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Échirolles libĂ©rĂ©e ! La dĂ©googlisation (5)

Par : Framasoft
7 avril 2023 Ă  01:42

Voici aujourd’hui le 5e et dernier article que Nicolas Vivant consacre Ă  la dĂ©googlisation de la ville d’Échirolles (si vous avez ratĂ© les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents). Maintenant que les outils sont en place, il est temps d’envisager comment la mutualisation et la dĂ©centralisation conjuguĂ©es pourraient ouvrir de nouvelles perspectives aux citoyens et citoyennes de l’agglomĂ©ration.


Le grand absent de ce rĂ©cit est le travail important entamĂ© sur la rĂ©duction de l’impact environnemental du numĂ©rique. C’est un fil conducteur permanent pour notre action. De nombreuses choses sont faites, mais d’autres dĂ©crivent beaucoup mieux que nous les enjeux, les outils et ce qu’il convient de faire pour avancer. Leur travail nous sert de guide. J’y reviendrai dans un article (modeste et) dĂ©diĂ©.

Voir plus loin pour viser juste

Une vision pour l’avenir, ce n’est pas une prĂ©diction, ni mĂȘme une prĂ©vision. C’est simplement un axe, une direction. C’est ce qui permet, quand deux chemins existent, de faire un choix. Ce n’est Ă©videmment pas une garantie que ce choix soit le bon mais si, Ă  chaque carrefour, une direction existe qui aide Ă  se dĂ©terminer, alors nous gagnons en cohĂ©rence, en rapiditĂ© de dĂ©cision et, finalement, en efficacitĂ©.

Dans un monde oĂč la dĂ©googlisation serait une rĂ©alitĂ©, oĂč les logiciels libres seraient dominants et oĂč transparence et partage des donnĂ©es s’imposeraient comme une Ă©vidence, quel pourrait ĂȘtre l’étape suivante ? Et quelles pierres poser, dĂšs aujourd’hui, qui tendraient vers cet objectif et pourraient orienter notre action ?

La décentralisation comme facteur de résilience

Historiquement, l’internet public est une architecture dĂ©centralisĂ©e. C’est mĂȘme l’une des raisons de sa crĂ©ation : l’interconnexion de rĂ©seaux divers, dans un but de coopĂ©ration. MĂȘme si le rĂ©cit d’un internet construit comme un rĂ©seau permettant de rĂ©sister Ă  une attaque nuclĂ©aire est une lĂ©gende urbaine, les Ă©vĂ©nements rĂ©cents ont permis de vĂ©rifier que la dĂ©centralisation Ă©tait bien l’une des clĂ©s de la rĂ©silience des systĂšmes d’information.

En France, la plupart des accĂšs rĂ©sidentiels reposent sur Orange, Free, Bouygues et SFR. Quatre infrastructures qui, si elles Ă©taient attaquĂ©es, affecteraient durablement nos communications. Une Ă©tude du RIPE a montrĂ© comment l’internet ukrainien rĂ©sistait au black-out gĂ©nĂ©ral malgrĂ© les nombreuses dĂ©gradations de l Â»infrastructure. Le secret ? Une structure distribuĂ©e, dĂ©centralisĂ©e, et des fournisseurs d’accĂšs locaux partout dans le pays.

L’exemple le plus connu (et l’un des plus anciens) d’un systĂšme fĂ©dĂ©rĂ© est la messagerie Ă©lectronique. Les fournisseurs d’adresses e-mail sont innombrables mais, parce qu’ils ont choisi d’utiliser des protocoles standard, interopĂ©rables, chaque utilisateur peut Ă©changer des messages avec tous les autres. Si l’un des prestataires techniques disparaĂźt (c’est arrivĂ© plusieurs fois), il ne met pas en danger l’intĂ©gralitĂ© du systĂšme. La domination d’un acteur, en revanche, parce qu’elle repose sur la centralisation des ressources (pensons Ă  Gmail), peut fragiliser cette construction.

Mais l’angle de la rĂ©silience n’est pas le seul qu’il est intĂ©ressant d’interroger.

DĂ©centralisation et mutualisation

Dans l’esprit de la plupart de nos dĂ©cideurs, mutualisation et centralisation vont de pair, l’un des objectifs d’un effort de mise en commun des moyens Ă©tant de rĂ©aliser des Ă©conomies d’échelle. Pour un certain nombre d’applications centrales, cette promesse est tenue. Cependant, quelques inconvĂ©nients sont associĂ©s Ă  ce type de projet :

  • Ă©loignement des organes de dĂ©cision
  • perte d’autonomie dans les choix techniques ou politiques
  • moindre connaissance de l’environnement des utilisateurs
  • moindre rĂ©activitĂ© dans la mise en Ɠuvre des projets
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Comment articuler coopĂ©ration (pour une plus grande efficacitĂ© dans les projets transversaux) et autonomie (pour conserver une certaine libertĂ© de choix et d’action) ?

En coopĂ©rant, des structures indĂ©pendantes peuvent crĂ©er des rĂ©seaux au service de projets d’envergure, tout en conservant leur autonomie de gestion, d’évolution et d’action. Des moyens techniques existent, et elles sont trĂšs largement implantĂ©es dans les solutions libres. ActivityPub a Ă©tĂ© officiellement publiĂ© comme recommandation du W3C le 23 janvier 2018.

Ce standard, qui permet d’interfacer des solutions diverses, est prĂ©sent dans plusieurs des logiciels utilisĂ©s par la ville d’Échirolles : Nextcloud (plateforme collaborative), Peertube (hĂ©bergement de vidĂ©os), Mastodon (rĂ©seau social) et WordPress (crĂ©ation de sites web). Ces quatre outils sont de plus en plus utilisĂ©s par les collectivitĂ©s territoriales, les ministĂšres et les partenaires de la ville, mais les fonctionnalitĂ©s de fĂ©dĂ©ration sont rarement mises en Ɠuvre, en interne comme en externe. Pourtant, les applications pourraient ĂȘtre nombreuses : partage d’annuaires/de dossiers entre collectivitĂ©s (Nextcloud), meilleure visibilitĂ© de la communication des structures associĂ©es (Peertube), crĂ©ation de sites dans le cadre de projets intercommunaux (WordPress), mise en avant des actions d’un territoire (Mastodon), etc.

La fédération comme horizon

Au sein d’Alpes NumĂ©rique Libre, le collectif de DSI de la rĂ©gion grenobloise autour des logiciels libres, le sujet est en train de naĂźtre, sans concrĂ©tisation pour le moment. La mise en place d’une fĂ©dĂ©ration des acteurs au sein d’un mĂȘme territoire gĂ©ographique pourrait ĂȘtre une premiĂšre pierre posĂ©e, une expĂ©rience intĂ©ressante du point de vue de l’action publique dont nous pourrions, peut-ĂȘtre, tirer des enseignements plus larges.

Les EPCI (Ă©tablissements publics de coopĂ©ration intercommunale), comme le SITPI ou Grenoble Alpes MĂ©tropole dans notre rĂ©gion, pourraient jouer un rĂŽle moteur dans ce type d’initiative : idĂ©alement positionnĂ©s au centre des rĂ©seaux communaux, ils disposent d’une architecture parfaitement adaptĂ©e.

L’instance Mastodon colter.social, crĂ©Ă©e, hĂ©bergĂ©e et maintenue par le SITPI est, Ă  ce titre, un prĂ©curseur intĂ©ressant de ce que pourraient ĂȘtre ces fonctionnements fĂ©dĂ©ratifs. Mise Ă  disposition de l’ensemble des collectivitĂ©s territoriales, sa modĂ©ration est assurĂ©e par les agents de collectivitĂ©s qui ne sont pas forcĂ©ment adhĂ©rentes du syndicat, mais qui ont choisi de coopĂ©rer. Des outils comme Zammad ou Signal (pour des instances plus importantes, pourquoi pas un serveur Matrix ?) permettent d’organiser efficacement ce travail.

Plusieurs autres systĂšmes de mutualisation innovants pourraient ĂȘtre imaginĂ©s, alliant la mise Ă  disposition de ressources pour les petites collectivitĂ©s (un serveur PeerTube partagĂ©, par exemple) et une fĂ©dĂ©ration avec les structures de taille plus importante, chacune maintenant sa propre solution.

Nous n’en sommes pas lĂ  pour le moment, et nombreuses sont les collectivitĂ©s qui reposent sur des solutions hĂ©bergĂ©es (en mode SaaS), souvent chez des grands acteurs amĂ©ricains (Google, Microsoft, Amazon
), parce qu’elles n’ont pas les compĂ©tences ou les ressources financiĂšres permettant un autre fonctionnement.

Pas toujours trÚs bien structurées, focalisées sur leur transformation numérique, choisie ou subie, ce type de projet peut paraßtre bien éloigné de leurs préoccupations quotidiennes. Mais il me semblait intéressant de faire ce travail de prospective, comme un horizon vers lequel nous pourrions, individuellement et collectivement, choisir de tendre.

→ L’épisode 1 (structuration)
→ L’épisode 2 (transformation)
→ L’épisode 3 (solutions)
→ L’épisode 4 (inclusion)
→ L’épisode 5 (vous ĂȘtes ici)

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Retrouvez-moi sur Mastodon : https://colter.social/@nicolasvivant

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