Vue lecture

Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.

Le Contrat d’Engagement Framasoftien, pour un usage digne et responsable de nos services

Dans la grande tradition du libre qui consiste à copier les bonnes idées et les adapter à son besoin, nous nous inspirons du contrat d’engagement républicain mis en place par l’État français, et annonçons aujourd’hui en grande pompe le Contrat d’Engagement Framasoftien.

Comme le Contrat d’Engagement Républicain, mais en mieux

En effet, désormais, les associations ne peuvent pas avoir d’interactions significatives avec les institutions de la République Française (subventions, agréments, etc.) sans avoir signé ce « contrat d’engagement républicain » qui garantit loyauté et fidélité à la République, et permet à l’État de s’assurer que les associations se tiennent sages. C’est une excellente idée qui est d’ailleurs expliquée en détail par le Collectif des Associations Citoyennes (qui fait partie, tout comme Framasoft, des membres fondatrices du collectif « Coalition pour les libertés associatives » ), ou encore dans « Associations, Mode d’Emploi » (article soumis à abonnement).

Toute règle ayant sa réciproque, Framasoft conditionne donc désormais l’usage de ses services et outils par les entreprises, établissements, agences et surtout les institutions et organisations publiques à la signature d’un Contrat d’Engagement Framasoftien. Il vise à rassurer nos donatrices et donateurs qui financent nos services sur le niveau d’engagement de ces organisations utilisatrices vis-à-vis du respect des libertés numériques et des principes de solidarité.

Ce Contrat implique de leur part une utilisation responsable, citoyenne et démocratique de nos ressources financées par le public selon des valeurs que nous pourrions résumer en trois mots :

Liberté, Égalité, Adelphité.

parodie du logo de la république Française reprenant le logo et les couleurs de Framasoft

La Liberté ou la porte

Examinons ensemble les articles de ce contrat et ce qu’ils impliquent, en prenant pour exemple une direction de l’administration publique qui utiliserait nos outils.

1. être toujours gentil·le avec Framasoft et les membres de son gouvernement, quitte à ne plus penser ce que je pense.

La liberté, c’est bien. Sauf si vous l’utilisez contre nous ou nos intérêts, alors dans ces cas-là il faut le dire franchement : c’est pas bien.

Imaginez qu’une institution publique utilise Framaforms, alors qu’en même temps la présidence distribue des légions d’honneur au milliardaire Jeff Bezos, et se fasse féliciter par le milliardaire Elon Musk ? Où serait la cohérence, le sérieux, l’intégrité ?

2. respecter la liberté de conscience d’autrui, même les personnes qui disent sérieusement « digital » et « c’pas Linux, c’est GNU/Linux ! ».

Il existe une liberté de parole, de croyance, de religion : il nous appartient de ne pas juger autrui dans ses rituels. Il convient d’éviter une guerre sainte entre ceux qui disent crypter et celles qui préfèrent parler de chiffrement. Les naïfs qui s’adonnaient à l’adoration des start-ups, et faisaient leurs offrandes aux NFT, tournent désormais leur ferveur de zélotes vers des IA privatives, qu’ils ne maîtriseront toujours pas.

Cette liberté de conscience n’offre cependant pas la liberté de finance : rappelons que si votre institution utilise les services Framasoft, la frama-laïcité veut qu’elle cesse de financer une startup nation dont le code ne serait pas ouvert libre : si l’argent est public, le code se doit d’être public.

3. rappeler que chacun·e est libre de ne pas utiliser l’écriture inclusive, mais ailleurs. Loin.

C’est un des points les plus virtuoses du Contrat d’Engagement Républicain que l’État offre en signature aux associations forcément consentantes : la liberté y est définie comme la liberté de se barrer. Si cela ne vous plaît pas, allez voir ailleurs. C’est brillant.

Alors bien sûr, on attend mieux, on attend plus que ce trait de génie. Qu’il s’agisse de partager le code (qui est libre), notre expérience, nos moyens, d’impulser la reproduction de ce que l’on fait… Framasoft renforce la liberté de se barrer ailleurs en donnant à celleux qui le souhaitent les clés pour faire pareil, à leur manière, et donc mieux.

Si des institutions se mettent à utiliser nos services, nous leur enjoignons de faire comme nous, et de donner à leurs bénéficiaires les moyens d’être autonomes. On pourrait même aller loin dans l’utopie et imaginer appeler cela des « services publics ». Oui : c’est osé.

 

capture d'écran de la modale disant : 
« Contrat d’Engagement Framasoftien

décret n°2021-1947 du 31 décembre 2021, article 5, pris pour l’application de l’article 10-1 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000

En contrepartie des services offerts par Framasoft, je¹ m’engage solennellement à…
être toujours gentil·le avec Framasoft et les membres de son gouvernement, quitte à ne plus penser ce que je pense.
respecter la liberté de conscience d’autrui, même les personnes qui disent sérieusement « digital » et « c’pas Linux, c’est GNU/Linux ! ».
rappeler que chacun·e est libre de ne pas utiliser l’écriture inclusive, mais ailleurs. Loin.
accepter que devant le code (qui fait la loi), l'égalité des uns est supérieure à celle des autres.
me tenir sage face à mon écran, ne jamais exprimer ma colère, même en cas d’erreur 49.3 - democracy not found.
respecter la dignité humaine avec autant d’intelligence et de fougue qu’un algorithme de notation de la CAF.
laver chaque matin mon T-shirt de libriste-woke, et savoir réciter en verlan le manifeste de Framasoft.

¹ J’accepte qu’à travers moi, j’engage sans réserve mon association, entreprise ou institution ainsi que ma famille sur six générations. »

 

Une Égalité qui se mérite

Dans le monde numérique, le code définit que ce que l’on peut faire et ne pas faire. Celles et ceux qui financent les développements, pensent la forme que prendra le code… ces personnes ont donc le pouvoir de décider quels seront nos comportements dans le monde numérique.

4. accepter que devant le code (qui fait la loi), l’égalité des uns est supérieure à celle des autres.

C’est une simple question de mérite, il n’y a donc rien de mal à ce que certains soient plus égaux que d’autres. Nous voyons bien qu’aux plus hauts sommets de notre république l’on respecte (avec discernement) l’égalité de toustes devant la Loi, même celle de Gérald Darmanin, d’Olivier Dussopt, d’Alexis Kholer ou de Damien Abad.

dessin de gee caricaturant eric ciotti titré "traitement de faveur pour la mère d'Eric Ciotti, hébergée aux frais de la sécu pour ne pas rejoindre une chambre de CHu "minable, aux murs humides" (dixit le père d'Eric Ciotti"

 

N’oublions pas la Fraternité Sororité Adelphité

Le principe de solidarité permet de créer une communauté. N’oublions pas pour autant que cette solidarité doit s’appliquer dans une considération juste de l’autre, pour que chacune et chacun reste bien à sa place.

5. me tenir sage face à mon écran, ne jamais exprimer ma colère, même en cas d’erreur 49.3 - democracy not found.

Chez Framasoft, nous ne parlons pas d’erreur. Nous disons juste que ça n’a pas marché. Ce n’est pas pour autant que, quand ça plante il faille être frustré, ou en colère. Car la colère, ce n’est pas gentil. C’est mal. C’est extrême. C’est indigne.

Si des représentant·es de l’État utilisent nos services, nous attendons en retour un comportement exemplaire de pays qui se tient sage : ça veut dire fini les caprices tous les 49.3 heures, on arrête de jeter des LBD sur les copaines, et sur les plateaux on arrête les gros mensonges pour laisser la parole aux autres, hein. Sinon on peut se frama-fâcher tout rouge, à la fin.

 

6. respecter la dignité humaine avec autant d’intelligence et de fougue qu’un algorithme de notation de la CAF

Alors on ne peut pas vous dire exactement combien d’intelligence et de fougue ça fait, vu qu’aux dernières nouvelles les choix que la CAF a commandités pour qu’ils soient codés dans cet algorithme sont toujours opaques. Mais l’idée est là : forcer chacun·e à rester digne, et à ne pas parasiter ce qui est mis à disposition du public.

Ainsi, il tombe sous le sens que les entreprises ou institutions qui utilisent les services mis à disposition du public par Framasoft s’engagent à se battre contre ce parasitisme de l’extrême que sont les optimisations et fraudes fiscales, dont les géants du web sont les plus indignes représentants.

 

7. laver chaque matin mon T-shirt de libriste-woke, et savoir réciter en verlan le manifeste de Framasoft.

Oui. Chaque matin. Même (et surtout) les week-end de conventions.

Les symboles de la Frama-république wokistanaise sont importants, plus importants que nos individualités ou notre libre-arbitre. On n’a pas encore d’hymne Framational, mais dès qu’il y en aura un, ce sera par cœur tous les soirs avant de dormir, non mais !

Fan arts de Framasoft réalisés par l’exemplaire JC Frog

 

Un Compte d’Ouverture Utopiste d’Accomplissements Civiques pour les bons élèves

Dans le cas où il sera signalé par un ou plusieurs usagers l’infraction de tout ou partie de ces principes par le passé, il faudra mériter de pouvoir signer notre Contrat d’Engagement Framasoftien, et en faire la demande. Cette demande nécessitera la validation d’une commission pluridisciplinaire ad hoc qui statuera sur le bien-fondé et l’engagement de l’entreprise ou organisation publique envers les valeurs portées par l’association via un Compte d’Ouverture Utopiste d’Accomplissements Civiques.

Cette commission convoquera le représentant par lettre recommandée au plus tard 48 heures avant de statuer et la présence de celui-ci sera impérative, garante de l’importance accordée à la demande.

La liste des pièces à fournir, en 5 exemplaires papier plus en format électronique (uniquement des formats standards tels que définis par le Comité de l’Union Européenne sur l’Interopérabilité, sur une clef USB formatée en BTRFS) sera indiquée sur la convocation. Les commissions pluridisciplinaires se réunissent selon les moments de l’année à Dinan, Riom-es-Montagnes, Nancy, Gif-sur-Yvette, Nantes, Strasbourg ou Toulouse.

Dessin d'un Canard qui sourie en très gros plan, de manière comique, tandis que derrière lui des canards font la fête dans une kermesse champêtre

La commission du COUAC en plein travail, allégorie – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

 

La Commission établira un Compte d’Ouverture Utopiste d’Accomplissements Civiques pour rendre son avis. La Commission pourra ainsi considérer favorablement les actions préalables suivantes de la part de l’institution et/ou de son représentant ou mandataire :

  • avoir publié sur ses comptes de médias sociaux des photos de chat les vendredis impairs ;
  • avoir rédigé et posté des poèmes sur les licornes les mardis, jeudis et dimanche sauf années bissextiles ou mois de ramadan ;
  • avoir un témoin de leur écoute matinale de musique de chambre le matin au moins trois heures avant 7h30 GMT ;
  • avoir partagé des blagues sur les mathématiques, de préférence sur l’hypothèse de Riemann, l’équation de Navier-Stoke ou les nombres de Lychnrel, tous les mercredis pendant au moins 11 semaines consécutives ;
  • s’être abstenu d’avoir employé les mots « moi » et « je » pendant au moins une heure par jour (hors heures de sommeil) pendant plus de 6 jours consécutifs ;
  • avoir publié des vidéos de danse latino-américaine en tenue d’avocat ;
  • avoir posté des photos de leur chat en train de manger des pâtes avec une cuillère en forme de licorne ;
  • ne jamais avoir utilisé les termes tels que « bonnet d’âne » ou « mauvais élève » pour décrire les citoyens qui ne partagent pas leurs idées politiques ;
  • avoir promu l’égalité sans soutenir que certain·es en méritent plus que d’autres ;
  • avoir déjà pris une décision stratégique d’importance pour leur institution avec le plein accord d’au moins un membre de l’équipe de nettoyage ;
  • porter des chaussettes colorées à chaque utilisation d’un site Framasoft ;
  • donner un nom amusant à chaque fichier qu’ils téléchargent (hors référence à Star Wars, Marvel, ou la Cité de la Peur) ;
  • écouter de la musique en dansant pendant au moins 10 minutes par jour sur les heures de travail ;
  • créer une vidéo d’imitation d’un célèbre personnage de fiction et la partager sur les médias sociaux ;
  • filmer un tour de magie et le partager sur les médias sociaux ;
  • s’engager à ne plus jamais manger de salade qui n’ait pas été caressée par un collectif de mains ;
  • renoncer à regarder des films où jouent des acteurices ayant un abonnement illimité à une salle de sport ;
  • ne pas recourir à des entreprises qui paient les employé·es moins que ce qu’iels méritent ;
  • avoir cessé de regarder les émissions de débat politique, sauf si les participant·es sont des personnages de dessins animés ;
  • avoir renoncé aux sondages d’opinions, sauf s’ils ont été effectués auprès d’un échantillon représentatif d’extra-terrestres ;
  • avoir renoncé à l’usage ou à la citation d’experts, sauf dans le cas où iels ont été formé·es par des devins ou des sorcières.
ilustration de David Revoy où un chaton fait les gros à un deuxième qui s'est plié-déguisé en théière

Erreur 418 : je suis une théière – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Et si je ne veux pas signer ce contrat… ?

Rien ne vous y oblige.

Nous vous blocklisterons, vous et vos adresses IP sur deux générations (IPv4 et IPv6, bien entendu), mais rien ne vous y oblige.

Nous vous retirerons tout moyen d’accéder à nos logiciels, services, outils, sites web et interventions. Mais vraiment : rien ne vous y oblige.

Nous bloquerons toute possibilité pour vous de réaliser un partenariat, d’être agréé, d’être reconnu, mais encore une fois : rien ne vous y oblige.

Nous vous montrerons du doigt en vous dépeignant comme une personne irrespectueuse de notre jôli contrat social à taille unique, vous forçant ainsi à vous justifier aux yeux du grand public, mais nous insistons : rien ne vous y oblige.

 

Bref, ce contrat ne sera signé qu’avec votre consentement : vous êtes libres.

 

Ceci n’est pas (que) un 1er avril !

On rigole, on rigole. Mais si cet article vous paraît absurde, imaginez ce qu’il en est des 1,5 millions d’associations en France (dont Framasoft) à qui il est demandé de signer le Contrat d’Engagement Républicain.

Nous nous retrouvons engagé⋅es dans une période sombre où les libertés associatives sont menacées, où le ministre de l’Intérieur menace de dissolution des collectifs informels, et met la pression sur les associations et collectifs qui refusent de se tenir sages face aux crises démocratiques, sociales ou écologiques.

Sans avoir préalablement signé ce contrat, il n’est plus possible pour une association d’obtenir une subvention publique, de demander un agrément d’État ou d’accueillir des volontaires en service civique. Autant dire que les entraves sont tellement fortes que nombre d’associations ne pourraient plus fonctionner, plus exister, sans s’être courbées devant ce document.

Annoncé comme un outil de lutte contre le séparatisme, ce contrat, faussement simple, demande aux associations de s’engager sur sept points, dont cet article parodique se fait le miroir jusqu’à l’absurde. Par exemple l’engagement n°7 portant sur « le respect du drapeau tricolore, de l’hymne national, et de la devise de la République », dont il est aisé de deviner les  lectures qu’il est possible d’en faire.

Car, pour l’instant, le Contrat d’Engagement Républicain est surtout utilisé pour limiter la liberté d’expression et d’interpellation des associations et leur capacité à faire vivre le débat public. Soumis à interprétations subjectives, politiques ou arbitraires de la part de l’autorité publique, ce texte crée une insécurité juridique et financière forte pour les associations.

Grâce à vos dons, Framasoft a pu éviter de signer ce C.E.R. Cependant, depuis sa mise en place en janvier 2022, des dizaines de milliers d’autres associations l’ont signé sous la contrainte ou dans l’ignorance des risques impliqués par ce texte.

Pour vous renseigner, et pour agir, vous pouvez vous rapprocher (et adhérer) au Collectif Associations Citoyennes, qui tient à disposition une page « Mobilisation » sur le C.E.R.

 

❌