Je vous propose la traduction, dâabord publiĂ©e sur mon blog avec lâaimable autorisation de son auteur Michael Kwet, dâun essai sur lequel je suis rĂ©cemment tombĂ©. Je pense quâil mĂ©rite toute notre attention, car il pose non seulement un constat politique dĂ©taillĂ© et sourcĂ© sur le capitalisme numĂ©rique, mais il lui oppose aussi une vĂ©ritable alternative.
Dâaccord ou pas dâaccord, le fait dâavoir ce genre dâalternative est salutaire. Car si la politique, câest la capacitĂ© Ă faire des choix, alors nous avons besoin dâavoir plusieurs alternatives entre lesquelles choisir. Autrement nous ne choisissons rien, puisque nous suivons lâunique chemin qui est devant nous. Et nous avançons, peut-ĂȘtre jusquâau prĂ©cipiceâŠ
Lâarticle initial ainsi que cette traduction sont sous licence Creative Commons, ne vous privez donc pas de les partager si comme moi, vous trouvez cet essai extrĂȘmement stimulant et prĂ©cieux pour nos rĂ©flexions. Dans le mĂȘme esprit, les commentaires sont Ă vous si vous souhaitez rĂ©agir ou partager dâautres rĂ©flexions.
â Louis Derrac
Ăcosocialisme numĂ©rique â Briser le pouvoir des Big Tech
Nous ne pouvons plus ignorer le rĂŽle des Big Tech dans lâenracinement des inĂ©galitĂ©s mondiales. Pour freiner les forces du capitalisme numĂ©rique, nous avons besoin dâun Accord sur les Technologies NumĂ©riques 1 Ă©cosocialiste

En lâespace de quelques annĂ©es, le dĂ©bat sur la façon dâencadrer les Big Tech a pris une place prĂ©pondĂ©rante et fait lâobjet de discussions dans tout le spectre politique. Pourtant, jusquâĂ prĂ©sent, les propositions de rĂ©glementation ne tiennent pas compte des dimensions capitalistes, impĂ©rialistes et environnementales du pouvoir numĂ©rique, qui, ensemble, creusent les inĂ©galitĂ©s mondiales et poussent la planĂšte vers lâeffondrement. Nous devons de toute urgence construire un Ă©cosystĂšme numĂ©rique Ă©cosocialiste, mais Ă quoi cela ressemblerait-il et comment pouvons-nous y parvenir ?
Cet essai vise Ă mettre en Ă©vidence certains des Ă©lĂ©ments fondamentaux dâun programme socialiste numĂ©rique â un Accord sur les Technologies NumĂ©riques (ATN) â centrĂ© sur les principes de lâanti-impĂ©rialisme, de lâabolition des classes, des rĂ©parations et de la dĂ©croissance qui peuvent nous faire passer Ă une Ă©conomie socialiste du 21e siĂšcle. Il sâappuie sur des propositions de transformation ainsi que sur des modĂšles existants qui peuvent ĂȘtre mis Ă lâĂ©chelle, et cherche Ă les intĂ©grer Ă dâautres mouvements qui prĂŽnent des alternatives au capitalisme, en particulier le mouvement de la dĂ©croissance. Lâampleur de la transformation nĂ©cessaire est Ă©norme, mais nous espĂ©rons que cette tentative dâesquisser un Accord sur les Technologies NumĂ©riques socialiste suscitera dâautres rĂ©flexions et dĂ©bats sur lâaspect que pourrait prendre un Ă©cosystĂšme numĂ©rique Ă©galitaire et les mesures Ă prendre pour y parvenir.
Le capitalisme numĂ©rique et les problĂšmes dâantitrust
Les critiques progressistes du secteur technologique sont souvent tirĂ©es dâun cadre capitaliste classique centrĂ© sur lâantitrust, les droits de lâhomme et le bien-ĂȘtre des travailleurs. FormulĂ©es par une Ă©lite dâuniversitaires, de journalistes, de groupes de rĂ©flexion et de dĂ©cideurs politiques du Nord, elles mettent en avant un programme rĂ©formiste amĂ©ricano-eurocentrĂ© qui suppose la poursuite du capitalisme, de lâimpĂ©rialisme occidental et de la croissance Ă©conomique.
Le rĂ©formisme antitrust est particuliĂšrement problĂ©matique car il part du principe que le problĂšme de lâĂ©conomie numĂ©rique est simplement la taille et les âpratiques dĂ©loyalesâ des grandes entreprises plutĂŽt que le capitalisme numĂ©rique lui-mĂȘme. Les lois antitrust ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es aux Ătats-Unis pour promouvoir la concurrence et limiter les pratiques abusives des monopoles (alors appelĂ©s âtrustsâ) Ă la fin du XIXe siĂšcle. Compte tenu de lâampleur et de la puissance des Big Tech contemporaines, ces lois sont de nouveau Ă lâordre du jour, leurs dĂ©fenseurs soulignant que les grandes entreprises sapent non seulement les consommateurs, les travailleurs et les petites entreprises, mais remettent Ă©galement en question les fondements de la dĂ©mocratie elle-mĂȘme.
Les dĂ©fenseurs de la lĂ©gislation antitrust affirment que les monopoles faussent un systĂšme capitaliste idĂ©al et que ce quâil faut, câest un terrain de jeu Ă©gal pour que tout le monde puisse se faire concurrence. Pourtant, la concurrence nâest bonne que pour ceux qui ont des ressources Ă mettre en concurrence. Plus de la moitiĂ© de la population mondiale vit avec moins de 7,40 dollars [7,16 euros] par jour, et personne ne sâarrĂȘte pour demander comment ils seront âcompĂ©titifsâ sur le âmarchĂ© concurrentielâ envisagĂ© par les dĂ©fenseurs occidentaux de lâantitrust. Câest dâautant plus dĂ©courageant pour les pays Ă revenu faible ou intermĂ©diaire que lâinternet est largement sans frontiĂšres.
Ă un niveau plus large, comme je lâai soutenu dans un article prĂ©cĂ©dent, publiĂ© sur ROAR, les dĂ©fenseurs de lâantitrust ignorent la division globalement inĂ©gale du travail et de lâĂ©change de biens et de services qui a Ă©tĂ© approfondie par la numĂ©risation de lâĂ©conomie mondiale. Des entreprises comme Google, Amazon, Meta, Apple, Microsoft, Netflix, Nvidia, Intel, AMD et bien dâautres sont parvenues Ă leur taille hĂ©gĂ©monique parce quâelles possĂšdent la propriĂ©tĂ© intellectuelle et les moyens de calcul utilisĂ©s dans le monde entier. Les penseurs antitrust, en particulier ceux des Ătats-Unis, finissent par occulter systĂ©matiquement la rĂ©alitĂ© de lâimpĂ©rialisme amĂ©ricain dans le secteur des technologies numĂ©riques, et donc leur impact non seulement aux Ătats-Unis, mais aussi en Europe et dans les pays du Sud 2
Les initiatives antitrust europĂ©ennes ne sont pas meilleures. LĂ -bas, les dĂ©cideurs politiques qui sâinsurgent contre les maux des grandes entreprises technologiques tentent discrĂštement de crĂ©er leurs propres gĂ©ants technologiques. Le Royaume-Uni vise Ă produire son propre mastodonte de plusieurs milliards de dollars. Le prĂ©sident Emmanuel Macron va injecter 5 milliards dâeuros dans des start-ups technologiques dans lâespoir que la France compte au moins 25 âlicornesâ â des entreprises Ă©valuĂ©es Ă un milliard de dollars ou plus â dâici 2025. LâAllemagne dĂ©pense 3 milliards dâeuros pour devenir une puissance mondiale de lâIA et un leader mondial (câest-Ă -dire un colonisateur de marchĂ©) de lâindustrialisation numĂ©rique. Pour leur part, les Pays-Bas visent Ă devenir une ânation de licornesâ. Et en 2021, la commissaire Ă la concurrence de lâUnion europĂ©enne, Margrethe Vestager, largement applaudie, a dĂ©clarĂ© que lâEurope devait bĂątir ses propres gĂ©ants technologiques europĂ©ens. Dans le cadre des objectifs numĂ©riques de lâUE pour 2030, Mme Vestager a dĂ©clarĂ© que lâUE visait Ă âdoubler le nombre de licornes europĂ©ennes, qui est aujourdâhui de 122.â
Au lieu de sâopposer par principe aux grandes entreprises de la tech, les dĂ©cideurs europĂ©ens sont des opportunistes qui cherchent Ă Ă©largir leur propre part du gĂąteau.
Dâautres mesures capitalistes rĂ©formistes proposĂ©es, telles que lâimposition progressive, le dĂ©veloppement des nouvelles technologies en tant que service public3 et la protection des travailleurs, ne parviennent toujours pas Ă sâattaquer aux causes profondes et aux problĂšmes fondamentaux. Le capitalisme numĂ©rique progressiste est meilleur que le nĂ©olibĂ©ralisme. Mais il est dâorientation nationaliste, ne peut empĂȘcher le colonialisme numĂ©rique, et conserve un engagement envers la propriĂ©tĂ© privĂ©e, le profit, lâaccumulation et la croissance.
Lâurgence environnementale et la technologie
Les crises jumelles du changement climatique et de la destruction Ă©cologique qui mettent en pĂ©ril la vie sur Terre constituent dâautres points faibles majeurs pour les rĂ©formateurs du numĂ©rique.
De plus en plus dâĂ©tudes montrent que les crises environnementales ne peuvent ĂȘtre rĂ©solues dans un cadre capitaliste fondĂ© sur la croissance, qui non seulement augmente la consommation dâĂ©nergie et les Ă©missions de carbone qui en rĂ©sultent, mais exerce Ă©galement une pression Ă©norme sur les systĂšmes Ă©cologiques.
Le PNUE4 estime que les Ă©missions doivent diminuer de 7,6 % chaque annĂ©e entre 2020 et 2030 pour atteindre lâobjectif de maintenir lâaugmentation de la tempĂ©rature Ă moins de 1,5 degrĂ©. Des Ă©valuations universitaires estiment la limite mondiale dâextraction de matiĂšres durables Ă environ 50 milliards de tonnes de ressources par an, mais Ă lâheure actuelle, nous en extrayons 100 milliards de tonnes par an, ce qui profite largement aux riches et aux pays du Nord.
La dĂ©croissance doit ĂȘtre mise en Ćuvre dans un avenir immĂ©diat. Les lĂ©gĂšres rĂ©formes du capitalisme vantĂ©es par les progressistes continueront Ă dĂ©truire lâenvironnement. En appliquant le principe de prĂ©caution, nous ne pouvons pas nous permettre de risquer une catastrophe Ă©cologique permanente. Le secteur des technologies nâest pas un simple spectateur, mais lâun des principaux moteurs de ces tendances.
Selon un rapport rĂ©cent, en 2019, les technologies numĂ©riques â dĂ©finies comme les rĂ©seaux de tĂ©lĂ©communications, les centres de donnĂ©es, les terminaux (appareils personnels) et les capteurs IoT (internet des objets) â ont contribuĂ© Ă 4 % des Ă©missions de gaz Ă effet de serre, et leur consommation dâĂ©nergie a augmentĂ© de 9 % par an.
Et aussi Ă©levĂ© que cela puisse paraĂźtre, cela sous-estime probablement lâutilisation de lâĂ©nergie par le secteur numĂ©rique. Un rapport de 2022 a rĂ©vĂ©lĂ© que les gĂ©ants de la grande technologie ne sâengagent pas Ă rĂ©duire lâensemble des Ă©missions de leur chaĂźne de valeur. Des entreprises comme Apple prĂ©tendent ĂȘtre âneutres en carboneâ dâici 2030, mais cela âne comprend actuellement que les opĂ©rations directes, qui reprĂ©sentent un microscopique 1,5 % de son empreinte carbone.â
En plus de surchauffer la planĂšte, lâextraction des minĂ©raux utilisĂ©s dans lâĂ©lectronique â tels que le cobalt, le nickel et le lithium â dans des endroits comme la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, le Chili, lâArgentine et la Chine est souvent destructive sur le plan Ă©cologique.
Et puis il y a le rĂŽle central des entreprises numĂ©riques dans le soutien dâautres formes dâextraction non durable. Les gĂ©ants de la technologie aident les entreprises Ă explorer et Ă exploiter de nouvelles sources de combustibles fossiles et Ă numĂ©riser lâagriculture industrielle. Le modĂšle Ă©conomique du capitalisme numĂ©rique tourne autour de la diffusion de publicitĂ©s visant Ă promouvoir la consommation de masse, un facteur clĂ© de la crise environnementale. Dans le mĂȘme temps, nombre de ses dirigeants milliardaires ont une empreinte carbone des milliers de fois supĂ©rieure Ă celle des consommateurs moyens des pays du Nord.
Les rĂ©formateurs du numĂ©rique partent du principe que les grandes entreprises technologiques peuvent ĂȘtre dĂ©couplĂ©es des Ă©missions de carbone et de la surconsommation de ressources et, par consĂ©quent, ils concentrent leur attention sur les activitĂ©s et les Ă©missions particuliĂšres de chaque entreprise. Pourtant, la notion de âdĂ©couplageâ de la croissance de lâutilisation des ressources matĂ©rielles a Ă©tĂ© remise en question par les universitaires, qui notent que lâutilisation des ressources suit de prĂšs la croissance du PIB Ă travers lâhistoire. Des chercheurs ont rĂ©cemment constatĂ© que le transfert de lâactivitĂ© Ă©conomique vers les services, y compris les industries Ă forte intensitĂ© de connaissances, nâa quâun potentiel limitĂ© de rĂ©duction des impacts environnementaux mondiaux en raison de lâaugmentation des niveaux de consommation des mĂ©nages par les travailleurs des services.
En rĂ©sumĂ©, les limites de la croissance changent tout. Si le capitalisme nâest pas Ă©cologiquement soutenable, les politiques numĂ©riques doivent tenir compte de cette rĂ©alitĂ© brutale et difficile.
Le socialisme numérique et ses composantes
Dans un systĂšme socialiste, la propriĂ©tĂ© est dĂ©tenue en commun. Les moyens de production sont directement contrĂŽlĂ©s par les travailleurs eux-mĂȘmes par le biais de coopĂ©ratives de travailleurs, et la production est destinĂ©e Ă lâutilisation et aux besoins plutĂŽt quâĂ lâĂ©change, au profit et Ă lâaccumulation. Le rĂŽle de lâĂtat est contestĂ© parmi les socialistes, certains soutenant que la gouvernance et la production Ă©conomique devraient ĂȘtre aussi dĂ©centralisĂ©es que possible, tandis que dâautres plaident pour un plus grand degrĂ© de planification de lâĂtat.
Ces mĂȘmes principes, stratĂ©gies et tactiques sâappliquent Ă lâĂ©conomie numĂ©rique. Un systĂšme de socialisme numĂ©rique Ă©liminerait progressivement la propriĂ©tĂ© intellectuelle, socialiserait les moyens de calcul, dĂ©mocratiserait les donnĂ©es et lâintelligence numĂ©rique et confierait le dĂ©veloppement et la maintenance de lâĂ©cosystĂšme numĂ©rique Ă des communautĂ©s du domaine public.
Bon nombre des Ă©lĂ©ments constitutifs dâune Ă©conomie numĂ©rique socialiste existent dĂ©jĂ . Les logiciels libres et open source (FOSS5) et les licences Creative Commons, par exemple, fournissent les logiciels et les licences nĂ©cessaires Ă un mode de production socialiste. Comme le note James Muldoon dans Platform Socialism, des projets urbains comme DECODE (DEcentralised Citizen-owned Data Ecosystems) fournissent des outils dâintĂ©rĂȘt public open source pour des activitĂ©s communautaires oĂč les citoyens peuvent accĂ©der et contribuer aux donnĂ©es, des niveaux de pollution de lâair aux pĂ©titions en ligne et aux rĂ©seaux sociaux de quartier, tout en gardant le contrĂŽle sur les donnĂ©es partagĂ©es. Les coopĂ©ratives de plates-formes, telles que la plate-forme de livraison de nourriture Wings Ă Londres6, fournissent un modĂšle de milieu de travail remarquable dans lequel les travailleurs organisent leur travail par le biais de plates-formes open source dĂ©tenues et contrĂŽlĂ©es collectivement par les travailleurs eux-mĂȘmes. Il existe Ă©galement une alternative socialiste aux mĂ©dias sociaux dans le FĂ©divers7, un ensemble de rĂ©seaux sociaux qui interagissent en utilisant des protocoles partagĂ©s, qui facilitent la dĂ©centralisation des communications sociales en ligne.
Mais ces Ă©lĂ©ments de base auraient besoin dâun changement de politique pour se dĂ©velopper. Des projets comme le FĂ©divers, par exemple, ne sont pas en mesure de sâintĂ©grer Ă des systĂšmes fermĂ©s ou de rivaliser avec les ressources massives et concentrĂ©es dâentreprises comme Facebook. Un ensemble de changements politiques radicaux serait donc nĂ©cessaire pour obliger les grands rĂ©seaux de mĂ©dias sociaux Ă sâinteropĂ©rer, Ă se dĂ©centraliser en interne, Ă ouvrir leur propriĂ©tĂ© intellectuelle (par exemple, les logiciels propriĂ©taires), Ă mettre fin Ă la publicitĂ© forcĂ©e (publicitĂ© Ă laquelle les gens sont soumis en Ă©change de services âgratuitsâ), Ă subventionner lâhĂ©bergement des donnĂ©es afin que les individus et les communautĂ©s â et non lâĂtat ou les entreprises privĂ©es â puissent possĂ©der et contrĂŽler les rĂ©seaux et assurer la modĂ©ration du contenu. Cela aurait pour effet dâĂ©touffer les gĂ©ants de la technologie.
La socialisation de lâinfrastructure devrait Ă©galement ĂȘtre Ă©quilibrĂ©e par de solides garanties pour la vie privĂ©e, des restrictions sur la surveillance de lâĂtat et le recul de lâĂtat sĂ©curitaire carcĂ©ral. Actuellement, lâĂtat exploite la technologie numĂ©rique Ă des fins coercitives, souvent en partenariat avec le secteur privĂ©. Les populations immigrĂ©es et les personnes en dĂ©placement sont fortement ciblĂ©es par un ensemble de camĂ©ras, dâavions, de capteurs de mouvements, de drones, de vidĂ©osurveillance et dâĂ©lĂ©ments biomĂ©triques. Les enregistrements et les donnĂ©es des capteurs sont de plus en plus centralisĂ©s par lâĂtat dans des centres de fusion et des centres de criminalitĂ© en temps rĂ©el pour surveiller, prĂ©voir et contrĂŽler les communautĂ©s. Les communautĂ©s marginalisĂ©es et racisĂ©es ainsi que les militants sont ciblĂ©s de maniĂšre disproportionnĂ©e par lâĂtat de surveillance high-tech. Ces pratiques doivent ĂȘtre interdites alors que les militants sâefforcent de dĂ©manteler et dâabolir ces institutions de violence organisĂ©e.
Lâaccord sur les Technologies NumĂ©riques
Les grandes entreprises technologiques, la propriĂ©tĂ© intellectuelle et la propriĂ©tĂ© privĂ©e des moyens de calcul sont profondĂ©ment ancrĂ©es dans la sociĂ©tĂ© numĂ©rique et ne peuvent ĂȘtre Ă©teintes du jour au lendemain. Ainsi, pour remplacer le capitalisme numĂ©rique par un modĂšle socialiste, nous avons besoin dâune transition planifiĂ©e vers le socialisme numĂ©rique.
Les Ă©cologistes ont proposĂ© de nouveaux âaccordsâ dĂ©crivant la transition vers une Ă©conomie verte. Les propositions rĂ©formistes comme le Green New Deal amĂ©ricain et le Green Deal europĂ©en fonctionnent dans un cadre capitaliste qui conserve les mĂ©faits du capitalisme, comme la croissance terminale, lâimpĂ©rialisme et les inĂ©galitĂ©s structurelles. En revanche, les modĂšles Ă©cosocialistes, tels que le Red Deal de la Nation Rouge, lâAccord de Cochabamba et la Charte de justice climatique dâAfrique du Sud, offrent de meilleures alternatives. Ces propositions reconnaissent les limites de la croissance et intĂšgrent les principes Ă©galitaires nĂ©cessaires Ă une transition juste vers une Ă©conomie vĂ©ritablement durable.
Cependant, ni ces accords rouges ni ces accords verts nâintĂšgrent de plans pour lâĂ©cosystĂšme numĂ©rique, malgrĂ© sa pertinence centrale pour lâĂ©conomie moderne et la durabilitĂ© environnementale. Ă son tour, le mouvement pour la justice numĂ©rique a presque entiĂšrement ignorĂ© les propositions de dĂ©croissance et la nĂ©cessitĂ© dâintĂ©grer leur Ă©valuation de lâĂ©conomie numĂ©rique dans un cadre Ă©cosocialiste. La justice environnementale et la justice numĂ©rique vont de pair, et les deux mouvements doivent sâassocier pour atteindre leurs objectifs.
Ă cet effet, je propose un Accord sur les Technologies NumĂ©riques Ă©cosocialiste qui incarne les valeurs croisĂ©es de lâanti-impĂ©rialisme, de la durabilitĂ© environnementale, de la justice sociale pour les communautĂ©s marginalisĂ©es, de lâautonomisation des travailleurs, du contrĂŽle dĂ©mocratique et de lâabolition des classes. Voici dix principes pour guider un tel programme :
1. Veiller Ă ce que lâĂ©conomie numĂ©rique ne dĂ©passe pas les limites sociales et planĂ©taires
Nous sommes confrontĂ©s Ă une rĂ©alitĂ© : les pays les plus riches du Nord ont dĂ©jĂ Ă©mis plus que leur juste part du budget carbone â et cela est Ă©galement vrai pour lâĂ©conomie numĂ©rique dirigĂ©e par les Big Tech qui profite de maniĂšre disproportionnĂ©e aux pays les plus riches. Il est donc impĂ©ratif de veiller Ă ce que lâĂ©conomie numĂ©rique ne dĂ©passe pas les limites sociales et planĂ©taires. Nous devrions Ă©tablir une limite scientifiquement informĂ©e sur la quantitĂ© et les types de matĂ©riaux qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©s et des dĂ©cisions pourraient ĂȘtre prises sur les ressources matĂ©rielles (par exemple, la biomasse, les minĂ©raux, les vecteurs dâĂ©nergie fossile, les minerais mĂ©talliques) qui devraient ĂȘtre consacrĂ©es Ă tel ou tel usage (par exemple, de nouveaux bĂątiments, des routes, de lâĂ©lectronique, etc.) en telle ou telle quantitĂ© pour telle ou telle personne. On pourrait Ă©tablir des dettes Ă©cologiques qui imposent des politiques de redistribution du Nord au Sud, des riches aux pauvres.
2. Supprimer progressivement la propriété intellectuelle
La propriĂ©tĂ© intellectuelle, notamment sous la forme de droits dâauteur et de brevets, donne aux entreprises le contrĂŽle des connaissances, de la culture et du code qui dĂ©termine le fonctionnement des applications et des services, ce qui leur permet de maximiser lâengagement des utilisateurs, de privatiser lâinnovation et dâextraire des donnĂ©es et des rentes. LâĂ©conomiste Dean Baker estime que les rentes de propriĂ©tĂ© intellectuelle coĂ»tent aux consommateurs 1 000 milliards de dollars supplĂ©mentaires par an par rapport Ă ce qui pourrait ĂȘtre obtenu sur un âmarchĂ© libreâ sans brevets ni monopoles de droits dâauteur. LâĂ©limination progressive de la propriĂ©tĂ© intellectuelle au profit dâun modĂšle de partage des connaissances basĂ© sur les biens communs permettrait de rĂ©duire les prix, dâĂ©largir lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation et de lâamĂ©liorer pour tous, et fonctionnerait comme une forme de redistribution des richesses et de rĂ©paration pour le Sud.
3. Socialiser lâinfrastructure physique
Les infrastructures physiques telles que les fermes de serveurs cloud, les tours de tĂ©lĂ©phonie mobile, les rĂ©seaux de fibres optiques et les cĂąbles sous-marins transocĂ©aniques profitent Ă ceux qui les possĂšdent. Il existe des initiatives de fournisseurs dâaccĂšs Ă internet gĂ©rĂ©s par les communautĂ©s et des rĂ©seaux maillĂ©s sans fil qui peuvent aider Ă placer ces services entre les mains des communautĂ©s. Certaines infrastructures, comme les cĂąbles sous-marins, pourraient ĂȘtre entretenues par un consortium international qui les construirait et les entretiendrait au prix coĂ»tant pour le bien public plutĂŽt que pour le profit.
4. Remplacer les investissements privés de production par des subventions et une production publiques.
La coopĂ©rative numĂ©rique britannique de Dan Hind est peut-ĂȘtre la proposition la plus dĂ©taillĂ©e sur la façon dont un modĂšle socialiste de production pourrait fonctionner dans le contexte actuel. Selon ce programme, âles institutions du secteur public, y compris le gouvernement local, rĂ©gional et national, fourniront des lieux oĂč les citoyens et les groupes plus ou moins cohĂ©sifs peuvent se rassembler et sĂ©curiser une revendication politique.â AmĂ©liorĂ©e par des donnĂ©es ouvertes, des algorithmes transparents, des logiciels et des plateformes Ă code source ouvert et mise en Ćuvre par une planification participative dĂ©mocratique, une telle transformation faciliterait lâinvestissement, le dĂ©veloppement et la maintenance de lâĂ©cosystĂšme numĂ©rique et de lâĂ©conomie au sens large.
Si Hind envisage de dĂ©ployer ce systĂšme sous la forme dâun service public dans un seul pays â en concurrence avec le secteur privĂ© -, il pourrait Ă la place constituer une base prĂ©liminaire pour la socialisation complĂšte de la technologie. En outre, il pourrait ĂȘtre Ă©largi pour inclure un cadre de justice globale qui fournit des infrastructures en guise de rĂ©parations au Sud, de la mĂȘme maniĂšre que les initiatives de justice climatique font pression sur les pays riches pour quâils aident le Sud Ă remplacer les combustibles fossiles par des Ă©nergies vertes.
5. DĂ©centraliser Internet
Les socialistes prĂŽnent depuis longtemps la dĂ©centralisation de la richesse, du pouvoir et de la gouvernance entre les mains des travailleurs et des communautĂ©s. Des projets comme FreedomBox8 proposent des logiciels libres et gratuits pour alimenter des serveurs personnels peu coĂ»teux qui peuvent collectivement hĂ©berger et acheminer des donnĂ©es pour des services comme le courrier Ă©lectronique, les calendriers, les applications de chat, les rĂ©seaux sociaux, etc. Dâautres projets comme Solid permettent aux gens dâhĂ©berger leurs donnĂ©es dans des âpodsâ quâils contrĂŽlent. Les fournisseurs dâapplications, les rĂ©seaux de mĂ©dias sociaux et dâautres services peuvent alors accĂ©der aux donnĂ©es Ă des conditions acceptables pour les utilisateurs, qui conservent le contrĂŽle de leurs donnĂ©es. Ces modĂšles pourraient ĂȘtre Ă©tendus pour aider Ă dĂ©centraliser lâinternet sur une base socialiste.
6. Socialiser les plateformes
Les plateformes Internet comme Uber, Amazon et Facebook centralisent la propriĂ©tĂ© et le contrĂŽle en tant quâintermĂ©diaires privĂ©s qui sâinterposent entre les utilisateurs de leurs plateformes. Des projets comme le FĂ©divers et LibreSocial fournissent un modĂšle dâinteropĂ©rabilitĂ© qui pourrait potentiellement sâĂ©tendre au-delĂ des rĂ©seaux sociaux. Les services qui ne peuvent pas simplement sâinteropĂ©rer pourraient ĂȘtre socialisĂ©s et exploitĂ©s au prix coĂ»tant pour le bien public plutĂŽt que pour le profit et la croissance.
7. Socialiser lâintelligence numĂ©rique et les donnĂ©es
Les donnĂ©es et lâintelligence numĂ©rique qui en dĂ©coule sont une source majeure de richesse et de pouvoir Ă©conomique. La socialisation des donnĂ©es permettrait au contraire dâintĂ©grer des valeurs et des pratiques de respect de la vie privĂ©e, de sĂ©curitĂ©, de transparence et de prise de dĂ©cision dĂ©mocratique dans la maniĂšre dont les donnĂ©es sont collectĂ©es, stockĂ©es et utilisĂ©es. Elle pourrait sâappuyer sur des modĂšles tels que le projet DECODE Ă Barcelone et Ă Amsterdam.
8. Interdire la publicité forcée et le consumérisme des plateformes
La publicitĂ© numĂ©rique diffuse un flux constant de propagande dâentreprise conçue pour manipuler le public et stimuler la consommation. De nombreux services âgratuitsâ sont alimentĂ©s par des publicitĂ©s, ce qui stimule encore plus le consumĂ©risme au moment mĂȘme oĂč il met la planĂšte en danger. Des plateformes comme Google Search et Amazon sont construites pour maximiser la consommation, en ignorant les limites Ă©cologiques. Au lieu de la publicitĂ© forcĂ©e, les informations sur les produits et services pourraient ĂȘtre hĂ©bergĂ©es dans des rĂ©pertoires, auxquels on accĂšderait de maniĂšre volontaire.
9. Remplacer lâarmĂ©e, la police, les prisons et les appareils de sĂ©curitĂ© nationale par des services de sĂ»retĂ© et de sĂ©curitĂ© gĂ©rĂ©s par les communautĂ©s.
La technologie numĂ©rique a augmentĂ© le pouvoir de la police, de lâarmĂ©e, des prisons et des agences de renseignement. Certaines technologies, comme les armes autonomes, devraient ĂȘtre interdites, car elles nâont aucune utilitĂ© pratique au-delĂ de la violence. Dâautres technologies basĂ©es sur lâIA, dont on peut soutenir quâelles ont des applications socialement bĂ©nĂ©fiques, devraient ĂȘtre Ă©troitement rĂ©glementĂ©es, en adoptant une approche conservatrice pour limiter leur prĂ©sence dans la sociĂ©tĂ©. Les militants qui font pression pour rĂ©duire la surveillance de masse de lâĂtat devraient se joindre Ă ceux qui militent pour lâabolition de la police, des prisons, de la sĂ©curitĂ© nationale et du militarisme, en plus des personnes visĂ©es par ces institutions.
10. Mettre fin à la fracture numérique
La fracture numĂ©rique fait gĂ©nĂ©ralement rĂ©fĂ©rence Ă lâinĂ©galitĂ© dâaccĂšs individuel aux ressources numĂ©riques telles que les appareils et les donnĂ©es informatiques, mais elle devrait Ă©galement englober la maniĂšre dont les infrastructures numĂ©riques, telles que les fermes de serveurs cloud et les installations de recherche de haute technologie, sont dĂ©tenues et dominĂ©es par les pays riches et leurs entreprises. En tant que forme de redistribution des richesses, le capital pourrait ĂȘtre redistribuĂ© par le biais de la fiscalitĂ© et dâun processus de rĂ©paration afin de subventionner les appareils personnels et la connectivitĂ© Internet pour les pauvres du monde entier et de fournir des infrastructures, telles que lâinfrastructure cloud et les installations de recherche de haute technologie, aux populations qui ne peuvent pas se les offrir.
Comment faire du socialisme numérique une réalité
Des changements radicaux sont nĂ©cessaires, mais il y a un grand Ă©cart entre ce qui doit ĂȘtre fait et oĂč nous sommes aujourdâhui. NĂ©anmoins, nous pouvons et devons prendre certaines mesures essentielles.
Tout dâabord, il est essentiel de sensibiliser, de promouvoir lâĂ©ducation et dâĂ©changer des idĂ©es au sein des communautĂ©s et entre elles afin quâensemble nous puissions co-crĂ©er un nouveau cadre pour lâĂ©conomie numĂ©rique. Pour ce faire, une critique claire du capitalisme et du colonialisme numĂ©riques est nĂ©cessaire.
Un tel changement sera difficile Ă mettre en place si la production concentrĂ©e de connaissances reste intacte. Les universitĂ©s dâĂ©lite, les sociĂ©tĂ©s de mĂ©dias, les groupes de rĂ©flexion, les ONG et les chercheurs des grandes entreprises technologiques du Nord dominent la conversation et fixent lâordre du jour de la correction du capitalisme, limitant et restreignant les paramĂštres de cette conversation. Nous devons prendre des mesures pour leur ĂŽter leur pouvoir, par exemple en abolissant le systĂšme de classement des universitĂ©s, en dĂ©mocratisant la salle de classe et en mettant fin au financement des entreprises, des philanthropes et des grandes fondations. Les initiatives visant Ă dĂ©coloniser lâĂ©ducation â comme le rĂ©cent mouvement de protestation Ă©tudiant #FeesMustFall en Afrique du Sud et la Endowment Justice Coalition Ă lâuniversitĂ© de Yale â sont des exemples des mouvements qui seront nĂ©cessaires9.
DeuxiĂšmement, nous devons connecter les mouvements de justice numĂ©rique avec dâautres mouvements de justice sociale, raciale et environnementale. Les militants des droits numĂ©riques devraient travailler avec les Ă©cologistes, les abolitionnistes, les dĂ©fenseurs de la justice alimentaire, les fĂ©ministes et autres. Une partie de ce travail est dĂ©jĂ en cours â par exemple, la campagne #NoTechForIce menĂ©e par Mijente, un rĂ©seau de base dirigĂ© par des migrants, remet en question lâutilisation de la technologie pour contrĂŽler lâimmigration aux Ătats-Unis â mais il reste encore beaucoup Ă faire, notamment en ce qui concerne lâenvironnement.
TroisiĂšmement, nous devons intensifier lâaction directe et lâagitation contre les Big Tech et lâempire amĂ©ricain. Il est parfois difficile de mobiliser un soutien derriĂšre des sujets apparemment Ă©sotĂ©riques, comme lâouverture dâun centre de cloud computing dans le Sud (par exemple en Malaisie) ou lâimposition de logiciels des Big Tech dans les Ă©coles (par exemple en Afrique du Sud). Cela est particuliĂšrement difficile dans le Sud, oĂč les gens doivent donner la prioritĂ© Ă lâaccĂšs Ă la nourriture, Ă lâeau, au logement, Ă lâĂ©lectricitĂ©, aux soins de santĂ© et aux emplois. Cependant, la rĂ©sistance rĂ©ussie Ă des dĂ©veloppements tels que Free Basics de Facebook en Inde et la construction du siĂšge dâAmazon sur des terres indigĂšnes sacrĂ©es au Cap, en Afrique du Sud, montrent la possibilitĂ© et le potentiel de lâopposition civique.
Ces Ă©nergies militantes pourraient aller plus loin et adopter les tactiques de boycott, dĂ©sinvestissement et sanctions (BDS), que les militants anti-apartheid ont utilisĂ©es pour cibler les sociĂ©tĂ©s informatiques vendant des Ă©quipements au gouvernement dâapartheid en Afrique du Sud. Les militants pourraient crĂ©er un mouvement #BigTechBDS, qui ciblerait cette fois lâexistence des grandes entreprises technologiques. Les boycotts pourraient annuler les contrats du secteur public avec les gĂ©ants de la technologie et les remplacer par des solutions socialistes de technologies du peuple10. Des campagnes de dĂ©sinvestissement pourraient forcer des institutions comme les universitĂ©s Ă se dĂ©sinvestir des pires entreprises technologiques. Et les militants pourraient faire pression sur les Ătats pour quâils appliquent des sanctions ciblĂ©es aux entreprises technologiques amĂ©ricaines, chinoises et dâautres pays.
QuatriĂšmement, nous devons Ćuvrer Ă la crĂ©ation de coopĂ©ratives de travailleurs de la tech11 qui peuvent ĂȘtre les Ă©lĂ©ments constitutifs dâune nouvelle Ă©conomie socialiste numĂ©rique. Il existe un mouvement de syndicalisation des grandes entreprises technologiques, qui peut contribuer Ă protĂ©ger les travailleurs de la technologie en cours de route. Mais syndiquer les entreprises des Big Tech revient Ă syndiquer les compagnies des Indes orientales, le fabricant dâarmes Raytheon, Goldman Sachs ou Shell â ce nâest pas de la justice sociale et cela nâapportera probablement que de lĂ©gĂšres rĂ©formes. De mĂȘme que les militants sud-africains de la lutte contre lâapartheid ont rejetĂ© les principes de Sullivan â un ensemble de rĂšgles et de rĂ©formes en matiĂšre de responsabilitĂ© sociale des entreprises qui permettaient aux entreprises amĂ©ricaines de continuer Ă faire des bĂ©nĂ©fices dans lâAfrique du Sud de lâapartheid â et dâautres rĂ©formes lĂ©gĂšres, en faveur de lâĂ©tranglement du systĂšme de lâapartheid, nous devrions avoir pour objectif dâabolir complĂštement les Big Tech et le systĂšme du capitalisme numĂ©rique. Et cela nĂ©cessitera de construire des alternatives, de sâengager avec les travailleurs de la tech, non pas pour rĂ©former lâirrĂ©formable, mais pour aider Ă Ă©laborer une transition juste pour lâindustrie.
Enfin, les personnes de tous horizons devraient travailler en collaboration avec les professionnels de la technologie pour Ă©laborer le plan concret qui constituerait un Accord des Technologies NumĂ©riques. Ce projet doit ĂȘtre pris aussi au sĂ©rieux que les âaccordsâ verts actuels pour lâenvironnement. Avec un Accord des Technologies NumĂ©riques, certains travailleurs â comme ceux du secteur de la publicitĂ© â perdraient leur emploi, il faudrait donc prĂ©voir une transition Ă©quitable pour les travailleurs de ces secteurs. Les travailleurs, les scientifiques, les ingĂ©nieurs, les sociologues, les avocats, les Ă©ducateurs, les militants et le grand public pourraient rĂ©flĂ©chir ensemble Ă la maniĂšre de rendre cette transition pratique.
Aujourdâhui, le capitalisme progressiste est largement considĂ©rĂ© comme la solution la plus pratique Ă la montĂ©e en puissance des Big Tech. Pourtant, ces mĂȘmes progressistes nâont pas su reconnaĂźtre les mĂ©faits structurels du capitalisme, la colonisation technologique menĂ©e par les Ătats-Unis et lâimpĂ©ratif de dĂ©croissance. Nous ne pouvons pas brĂ»ler les murs de notre maison pour nous garder au chaud. La seule solution pratique est de faire ce qui est nĂ©cessaire pour nous empĂȘcher de dĂ©truire notre seule et unique maison â et cela doit intĂ©grer lâĂ©conomie numĂ©rique. Le socialisme numĂ©rique, concrĂ©tisĂ© par un Accord des Technologies NumĂ©riques, offre le meilleur espoir dans le court laps de temps dont nous disposons pour un changement radical, mais il devra ĂȘtre discutĂ©, dĂ©battu et construit. JâespĂšre que cet article pourra inviter les lecteurs et dâautres personnes Ă collaborer dans cette direction.
Sur lâauteur
Michael Kwet a obtenu son doctorat en sociologie Ă lâuniversitĂ© de Rhodes et il est membre invitĂ© du projet de sociĂ©tĂ© de lâinformation Ă la Yale Law School. Il est lâauteur de Digital colonialism : US empire and the new imperialism in the Global South, hĂŽte du podcast Tech Empire, et a Ă©tĂ© publiĂ© par VICE News, The Intercept, The New York Times, Al Jazeera et Counterpunch.
Retrouvez Micheal sur Twitter : @Michael_Kwet.
Sur la traduction
Ce texte a Ă©tĂ© dâabord traduit avec Deepl, et ensuite revu, corrigĂ© et commentĂ© par moi-mĂȘme. NâĂ©tant pas un traducteur professionnel, jâaccueillerai avec plaisir les propositions dâamĂ©lioration.
Illustration Ă la une par Zoran Svilar