes ou entreprises) Piwigo est un outil Ă  usage interne de l’équipe communication pour organiser les ressources mĂ©dia qui seront ensuite utilisĂ©es sur les rĂ©seaux sociaux. Il faut comprendre que pour les chargĂ©s de communication d’un office de tourisme, mettre sa photothĂšque sur Facebook n’a aucun sens. Ils ou elles publient quelques photos sur Facebook, sur Instagram ou autres, mais leur photothĂšque est organisĂ©e sur leur Piwigo.

Bref, mĂȘme si les premiĂšres annĂ©es je me suis demandĂ© si Piwigo Ă©tait encore pertinent face Ă  l’émergence de ces nouvelles formes de communication, je sais aujourd’hui que Piwigo n’est pas en concurrence frontale avec ces derniers mais qu’au contraire, l’existence de ces rĂ©seaux nĂ©cessite pour les marques/entreprises qu’elles organisent leurs photothĂšques. Piwigo est lĂ  pour les y aider.

Quelles sont les diffĂ©rences ?

La toute premiĂšre des choses, c’est la temporalitĂ©. Les rĂ©seaux sociaux sont excellents pour obtenir une exposition forte et Ă©phĂ©mĂšre de votre « actualitĂ© Â». À l’inverse, Piwigo va exceller pour vous permettre de retrouver un lot de photos parmi des centaines de milliers, organisĂ©es au fil des annĂ©es. Piwigo permet de gĂ©rer son patrimoine photo (et autres mĂ©dias) sur le temps long.

L’autre aspect important c’est le travail en Ă©quipe. Un rĂ©seau social est gĂ©nĂ©ralement conçu autour d’une seule personne qui administre le compte. Dans Piwigo, plusieurs administrateurs collaborent (Ă  un instant T ou dans la durĂ©e) pour construire la photothĂšque : classification, indexation (tags, titre, descriptions
)

Enfin, certaines fonctionnalitĂ©s n’ont tout simplement rien Ă  voir. Par exemple, dans un rĂ©seau social le cƓur de mĂ©tier va ĂȘtre d’obtenir des likes. Dans un Piwigo, vous allez pouvoir mettre en place un moteur de recherche multicritĂšres avec vos propres critĂšres. Par exemple on a un client qui fabrique des matĂ©riaux acoustiques. Ses critĂšres de recherche sont collection, coloris, lieu d’implantation
 Cela n’aurait aucun sens sur l’interface uniformisĂ©e d’un Instagram.

Qui apporte des contributions Ă  Piwigo ? Est-ce que c’est surtout la core team ?

Cela a beaucoup changĂ© avec le temps. Et mĂȘme ce qu’on appelle aujourd’hui « Ă©quipe Â» n’est plus la mĂȘme chose que ce qu’on appelait « Ă©quipe Â» il y a 10 ans. Aujourd’hui, l’équipe c’est essentiellement celle du projet commercial. Pas uniquement mais quand mĂȘme pas mal.

On a donc beaucoup de contributions « internes Â» mais ce serait trop simplificateur d’ignorer l’énorme apport de la communautĂ© de contributeurs au sens large. DĂ©jĂ  parce que l’état actuel de Piwigo repose sur les fondations crĂ©Ă©es par une communautĂ© de dĂ©veloppeurs bĂ©nĂ©voles. Ensuite parce qu’on reçoit bien sĂ»r des contributions sous forme de rapports de bugs, des pull-requests mais aussi grĂące Ă  des bĂ©nĂ©voles qui aident des utilisateurs sur les forums communautaires, les bĂȘta-testeurs
 sans oublier les centaines de traducteurs.

Petite anecdote dont je suis fier : Rasmus Lerdorf, crĂ©ateur de PHP (le langage de programmation principalement utilisĂ© dans Piwigo) nous a plusieurs fois envoyĂ© des patches pour que Piwigo soit compatibles avec les derniĂšres versions de PHP.

 

Quel est votre lien avec le monde du Libre ? (<troll>y a-t-il un monde du Libre ?</troll>)

Je ne sais pas s’il y a un « monde du libre Â». Historiquement Les contributeurs sont d’abord des utilisateurs du logiciel qui ont voulu le faire Ă©voluer. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de fervents dĂ©fenseurs du logiciel libre.

Franchement je ne sais pas trop comment rĂ©pondre Ă  cette question. Je sais que Piwigo est une brique de ce monde du libre mais je ne suis pas sĂ»r que l’on conscientise le fait de faire partie d’un mouvement global. Je pense qu’on est pragmatique plutĂŽt qu’idĂ©ologique.

 

En tant que client, je viens de recevoir le mail qui annonce le changement de tarif. Pouvez-vous nous expliquer l’origine de cette dĂ©cision ?

LĂ  on est vraiment sur l’actualitĂ© « Ă  chaud Â». Le changement de tarif pour les nouveaux/futurs clients a fait l’objet d’une longue rĂ©flexion et prĂ©paration. Je dirais qu’on le prĂ©pare depuis 18 mois.

 

Si j’ai bien compris la clientĂšle particuliĂšre est un tout petit pourcentage de la clientĂšle de Piwigo.com ?

Les clients de l’ancienne offre « individuelle Â» reprĂ©sentent 30 % du chiffre d’affaires des abonnements pour 91 % des clients. J’exclus les prestations de dev, qui sont exclusivement ordonnĂ©es par des entreprises. Donc « tout petit pourcentage Â», ça dĂ©pend du point de vue :-)

Est-ce que l’offre de stockage illimitĂ© devient trop chĂšre ?

En moyenne sur l’ensemble des clients individuels, on est Ă  ~30 Go de stockage utilisĂ©. La mĂ©diane est quant Ă  elle de 5Go. Si la marge financiĂšre dĂ©gagĂ©e n’est pas folle, on ne perd pas d’argent pour autant, car nous avons rĂ©ussi Ă  ne pas payer le stockage trop cher. Pour faire simple : on n’utilise pas de stockage cloud type Amazon Web Services, Google Cloud ou Microsoft Azure. Sinon on serait clairement perdant.

Ceci est vrai tant qu’on propose de l’illimitĂ© sur les photos. Sauf que la premiĂšre demande au support, devant toutes les autres, c’est : « puis-je ajouter mes vidĂ©os ? Â», et cela change la donne. Hors de question de proposer de l’illimitĂ© sur les vidĂ©os. De l’autre cĂŽtĂ©, on entend et on comprend la demande des utilisateurs concernant les vidĂ©os. Donc on veut proposer les vidĂ©os, mais il faut en parallĂšle introduire un quota de stockage.

Ensuite nous avions un souci de cohĂ©rence entre l’offre individuelle (stockage illimitĂ© mais photos uniquement) et les offres entreprise (quota de stockage et tout type de fichiers). La solution qui nous paraĂźt la meilleure est d’imposer un quota pour toutes les offres, mais un quota gĂ©nĂ©reux. L’offre « Perso Â» est Ă  50 Go de stockage, donc largement au-delĂ  de la conso moyenne.

Enfin la principe de l’illimitĂ© est problĂ©matique. En 12 ans, la perception du grand public sur le numĂ©rique a Ă©voluĂ©. Je parle spĂ©cifiquement de la consommation de ressources que le numĂ©rique reprĂ©sente. Le cloud, ce sont des serveurs dans des centres de donnĂ©es qui consomment de l’électricitĂ©, etc. En 2023, je pense que tout le monde a intĂ©grĂ© le fait que nous vivons dans un monde fini. Ceci n’est pas compatible avec la notion de stockage infini. Je peux vous assurer que certains utilisateurs n’ont pas conscience de cette finitude.

Est-ce que des pros ont utilisĂ© cette offre destinĂ©e aux particuliers pour « abuser Â» ?

Il y a des abus sur l’utilisation de l’espace de stockage, mais pas spĂ©cialement par des pros. On a des particuliers qui scannent des documents en haute rĂ©solution par dizaine de milliers pour des tĂ©raoctets stockĂ©s
 On a des particuliers qui sont fans de telle ou telle star de cinĂ©ma et qui font des captures d’écran chaque seconde de chaque film de cet acteur. Ne rigolez pas, cela existe.

En revanche on avait un soucis de positionnement : l’offre « individuelle Â» n’était pas trĂšs appropriĂ©e pour les photographes pros mais l’offre entreprise Ă©tait trop chĂšre. On a maintenant des offres mieux Ă©tagĂ©es et on espĂšre que cela sera plus pertinent pour ce type de client.

Enfin on a des entreprises qui essaient de prendre l’offre individuelle en se faisant passer pour des particuliers. Et lĂ  on est obligĂ©s de faire les gendarmes. On a mĂȘme dĂ©tectĂ© des « patterns Â» de ses entreprises et on annulait les commandes « individuelles Â» de ces clients. J’en avais personnellement un petit peu ras le bol :-)

Les nouvelles offres, mĂȘme « Perso Â» sont accessibles mĂȘme Ă  des multinationales. Évidemment, les limites qu’on a fixĂ©es devraient naturellement les orienter vers nos offres Entreprise (nouvelle gĂ©nĂ©ration) voire VIP.

 

Est-ce qu’il s’agissait d’une offre qui se voulait temporaire et que vous avez laissĂ© filer parce que vous Ă©tiez sur autre chose ?

 

Pendant 12 ans ? Non non, le choix de proposer de l’illimitĂ© en 2010 Ă©tait rĂ©flĂ©chi et « Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e Â». Les besoins et les possibilitĂ©s et surtout les demandes ont changĂ©. On s’adapte. On espĂšre ne pas se tromper et si c’est le cas on fera des ajustements.

L’important c’est de pas mettre nos clients au pied du mur : ils peuvent renouveler sur leur offre d’origine. On a toujours proposĂ© cela et on ne compte pas changer cette rĂšgle. C’est assez unique dans notre secteur d’activitĂ© mais on y tient.

Nous avons vu que votre actualitĂ© c’était la nouvelle version de Piwigo NG. Je crois que vous avez besoin d’aide. Vous pouvez nous en parler ?

Nous avons plusieurs actualitĂ©s et effectivement cĂŽtĂ© logiciel, c’est la sortie de la version 2 de l’application mobile pour Android. Piwigo NG (comme Next Generation) est le rĂ©sultat du travail de RĂ©mi, qui travaille sur Piwigo depuis deux ans. AprĂšs avoir voulu faire Ă©voluer l’application « native Â» sans succĂšs, il a crĂ©Ă© en deux semaines un prototype d’application mobile en Flutter. Ce qu’il avait fait en deux semaines Ă©tait meilleur que ce que l’on galĂ©rait Ă  obtenir avec l’application native en plusieurs mois. On a donc dĂ©cidĂ© de basculer sur cette nouvelle technologie. Un an aprĂšs la sortie de Piwigo NG, RĂ©mi sort une version 2 toujours sur Flutter mais avec une nouvelle architecture « plus propice aux Ă©volutions Â». Le fameux « il faut refactorer tous les six mois Â», devise des dĂ©veloppeurs Java.

En effet nous avons besoin d’aide pour bĂȘta-tester cette version 2 de Piwigo NG. Plus nous avons de retours, plus nous pouvons la stabiliser.

Pour aller plus loin

❌