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À partir d’avant-hierLibre francophone

Pourquoi faire de l’éducation populaire au numérique ?

Par : Framasoft
24 janvier 2024 à 10:28

Julie et Romain, les deux cofondateurices de l’Établi numérique, ont fait un travail très intéressant d’introspection sur le sens de leur activité, faire de l’éducation populaire au numérique. Nous sommes ravi⋅es de leur laisser la parole.

Dès nos premières discussions, avant-même la création juridique de la structure, nous savions ce que nous voulions faire : de « l’éducation populaire au numérique ». Pour nous, c’est la meilleure manière de décrire ce que nous faisons. Mais concrètement, qu’est-ce qu’on veut dire quand on parle d’éducation populaire au numérique et pourquoi pensons-nous que c’est fondamental en ce moment ?

L’explosion du numérique

Il y a vingt ans, quand, profitant du climat politique du 11 septembre 2001, la Loi sur la Sécurité Quotidienne introduit l’obligation pour les fournisseurs de service de chiffrement de fournir leurs algorithmes aux autorités, les réactions sont très limitées dans le champ de la société civile et inexistantes au niveau politique. La Quadrature du Net n’existe pas encore pour faire un travail de veille juridique et de vulgarisation des enjeux, et les organisations professionnelles de journalistes (par exemple) ne se sont pas encore saisies de ces questions. À cette époque, nous étions peu en dehors des spécialistes à nous intéresser aux questions de surveillance.

Deux décennies plus tard, L’Etabli numérique est régulièrement sollicité pour des ateliers et des formations sur l’intimité numérique, et les livres, newsletters et autres podcasts sur les libertés numériques fleurissent. Qu’est-ce qui a changé sur cette période ? Beaucoup de choses, mais en particulier un évènement majeur : le numérique est devenu une partie intégrante du quotidien de la quasi-totalité de la population en France. Aujourd’hui, plus de 80 % des personnes ont un smartphone et 83 % se connectent à Internet tous les jours ; en 2000, moins de 15 % de la population a un accès Internet. Il y a vingt ans, Internet a déjà commencé à transformer le monde, mais le réseau n’affecte qu’un petit nombre de secteurs, et impacte surtout la vie professionnelle des personnes concernées. Maintenant, impossible de ne pas être affecté⋅e d’une manière ou d’une autre par les transformations numériques en cours. Dans notre vie intime, dans nos interactions avec les administrations, au travail : le numérique est partout.

En 2001 donc, il était encore possible de ne pas être concerné⋅e par le numérique et ses impacts ; à l’époque, les expert⋅es et les spécialistes lié⋅es à l’industrie naissante de la tech monopolisaient le sujet, mais les enjeux étaient moindres. En 2023, le numérique affecte tout le monde ; il doit donc pouvoir être réfléchi, débattu et transformé par tout le monde. Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est contribuer, modestement et avec nos moyens de petite structure, à la construction d’un espace démocratique de délibération autour du numérique.

Qu’on le veuille ou non, le numérique est là. Toute une infrastructure numérique faite de câbles, de machines et d’armoires à serveurs recouvre maintenant le globe entier. Plus encore, le numérique a transformé nos manières de vivre, de nous organiser et de nous déplacer d’une manière telle que tout retour en arrière soudain est impossible. Pour le meilleur et pour le pire, notre société est devenue profondément numérique.

Illustrations CC BY David Revoy

Un enjeu démocratique

En tant que citoyen⋅nes, nous n’avons (presque) pas été consulté⋅es tout au long de ce processus, mais c’est quand même à nous de faire l’inventaire et de déterminer ce que nous voulons faire de cette transformation. Le numérique est un sujet trop sérieux pour être laissé à des milliardaires, indépendamment de ce qu’on pense des milliardaires en question. Ce n’est pas d’un match de boxe entre Zuckerberg et Musk diffusé sur Twitch dont nous avons besoin, mais d’espaces de décisions où, à toutes les échelles, nous réfléchissons ensemble sur les communs numériques que nous souhaitons nourrir, renforcer ou réajuster.

Un des problèmes que nous avons à l’heure actuelle, c’est que le numérique est certes reconnu comme un enjeu de société, mais qu’il reste identifié comme un sujet technique malgré tout . Aujourd’hui encore, il faut être développeur⋅euse, chercheur⋅euse ou travailler dans la tech pour être légitime sur la question numérique. C’est l’industrie du numérique elle-même qui pose souvent les paramètres du débat sur les enjeux de la technologie, ce qui rend difficile toute réelle évolution. La Tech pense toujours pouvoir résoudre par plus de technologie les problèmes causés par la technologie, et nos dirigeant⋅es politiques sont souvent ravi⋅es de la suivre dans ce technosolutionisme naïf.

C’est là que l’éducation populaire intervient. Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est fournir à chacun⋅e les clés de compréhension nécessaires pour pouvoir se positionner, mais c’est aussi déconstruire l’idée que la technologie est une question de spécialistes. Tout utilisateurice de la technologie a des retours à faire sur ce qui fonctionne ou pas, des idées de ce qu’il faut changer, des expériences à transmettre, bref une expertise. L’éducation populaire part d’une vérité simple : nous sommes tou⋅tes déjà expert⋅es du numérique, même si nous ne le sommes pas tou⋅tes à la manière d’un⋅e ingénieur⋅e. Plus encore, si on veut éviter de continuer à reproduire les problèmes systémiques du numérique tel qu’il est actuellement, cette expertise collective est indispensable.

L’objectif étant de permettre à tout un⋅e chacun⋅e de se saisir des enjeux du numérique, il est fondamental que les méthodes que nous utilisons invitent à la discussion, à la participation, à l’évolution. Participer à un atelier sur les impacts environnementaux du numérique, c’est déjà réfléchir à ce qu’on veut garder ou pas dans le monde numérique actuel, c’est déjà se confronter aux besoins et aux enjeux des autres, c’est rentrer dans une démarche de délibération autour du numérique. C’est pour cette raison que nous accordons une attention particulière aux méthodes pédagogiques dans les interventions que nous construisons. L’important, c’est que les participant⋅es à nos formations repartent équipé⋅es et confiant⋅es sur leur capacité à réfléchir et à prendre des décisions, pas que tout le monde soit d’accord à la fin, et encore moins que tout le monde finisse d’accord avec nous.

Sortir de la dystopie

En 2000, le numérique était une utopie qui allait nous libérer tou⋅tes des contraintes de notre quotidien et impulser une nouvelle ère de progrès social. Vingt ans plus tard, le numérique a réussi à s’imposer partout, mais a pris en chemin des traits clairement dystopiques : les réseaux sociaux ont parfois permis de coordonner des révoltes démocratiques, mais sont aussi un espace de discrimination ; le travail à distance fait émerger des nouvelles formes de travail plus riches, mais permet aussi un renforcement de l’intensité du travail  ; Internet donne accès à un savoir incroyable, mais permet aux rumeurs et à la désinformation de se propager toujours plus rapidement ; …

Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est permettre à tou⋅tes de comprendre et de transformer cette réalité numérique complexe dans laquelle nous vivons maintenant. Sortir de la dystopie ne se fera pas par des débats de spécialistes, mais par l’intelligence collective.

Brussels,june 2023 : Diary of the second ECHO Network study visit

Par : Framasoft
18 octobre 2023 à 02:58

 

As a reminder, the participants in the ECHO Network exchange come from 7 different organisations in 5 European countries : Ceméa France, Ceméa Federzione Italia, Ceméa Belgium, Willi Eichler Academy (Germany), Solidar Foundation (European network), Centar Za Mirovne Studije (Croatia), Framasoft (France).

 

Report on the week in Brussels.

 

Cliquez ici pour lire l’article en français.

 

Brussels’ Grand Place under the sun

TLDR (too long, I didn’t read it) : It was just too much fun ! You can feel that the bonds between participants are getting stronger, and that the methods of popular/permanent/active/new education (place the term of your choice before education) are bearing fruit !

 

That week, from June 12 to 17, 2023, Brussels was bathed in sunshine.

A crosswalk in LGBT+ colors leading to parliament.

We were two Framasoft members : Fred and Booteille.

In ECHO Network meetings, Mondays and Fridays are dedicated to travel, since the various people are more or less far from the meeting place.

But our Belgian pals had planned a debate evening for Monday evening, so we had to arrive not too late.

Luckily, we both had trains that allowed us to arrive around noon, so we met up at the Gare du… Midi and set off together to explore the city center of the European capital in search of our hotel.

 

Smurf ceiling in Brussels. Comics are everywhere.

 

Once we’d packed up, we took a quick stroll to find a place to eat.

Brussels is a great city, where you can go from an upmarket district to a working-class one just by crossing the street. I’m sure that’s true elsewhere, but it struck us. Fred’s tip : if you want to be offered something to smoke, walk around with a guy who looks like Bob Marley.

After that, Fred wandered off while Booteille recuperated from his three nights of 3-4h in a row (he’d just come from another association’s AGM and a few parties).

So we met up directly at the DK workshop, a very nice association bar, where we were going to discuss what Framasoft is with a few dozen members of the public. The invitation had been extended by Tactic (which supports and hosts ethical digital services) and Neutrinet (a Belgian non-profit ISP) ; Tactic being one of the Belgian partners who co-organized some of the activities during our stay in Brussels.

The time, the people and the place were really nice. We were made to feel very welcome, and it was a pleasure to be with so many allies we didn’t know.

A journalist was at the party for a documentary he’s preparing on privacy. He wants to sell it to RTBF. He took video captures of the discussion.

Gerben, who works for NLnet, was there. NLNet is a foundation that funds a lot of digital projects that contribute to improving our society. PeerTube is one of these projects.

On the first evening, we had a meal downtown with the ECHO partners. For Booteille, who was bursting with fatigue, it was particularly difficult to start exchanging in English that evening.

 

On Tuesday, we kicked off the first day of activities at Maxima, a very nice third-party association.

Everyone had arrived, despite a few people’s transport problems. There were members of Solidar Foundation, CÉMÉA Italy, CÉMÉA France, Willi Eichler Akademy, La Ligue des Familles in Belgium, Tactic, Framasoft…

It’s important to note that the theme of the week was « active education practices to raise awareness of ethical tools ».

So we started by doing some activities to get us into the spirit of the week, to start building links between participants, based – as will be the case for almost all activities – on active/permanent/popular/new education methods ; choose your favorite term among these. While not everyone agreed on the name (and some didn’t necessarily mean the same thing as others), everyone validated their interest, and that’s the important thing !

Next, we got into groups to discuss what we thought active education and popular education were and were not. We had to draw our interpretations on panels. In a few years’ time, our work may be found again, and the world may mistake it for a painting by Leonardo da Vinci. Expect the foundations of what we call « art » to change after that. There will have been a before and an after. :)

After the small-group discussions, we watched a video on Joseph Jacotot, « Peut-on enseigner sans savoir ? » (Can we teach without knowing ?).

We then presented our panels and had a large-group discussion.

 

In the afternoon, we did an activity based on key digital figures : money, quantity of data, pollution, place the figures given opposite the right question. Not an easy task, even for geeks. Quite a few people made corrections to the figures given after the activity, as the cards were three or four years old. This highlighted the speed at which digital technology is evolving, which is quite staggering.

Then we had a meeting with people from Code du Numérique. An ultra-cool project. They are working to build coherent legislative proposals to put to elected representatives – particularly on issues of inclusion. These proposals are developed through workshops with a wide range of people, both those who are comfortable with digital technology and those who are not. You don’t like legal issues : go and talk to these people !

There are some great videos on their website, which we recommend !

We also suggested that they be interviewed on the Framablog, because we were so enthusiastic about it.

The day ended with a review of the activities carried out. As always with popular education, you get the impression that the hours have just flown by and that you haven’t made any effort, but when you look back you realise how rich the exchanges have been and how much work has been done.

We then went for a drink and a bite to eat with some of the group. And to answer the question on your lips, yes, some people had chips !

The next day, we had a date at another venue, the PianoFabriek, in Saint-Gilles.

We had a beautiful (dance) hall with an outdoor area.

In the morning, Cécile and Annie, from the Ligue des Familles, suggested « the hidden side of clicking » as a theme, where we would discuss the attention economy.

But before that, we played a little presentation game, where each pair had to find something in common that the others didn’t have. Contrary to what you might think, many people have been on roadtrips to Spain and would like to listen to opera.

Annie and Cécile then asked us to answer 12 yes or no questions. These 12 statements are designed to help identify an addiction (see an example here) and have been adapted for use with smartphones. For example : « I feel nervous or anxious if I’ve left my smartphone at home ».

Several people in the group were a little « shocked » by the results of their answers.

Answering two (2 !) of the statements with « yes » underlines addictive behaviour. Suffice it to say that the geeks have hit the roof.

 

 

 

In Belgium, Fred’s addiction to Speculoos is reawakening.

 

We then watched the Dopamine episode on Facebook, which many people were just discovering, and discussed it with our respective small groups.

The next activity was cognitive bias bingo. The names of several biases and their descriptions were posted around the room, and a randomly selected pair of us were asked to write down the name of the bias for each description on an index card.

After this activity, we discovered Ardoino’s grid in which we had to place, first on our own and then with our groups, solutions to the problems raised by digital technology.

Were these solutions of an individual, interpersonal, group, organizational or institutional nature ? Let’s think about it !

The aim was to highlight the fact that many impactful actions are not just individual matters (you know, peeing, showering, etc.).

We ended our activities at PianoFabriek with a moving debate.

Individually, we wrote answers to « For me, active pedagogy is… » and « For me, active pedagogy is not… » on sticky notes.

 

After which, Alain, from CÉMÉA Belgium (who co-hosted most of the week with Sarah, also from CÉMÉA Belgium), chose a few answers and had us move around the space to indicate « I agree » or « I disagree ».

Once positioned, we were able to speak up and discuss the reasons for our position. At any moment, we could change our position, physically showing the evolution of our thinking.

We really enjoyed this form of debate.

Incidentally, we haven’t noted it yet, but it’s important to know that we mainly exchanged ideas in English, and translated into English what people who spoke in French were saying. Most people seemed to understand enough English not to translate systematically from English into French, and would indicate when there was a need for translation in that direction.

The translation work was a considerable effort, but for the people in charge of the animation, it was even more exhausting. At the ECHO Network session in Paris, those able to express themselves in English had formed a group which spent the whole week exchanging in that language. In Brussels, this was not possible. European project, European constraints !

After the PianoFabriek, we joined members of EDRI and Technopolice Brussels for an exploratory walk in public spaces (notably the Gare du Midi) in search of CCTV cameras.

 

These two people helped us to better understand the thinking behind the installation of cameras : « Which locations with which lenses ? » In the Gare du Midi, for example, each door is necessarily equipped with a dedicated camera. There’s also a camera in front of every staircase leading up to the platforms, so that faces can be clearly identified. Not to mention the store, where a camera is also pointed… at the cashier’s hands !

We noticed that there are far more cameras in the poorer neighborhoods (including Molenbeek-Saint-Jean)  than in the richer ones. One fact that impressed us : a camera was located in front of a subway station in a working-class neighborhood. Residents didn’t like it, and it was damaged. Another camera was placed much further down the street, but it monitored the same subway exit. These cameras have an impressive zoom capability.

The cost of installing a camera is estimated at €20,000, and cities are installing hundreds of them, although their effectiveness in combating crime has not been proven in the slightest.

 

The premises of the Belgian Cyber Security Center are packed with surveillance cameras. No, nothing. All is well.

 

 

Ha, I think it’s time to ask this but… HOW IS IT THAT IN BRUSSELS YOU HAVE TO PAY FOR BOTTLED WATER IN ALL RESTAURANTS ! NO FREE TAP WATER ! JUST WATER ! RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! LET’S BURN CAPITALISM !

 

 

 

A poster « Are you a communist ? Join us ! » we came across while wandering around Brussels.

Sorry for the outburst, it’s okay now.

For the last day, we were back at Maxima, where a number of digital, image (video) and radio players presented their projects to us, including RadioPanik, a free radio station (which makes fascinating impossible programs) and ZinTV, an organization close to social movements.

After the presentation of their projects, we had a large-group discussion on the difficulties of migrating to open-source solutions for certain structures.

During the day, we had to join either ZinTV to learn how to make video recordings, or RadioPanik to learn how to make radio.

We learned how an ultra-light portable radio transmitter works, or how to use OBS to broadcast live TV.

At the end of the day, there was a PeerTube presentation from someone who learned a little late that she had to do it, poor thing. Luckily, Booteille was on hand to answer any questions.

After that, the ECHO Network core group and I took stock of the week.

The results were really positive. The partners who didn’t really see the value of popular education methods during the first session in Paris are now convinced. The links between the different members and structures were further strengthened.

We had the feeling that we were really starting to form a body, a real group, and that we were all really moving in the same direction, which for a pan-European project like this is really motivating.

In the evening, before dinner, we attended a conference on Tyler Reigeluth‘s book, « The Intelligence of Cities, Critique of Endless Transparency ».

Before the conference, Booteille spoke on behalf of Framasoft alongside Morgane (co-organizer of the ECHO project, member of CÉMÉA France), Sarah (who was co-organizing the trip to Belgium) and Célo (member of Tactic and Neutrinet, who played an important part in organizing the activities), into the microphone of RadioPanik, which was broadcasting live.

We gave a brief presentation of our structures and the ECHO Network project.

The conference then got under way, and to be honest, we weren’t very good at it. Our ECHO Network accomplices, who had learned how to make radio and TV that very afternoon, were broadcasting the conference over the airwaves, and we couldn’t help but give them a helping hand. The PeerTube streaming of the rebroadcast had a problem, and Booteille had to get his hands dirty (Booteille’s note : In truth, they managed just fine without me, haha !).

Right after the conference, we went out to eat, drink and chat until late.

Antonio, our Croatian colleague (from Center for Peace Studies), hosted the evening. He’ll be part of the host team in Zagreb, and he’s quite a character !

 

Ce graffiti « Montrez-moi le budget » près de la Gare du Midi est la preuve indiscutable que pyg est passé à Bruxelles.

 

This « Show Me The Budget » graffiti near the Gare du Midi is indisputable proof that pyg has been to Brussels.

Bruxelles, juin 2023 : journal de bord de la deuxième visite d’études d’ECHO Network

Par : Framasoft
18 octobre 2023 à 02:56

Pour rappel, les participant⋅es à l’échange européen ECHO Network font partie de 7 organisations différentes dans 5 pays d’Europe : Ceméa France, Ceméa Federzione Italia, Ceméa Belgique, Willi Eichler Academy (Allemagne), Solidar Foundation (réseau européen), Centar Za Mirovne Studije (Croatie), Framasoft (France).

 

Compte-rendu de la semaine à Bruxelles.

 

Click here to read the article in English.

 

La Grand Place de Bruxelles sous le soleil

 

 

TLDR (trop long, j’pas lu) : C’était vraiment trop chouette ! On sent que les liens entre les participant·es se renforcent et que les méthodes d’éducation populaire/permanente/active/nouvelle (placez le terme de votre choix après éducation) portent leurs fruits !

 

Cette semaine-là, celle du 12 au 17 juin 2023, Bruxelles était écrasée de soleil.

Un passage piéton aux couleurs LGBT+ qui mène au parlement.

 

Nous étions deux membres de Framasoft à partir : Fred et Booteille.

Dans les rencontres ECHO Network, les lundis et les vendredis sont dédiés aux trajets, puisque les différentes personnes sont plus ou moins loin du lieu de rendez-vous.

Mais les potes Belges nous avaient prévu une soirée débat le lundi soir, il nous fallait donc arriver pas trop tard.

Par chance, nous avions tous deux des trains qui nous permettaient d’arriver aux alentours de midi, donc nous nous sommes retrouvés à la gare du… Midi et sommes allés, ensemble, explorer le centre-ville de la capitale européenne à la recherche de notre hôtel.

Plafond Schtroumpf dans Bruxelles. La BD est partout.

Une fois les affaires déposées, on s’est baladé vite fait pour trouver un coin où manger.

Bruxelles est une ville formidable, où on passe d’un quartier huppé à un quartier populaire en traversant la rue. Ça doit être vrai ailleurs, mais ça nous a frappés. Astuce de Fred : si vous voulez qu’on vous propose de quoi fumer, promenez-vous avec un type qui ressemble à Bob Marley.

Après quoi Fred s’est baladé pendant que Booteille récupérait de ses trois nuits de 3-4h d’affilée (il sortait de l’AG d’une autre association et de quelques soirées).

Nous nous sommes donc rejoints directement à l’atelier DK, un bar associatif très chouette, où nous allions discuter de ce qu’est Framasoft avec quelques dizaines de personnes du public. L’invitation avait été faite par Tactic (qui fait de l’accompagnement et de l’hébergement de services numériques éthiques) et Neutrinet (un FAI associatif belge) ; Tactic étant un des partenaires belges ayant co-organisé certaines activités du séjour bruxellois.

Le moment, le public et le lieu étaient vraiment sympathiques. Nous avons été super bien accueillis et ça faisait plaisir d’être avec autant d’allié·es que nous ne connaissions pas.

Un journaliste était présent à la soirée pour un documentaire qu’il prépare sur la vie privée. Il souhaite le vendre à RTBF. Il a pris des captures vidéos de la discussion.

Gerben, qui travaille pour NLnet, était venu. NLNet est une fondation qui finance pas mal de projets numériques qui contribuent à améliorer notre société. PeerTube est un de ces projets.

Le premier soir, on a fait un repas en centre-ville avec les partenaires d’ECHO. Pour Booteille, qui était explosé de fatigue, c’était particulièrement difficile de commencer à échanger en anglais dès ce soir là.

Mardi, on a démarré la première journée d’activités à Maxima, un tiers lieu associatif très chouette.

Tout le monde était arrivé, modulo les soucis de transports de quelques personnes. On comptait des membres de Solidar Foundation, Les CÉMÉA Italie, Les CÉMÉA France, la Willi Eichler Akademy, La Ligue des Familles en Belgique, Tactic, Framasoft…

Il est important de noter que la thématique de la semaine était « pratiques d’éducation active pour sensibiliser aux outils éthiques ».

Nous avons donc commencé par faire des activités permettant de nous mettre dans l’esprit de la semaine, de commencer à construire du lien entre les participant·es, en s’appuyant, comme ce sera le cas pour presque toutes les activités, sur des méthodes d’éducation active/permanente/populaire/nouvelle ; choisissez votre terme préféré parmi ceux-ci. Si tout le monde n’est pas raccord sur le nom (et que certains ne signifient pas forcément la même chose que d’autres), tout le monde valide leur intérêt, et c’est bien ça l’important !

Ensuite, nous nous sommes mis en groupe pour discuter de ce que nous pensons être ou ne pas être l’éducation active et l’éducation populaire. Nous devions dessiner sur des panneaux nos interprétations. Dans quelques années on risque de retrouver nos œuvres et le monde risque de le confondre avec une peinture de Léonard de Vinci. Attendez-vous à ce que les fondements de ce qu’on appelle « art » changent après ça. Il y aura eu un avant et un après. :)

Après les échanges en petits groupes, on a regardé une vidéo sur Joseph Jacotot « Peut-on enseigner sans savoir ? ».

Suite à quoi nous avons présenté nos panneaux et eu un échange en grand groupe.

L’après-midi, nous avons fait une activité autour des chiffres clés du numérique : pognon, quantité de données, pollution, placez les chiffres donnés en face de la bonne question. Pas évident, même pour des geeks. Pas mal de personnes ont apporté des corrections aux chiffres donnés après l’activité, car les fiches dataient d’il y a trois ou quatre ans. Ça a permis de souligner la vitesse à laquelle le numérique évolue, ce qui est assez effarant.

Ensuite, on a eu une rencontre avec des personnes du Code du Numérique. Un projet ultra-chouette. Iels travaillent à construire des propositions de loi cohérentes à proposer aux élu·es — notamment sur les questions d’inclusion. Ces propositions sont pensées à l’aide d’ateliers avec plein de gens, à l’aise avec le numérique ou non. Vous n’aimez pas les questions juridiques : allez discuter avec ces gens là !

Il y a des vidéos sur leur site web qui sont formidables, nous vous les recommandons !

Nous leur avons proposé une interview dans le Framablog, tellement ça nous a passionnés.

La journée s’est terminée après un bilan sur les activités réalisées. Comme toujours avec l’éducation populaire, on a l’impression que les heures ont coulé toutes seules et qu’on n’a pas fourni d’effort, mais quand on regarde dans le rétro on se rend compte de la richesse des échanges et de la quantité de boulot qui a été abattue.

Nous sommes ensuite allés boire un verre puis manger avec une partie du groupe. Et pour répondre à la question qui vous brûle les lèvres, oui, des personnes ont pris des frites !

Le lendemain, nous avions rendez-vous dans un autre lieu, le PianoFabriek, à Saint-Gilles.

Nous avions une très belle salle (de danse) avec un extérieur.

Le matin, Cécile et Annie, de la Ligue des Familles, nous ont proposé comme thématique « la face cachée du clic », où nous discuterons économie de l’attention.

Mais avant ça, nous avons fait un petit jeu de présentations où par binôme, nous devions trouver un point commun que les autres n’auraient pas. Figurez-vous que contrairement à ce que l’on pourrait penser, beaucoup de personnes ont fait des roadtrips en Espagne et aimeraient écouter de l’opéra.

Ensuite, Annie et Cécile nous ont fait répondre à 12 affirmations par oui ou par non. Ce sont douze affirmations qui permettent d’aider à identifier une addiction (un exemple ici) et qui ont été adaptées pour l’usage des smartphones. Par exemple : « Je me sens fébrile ou angoissé·e si j’ai oublié mon smartphone à la maison ».

Plusieurs personnes dans le groupe étaient un peu « choquées » par le résultat de leurs réponses.

En effet… Répondre à deux (2 !) des affirmations par « oui » souligne un comportement addictif. Autant vous dire que les geeks ont crevé le plafond.

 

En Belgique l’addiction de Fred pour les Spéculoos se réveille.

 

Ensuite, on a regardé l’épisode de Dopamine consacré à Facebook, que plusieurs personnes découvraient et nous en avons par la suite discuté avec nos petits groupes respectifs.

La prochaine activité était un bingo des biais cognitifs. Le nom de plusieurs biais et leur description étaient affichés sur l’ensemble de la salle et, avec un binôme choisi aléatoirement, nous devions, sur une fiche, indiquer le nom du biais pour chaque description proposée.

Après cette activité, nous avons découvert la grille d’Ardoino dans laquelle nous devions y placer, d’abord en solo puis avec nos groupes, les solutions aux problématiques soulevées par le numérique.

Est-ce que ces solutions relevaient de l’ordre de l’individuel, de l’interpersonnel, du groupe, de l’organisationnel ou des institutions ? À nous d’y réfléchir !

Le but était de souligner que beaucoup d’actions impactantes relèvent d’autres choses que de l’individuel. (Vous savez, le pipi, la douche, toussa toussa…)

On a terminé les activités au PianoFabriek avec un débat mouvant.

Individuellement, nous avons écrit sur des papillons repositionnables des réponses à « Pour moi, les pédagogies actives c’est… » et « Pour moi, les pédagogies actives ce n’est pas… ».

Après quoi, Alain, des CÉMÉA Belgique (qui a co-animé avec Sarah, des CÉMÉA Belgique aussi, la majeure partie de la semaine), a choisi quelques réponses et nous a fait nous déplacer dans l’espace pour indiquer « Je suis d’accord » ou « Je ne suis pas d’accord ».

Une fois positionnés, nous pouvions prendre la parole et échanger sur les raisons de notre positionnement. À tout moment, nous pouvions changer de position, montrant physiquement l’évolution de notre réflexion.

Nous avons beaucoup aimé cette forme de débat.

D’ailleurs, nous ne l’avons pas encore noté mais il est important de savoir que nous échangions principalement en anglais et traduisions, en anglais, les propos des personnes qui s’exprimaient en français. La plupart des gens semblaient comprendre suffisamment l’anglais pour ne pas traduire systématiquement de l’anglais vers le français et indiquaient quand il y a un besoin de traduction dans ce sens.

Le travail de traduction représentait mine de rien un effort considérable mais autant dire que pour les responsables de l’animation, c’était encore plus épuisant. Lors de la session ECHO Network à Paris les personnes capables de s’exprimer en anglais avaient formé un groupe qui avait passé la semaine entière à échanger dans cette langue. À Bruxelles ce n’était pas possible. À projet européen, contraintes européennes !

Après le PianoFabriek, nous avons rejoint des membres d’EDRI et de Technopolice Bruxelles, pour faire une ballade exploratoire dans l’espace public (et notamment la gare du Midi) à la recherche de caméras de vidéosurveillance.

Ces deux personnes nous ont permis de mieux comprendre la réflexion dans la pose des caméras : « Quels lieux avec quels objectifs ? » Dans la gare du Midi, par exemple, chaque porte a forcément une caméra dédiée. Une caméra est aussi placée devant chaque escalier montant aux quais de manière à pouvoir bien identifier les visages. Sans parler de la boutique où une caméra est aussi pointée… sur les mains du caissier !

Nous avons pu constater qu’il y a beaucoup plus de caméras dans les quartiers pauvres (notamment Molenbeek-Saint-Jean) que dans les riches. Un fait qui nous a impressionnés : une caméra était située devant la station de métro d’un quartier populaire. Les habitants n’ont pas apprécié et elle a été endommagée. Une autre caméra a été placée beaucoup plus loin dans la rue, mais elle surveille la même sortie de métro. On se rend compte que ces caméras ont une impressionnante capacité de zoom.

On estime à 20 000 € le prix de la pose d’une caméra, les villes en installent des centaines, et leur efficacité pour lutter contre la délinquance n’est absolument pas prouvée.

Les locaux du Centre pour la Cyber-Sécurité Belge sont truffés de caméras de surveillance. Non, rien. Tout va bien.

 

Ha, je crois que c’est le moment de le poser là mais… COMMENT CA SE FAIT QU’À BRUXELLES IELS FONT PAYER OBLIGATOIREMENT DE L’EAU EN BOUTEILLE DANS TOUS LES RESTAURANTS BORDAYL DE ZUT ! PAS POSSIBILITÉ D’AVOIR DE L’EAU DU ROBINET GRATUITEMENT ! DE L’EAU QUOI ! RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! BRÛLONS LE CAPITALISME !

 

Une affiche « Es-tu communiste ? Rejoins-nous ! » rencontrée au hasard de nos pérégrinations dans Bruxelles

 

Pardon pour le coup de sang, ça va mieux.

Pour la dernière journée, nous étions de retour à Maxima, où des acteurices du numérique, de l’image (vidéo) et de la radio nous ont présenté leurs projets, notamment, RadioPanik, une radio libre (qui fait des émissions impossibles passionnantes) et ZinTV, une organisation proche des mouvements sociaux.

Après la présentation de leurs projets, nous avons échangé en grand groupe sur les difficultés de migrer vers des solutions libres pour certaines structures.

Durant la journée, nous devions nous joindre soit à ZinTV pour apprendre à faire de la captation vidéo, soit à RadioPanik pour apprendre à faire de la radio.

Nous avons appris comment fonctionne un émetteur radio portatif ultra-léger ou l’utilisation d’OBS pour diffuser de la télé en live.

À la fin de la journée, il y a eu une présentation de PeerTube d’une personne qui a appris un peu tard qu’elle devait la faire, la pauvre. Heureusement, Booteille l’a un peu assisté pour répondre aux questions.

Après ça, nous avons fait un bilan avec le groupe cœur d’ECHO Network, sur la semaine.

Le bilan était vraiment positif. Les partenaires qui ne voyaient pas trop l’intérêt des méthodes de l’éducation populaire lors de la première session parisienne sont désormais convaincu·es. Les liens entre les différent·es membres et différentes structures se sont encore renforcés.

Nous avons eu le sentiment que nous commencions à faire réellement corps, à faire réellement groupe, et que nous avancions vraiment toutes et tous dans la même direction, ce qui pour un projet pan-européen comme celui-ci est vraiment motivant.

Le soir, avant le repas, nous avons assisté à une conférence autour du livre de Tyler Reigeluth, « L’intelligence des villes, Critique d’une transparence sans fin ».

Avant la conférence, Booteille a parlé au nom de Framasoft aux côtés de Morgane (co-organisatrice du projet ECHO, membre des CÉMÉA France), Sarah (qui co-organisait le séjour en Belgique) et Célo (membre de Tactic et Neutrinet, qui a pris une part importante dans l’organisation des activités), dans le micro de RadioPanik qui diffusait en direct.

Nous y avons fait une brève présentation de nos structures et du projet ECHO Network.

Après quoi la conférence a commencé et pour être honnête nous n’avons pas été très bons élèves. Nos complices d’ECHO Network qui avaient appris à faire de la radio et de la télé l’après-midi même retransmettaient la conférence sur les ondes, et nous n’avons pas pu nous empêcher de leur donner un coup de pouce. Le streaming sur PeerTube de la retransmission a eu un souci et Booteille a dû mettre les mains dans le cambouis. (Note de Booteille : En vrai, iels s’en sortaient très bien sans moi, haha !)

Juste après la conférence nous sommes allés manger, boire et discuter jusqu’à une heure avancée.

Antonio, notre camarade croate (de Center for Peace Studies), a animé la soirée. Il fera partie de l’équipe accueillante à Zagreb, et c’est un sacré personnage !

 

Ce graffiti « Show Me The Budget » près de la Gare du Midi est la preuve indiscutable que pyg est passé à Bruxelles.

Métacartes, des communs pédagogiques pour accompagner les accompagnateurs de transition numérique

Par : metacartes
16 octobre 2023 à 13:10

Nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises du projet « Métacartes » que nous trouvons très pertinent pour aborder des sujets complexes de façon simple (et collective !).

Mélanie et Lilian, les créateur⋅ices de cette initiative (et des personnes fabuleuses par ailleurs), reviennent aujourd’hui nous partager un point d’étape important. Nous sommes ravi⋅es de leur laisser la parole.

Rappel des épisodes précédents

À tout point de vue, le modèle actuel du numérique est catastrophique (si vous en doutez lisez chaque semaine le fabuleux Khryspresso où la réalité dépasse souvent la fiction). Pourtant, même quand on est conscient qu’il faut changer de modèle, il est difficile de passer à l’action car c’est un problème complexe qui nécessite des changements à la fois individuels et collectifs.

Pour soutenir les professionnels qui accompagnent des collectifs dans des démarches vers un numérique plus éthique, ainsi que les formateur.ice.s et médiateur.ice.s numériques, nous avons conçu les Métacartes Numérique éthique : une boite à outils sous forme de cartes papier reliées à des fiches en ligne (rappel des épisodes précédents sur le Framablog ici, ici et ici).

 

Aperçu des cartes Numérique éthique

Aperçu des cartes Numérique éthique

Un outil d’animation participative et d’apprentissage coopératif

Les Métacartes ont été conçues pour offrir une multitude de possibilités :

  • structurer les échanges et les réflexions sur le numérique grâce à un outil de médiation synthétique qui tient dans la poche
  • apprendre et réfléchir au numérique en sortant la tête des écrans
  • faciliter l’échange et le partage des connaissances avec des publics de tous âges, à travers la manipulation d’un support physique
  • faciliter la coopération et l’apprentissage par les pairs (pas seulement via le formateur.ice),
  • mettre en action les individus et collectifs sur des projets concrets (pas juste du théorique),
  • mobiliser tous les styles d’apprentissage, visuels, auditifs, kinesthésiques, en utilisant le visuel, l’écoute, la manipulation et le mouvement (pas de journée complète en position assise).
  • consulter et proposer des ressources en lignes actualisées et enrichies régulièrement.
  • consulter et proposer des tutoriels complémentaires adaptés à des publics ou contextes particuliers

 

Fruit d’un travail de plus de deux ans en coopération ouverte avec un groupe d’acteur·ice·s du libre et de la société civile, cet outil constitue un commun pédagogique qui peut être personnalisé pour vos usages et enrichi par vos contributions.

Deux ans après, il s’est passé plein de choses : on vous raconte.

De nouveaux outils, complémentaires

Au fur et à mesure des retours et de nos propres usages, nous avons complété les cartes avec une série d’outils téléchargeables sur le site.

Un tableau récapitulatif des cartes Numérique Éthique

Pensé pour les animateur·ice·s et les formateur·ice·s, ce tableau offre une vue d’ensemble des cartes et de leur utilisation. Lors de la conception de vos séquences pédagogiques, vous serez guidé sur les cartes à choisir en fonction de votre objectif, les objectifs étant reliés aux différentes étapes du canevas “vous êtes ici” :

  • prendre conscience des enjeux
  • faire le point
  • définir ses critères
  • découvrir des alternatives
  • faire évoluer ses pratiques
  • évaluer
tableau récapitulatif des cartes numériques éthiques classées par objectifs

 tableau récapitulatif des cartes numériques éthiques classées par objectifs

 

Une base de données de ressources libres sur le thème du Numérique éthique

Lors de la conception des cartes Numérique éthique, nous avons collecté beaucoup de ressources et de contenus de grande qualité sur le sujet. Nous avons mis à jour et catégorisé cette base de ressources afin de vous aider à trouver des contenus pertinents pour enrichir vos ateliers ou vos formations.

base de données de ressources

base de données de ressources

 

Pour cela, vous pouvez filtrer les ressources par objectifs précédemment cités (prendre conscience des enjeux, faire le point,…) par l’un des critères du set (intimité numérique, accessibilité, transparences algorithme…).

tri des ressources par critères éthiques

tri des ressources par critères éthiques

 

Tableau récapitulatif des Usages et sous-usages Numérique Éthique

Dans Numérique éthique, nous avons un parti pris : rien ne sert de remplacer un outil non-éthique par un outil éthique si l’usage demeure problématique. Outils et usages sont intrinsèquement reliés, alors quitte à changer d’outil autant profiter de ce moment pour prendre du recul sur ses usages.

Les cartes ingrédients catégorie #usages, servent à cela : se poser des questions sur ses pratiques et ses besoins avant de tester et éventuellement d’adopter de nouveaux outils.

 

carte ingrédient usage audio et visio conference

Pour chaque usage, il y a plusieurs propositions de sous-usages plus précis et à chaque fois, un lien vers un outil ou un tutoriel.

proposition d’usages et d’outils

 

Si les cartes sont utiles pour travailler avec un groupe, ce tableau destiné lui aussi aux animateur·ice·s et les formateur·ice·s, offre un panorama complet de l’ensemble des propositions d’alternatives éthiques classées en 20 familles d’usages (correspondant aux 20 cartes INGRÉDIENTS #usages).

 

tableau récapitulatif de l’ensemble des usages et sous usages (et des outils).

 

Inspirés de la base d’alternative proposée initialement par Degooglisons Internet, nous l’avons enrichie pour montrer les nombreux usages et outils existants en proposant à chaque fois une alternative éthique.

Au total ce sont plus de 130 propositions d’usages et d’outils dans lesquelles vous pouvez piocher pour transformer vos usages personnels ou enrichir vos ateliers et formations.

Des remix et des tutos

Ce qui est chouette avec le libre, c’est que d’autres peuvent s’emparer de votre travail pour leur propre besoin et inventer de nouvelles choses ! Depuis la sortie des cartes, nous avons récolté plusieurs retours d’usages dans différents contextes et nous les avons postés dans la section mode d’emploi sous forme succincte afin de montrer d’autres usages possibles.

Formation de conseiller-es numériques – Julie Brillet

Une activité pour faire réfléchir de futurs conseillers numériques aux enjeux éthiques et leur faire découvrir des outils/usages plus éthiques.

Animation par des étudiants d’un atelier sur les « Questions éthiques autour du Web » – Stéphane Crozat :

L’objectif de cette activité est de faire animer des petits ateliers par des étudiant·e·s à propos de questions éthiques autour du numérique en général et du Web en particulier.

Animation d’un atelier « usages numériques et réflexivité des étudiant·e·s » – Gabriel Trouvé

Une amélioration de l’éthic-o-test expérimentée pour un Atelier usages numériques et réflexivité des étudiants : comment développer un esprit critique et porter les enjeux éthiques des usages numériques auprès des étudiant·e·s ?

Animation d’un atelier de sensibilisation au Numérique éthique dans un contexte de recherche en éducation et numérique – Mathieu Payn

Dans ce format simple, les participant·e·s sont amené·e·s à découvrir les cartes et à les utiliser pour débattre de leurs intérêts et priorités.

Animation d’un atelier “Outils collaboratifs et travail en équipe” pour des professionnels de l’action sociale et médico-sociale – Morgane Quilliou-Rioual

Dans cet atelier, des cartes recettes et ingrédients ont été utilisées pour faire prendre du recul sur les outils, les usages et les enjeux éthiques à des professionnels de l’action sociale et médico-sociale ayant des fonctions de coordination ou en passe de les avoir.

Des retours sur la méthode et la stratégie

Ce qui est intéressant c’est que dans la plupart de ces ressources, les auteur·ice·s partagent non seulement la recette (le déroulé), mais aussi une analyse réflexive sur ce qui a marché ou serait à améliorer. ce qui est au moins aussi intéressant que le déroulé.

Un commun pédagogique qui peut être enrichi

En concevant numérique éthique, nous avons essayé de le penser comme un commun pédagogique polyvalent, une base solide qui peut être enrichie et personnalisée selon les contextes.

Nous sommes très intéressés de voir comment les cartes sont utilisées dans différents contextes et nous aimerions beaucoup que demain il existe des recettes annexes adaptées à différents publics (enfants, ados, adultes, …) ou contextes (professionnels du numérique, de la médiation, de la formation, associations, centre sociaux, collectivités…)

Des formations pour cheminer (ou aider à cheminer) vers un Numérique éthique

5 ans après la sortie de Faire Ensemble et 2 ans après la sortie de Numérique Éthique, nous avons remis à plat notre offre de formations.

Formation et accompagnement à distance : Pour l’instant nous proposons un format unique de mini formation/accompagnement d’une heure. D’un temps de “simple décoinçage” à du temps de conseil sur un sujet très spécifique, ce format est polyvalent et s’adapte aux différents besoins. Nous sommes en train de réfléchir à proposer une offre d’accompagnement sur plusieurs mois.

Formations en présence : En tant que formateur.ice·s, nous avons à cœur de proposer des moments de formations qui développent le pouvoir d’agir des individus et des organisations, favorisent les actions concrètes et l’autonomisation, sans créer de dépendances. Nous souhaitons que nos formations, comme nos conceptions et animations d’évènements, contribuent à un changement positif en remettant du sens dans toutes vos actions.

En pratique, pour les formations, cela implique que :

  • l’apprentissage se fait aussi par les pairs (pas seulement via le formateur.ice),
  • nous pratiquons une mise en action sur du concret (pas juste théorique),
  • nous apprenons en manipulant un support physique qui permet l’échange et le partage des connaissances, à destination de tous les âges,
  • nous utilisons le visuel, et le mouvement (pas de journée complète en position assise) et cela mobilise tous les styles d’apprentissage, visuels auditifs, kinesthésiques.

Nous proposons maintenant deux formations en présence :

niveau 1 – Cheminer vers des outils et des usages numériques éthiques

niveau 2 – Accompagner des collectifs dans leur réflexion autour de l’éthique du numérique.

La première formation s’adresse à des collectifs souhaitant évoluer vers des pratiques plus éthiques en utilisant les cartes, tandis que la seconde s’adresse plus à des professionnels de la transition numérique qui souhaite mieux prendre en main les cartes pour les utiliser dans leurs accompagnements.

Et bien sur, les formations pourront aussi servir à co-créer des communs complémentaires 😉

Prochaines idées et envies

Nous sommes à l’écoute de la communauté, des besoins, mais nous faisons attention à ne pas tomber dans la démesure et dans la course en avant. Nous essayons donc prendre soin de la ressource, de nous, et faire les choses pas à pas, ce qui n’est pas toujours facile. Pour autant nous aimons partager nos envies, car elles peuvent résonner avec celles d’autres personnes.

Rendre les cartes interopérables avec le référentiel CRCN/PIX

Pix est le service public en ligne pour évaluer, développer, et certifier ses compétences numériques. Ce référentiel français pour l’évaluation des compétences numériques est lui-même basé sur le référentiel européen DigComp.

Notre outil pouvant être utilisé pour de la formation ou de la médiation numérique, nous sommes en train de réfléchir à une intégration entre ce référentiel et nos outils.

Rendre interopérable le référentiel PIX avec les Métacartes pourrait faciliter l’appropriation des Métacartes par les formateur·ice·s, mais aussi, peut-être, mettre plus de réflexion éthique dans les parcours proposés par PIX.

Traduire les contenus Numérique éthique en anglais

Nous avons présenté (à distance) les Métacartes Numérique éthique lors de LibrePlanet, la conférence annuelle de la Free Software Foundation. Le projet a suscité intérêt et plusieurs participants ont manifesté leur volonté de participer à une traduction en anglais du contenu des cartes si un jour nous allions dans ce sens. Faute de temps et soucieux de stabiliser nos travaux actuels, nous n’irons pas dans cette direction pour l’instant, mais l’idée reste et nous espérons pouvoir y travailler quand les conditions seront favorables.

Metacartes : a free/libre toolbox to chart the course to an ethical digital technology :

Concevoir des fresques éthiques du numérique

La fresque du numérique et les autres fresques ont eu beaucoup de succès ces dernières années. Pourtant si la méthode d’animation participative présente un certain intérêt, plusieurs choses nous ennuient/déplaisent. Malgré le nom fresque la dimension dessinée est minimaliste, l’atelier représente un “jeu fermé” (il y a un nombre limité de “bonnes réponses” détenues par les animateur·ice·s), la méthode n’est pas sous licence libre, le format consacre beaucoup de temps à la prise de conscience qui peut être très anxiogène et les solutions de petits gestes présentées occultent les enjeux systémiques et politiques et réduisent notre pouvoir d’agir. À la place nous proposons d’inventer une/des alter (anti ?) fresque(s) qui pourraient être animées/personnalisées/remixées sur le numérique éthique en général ou certains sujets plus ciblés.

L’occasion de travailler avec des copain.e.s et d’apprendre à mieux se connaître, coopération entre Mélanie et Lilian de Métacartes et Romain et Julie de L’établi numérique.

Nous avons ainsi testé notre premier prototype sur le thème de l’hébergement web éthique avec un premier atelier test animé par Romain et Lilian lors du camp CHATONS 2023.

Organiser des ateliers thématiques d’échanges de pratiques :

Nous aimerions organiser des ateliers d’échanges de pratiques (à distance) autour de Numérique éthique pour différents contextes (médiateurs, pour les enseignants, centre sociaux, pour les collectivités, pour les professionnels de l’action sociale, …) ou publics (enfants, ados, adultes, …). Ces ateliers pourraient servir à partager des pratiques, mais aussi les documenter pour enrichir la base de ressources communes.

Animer des discussions et réflexions sur les questions éthiques

Une autre de nos envies serait d’animer ou de contribuer à l’organisation de discussion sur les questions éthiques. Par exemple poser des questions comme « Le Libre est il éthique ? ». Le libre des origines répondait à un certain besoin éthique. Mais aujourd’hui où en est on ? et où veut-on aller ? Nous n’avons pas la réponse, mais nous avons des questions et nous pensons qu’il est extrêmement important de les explorer collectivement en utilisant un format participatif qui favorise l’expression de toustes.

Ou encore organiser le « procès de chatGPT » comme un prétexte pour créer des espaces de discussion sur les enjeux de l’IA, sujet sur lequel il serait essentiel de rendre intelligibles les enjeux pour avoir un vrai débat de société. Ça pourrait être un atelier d’échange basé sur des cartes ou bien une conférence gesticulée, peu importe, mais il est urgent d’avoir des discussions là-dessus car cette technologie va bouleverser nos sociétés et risque de faire beaucoup de dommages si nous ne nous posons pas de vraies questions sur son usage.

Se relier à d’autres acteur·ice·s

Enfin une envie que nous avons depuis le début et qui demeure essentielle pour nous : se relier avec les autres acteur·ice·s qui œuvrent pour plus d’éthique, rendre visibles les initiatives qui vont dans ce sens à la fois dans le monde du numérique (Res numérica, l’établi numérique, libérons nos ordis, l’april, les CHATONS) mais aussi dans d’autres domaines afin casser les silos et rompre la tragédie du LSD (l’isolement entre différentes cultures comme les libristes, les solidaristes,les durabilistes, les artistes … qui ont des problèmes et des solutions différents et complémentaires, mais communiquent peu entre eux).

Rêver et agir dans un archipel de communs

Tout cela fait beaucoup. Nous sommes une petite structure (deux personnes à temps partiel) et nous ne souhaitons pas grossir, car au-delà d’une certaine taille il y a le risque de perdre le sens.

Mais nous aimons rêver et nous pensons qu’en partageant nos envies cela peut donner envie à d’autres de s’y relier et d’avancer sur ces sujets, que ce soit avec nous ou bien simplement de leur coté. Car, comme Framasoft nous croyons beaucoup à l’idée d’archipelisation, une coopération qui se nourrit de la diversité et des différences.

 

IA génératives : la fin des exercices rédactionnels à l’université ?

26 septembre 2023 à 01:42

Stéphane Crozat est membre de Framasoft, auteur de « Traces » et de « Les libres », et surtout, enseignant à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC). Il nous livre ci-dessous une réflexion personnelle – initialement publiée sur son blog – au sujet de l’usage des LLM (ChatGPT ou autre) dans les travaux des étudiant⋅es.

IA génératives : la fin des exercices rédactionnels à l’université ?

visage de Stéphane CrozatEn décembre 2022 le magazine États-unien The Atlantic titre : « The College Essay Is Dead » ( Marche, 2022 [1] ). L’auteur de l’article, écrivain, attribue un B+ à une rédaction produite avec le LLM [2] GPT-3 dans le cadre du cours de Mike Sharples, enseignant en sciences humaines. J’ai moi même attribué la note de 14/15 à un exercice rédactionnel réalisé avec ChatpGPT en février 2023 à l’UTC ( Turcs mécaniques ou magie noire ? ). Une enseignante de philosophie lui a attribué une note de 11/20 au baccalauréat ( Lellouche, 2023 [3] ).

J’ai depuis observé plusieurs cas de « triche » avec des LLM à l’UTC en 2023.

Se pose donc la question de la réaction à court terme pour les enseignants concernant les exercices rédactionnels qui sont réalisés par les étudiants à distance.

Je parlerai de LLM

Je parlerai de LLM [2] dans cet article plutôt que de ChatGPT.

ChatGPT est un outil de l’entreprise OpenIA basé sur un LLM [2] à vocation de conversation généraliste (capable d’aborder n’importe quel sujet) et le premier à avoir introduit une rupture d’usage dans ce domaine. Le problème abordé ici concerne bien cette classe d’outils, mais pas seulement ceux d’OpenIA : des outils concurrents existent à présent (certains pourront devenir plus puissants), des outils plus spécialisés existent (pour la traduction par exemple), d’autres sont probablement amenés à voir le jour (orientés vers la production de textes universitaires, pourquoi pas ?).

On pourra lire, par exemple, Bortzmeyer, 2023 [4] ou Tiernan, 2020 [5] pour plus d’informations.

Je ne parlerai pas de…

Les LLM [2] ne génèrent pas que des textes à la demande, ils génèrent aussi de nombreuses opinions parmi les spécialistes et les usagers ; j’essaierai de me borner aux faits présents, à ce que l’on peut raisonnablement anticiper à court terme (sans faire de science-fiction) et à la seule question de l’évaluation en contexte pédagogique (mais je n’y arriverai pas totalement…).

Je ne parlerai donc pas :

  • des autres enjeux pédagogiques : quel est le rôle de l’université face au développement des LLM ? doit-on former à leurs usages ? les enseignants doivent-il utiliser des LLM eux-mêmes ? est-ce que ça a du sens d’apprendre à rédiger à l’ère des LLM ?
  • des enjeux technico-fonctionnels : qu’est-ce que les LLM ne savent pas faire aujourd’hui ? qu’est-ce qu’on pense qu’ils ne seront jamais capables de faire ?
  • des enjeux politiques et éthiques : est-ce un progrès ? est-ce qu’on peut arrêter le progrès ? que penser de la dépendance croissante aux entreprises de la tech États-uniennes ? du déploiement du capitalisme de surveillance ?
  • des enjeux socio-écologiques : à quoi ça sert ? quels humains ça remplace ? quel est l’impact environnemental des LLM ?
  • des enjeux philosophiques : les LLM sont-ils neutres ? est-ce que ça dépend comment on s’en sert ? ou bien l’automatisation introduite change-t-elle radicalement notre rapport au langage et à la raison ? compléter des textes en utilisant des fonctions statistiques, est-ce penser ? qu’est-ce que l’intelligence ?
  • des enjeux juridiques : est-ce que les LLM respectent le droit d’auteur ? un texte produit avec un LLM est-il une création originale ?

TL;DR

Cet article étant un peu long, cette page en propose un résumé (TL;DR signifiant : « Too Long ; Didn’t Read ») : Résumé du présent article.

Problématique et hypothèse

Problématique

Peut-on continuer à faire faire des exercices rédactionnels « à la maison » comme avant ?

Sans statuer sur la dimension de rupture des LLM — est-ce une nouvelle évolution liée au numérique qui percute le monde de la pédagogie, comme les moteurs de recherche ou Wikipédia avant elle, ou bien une révolution qui va changer radicalement les règles du jeu — il parait nécessaire de réinterroger nos pratiques : « sans sombrer dans le catastrophisme, il serait tout aussi idiot de ne pas envisager que nous sommes une nouvelle fois devant un changement absolument majeur de notre manière d’enseigner, de transmettre, et d’interagir dans un cadre éducatif, a fortiori lorsque celui-ci est asynchrone et/ou à distance. ( Ertzscheid, 2023 [6]) »

Hypothèse

L’automatisation permise par les LLM rend raisonnable une triche automatisée dont le rapport coût/bénéfice est beaucoup plus avantageux qu’une triche manuelle.

De nombreux modules universitaires comportent des exercices rédactionnels à réaliser chez soi. Ces travaux sont généralement évalués et cette évaluation compte pour la validation du module et donc in fine, pour l’attribution d’un diplôme.

  • Dans certains contextes, il n’y a pas d’évaluation en présentiel sans ordinateur et donc la totalité de la note peut bénéficier d’une « aide extérieure ».
  • Souvent à l’université la présence et/ou la participation effective des étudiants lors des cours et TD n’est pas elle-même évaluée, et parfois il n’y a pas d’examen classique, en conséquence un étudiant a la possibilité de valider un cours sans y assister en produisant des rendus écrits qualitatifs à domicile.

Cette situation pré-existe à l’arrivée des LLM, mais nous faisons l’hypothèse suivante :

  • sans LLM il reste un travail significatif pour se faire aider par un humain ou copier des contenus glanés sur le Web ;
  • sans LLM il reste un risque important d’une production de qualité insuffisante (l’humain qui a aidé ou fait à la place n’est pas assez compétent, les contenus Web copiés ont été mal sélectionnés, ou mal reformulés, etc.) ;
  • avec un LMM il est possible de produire un écrit standard sans aucun effort, pour exemple la copie de philo évaluée à 11 a été produite en 1,5 minute ( Lellouche, 2023 [3]).

Triche ?

J’utilise le terme de triche car si la consigne est de produire un texte original soi-même alors le faire produire par un tiers est de la triche. L’existence d’un moyen simple pour réaliser un exercice n’est pas en soi une autorisation à l’utiliser dans un contexte d’apprentissage. C’est similaire à ce qu’on peut trouver dans un contexte sportif par exemple, si vous faites une course à vélo, vous ne devez pas être aidé d’un moteur électrique.

LLM et moteurs de recherche : différence de degré ou de nature ?

J’écrivais en 2015 à propos de l’usage des moteurs de recherche ( Le syndrome de la Bibliothèque de Babel) : « La question intéressante qui se pose aux pédagogues n’est tant de savoir si l’élève va copier ou pas, s’il va « tricher ». La question est de savoir comment maintenir un travail d’élaboration d’une démarche et de production sensément originale et personnelle qui repose explicitement sur une recherche – donc une recherche sur le web – alors que la réponse à la question posée s’invite sur l’écran, formulée très exactement telle qu’attendue. C’est à peine une simplification en l’espèce de dire que la réponse a été jointe à la question, par celui même qui a posé cette question. »

Les LLM font sauter cette barrière : là où les moteurs de recherche permettaient une réponse facile à une question récurrente, les LLM permettent une réponse immédiate à une question originale.

L’évaluation de tout travail avec un ordinateur

Notons que le problème se pose pour tous les travaux rédactionnels avec ordinateur, même en présentiel ou en synchrone. En effet dès lors que l’on veut que nos exercices s’appuient sur un accès à un traitement de texte, des recherches Web ou d’autres outils numériques, alors ils ouvrent l’accès aux LLM.

Il existe des solutions humaines ou techniques de surveillance des examens pour ouvrir l’accès à certains outils seulement, mais d’une part elles posent des problèmes pratiques, éthiques et juridiques, et d’autre part les LLM s’introduisent progressivement au sein des autres outils, ainsi par exemple le moteur de recherche.

Les LLM et les étudiants

Les LLM sont utilisés par les étudiants

Lors de mes cours du semestre dernier (mars à juillet 2023), j’ai rencontré plusieurs cas d’usage de LLM.

  • Ces cas s’apparentent à de la triche.
  • Les étudiants n’ont pas facilement admis leur usage (allant dans certains cas jusqu’à nier des évidences).
  • Ce sont des cas d’usages stupides de la part des étudiants, car non nécessaires pour la validation du cours, sans intérêt du point de vue pédagogique, et facilement détectables.

On peut retenir les arguments principaux revendiqués par les étudiants :

  • Le gain de temps (même si je sais faire, « flemme » ou « retard »).
  • La nécessité de ne pas échouer et la peur d’être pénalisé sur le niveau d’expression écrite.
  • Le fait de ne pas être « sûr » de tricher (ce n’est pas explicitement interdit).

Des étudiants qui n’utilisent pas encore les LLM pour les exercices rédactionnels les utilisent plus facilement pour la traduction automatique.

UTC : Un premier étudiant utilise ChatGPT (IS03)

Au sein du cours de l’UTC IS03 («  Low-technicisation et numérique »), les étudiants doivent réaliser des notes de lecture sur la base d’articles scientifiques. Un étudiant étranger non-francophone utilise grossièrement un LLM (probablement ChatGPT) pour produire en une semaine le résumé de plusieurs dizaines de pages de lectures d’articles scientifiques difficiles et de rapports longs. J’avais donné une liste de plusieurs lectures possibles, mais n’attendais évidemment des notes que concernant un ou deux documents.

Il faut plusieurs minutes de discussion pour qu’il reconnaisse ne pas être l’auteur des notes. Mon premier argument étant sur le niveau de langue obtenue (aucune faute, très bonne expression…) l’étudiant commencera par reconnaître qu’il utilise des LLM pour corriger son français (on verra que cette « excuse » sera souvent mobilisée). Sur le volume de travail fournit, il reconnaît alors utiliser des LLM pour « résumer ».

In fine, il se justifiera en affirmant qu’il n’a pas utilisé ChatGPT mais d’autres outils (ce qui est très probablement faux, mais en l’espèce n’a pas beaucoup d’importance).

C’était un cas tout à fait « stupide », l’étudiant avait produit des notes sur près d’une dizaine de rapports et articles, sous-tendant plusieurs heures de lectures scientifiques et autant de résumés, et avait produit des énoncés sans aucune faute, tout cela en maîtrisant mal le français.

UTC : 6 cas identifiés lors de l’Api Libre Culture

Une Activité Pédagogique d’Intersemestre (Api) est un cours que les étudiants choisissent au lieu de partir en vacances, en général par intérêt, dont les conditions d’obtention sont faciles : les étudiants sont en mode stage pendant une semaine (ils ne suivent que l’Api) et leur présence régulière suffit en général pour valider le cours et obtenir les 2 crédits ECTS associés. Un devoir individuel était à réaliser sur machine pour clôturer l’Api Libre Culture de juillet 2023. Il consistait essentiellement en un retour personnel sur la semaine de formation.

Lors de ce devoir de fin d’Api, 6 étudiantes et étudiants (parmi 20 participants en tout) ont mobilisé de façon facilement visible un LLM (ChatGPT ou un autre). Pour 4 d’entre eux c’était un usage partiel (groupe 1), pour 2 d’entre eux un usage massif pour répondre à certaines questions (groupe 2). J’ai communiqué avec ces 6 personnes par mail.

3 des étudiants du groupe 1 ont avoué spontanément, en s’excusant, conscients donc d’avoir certainement transgressé les règles de l’examen. La 4e personne a reconnu les faits après que j’ai insisté (envoi d’un second mail en réponse à un premier mail de déni).

Pour les 2 étudiants du groupe 2 :

  • le premier n’a reconnu les faits qu’après plusieurs mails et que je lui aie montré l’historique d’un pad (traitement de texte en ligne) qui comportait un copie/coller évident de ChatGPT.
  • le second, étudiant étranger parlant très bien français, n’a jamais vraiment reconnu les faits, s’en tenant à un usage partiel « pour s’aider en français » (loin de ce que j’ai constaté).

À noter qu’aucun étudiant ne niait avoir utilisé un LLM, leur défense était un usage non déterminant pour s’aider à formuler des choses qu’ils avaient produites eux-mêmes.

Pour les deux étudiants du groupe 2, j’ai décidé de ne pas valider l’Api, ils n’ont donc pas eu les crédits qu’ils auraient eu facilement en me rendant un travail de leur fait, même de faible niveau. Ils n’ont pas contesté ma décision, l’un des deux précisera même : « d’autant plus que j’ai déjà les compétences du fait du cours suivi dans un semestre précédent ».

Un étudiant en Nouvelle-Zélande reconnaît utiliser ChatGPT

« In May, a student in New Zealand confessed to using AI to write their papers, justifying it as a tool like Grammarly or spell-check : “I have the knowledge, I have the lived experience, I’m a good student, I go to all the tutorials and I go to all the lectures and I read everything we have to read but I kind of felt I was being penalised because I don’t write eloquently and I didn’t feel that was right,” they told a student paper in Christchurch. They don’t feel like they’re cheating, because the student guidelines at their university state only that you’re not allowed to get somebody else to do your work for you. GPT-3 isn’t “somebody else”—it’s a program. » ( Marche, 2022 [1] )

On note les deux arguments principaux produits :

  • je l’utilise car je ne suis pas très fort à l’écrit et je ne trouve pas normal que cela ma pénalise ;
  • ce n’est pas clairement interdit à l’université.

J’ai interviewé des collégiens et lycéens

  • ChatGPT est déjà utilisé au collège et au lycée : surtout par les « mauvais » élèves (selon les bons élèves)…
  • …et par les bons élèves occasionnellement, mais pour une « bonne raison » : manque de temps, difficultés rencontrées, etc.
  • Des outils d’IA dédiés à la traduction sont plus largement utilisés, y compris par les bons élèves.
  • À l’école « l’échec c’est mal » donc le plus important est de rendre un bon devoir (voire un devoir parfait).

Interviews de 6 collégiens et lycéens à propos des LLM

Les LLM sont capables d’avoir de bonnes notes

A à un exercice rédactionnel à l’UTC

Cet article fait suite à «  Turcs mécaniques ou magie noire ? » un autre article écrit en janvier sur la base d’un test de ChatGPT à qui j’avais fait passer un de mes examens. Pour mémoire ChatGPT obtenait selon ma correction 14/15 à cet examen second, égalité donc avec les meilleurs étudiants du cours.

B+ à un exercice rédactionnel en Grande-Bretagne

En mai 2022, Mike Sharples utilise le LLM [2] GPT-3 pour produire une rédaction dans le cadre de son cours de pédagogie ( Sharples, 2022 [7] ). Il estime qu’un étudiant qui aurait produit ce résultat aurait validé son cours. Il en conclut que les LLM sont capables de produire des travaux rédactionnels du niveau attendu des étudiants et qu’il faut revoir nos façons d’évaluer (et même, selon lui, nos façons d’enseigner).

Le journaliste et écrivain qui rapport l’expérience dans The Antlantic attribue un B+ à la rédaction mise à disposition par Mike Sharples ( Marche, 2022 [1] ).

11 au bac de philo

ChatGPT s’est vu attribué la note de 11/20 par une correctrice (qui savait qu’elle corrigeait le produit d’une IA) au bac de philosophie 2023. Le protocole n’est pas rigoureux, mais le plus important, comme le note l’article de Numerama ( Lellouche, 2023 [3] ) c’est que le texte produit est loin d’être nul, alors même que le LLM n’est pas spécifiquement programmé pour cet exercice. Un « GPTphilo » aurait indubitablement obtenu une meilleure note, et la version 2024 aura progressé. Probablement pas assez pour être capable de réaliser de vraie productions de philosophe, mais certainement assez pour être capable de rendre caduque un tel exercice d’évaluation (s’il était réalisé à distance avec un ordinateur).

66 % de réussite dans le cadre d’une étude comparative

Farazouli et al. ( 2023 [8] ) ont mené un travail plus rigoureux pour évaluer dans quelle mesure ChatGPT est capable de réussir dans le cadre de travaux réalisés à la maison, et quelles conséquences cela a sur les pratiques d’évaluation. 22 enseignants ont eu à corriger 6 copies dont 3 étaient des copies ChatGPT et 3 des copies d’étudiants ayant préalablement obtenu les notes A, C et E (pour 4 de ces enseignants, ils n’avaient que 5 copies dont 2 écrites avec ChatGPT).

« ChatGPT achieved a high passing grade rate of more than 66 % in home examination questions in the fields of humanities, social sciences and law. »

Dont :

  • 1 travail noté A sans suspicion que c’était une copie ChatGPT ;
  • 4 rendus notés B, dont 1 seul était suspecté d’avoir été réalisé avec ChatGPT.

On observe des disparités assez importantes en fonction des domaines :

Les notes obtenues par ChatGPT ont été meilleures en philosophie et en sociologie et moins bonnes en droits et en éducation
F E D C B A
Philosophie 3 2 7 6 3 0
Droit 9 4 0 2 0 0
Sociologie 6 6 1 1 3 1
Éducation 5 2 0 1 0 0

Remarque

On observe une grande disparité dans les évaluations d’un même travail (humain ou ChatGPT) par des évaluateurs différents (de F à A), ce qui interroge sur le protocole suivi et/ou sur la nature même de l’évaluation.

Corriger c’était déjà chiant…

La plupart des enseignants s’accordent sur le fait que le plus ennuyeux dans leur métier est la correction des travaux étudiants. Savoir que l’on corrige potentiellement des travaux qui n’ont même pas été produits par les étudiants est tout à fait démobilisant…

« La question c’est celle d’une dilution exponentielle des heuristiques de preuve. Celle d’une loi de Brandolini dans laquelle toute production sémiotique, par ses conditions de production même (ces dernières étant par ailleurs souvent dissimulées ou indiscernables), poserait la question de l’énergie nécessaire à sa réfutation ou à l’établissement de ses propres heuristiques de preuve. » ( Ertzscheid, 2023 [6] ).

Il est coûteux pour un évaluateur de détecter du ChatGPT

Prenons un exemple, Devereaux ( 2023 [9] ) nous dit qu’il devrait être facile pour un évaluateur de savoir si une source existe ou non. Il prend cet exemple car ChatGPT produit des références bibliographiques imaginaires.

  1. C’est en effet possible, mais ce n’est pas « facile », au sens où si vous avez beaucoup de rédactions avec beaucoup de références à lire, cela demande un travail important et a priori inutile ; lors de la correction de l’exercice de ChatGPT ( Turcs mécaniques ou magie noire ?), je me suis moi-même « fait avoir » y compris avec un auteur que je connaissais très bien : je ne connaissais pas les ouvrages mentionnés, mais les titres et co-auteurs était crédibles (et l’auteur prolifique !).
  2. C’est aussi un bon exemple de limite conjoncturelle de l’outil, il paraît informatiquement assez facile de coupler un LLM avec des bases de données bibliographiques pour produire des références à des sources qui soient existantes. La détection ne supposera pas seulement de vérifier que la référence existe mais qu’on soit capable de dire à quel point elle est utilisée à propos. Le correcteur se retrouve alors plus proche d’une posture de révision d’article scientifique, ce qui suppose un travail beaucoup plus important, de plusieurs heures contre plusieurs minutes pour la correction d’un travail d’étudiant.

À quoi sert la rédaction à l’école ?

À quoi sert la rédaction à l’école ?

L’exercice rédactionnel est un moyen pour faire travailler un contenu, mais c’est surtout un moyen pour les étudiants d’apprendre à travailler leur raisonnement.

On peut penser que la généralisation de l’usage de LLM conduise à la perte de compétences à l’écrit, mais surtout à la perte de capacités de raisonnement, pour lesquelles l’écrit est un mode d’entraînement

Pourquoi faire écrire ?

Bret Devereaux ( 2023 [9] ) s’est posé la même question — à quoi sert un exercice rédactionnel ( « teaching essay ») — dans le même contexte de l’arrivée de ChatGPT ? Il propose trois fonctions pour cet exercice.

  1. L’exercice est un moyen pour travailler (chercher, lire, explorer, étudier…) un contenu tiers (histoire, idée…) : l’usage de ChatGPT rend l’exercice totalement inutile, mais on peut assez facilement imaginer d’autres façon de faire travailler le contenu.
  2. L’exercice est un moyen d’apprendre à faire des rédactions : l’usage de ChatGPT rend aussi l’exercice inutile, mais une part importante des étudiants n’aura plus à produire de rédaction en dehors de l’école.
  3. L’exercice est un moyen d’apprendre à mettre en forme des idées par écrit. Ici encore l’usage de ChatGPT rend l’exercice inutile, puisque bien entendu, le résultat final obtenu n’a aucune importance (le contenu sera détruit après usage), et que seul compte le processus suivi (analyse des idées, organisation…). On peut considérer que l’usage d’un LLM est ici plus dommageable en ce sens qu’apprendre à penser via l’exercice rédactionnel est un processus d’apprentissage assez fondamental.

Exemple

Un étudiant qui a utilisé ChatGPT pour un exercice rédactionnel à l’UTC m’a transmis un de ses exemples d’usage, pour me montrer qu’il n’avait pas « triché » puisque le contenu venait de lui.

Il a ainsi donné en entrée à ChatGPT le texte suivant : « Le droit d’auteur, est une licence qui protège les œuvres artistiques et intellectuelles, genre les bouquins, les musiques, les films ou les tableaux. Ça donne aux créateurs le pouvoir de décider comment on peut utiliser, copier ou diffuser leur travail, et ça leur assure d’être reconnus comme ceux qui l’ont créé. »

Si l’on demande une reformulation à ChatGPT on obtient : « Le droit d’auteur est une forme de protection légale qui s’applique aux œuvres artistiques et intellectuelles, telles que les livres, la musique, les films et les œuvres d’art. Il accorde aux créateurs le pouvoir de contrôler l’utilisation, la reproduction et la diffusion de leur travail, tout en garantissant qu’ils soient reconnus en tant que créateurs de ces œuvres. »

On observe une correction de style, mais aussi une correction de fond. Le droit d’auteur n’est pas une « licence » (cette phrase n’a pas de sens) comme l’écrit l’étudiant, mais bien « une forme de protection légale » . En outre le même texte écrit avec beaucoup de fautes ressortira parfaitement écrit en français (l’étudiant qui m’écrivait avait certainement déjà corrigé préalablement son texte car le mail qui l’accompagnait comportait beaucoup de fautes d’orthographe et de formulation).

Si ChatGPT peut l’écrire, ça ne sert à rien ?

Un argument que produit Bret Devereaux et pas mal d’autres commentateurs devant les résultats obtenus par ChatGPT est le suivant : si une machine y arrive c’est que l’exercice est sans intérêt. « If your essay prompt can be successfully answered using nothing but vague ChatGPT generated platitudes, it is a bad prompt » ( Devereaux, 2023 [9] ).

C’est discutable :

  • Cette assertion suppose que l’exercice n’avait pas de sens en soi, même s’il était pratiqué avec intérêt avant, et la preuve qui est donnée est qu’une machine peut le faire. On peut faire l’analogie avec le fait de s’entraîner à faire de la course à pied à l’ère de la voiture (des arts martiaux à l’ère du fusil, du jardinage à l’ère de l’agriculture industrielle, etc.), ce n’est pas parce qu’une machine peut réaliser une tâche qu’il est inutile pour un humain de s’entraîner à la réaliser.
  • Farazouli et al. ( 2023 [8]) relèvent que les qualités mise en avant par les évaluateurs après correction de copies produites par ChatGPT étaient notamment : la qualité du langage, la cohérence, et la créativité. Dans certains contextes les productions de ChatGPT ne sont donc pas évaluées comme médiocres.

Ce que ChatGPT ne fait pas bien

À l’inverse Farazouli et al. ( 2023 [8] ) ont identifié des lacunes dans l’argumentation, le manque de références au cours et au contraire la présence de contenus extérieurs au cours.

La faiblesse argumentative est peut-être un défaut intrinsèque au sens où la mécanique statistique des LLM ne serait pas capable de simuler certains raisonnements. En revanche on note que le manque de références au cours et la présence de références extérieures est discutable (ça peut rester un moyen de détecter, mais c’est un assez mauvais objectif en soi).

  • En premier cycle universitaire on ne souhaite pas en général cette relation étroite au cours (il existe plusieurs approches, et un étudiant qui ferait le travail par lui-même serait tout à fait dans son rôle).
  • En second cycle, cela peut être le cas lorsque le cours porte sur un domaine en lien avec la recherche de l’enseignant typiquement. Mais la recherche est en général publiée et le LLM peut tout à fait être entraîné sur ces données et donc « connaître » ce domaine.

À quoi servent les évaluations à l’école ?

L’évaluation joue un double rôle : l’évaluation formative sert à guider l’apprenant (elle a vocation à lui rendre service), tandis que l’évaluation sommative joue un rôle de certification (elle a vocation à rendre service à un tiers).

Or on est souvent en situation de confusion de ces deux fonctions et cela conduit l’apprenant à se comporter comme s’il était en situation d’évaluation sommative et à chercher à maximiser ses résultats.

On note en particulier :

  • la fonction de classement entre les élèves des notes ;
  • la confusion entre l’exercice rédactionnel comme moyen (c’est le processus qui compte) ou comme fin (c’est le résultat qui compte).

Certifier ou réguler ? (confusion des temps)

L’évaluation peut poursuivre trois fonctions ( Hadji, 1989 [10]) :

  • Certifier (évaluation sommative) afin de statuer sur les acquis, valider un module de cours, délivrer un diplôme ; cette évaluation se situe après la formation.
  • Réguler (évaluation formative) afin de guider l’apprenant dans son processus d’apprentissage ; cette évaluation se situe pendant la formation.
  • Orienter (évaluation diagnostique) afin d’aider à choisir les modalités d’étude les plus appropriées en fonction des intérêts, des aptitudes et de l’acquisition des pré-requis ; cette évaluation se situe avant la formation (et en cela l’évaluation diagnostique se distingue bien de l’évaluation sommative en ce qu’elle se place avant la formation du point de vue de l’évaluateur).

« L’évaluation survient souvent à un moment trop précoce par rapport au processus d’apprentissage en cours ( Astofi, 1992 [11]) ».

C’est un défaut du contrôle continu, arrivant tôt, dès le début du cours même, il nous place d’emblée en posture sommative. Celui qui ne sait pas encore faire est donc potentiellement stressé par l’évaluation dont il refuse ou minore la dimension formative.

Entraîner ou arbitrer ? (confusion des rôles)

« Les fonctions d’entraîneur et d’arbitre sont trop souvent confondues. C’est toujours celle d’entraîneur dont le poids est minoré. ( Astofi, 1992 [11]) »

« Il reste à articuler les deux logiques de l’évaluation, dont l’une exige la confiance alors que l’autre oppose évaluateur et évalué ( Perrenoud, 1997 [12]) ».

Cette confusion des temps entraîne une confusion des rôles : l’enseignant est toujours de fait un certificateur, celui qui permet la validation du cours, la poursuite des études, l’orientation…

Se faire confiance

La question de la confiance au sein de la relation apprenant-enseignant était également relevée par Farazouli et al. ( 2023 [8] ) qui insistait sur la dégradation potentielle introduite par les LLM :

« The presence of AI chatbots may prompt teachers to ask “who has written the text ?” and thereby question students’ authorship, potentially reinforcing mistrust at the core of teacher–student relationship »

Évaluation des compétences

Philippe Perrenoud ( 1997 [12]) défend une approche par compétences qui s’écarte d’une « comparaison entre les élèves » pour se diriger vers une comparaison entre « ce que l’élève a fait, et qu’il ferait s’il était plus compétent ». L’auteur souligne que ce système est moins simple et moins économique : « l’évaluation par les compétences ne peut qu’être complexe, personnalisée, imbriquée au travail de formation proprement dit ». Il faut, nous dit-il, renoncer à organiser un « examen de compétence en plaçant tous les concurrents sur la même ligne ».
Cet éloignement à la fonction de classement est intéressante à interroger. La fonction de classement des évaluations n’est pas, en général, revendiquée comme telle, mais elle persiste à travers les notes (A, B, C, D, E), la courbe de Gauss attendue de la répartition de ces notes, le taux de réussite, d’échec, de A. Ces notes ont également une fonction de classement pour l’accès à des semestres d’étude à l’étranger par exemple, ou pour des stages.

Il ne s’agit donc pas seulement de la fonction formative et de l’apprenant face à sa note.

La tâche n’est qu’un prétexte

« La tâche n’est qu’un prétexte », nous rappelle Philippe Meirieu ( Meirieu, 2004 [13]), pour s’exercer en situation d’apprentissage ou pour vérifier qu’on a acquis certaines habiletés.

Il est déterminant de différencier les deux situations :

  • dans le premier cas on peut travailler à apprendre avec l’apprenant sans se focaliser sur ce qu’on produit ;
  • dans le second, en revanche, cas l’énergie de l’apprenant est concentrée sur le résultat, il cherche à se conformer aux attentes de l’évaluation.

On oublie que la tâche n’est qu’un prétexte, le « livrable » qu’on demande est un outil et non un objectif, dans l’immense majorité des cas la dissertation ne sera pas lue pour ce qu’elle raconte, mais uniquement pour produire une évaluation. La résolution du problème de mathématique ou le compte-rendu d’expérience de chimie ne revêt aucun intérêt en soi, puisque, par construction, le lecteur connaît déjà la réponse. C’est à la fois une évidence et quelque chose que le processus évaluatif fait oublier, et in fine, c’est bien au résultat qui est produit que l’étudiant, comme souvent l’enseignant, prête attention, plutôt qu’au processus d’apprentissage.

Évaluation des moyens mis en œuvre et non d’un niveau atteint

À travers l’étude des travaux de Joseph Jacotot, Jacques Rancière ( 1987 [14]) propose que ce qui compte n’est pas ce qu’on apprend mais le fait qu’on apprenne et qu’on sache que l’on peut apprendre, avec sa propre intelligence. Le « maître ignorant » n’est pas celui qui transmet le savoir, il est celui qui provoque l’engagement de l’apprenant, qui s’assure qu’il y a engagement. Selon ce dispositif, la notion même d’évaluation sommative n’est pas possible, puisque le maître est ignorant de ce que l’élève apprend (Jacotot enseigne ainsi les mathématiques ou la musique dont il n’a pas la connaissance).

Cette approche pourrait inspirer à l’évaluation un rôle de suivi de l’engagement (présence, travail…) décorrélé de toute évaluation de résultat : présence et participation en cours et en TD. Notons que le système ECTS [15] est déjà basé sur une charge de travail requise (25 à 30 heures pour 1 crédit).

Remise en question de l’évaluation sommative

L’évaluation via des examens et des notes est un processus peu fiable, en témoignent les variations que l’on observe entre différents évaluateurs, et les variations dans le temps observées auprès d’un même évaluateur ( Hadji, 1989 [10]). On peut donc minorer l’importance de la fonction certifiante de certaines notes. Or les notes coûtent cher à produire par le temps et l’attention qu’elles exigent des enseignants et des apprenants.

On peut donc se poser la question du supprimer, ou diminuer, l’évaluation sommative. Cela pour une partie des enseignements au moins, quitte à garder des espaces sommatifs pour répondre à des nécessités de classement ou certification.

Qu’est-ce qu’on peut faire maintenant ?

  • Interdire l’usage des LLM par défaut dans le règlement des études (en sachant que ça va devenir difficile d’identifier quand ils sont mobilisés) ?
  • Utiliser des moyens techniques de détection de fraude (et entrer dans une « course à l’armement ») ?
  • Améliorer nos exercices rédactionnel pour « échapper aux LLM » tout en restant en veille sur ce qu’ils savent adresser de nouveau ?
  • Renoncer aux travaux rédactionnels évalués à la maison ?
  • Évaluer uniquement en fin de module, voire en dehors des modules et/ou procéder à des évaluations de compétence individuelles ?
  • Organiser des évaluations certifiantes en dehors des cours (évaluation de compétences, examens transversaux…) ?
  • Diminuer la pression sur les étudiants et modifier le contrat pédagogique passé avec eux ?
  • Simplifier la notation, ne conserver que les résultats admis ou non admis, pour évacuer toute idée de classement ?
  • Passer d’une obligation de résultat à une obligation de moyen, c’est à dire valider les cours sur la base de la présence ?
  • Ne plus du tout évaluer certains cours (en réfléchissant contextuellement à la fonction de l’évaluation sommative) ?

Interdire ChatGPT ?

« And that’s the thing : in a free market, a competitor cannot simply exclude a disruptive new technology. But in a classroom, we can absolutely do this thing ( Devereaux, 2023 [9]) »

C’est vrai, et le règlement des études peut intégrer cette interdiction a priori. Mais les LLM vont s’immiscer au sein de tous les outils numériques, a commencer par les moteurs de recherche, et cela va être difficile de maintenir l’usage d’outils numériques sans LLM.

mème classique : Bernie Sanders, un vieil homme face caméra sous le titre "les profs" dit : "je vous demande une fois encore de ne pas utiliser chatGPT"

Utiliser des moyens techniques de détection de fraude ?

Des systèmes de contrôle dans le contexte de l’évaluation à distance ou des logiciels anti-plagiat existent, mais :

  • cela pose des problèmes de surveillance et d’intrusion dans les machines des apprenants ;
  • cela suppose une « course à l’armement » entre les systèmes de détection et les systèmes de triche.

Il faut des résultats fiables pour être en mesure d’accuser un étudiant de fraude.

Adapter nos exercices et rester en veille ?

« Likewise, poorly designed assignments will be easier for students to cheat on, but that simply calls on all of us to be more careful and intentional with our assignment design ( Devereaux, 2023 [9]). »

Certains exercices pourront être en effet aménagés pour rendre plus difficile l’usage de LLM. On peut avoir une exigence argumentative plus élevée et/ou poser des questions plus complexes (en réfléchissant à pourquoi on ne le faisait pas avant, ce qui doit être modifié pour atteindre ce nouvel objectif, etc.). On peut augmenter le niveau d’exigence demandé (en réfléchissant au fait que cela puisse exclure des étudiants, au fait qu’il faille relâcher d’autres exercices par ailleurs…).

Mais pour certains exercices ce ne sera pas possible (thème et version en langue par exemple). Et de plus cela implique une logique de veille active entre la conception de ces exercices et l’évolution rapide des capacités des outils qui intégreront des LLM.

Renoncer aux travaux à la maison (ou à leur évaluation)

On peut décider de ne plus évaluer les travaux réalisés à la maison.

On peut alors imaginer plusieurs formes de substitution : retour aux devoirs sur table et sans ordinateur, passage à l’oral…

Évaluer en dehors des cours ?

On peut imaginer :

  • des évaluations certifiantes totalement en dehors des cours (sur le modèle du TOEIC ou du baccalauréat, par exemple pour les langues donc, pour l’expression française, pour des connaissances dans certains domaines, des compétences rédactionnelles…) ;
  • des évaluations certifiantes calées uniquement en fin d’UV (examen final de sortie de cours, avec éventuellement rattrapage, sans plus aucune note intermédiaire) ;
  • des évaluations de compétences individuelles (intéressantes pédagogiquement, mais coûteuses à organiser et demandant des compétences avancées de la part des évaluateurs).

Diminuer la pression sur les étudiants ?

Le contrat ECTS est très exigeant. 30 crédits par semestre c’est 750 à 900 heures attendues de travail en 16 semaines, vacances comprises, soit 45h à 55h par semaine. Plus la pression sur le temps est importante plus la tentation de tricher est grande.

On peut imaginer de renouer un contrat pédagogique d’un autre ordre avec les étudiants, fondé sur la confiance réciproque et la recherche de leur intérêt.

Simplifier la notation (pass or fail) ?

L’UTC a connu un système à 3 notes : « admis », « non admis » et « mention » (équivalent à A). Dans ce système, on prête moins d’attention à la fonction sommative des évaluations. Si un apprenant obtient une note suffisante à un premier examen par exemple, il sait qu’il validera le module et il n’a pas d’intérêt particulier à optimiser ses autres évaluations sommatives.

Sauf à viser un A, mais on peut aussi se passer du A : c’est le cas des Activité Pédagogiques d’Inter-semestre à l’UTC qui sont évaluées juste avec « reçu » ou « non reçu ».

Mème classique avec personnage dégoûté par "corriger des copies d'étudiant⋅es rédigées par des IA", le même ravi par "Demander à des IA de corriger des copies d'étudiant⋅es rédigées par des IA"

Passer d’une obligation de résultat à une obligation de moyen ?

De fait certains cours sont mobilisés pour la validation du diplôme, voire la sélection et le classement des étudiants, et d’autres comptent très peu pour cet objectif en pratique.

Certains cours pourraient donc être exclus du processus d’évaluation sommative (comme en formation professionnelle). On économiserait le temps de travail d’évaluation sommative qui pourrait être réinvesti ailleurs. Quelques étudiants en profiteraient certainement pour « passer au travers » de certains contenus, il faudrait pouvoir évaluer dans quelle mesure cela serait pire qu’aujourd’hui.

Renoncer à noter ? (pourquoi note-t-on ?)

Certains cours, sinon tous, pourraient donc échapper totalement à la notation.

À quelle fin évalue-t-on les étudiants dans une école qui a sélectionné à l’entrée comme l’UTC ?

  • Pour valider que les étudiants ont été « bien » sélectionnés ?
  • Pour les « forcer » à travailler ?
  • Pour faire « sérieux » ?
  • Pour répondre aux demandes d’organismes de certification du diplôme ?

 

réunion de conseil d'administration d'université — nous avons un grave problème : comment allons-nous évaluer les étudiants s'ils fraudent avec un LLM ? — on interdit tout sauf le stylo ? — on les punit ? — on arrête de noter ? Le jeune homme décontracté qui faisait cette dernière suggestion déclenche la fureur de l'animateur de la réunion, qui le passe par la fenêtre de l'immeuble.

Notes et références

[1] – Marche Stephen. 2022. The College Essay Is Dead. in The Atlantic. https://www.theatlantic.com/technology/archive/2022/12/chatgpt-ai-writing-college-student-essays/672371/

[2] – LLM (Large Language Model) : Les grands modèles de langage (ou LLM, pour « Large Language Model ») sont des mécanismes d’Intelligence Artificielle. Une de leurs applications les plus connues est la génération de textes ou d’images. L’ouverture au public de ChatGPT, en novembre 2022, a popularisé cette application. Chaque grande entreprise de l’informatique sort désormais son propre modèle, son propre LLM.

https://framablog.org/2023/07/31/que-veut-dire-libre-ou-open-source-pour-un-grand-modele-de-langage/

[3] – Lellouche Nicolas. 2023. Oubliez Enthoven : ChatGPT a eu la moyenne au bac de philo et c’est ce qui compte, Oubliez Enthoven. in Numerama. https://www.numerama.com/tech/1415146-vous-navez-pas-besoin-de-neurone-pour-avoir-votre-bac-de-philo.html.

[4] – Bortzmeyer Stéphane. 2023. Que veut dire « libre » (ou « open source ») pour un grand modèle de langage ?. https://framablog.org/2023/07/31/que-veut-dire-libre-ou-open-source-pour-un-grand-modele-de-langage/.

[5] – Tiernan Ray. 2020. Qu’est-ce que GPT-3 ? Tout ce que votre entreprise doit savoir sur le programme de langage d’IA d’OpenAIQu’est-ce que GPT-3 ?. https://www.zdnet.fr/pratique/qu-est-ce-que-gpt-3-tout-ce-que-votre-entreprise-doit-savoir-sur-le-programme-de-langage-d-ia-d-openai-39908563.htm.

[6] – Ertzscheid Olivier. 2023. GPT-3 : c’est toi le Chat.GPT-3. https://affordance.framasoft.org/2023/01/gpt-3-cest-toi-le-chat/.

[7] – Sharples Mike. 2022. New AI tools that can write student essays require educators to rethink teaching and assessment. https://blogs.lse.ac.uk/impactofsocialsciences/2022/05/17/new-ai-tools-that-can-write-student-essays-require-educators-to-rethink-teaching-and-assessment/.

[8] – Farazouli Alexandra, Cerratto-Pargman Teresa, Bolander-Laksov Klara, McGrath Cormac. 2023. Hello GPT ! Goodbye home examination ? An exploratory study of AI chatbots impact on university teachers’ assessment practicesHello GPT ! Goodbye home examination ?. in Assessment & Evaluation in Higher Education. vol.0 n°0 pp1-13.https://doi.org/10.1080/02602938.2023.2241676.

[9] – Devereaux Bret. 2023. Collections : On ChatGPTCollections. in A Collection of Unmitigated Pedantry. https://acoup.blog/2023/02/17/collections-on-chatgpt/.

[10] – Hadji C.. 1989. L’évaluation, règles du jeu : des intentions aux outils. ESF.

[11] – Astolfi Jean-Pierre. 1992. L’école pour apprendre : l’élève face aux savoirsL’école pour apprendre. ESF.

[12] – Perrenoud Philippe. 1997. Construire des compétences dès l’école. ESF.

[13] – Meirieu Philippe. 2004. Faire l’école, faire la classe : démocratie et pédagogieFaire l’école, faire la classe. ESF.

[14] – Rancière Jacques. 1987. Le maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelleLe maître ignorant. Fayard.

[15] – ECTS (European Credit Transfer and accumulation System). Le système européen de transfert et d’accumulation de crédits a pour objectif de faciliter la comparaison des programmes d’études au sein des différents pays européens. Le système ECTS s’applique principalement à la formation universitaire. Il a remplacé le système des unités de valeur (UV) jusque-là utilisé en France. wikipedia.org

Bifurquer avec le Collège européen de Cluny

7 septembre 2023 à 09:23

Changer de voie professionnelle pour être plus en phase avec ses valeurs, ça se prépare : le Master of Advanced Studies « Innovation territoriale », organisé conjointement par le Collège européen de Cluny et la prestigieuse Université de Bologne, recrute sa promo 2023-2024 jusqu’au 29 septembre.

Framasoft y anime le module « Se connecter sans exclure » ­dans le cadre de l’UPLOAD1

On y parle culture libre et re-décentralisation d’Internet, bien sûr, mais aussi impact social et environnemental du numérique.

Nous profitons de cette rentrée pour donner un coup de projecteur sur ce post-master riche en promesses qui s’inscrit dans la perspective de bifurcation sociale et environnementale que Framasoft s’efforce d’accompagner.
Il vous reste 3 semaines pour embarquer dans ce chouette train.

logo de établissement : un C jaune comme Cluny au centre de la représentation stylisée de l'abbaye. Texte : Collège européen de Cluny, démocraties locales & innovation

Bonjour Jean-Luc, pourrais-tu d’abord te présenter et nous dire par quelle trajectoire tu en es venu à proposer une formation aussi originale.

photo de Jean-Luc Puech, bras croisés, souriantProfessionnellement, ma formation d’ingénieur m’a conduit vers les domaines de l’énergie et de l’environnement, puis de l’enseignement supérieur. En parallèle, je me suis engagé en citoyen dans l’action publique locale, avec un mandat de maire et trois mandats de président de communauté de communes en milieu rural à Cluny, dans le sud de la Bourgogne.
De cette double expérience, j’ai acquis la conviction que les modes de vie ne changeront que si l’action publique locale invente de nouvelles solidarités, de nouveaux services aux habitants. Et pour cela, la formation des acteurs est indispensable et urgente. Il faut sortir de l’hyper-spécialisation et du prêt-à-penser.

Ah oui en somme, tu as toi-même parcouru plusieurs voies… et c’est ainsi que le Collège européen de Cluny a ouvert sous ta direction un post-master que tu définis comme une formation « pour les bifurqueuses et bifurqueurs ».

Oui, cette formation qui est portée par un établissement à statut associatif, ce qui lui donne une large liberté d’inventer, est ouverte à toutes les personnes titulaires d’un diplôme de niveau master (ou disposant d’une expérience professionnelle équivalente), qui veulent donner un autre sens à leur parcours professionnel : sortir du carcan du monde d’avant, regarder en face les défis du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, du creusement des inégalités territoriales et sociales, pour contribuer à tracer des chemins d’avenir par l’intelligence collective.

Voilà des perspectives et de nobles objectifs mais qui pourraient sembler un peu idéalistes… Pour donner des exemples concrets, peux-tu parler de personnes qui ont bénéficié de la formation l’année dernière, et dire dans quoi elles se sont engagées ensuite ?

Dans la première promotion, nous avons eu à la fois des profils de personnes qui venaient d’obtenir leur master et souhaitaient ouvrir leurs horizons, et d’autres qui après quelques années d’activité professionnelle décevante, souhaitaient se réorienter vers l’action publique à l’échelle des territoires.
Ainsi par exemple, Arnaud n’en pouvait plus de servir une société de services informatiques, le Master of advanced studies lui a permis de devenir développeur de projets d’énergie renouvelable en collectivité locale, Mathilde, juriste de l’environnement se consacre désormais à un pôle territorial d’économie circulaire. Clément, kiné, préfère travailler à l’issue de sa nouvelle formation sur la mobilité douce en milieu rural plutôt que de réparer les dégâts de modes de vie déséquilibrés.

Ça pourrait bien donner des idées aux lectrices et lecteurs du Framablog… Mais pour le contenu de la formation, quels sont les cours et ateliers qui sont proposés ?
La formation est structurée en deux types de modules, organisés chacun sur deux jours et demi par semaine :

  • Des modules qui portent sur des enjeux sectoriels :
    • se nourrir local,
    • se déplacer bas-carbone,
    • gérer l’énergie et le climat,
    • habiter l’existant, vivre avec le vivant,
    • se connecter sans exclure, etc.
  • Des modules méthodologiques :
    • mobiliser l’intelligence collective,
    • mobiliser le design pour l’innovation publique,
    • agir en citoyen local, régional, national, européen et global face à l’anthropocène, etc.

Dans ces modules, on alterne analyse théorique, expérimentation sur le terrain et rencontre avec des acteurs locaux.

groupe d'étudiants et étudiantes autour d'une table blanche ovale, photo prise au Collège européen de Cluny

Ah donc les participants et participantes font aussi l’expérience du terrain avec des projets ou stages ?

Oui, la formation comporte une période de conduite de projet territorial innovant, en collectivité, en association ou en entreprise, comme travailler avec les ados d’un territoire à l’évolution de leurs pratiques de mobilité, animer un collectif d’artisans et d’artistes dans la revitalisation d’une friche hospitalière pour en faire un lieu de partage de compétences, accompagner une intercommunalité dans la valorisation de ses ressources en bois local, etc.

Par ailleurs, la formation est en partenariat avec l’Université de Bologne, qu’est-ce que ça signifie au juste ?

Eh bien, le diplôme obtenu est un diplôme de l’université de Bologne et du Collège européen de Cluny. Le premier mois de formation (en novembre) a lieu à l’université de Bologne, sur son campus situé à Ravenne‎. Les cours y sont donnés en anglais par des professeurs de l’Université de Bologne. La suite de la formation, de décembre à mars a lieu à Cluny, sur le campus Arts et Métiers, au sein de l’ancienne abbaye, par des enseignants-chercheurs et des acteurs des territoires français. Le projet d’innovation en immersion professionnelle se déroule de mars à juillet.
logo de l'université de Bologne. dans un cachet rond : alma mater studiorum, A.D. 1088 avec au centre une gravure médiévale. reprise du texte latéralement + "Università di Bologna"

Les frais de scolarité sont assez importants, mais vous vous démenez pour proposer des solutions à celles et ceux qui ont peu de moyens, dans une démarche d’ouverture et d’inclusion.

Les droits de scolarité sont de 5000 € pour le diplôme conjoint avec l’Université de Bologne. Mais d’une part nous avons organisé une souscription populaire : des dons de citoyens permettent de donner un coup de pouce aux personnes qui auraient du mal à boucler le budget, d’autre part l’organisation du cursus à raison de 2,5 jours par semaine sur 6 mois est compatible avec une activité à temps partiel. Et le Collège européen est en contact avec les employeurs locaux, qui recherchent des équipiers : secteur sanitaire et social, artisanat, hospitalité, mobilité. Ces activités peuvent être elles-mêmes une riche expérience contribuant à la réflexion sur la nécessité de changer les modes de vie et les services.

Pour finir, quelle formule magique tu proposerais pour convaincre quelqu’un de s’inscrire dès cette promo ? « Il y a urgence » ? « Engagez-vous » ?

mmmh, disons :

N’attends pas le monde d’après, donne-toi les moyens de participer à son invention !

 

personnage à droite un peu prétentieux : "j'ai bifurqué, j'étais chez Total, mais l'énergie c'est mort. Je me suis inscrit en master "IA et finance internationale", c'est pas évident hein, mais faut bien sauver sa gueule." deuxième personnage, une femme souriante : " ah moi aussi j'ai bifurqué, je suis le post-master de Cluny, on se forme à innover autrement : intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à l'échelle du territoire… faut bien essayer de sauver le monde !

~~~~~~

  • En savoir plus ? Tous les détails nécessaires figurent dans la plaquette de l’établissement
  • … et Framasoft dans tout ça ?
Se connecter sans exclure, un module animé par Framasoft.
Le développement rapide du numérique (médias sociaux, services en ligne, intelligence artificielle…) ouvre des opportunités, mais il génère également des situations douloureuses (exclusion, dépendance, prolétarisation…). Il pose également des questions environnementales complexes, loin de la promesse originelle de la dématérialisation.
Le cours permet de questionner les principales conséquences économiques, sociales et environnementales de l’usage du numérique, à partir de constats actuels et de projections à court et moyen terme. On se penche sur des questions éthiques (accès à l’administration, illettrisme numérique, vie privée, croissance exponentielle…) en partageant des exemples (politiques publiques, initiatives citoyennes, recherches et formations…) pour anticiper et surmonter les risques qui accompagnent la révolution numérique.–> Le détail du module

Berlin, March 2023 : Diary of the first ECHO Network study visit

Par : Framasoft
27 juin 2023 à 08:09
From 27 to 31 March 2023, the first study visit of the European project ECHO Network took place in Berlin. This report looks back on this week of exchange on the theme of « Young people, social networks and political education« , organised by the Willi Eichler Academy.

As a reminder, the participants in the ECHO Network exchange come from 7 different organisations in 5 European countries : Ceméa France, Ceméa Federzione Italia, Ceméa Belgium, Willi Eichler Academy (Germany), Solidar Foundation (European network), Centar Za Mirovne Studije (Croatia), Framasoft (France). Around twenty people took part in the study visit.

It’s a chilly spring in Berlin !

It’s a long way to Berlin !

In order to promote the values of the Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network project, the Framasoft participants wanted to travel to Berlin by train. So Monday and Friday of this exchange week were dedicated to transport.

The day of departure was a national strike day in Germany (where a rail strike = no trains running !). As a result, only 3 of the 4 Framasoft members who had planned to take part in the project were able to make it.

When you think of trains, you think of time, where transport is an integral part of the journey. In fact, it takes 9 hours by train from Paris, or even 13 hours from Nantes… And you should add 1 or 2 hours (or even half a day) for « contingency management » (delays, cancellations, changes of train). Travelling to Germany by train was an adventure in itself (and the feeling seems to be shared !).

Tuesday 28 March : Discoveries and visits off the beaten track

After a brief meeting with the first participants the day before, Tuesday will continue with the aim of getting to know each other (arrivals will continue throughout the day due to changes in the itinerary caused by the strike the day before).

Tuesday morning will begin with a visit to the Jewish Cemetery of Berlin-Weißensee, the largest Jewish cemetery in Europe. Nature takes over in this historic place.

Weißensee Jewish cemetery, between nature and history

In the afternoon we visit a former Stasi prison, Berlin-Hohenschönhausen. This visit made a particularly strong impression on us : the site was created by former prisoners, the prison wasn’t closed until 1990, and many of the people who tortured prisoners were never brought to justice. In short, a dark page of history, but one that needs to be shared (we recommend the visit !)…

The day will end with a convivial meal in a traditional restaurant.

Wednesday 29 March : young, old and social networks

From Wednesday, we were welcomed at the Brillat-Savarin cookery school for our exchanges, workshops and talks.

The chandelier in the entrance hall of the cookery school is just right !

Discussion : What do we think about social networks in our organisations ?

The first workshop was a round-table discussion in which each participant shared his or her use of and views on social networks, and in particular TikTok, the medium that will be used in the following workshop.

To summarise :

  • There is little use of social media from a personal point of view in the group.
  • On the other hand, the majority of the group use social media to promote their organisation’s activities (Facebook, Twitter, Instagram and Mastodon).
  • No one in the group uses TikTok, which poses a problem for understanding this social media.
  • As part of their organisation’s activities, the majority of the group would like to reach out more to young people and it seems interesting to find them where they are, i.e. on social media.
  • The group fully agreed that social media are not neutral tools and try to monopolise the attention of their users.

This time of exchange therefore allowed us to see that we share the same values, difficulties and desires when it comes to social media. However, we felt that the ‘one at a time’ format lacked some dynamism in the exchanges and the opportunity for several people to discuss.

Feedback from a student workshop : raising awareness of social issues in a TikTok video

Alongside our morning discussions on social media, 2 groups of students from the Brillat-Savarin school worked on a video project. They had to produce a TikTok video (one per group) to show the impact of the European Union (1st group) and climate change (2nd group) on their work as chefs. The videos were shown to us (incredible quality in 2 hours of work !) and then we exchanged views on the topic.

What we took away from this workshop :

  • The students were between 18 and 22 years old and did not use TikTok. According to the students, this social network is aimed at people younger than them (« young » is too broad a term !). However, they had mastered the codes of the platform as they were regularly exposed to TikTok content on other platforms such as Instagram and YouTube.
  • In any case, they wouldn’t necessarily want to use a social network to watch political content, preferring a more recreational use of the network (like watching videos of kittens !), even if they claim to be political.
  • They found it particularly interesting to get a message across in videos and to question themselves on issues that directly affect them.

It was an interesting experiment, even if the plenary discussions did not allow everyone to participate.

Photo of the ECHO Network group and some of the school’s students

Thursday 30th March : Politics and Open Source

Reflect EU&US : the Willi Eichler Academy project

Funded to the tune of €500,000 by Marshall Plan leftovers, Reflect EU&US is a 2-year project (2022-2024) by the Willi Eichler Academy. Its aim ? To organise discussions between students outside the university environment, remotely and anonymously.

Reflect EU&US project logo

Points to remember :

  • The project involves 60 students (30 from the United States and 30 from Germany), with a physical meeting planned at the very end of the project to lift the masks.
  • Topics covered include justice, racism, gender and politics.
  • Following the discussions, a library of documents will be created, which will allow the various sources (texts, articles, videos, podcasts, etc.) to be validated (or not).
  • Anonymity makes it easier to accept contradictory opinions.
  • The management of the groups can be complicated by anonymity, but it is an integral part of the project.

From a technical point of view, the platform is based on the OpenTalk tool and was chosen to provide this space for free exchange, with the creation of coloured cards as avatars, making it possible to guarantee the anonymity of the participants. The choice of open source technologies was made specifically with the aim of reassuring participants so that they could exchange in complete peace of mind. This was followed by a live test of the platform with the students (in German, which didn’t allow us to understand everything !).

Open source meets politics

The afternoon continued with a talk by Peer Heinlein, director of OpenTalk, on « True digital independence and sovereignty are impossible without open source ». You can imagine that we at Framasoft have an opinion on this, even if we don’t feel strongly about it… Discussions with the audience followed on open source software, privacy and data encryption.

The next speaker was Maik Außendorf, representative of the Green Party in the European Parliament. Among other things, we discussed how digital technology can help the ecological transition. We learnt that German parliamentarians do not have a choice when it comes to using digital tools, and that national coherence is difficult to achieve with the decentralised organisation of Germany into Länder.

The study visit ended in a restaurant, where we had the opportunity to talk with a SeaWatch activist, highlighting the common values and reflections of the different organisations (precariousness of associations, the need to propose alternatives to the capitalist world, the need for free and emancipatory digital technologies).

This chandelier will have inspired⋅es (can you see the artistic side too ?).

An intense week !

We were particularly surprised and excited by the common visions shared by the participants and organisations, whether it be about emancipatory digital, the desire to move towards a world that is more like us, where cooperation and contribution move forward, and the question of how to share our messages while remaining coherent with what we defend.

Although the majority of the week was built around plenary workshops, which did not always encourage exchange between participants or spontaneous speaking, the informal times (meals, coffee breaks, walks) made it possible to create these essential moments.

What next for the ECHO network ? The second study visit took place in Brussels from 12 to 16 June. A summary article will follow on the Framablog (but as always, we’ll take our time !).

We couldn’t go to Berlin without visiting the murals on the Berlin Wall : here’s a photo of the trip to round off this article.

 

For further information :

Berlin, mars 2023 : journal de bord de la première visite d’études d’ECHO Network

Par : Framasoft
20 juin 2023 à 04:45

Du 27 au 31 mars 2023, la première visite d’études du projet européen ECHO Network s’est tenue à Berlin. Ce compte rendu retrace cette semaine d’échanges sur la thématique « jeunes, réseaux sociaux et éducation politique », organisée par Willi Eichler Akademy.

Pour rappel, les participant⋅es à l’échange ECHO Network font partie de 7 organisations différentes dans 5 pays d’Europe : Ceméa France, Ceméa Federzione Italia, Ceméa Belgique, Willi Eichler Academy (Allemagne), Solidar Foundation (réseau européen), Centar Za Mirovne Studije (Croatie), Framasoft (France). Cette visite d’études a compté une vingtaine de participant⋅es.

Ambiance fraîche à Berlin pour ce début de printemps !

 

La route est longue jusque Berlin… !

Pour pousser les valeurs du projet Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network (Réseau autour de l’Éthique, les Communs, les Humain⋅es et l’Open-source), les participant⋅es de Framasoft souhaitaient favoriser le train pour se rendre à Berlin. Ainsi, le lundi et le vendredi de cette semaine d’échange étaient banalisés pour le transport.

Les contre-temps faisant partie du voyage, le jour des départs était un jour de grève nationale en Allemagne (où grève ferroviaire = zéro train qui circule !). Ainsi, sur les 4 membres de Framasoft prévu⋅es sur le projet, seul⋅es 3 ont pu se rendre sur place.

Qui dit train dit aussi temps investi, où le transport fait partie intégrante du voyage. En effet, il faut prévoir 9 heures de train depuis Paris, ou encore 13 heures depuis Nantes… Et à cela, il est fortement conseillé d’ajouter 1h ou 2h (voire une demi-journée) de « gestion des imprévus » (retards, annulations, changements de train). Se rendre en Allemagne en train nous a semblé une aventure à part entière (et ce ressenti semble partagé !).

Mardi 28 mars : découvertes et visites hors sentiers touristiques

Après avoir rencontré brièvement la veille les premières et premiers participant⋅es, la journée du mardi continue avec l’objectif de se découvrir les un⋅es les autres (les arrivées se feront au compte-gouttes sur toute la journée suite aux changements d’itinéraire dus à la grève de la veille).

Nous entamons le mardi matin avec une visite du Cimetière juif de Weißensee de Berlin, le plus grand cimetière juif d’Europe. La nature prend le dessus dans ce lieu empreint d’histoire.

Cimetière juif de Weißensee, entre nature et histoire

Nous nous dirigeons ensuite l’après-midi vers une ancienne prison de la Stasi, la prison de Berlin-Hohenschönhausen. Cette visite nous aura particulièrement marqué⋅es : le site a été créé par d’ancien⋅nes prisonnier⋅ères, la prison n’a fermé qu’en 1990, et de nombreuses personnes ayant torturé des prisonnier⋅ères n’ont jamais été jugées. Bref, une page d’histoire sombre mais qu’il est nécessaire de partager (nous conseillons la visite !)…

La journée se terminera par un moment convivial dans un restaurant traditionnel.

 

Mercredi 29 mars : jeunes, moins jeunes et réseaux sociaux

À partir du mercredi, nous étions accueilli⋅es à l’école de cuisine Brillat-Savarin pour nos échanges, ateliers et interventions.

Lustre du hall de l’école de cuisine, on peut dire qu’il est plutôt adapté !

Discussion : on pense quoi des réseaux sociaux dans nos organisations ?

Le premier atelier a été un tour de table où chaque participant⋅e partageait son utilisation et point de vue sur les réseaux sociaux, et particulièrement TikTok, média sur lequel sera utilisé l’atelier suivant.

Ce que l’on peut résumer :

  • Il y a peu d’utilisation des médias sociaux d’un point de vue personnel dans le groupe.
  • Les médias sociaux sont par contre utilisés par la majorité du groupe pour mettre en valeur les actions de son organisation (Facebook, Twitter, Instagram et Mastodon).
  • Personne dans le groupe n’utilise TikTok ce qui pose problème pour comprendre ce média social.
  • Dans le cadre des activités de leur organisation, la majorité du groupe souhaiterait toucher davantage les jeunes et il semble intéressant de les trouver là où iels sont, donc sur les médias sociaux.
  • Le groupe est tout à fait d’accord sur le fait que les médias sociaux ne sont pas des outils neutres et cherchent à monopoliser l’attention de ses utilisateur⋅rices.

Ce temps d’échange a donc permis de voir que nous partageons les mêmes valeurs, difficultés et envies sur les médias sociaux. Cependant, le format « chacun son tour de parole » nous a semblé manquer un peu de dynamisme dans les échanges et de possibilité de discuter à plusieurs.

 

Retour d’atelier d’étudiant⋅es : sensibiliser sur des sujets de société dans une vidéo TikTok

En parallèle de nos échanges du matin sur les médias sociaux, 2 groupes d’étudiant⋅es de la Brillat-Savarin School ont travaillé sur un projet vidéo. Ils devaient produire une vidéo TikTok (une par groupe) pour montrer l’impact sur leur métier de cuisinier⋅ère de l’Union Européenne (1er groupe) et du changement climatique (2ème groupe). Les vidéos nous ont été présentées (incroyable la qualité en 2 heures de travail !), puis nous avons échangé sur le sujet.

Ce que nous retenons de cet atelier :

  • Les étudiant⋅es avaient entre 18 et 22 ans, et n’utilisent pas TikTok . Selon les étudiant⋅es, ce réseau social est tourné pour une cible plus jeune qu’elles et eux (« jeunes » est un terme trop large !). Par contre iels maîtrisaient les codes de la plateformes, étant régulièrement exposé⋅es à du contenu issu de TikTok sur d’autres plateformes telles que Instagram ou YouTube .
  • Iels n’auraient de toute façon pas forcément envie d’utiliser un réseau social pour voir du contenu politique, préférant un usage plus récréatif du réseau (comme regarder des vidéos de chatons par exemple !), même lorsqu’iels se revendiquent politisé⋅es.
  • Iels ont trouvé la démarche particulièrement intéressante de faire passer un message en vidéos, et se questionner sur des sujets les impliquant directement.

L’expérimentation aura été intéressante, même si les échanges en plénière ne permettaient pas l’implication de chacun et chacune.

Photo du groupe d’ECHO Network et quelques étudiant⋅es de l’école

 

Jeudi 30 mars : politique et open source

Reflect EU&US : le projet de la Willi Eichler Akademy

Financé à hauteur de 500k€ par des restes du plan Marshall, Reflect EU&US est un projet sur 2 ans (2022-2024) de la Willi Eichler Akademy. L’objectif ? Organiser des discussions entre étudiant⋅es en dehors du cadre universitaire, à distance et en restant dans l’anonymat.

Logo du projet Reflect EU&US

 

Les points à retenir :

  • Le projet investit 60 étudiant·es (30 des Etats-Unis et 30 d’Allemagne), une rencontre physique est prévue à la toute fin du projet pour lever les masques.
  • Des sujets traités tels que : justice, racisme, genre, politique.
  • Une bibliothèque de documents est alimentée suite aux discussions, permettant de valider (ou non) les différentes sources (textes, articles, vidéos, podcasts, etc).
  • L’anonymat permet plus facilement d’assumer des opinions contradictoires.
  • L’animation des groupes peut être compliquée par l’anonymat, mais fait partie intégrante du projet.

D’un point de vue technique, la plateforme est basée sur l’outil OpenTalk et a été choisie pour avoir cet espace d’échange libre, avec la création de cartes de couleurs comme avatar, permettant de garantir l’anonymat des participant⋅es. Le choix de technologies open-source a été fait spécifiquement dans le but de rassurer les participant⋅es pour qu’iels puissent échanger en toute tranquillité. Un test en direct de la plateforme a suivi avec des étudiant⋅es (en allemand, ce qui ne nous a pas permis de tout comprendre !).

Rencontres entre open source et politique

L’après-midi a continué avec l’intervention de Peer Heinlein, directeur d’OpenTalk, sur le sujet « L’indépendance et la souveraineté numérique réelle sont impossibles sans l’open-source ». Vous vous doutez bien qu’à Framasoft, même si ce n’est pas un aspect qui nous tient à cœur, nous avons un avis sur la question… Des échanges ont suivi avec les participant·e·s sur les logiciels open source, la protection des données personnelles, ou encore le chiffrement des données.

C’est ensuite Maik Außendorf, représentant du Green Party au parlement qui est intervenu. Nous avons, entre autre, échangé sur le numérique pour aider la transition écologique. Nous avons appris que les parlementaires allemand⋅es n’ont pas le choix dans leur utilisation d’outils numériques et qu’une cohérence nationale semble compliquée à mettre en place avec l’organisation décentralisée de l’Allemagne en Länder.

La clôture de la visite d’études a eu lieu dans un restaurant, où nous avons pu notamment échanger avec un activiste de SeaWatch, mettant particulièrement en avant valeurs communes et réflexions partagées entre les différentes organisations (précarisation des associations, nécessité de proposer des alternatives au monde capitaliste, nécessité d’un numérique libre et émancipateur).

Ce lustre nous aura inspiré⋅es (vous aussi vous distinguez un côté artistique ?)

 

Une semaine intense !

Nous avons particulièrement été surpris⋅es et enthousiastes par les visions communes partagées entre participant⋅es et organisations, que ce soit sur le numérique émancipateur, l’envie d’aller vers un monde qui nous ressemble plus, où la coopération et la contribution vont de l’avant et les questionnements sur comment partager nos messages en restant cohérent⋅es avec ce que l’on défend.

Bien que la majorité de la semaine ait été construite sous forme d’ateliers en plénière, ne favorisant pas toujours les échanges entre participant⋅es ou les prises de parole spontanées, les temps informels (repas, pauses café, balades) auront permis de créer ces moments essentiels.

Et la suite d’ECHO Network ? La seconde visite d’études a eu lieu à Bruxelles du 12 au 16 juin. Un article récap’ suivra sur le Framablog (mais comme toujours : on se laisse le temps !).

On ne pouvait pas se rendre à Berlin sans faire un tour par les fresques du mur de Berlin : petite photo de la virée pour boucler cet article.

 

Pour aller plus loin :

Un kit pédagogique proposé par Exodus Privacy

Par : Framasoft
8 juin 2023 à 01:42

À l’heure où dans une dérive policière inquiétante on criminalise les personnes qui veulent protéger leur vie privée, il est plus que jamais important que soient diffusées à une large échelle les connaissances et les pratiques qui permettent de prendre conscience des enjeux et de préserver la confidentialité. Dans cette démarche, l’association Exodus Privacy joue un rôle important en rendant accessible l’analyse des trop nombreux pisteurs qui parasitent nos ordiphones. Cette même association propose aujourd’hui un nouvel outil ou plutôt une boîte à outils tout aussi intéressante…

Bonjour, Exodus Privacy. Chez Framasoft, on vous connaît bien et on vous soutient mais pouvez-vous rappeler à nos lecteurs et lectrices en quoi consiste l’activité de votre association ?

Oui, avec plaisir ! L’association Exodus Privacy a pour but de permettre au plus grand nombre de personnes de mieux protéger sa vie privée sur son smartphone. Pour cela, on propose des outils d’analyse des applications issues du Google Play store ou de F-droid qui permettent de savoir notamment si des pisteurs s’y cachent. On propose donc une application qui permet d’analyser les différentes applications présentes sur son smartphone et une plateforme d’analyse en ligne.

Logo d'exodus privacy, c'est un E

Logo d’Exodus Privacy

Alors ça ne suffisait pas de fournir des outils pour ausculter les applications et d’y détecter les petits et gros espions ? Vous proposez maintenant un outil pédagogique ? Expliquez-nous ça…
Depuis le début de l’association, on anime des ateliers et des conférences et on est régulièrement sollicité·es pour intervenir. Comme on est une petite association de bénévoles, on ne peut être présent·es partout et on s’est dit qu’on allait proposer un kit pour permettre aux personnes intéressées d’animer un atelier « smartphones et vie privée » sans avoir besoin de nous !

Selon vous, dans quels contextes le kit peut-il être utilisé ? Vous vous adressez plutôt aux formatrices ou médiateurs de profession, aux bénévoles d’une asso qui veulent proposer un atelier ou bien directement aux membres de la famille Dupuis-Morizeau ?
Clairement, on s’adresse à deux types de publics : les médiateur·ices numériques professionnel·les qui proposent des ateliers pour leurs publics, qu’ils et elles soient en bibliothèque, en centre social ou en maison de quartier, mais aussi les bénévoles d’associations qui proposent des actions autour de la protection de l’intimité numérique.

Bon en fait qu’est-ce qu’il y a dans ce kit, et comment on peut s’en servir ?
Dans ce kit, il y a tout pour animer un atelier d’1h30 destiné à un public débutant ou peu à l’aise avec le smartphone : un déroulé détaillé pour la personne qui anime, un diaporama, une vidéo pédagogique pour expliquer les pisteurs et une fiche qui permet aux participant·es de repartir avec un récapitulatif de ce qui a été abordé pendant l’atelier.

Par exemple, on propose, à partir d’un faux téléphone, dont on ne connaît que les logos des applications, de deviner des éléments sur la vie de la personne qui possède ce téléphone. On a imaginé des méthodes d’animation ludiques et participatives, mais chacun·e peut adapter en fonction de ses envies et de son aisance !

un faux téléphone pour acquérir de vraies compétences en matière de vie privée

un faux téléphone pour acquérir de vraies compétences en matière de vie privée

Comment l’avez-vous conçu ? Travail d’une grosse équipe ou d’un petit noyau d’acharnés ?
Nous avons été au total 2-3 bénévoles dans l’association à créer les contenus, dont MeTaL_PoU qui a suivi/piloté le projet, Héloïse de NetFreaks qui s’est occupée du motion-design de la vidéo et _Lila* de la création graphique et de la mise en page. Tout s’est fait à distance ! À chaque réunion mensuelle de l’association, on faisait un point sur l’avancée du projet, qui a mis plus longtemps que prévu à se terminer, sûrement parce qu’on n’avait pas totalement bien évalué le temps nécessaire et qu’une partie du projet reposait sur du bénévolat. Mais on est fier·es de le publier maintenant !

Vous l’avez déjà bêta-testé ? Premières réactions après tests ?
On a fait tester un premier prototype à des médiateur·ices numériques. Les retours ont confirmé que l’atelier fonctionne bien, mais qu’il y avait quelques détails à modifier, notamment des éléments qui manquaient de clarté. C’est l’intérêt des regards extérieurs : au sein d’Exodus Privacy, des choses peuvent nous paraître évidentes alors qu’elles ne le sont pas du tout !

aspi espion qui aspire les données avec l'œil de la surveillance

Aspi espion qui aspire vos données privées en vous surveillant du coin de l’œil

 

Votre kit est disponible pour tout le monde ? Sous quelle licence ? C’est du libre ?
Il est disponible en CC-BY-SA, et c’est du libre, comme tout ce qu’on fait ! Il n’existe pour le moment qu’en français, mais rien n’empêche de contribuer pour l’améliorer !

Tout ça représente un coût, ça justifie un appel aux dons ?
Nous avons eu de la chance : ce projet a été financé en intégralité par la Fondation AFNIC pour un numérique inclusif et on les remercie grandement pour ça ! Le coût de ce kit est quasi-exclusivement lié à la rémunération des professionnel·les ayant travaillé sur le motion design, la mise en page et la création graphique.

Est-ce que vous pensez faire un peu de communication à destination des publics visés, par exemple les médiateur-ices numériques de l’Éducation Nationale, des structures d’éducation populaire comme le CEMEA  etc. ?

Mais oui, c’est prévu : on est déjà en contact avec le CEMEA et l’April notamment. Il y a également une communication prévue au sein des ProfDoc. et ce sera diffusé au sein des réseaux de MedNum.

Le travail d’Exodus Privacy va au delà de ce kit et il est important de le soutenir ! Pour découvrir les actions de cette formidable association et y contribuer, c’est sur leur site web : https://exodus-privacy.eu.org/fr/page/contribute On souhaite un franc succès et une large diffusion à ce nouvel outil. Merci pour ça et pour toutes leurs initiatives !

un personnage vêtu de gris assis sur un banc est presque entièrement abrité derrière un parapluie gris. le banc est sur l'herbe, au bord d'un trottoir pavé

« Privacy » par doegox, licence CC BY-SA 2.0.

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