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L’amour en commun : essai subversif

Par : Framasoft
11 octobre 2024 à 08:08

À l’occasion de la parution de L’amour en commun, essai de la collection Des Livres en Communs (Framasoft), nous avons questionné les auteurices. Leur cheminement peut se mesurer à l’aune du premier point d’étape que nous avions publié en avril 2023. Un impressionnant travail d’écriture et de questionnement !

Margaux, Timothé, vous venez d’écrire un livre à quatre mains dans la collection Des Livres en Commun. C’est le premier ouvrage de la collection subventionné sur notre modèle de mise en commun de la connaissance et pour lequel vous aviez proposé un projet très motivant. Après presque deux ans d’efforts voici un travail remarquable et stimulant sur l’amour et comment le fait de penser nos relations sociales à travers cette notion permet aussi de proposer une alternative au capitalisme et ses imaginaires. C’est une grosse dissert’ de philo ou c’est autre chose ?

Margaux — À vrai dire, j’ai du mal à définir ce que recouvre cet essai. C’est peut-être un OVNI, un ouvrage non-identifié, un projet tentaculaire qui partait d’un questionnement sur les limites des modèles relationnels dans lesquels nous évoluions et qui est allé vers quelque chose de plus grand.

En fait, une fois que nous avions posé le constat que les modèles classiques de la famille et de l’amour étaient à réinventer, ce qui nous semblait évident, c’est comme si tout l’ouvrage restait encore à écrire. Qu’est-ce qui fait que le changement individuel ne marche pas ? Quelles structures sociales nous empêchent de nous aimer mieux ? Comment faire autrement ? Dans les expérimentations qui ont tenté de sortir du capitalisme, qu’est-ce qui peut nous inspirer et qu’est-ce qui a été mythifié et nous aveugle au contraire ? Nous avons avancé dans le projet au fil de nos lectures, en changeant de direction, d’avis, de plan d’ouvrage. Donc je dirais que c’est un livre de cheminement de pensée, qui recouvre deux ans de formation politique à grand coup de fiches de lectures, de rencontres et de discussions. Nous n’avons rien inventé, nous avons collecté, mis en lien, synthétisé ce que nous amassions. Avec la spécificité de faire tout ça à quatre mains, donc en se donnant une confiance et une liberté totale, y compris celle de ne pas être forcément d’accord au mot près avec ce qu’écrivait l’autre.

En bref, c’est un livre qui a suscité plus de questions que de réponses. Il en reste encore plein !

Timothé — Une « Grosse disser’t » de philo, c’est à la fois un peu dur et un peu gentil. Personnellement je ne pense pas savoir écrire une disser’t, alors je doute d’en avoir écrit une à l’insu de mon plein gré. En plus notre sommaire n’est, je pense, pas adapté à une dissert, il part dans trop de directions. Cet essai est plutôt entre un panier en osier et un topo d’escalade. Dans le panier, les idées s’accrochent et se mêlent pour donner un ensemble solide qui peut servir à accueillir de nouvelles choses. Avec un topo d’escalade, les parties peuvent être prises individuellement pour partir affronter la face d’une montagne, mais collectivement ces parties décrivent l’ensemble de la montagne. En plus, comme ledit Margaux c’est tout à fait un cheminement, et qui continue souvent à cheminer dans ma tête, avec de nouvelles idées qui surgissent… Mais bon, aujourd’hui nous avons décidé de ne plus rien rajouter pour pouvoir sortir le livre. Nous avons fait notre part et maintenant c’est aux lecteurices de prendre la suite si iels ont en envie. C’est un livre libre, alors servez-vous-en et enrichissez-le si le cœur vous en dit.

De l’amour courtois médiéval aux princes et les princesses des contes, de Marivaux à Titanic, les représentations de l’amour sont surtout des émergences du romantisme et du couple sempiternellement revisité, et caricaturé. Pourtant face à la diversité des sentiments, on nous ressert bien souvent la même soupe. Qu’est-ce que vous entendez par une idéologie de la domination ? et vous répondez quoi ?

Margaux — Pour répondre à cette question, il faut définir rapidement ce que j’entends quand je parle d’amour romantique dans cet essai. C’est un ensemble de normes, véhiculé par la culture occidentale et façonnant des imaginaires largement partagés sur ce que l’amour (le vrai) devrait être.

D’une manière un peu ringarde en effet, c’est le·a princesse charmant·e, c’est l’idée d’un·e âme sœur complémentaire, d’un·e partenaire qui nous est prédestiné·e, avec lequel nous pourrions fusionner dans une histoire d’amour sans fin. Mais c’est plus complexe que ça. Si nous sommes à peu près tous·tes d’accord pour rejeter cette représentation, l’amour romantique n’a pas disparu pour autant de nos manières d’entrer en relation. Le problème, c’est que l’amour romantique est une construction sociale indissociablement liée à celle du couple hétérosexuel :c’est sa forme légitime. Or le couple hétérosexuel, dans le mythe de la complémentarité entre ses partenaires, vient lui-même renforcer l’idée que le sexe se confond avec l’identité de genre et un désir pour le sexe opposé.

Autrement dit, les discours qui me préexistent, dont ceux sur l’amour romantique, m’amènent à penser que si j’ai une vulve, je suis une femme et je suis attirée par les hommes, et que si je souhaite avoir accès au couple et à la famille, il va falloir m’en contenter. L’idéologie de la domination, j’y viens, c’est donc le fait que sous le voile de l’amour romantique, on en vient à justifier des violences patriarcales, des inégalités et l’exclusion de toutes les personnes qui ne se retrouvent pas dans les schémas hétérosexuels, monogames et genrés.

Ce que je réponds à l’idéologie de la domination… c’est qu’on n’est pas sorti·es de l’auberge ! Je pense que sortir du patriarcat (ce qui me semble essentiel à des relations amoureuses saines), c’est sortir du binarisme de genre. Ensuite, il faut penser la question du pouvoir. Je trouve que l’amour romantique vient souvent hanter nos tentatives de réinvention du sentiment amoureux. Par exemple, que la non-exclusivité est une passade jusqu’à ce qu’une relation monogame se stabilise et évince les autres. Ou au contraire, que la coexistence de plusieurs relations, au nom de la réinvention du modèle amoureux, va légitimer une mise en compétition des partenaires et un fort individualisme affectif. La solution la plus convaincante que j’ai trouvée pour le moment, ce sont les réseaux affectifs de Brigitte Vasallo, et de se décentrer du rapport amoureux pour valoriser l’amitié. Mais là, il va falloir lire le livre parce que je suis en train de le divulgâcher :)

Timothé — C’est Margaux qui a travaillé sur cette partie, alors je n’ai pas grande chose à ajouter.

Les pirates Ann Bonny et Mary Read (1724, B. Cole). Wikimedia. Domaine public.

Les pirates Ann Bonny et Mary Read (1724, B. Cole). Wikimedia. Domaine public.

Depuis les années 1980, il y a une sociologie de la famille, une géographie de la famille, on s’intéresse au mariage, aux transmissions culturelles, l’apport structurel de la parenté dans la société, la parentalité, la sexualité, etc… mais cette notion dans l’histoire des sciences est assez instable et ne recouvre pas toujours les mêmes choses. Vous parlez d’un imaginaire de la famille, qui serait même « de droite », et vous pensez l’alternative de la parentèle : les pratiques sont-elles en train de changer ?

Timothé ­— J’espère ! ! !

Une statistique importante c’est qu’aujourd’hui presque la moitié des enfants vivent dans des familles recomposées. C’est une énorme modification. Après, de là à dire qu’elle est de droite ou de gauche…

Dans sa partie sur les « couples » Margaux rapporte des interviews qu’elle a faites, ce qui appuie de façon directe son propos. De mon côté j’en ai fait 3. Une dans un habitat collectif dont les membres retapent collectivement un corps de ferme pour qu’à la fin chacun.e y ait son logement. Une d’un couple qui a une petite fille et qui vit avec un ou deux colocs suivant les moments. Et enfin une de deux ami.es qui, dans la mesure du possible, essayent de prioriser leur relation sur le travail. C’était mes premières interviews, et je n’ai pas réussi à en faire sortir des citations que je pouvais facilement incorporer au texte. Donc je ne l’ai pas fait. C’est 3 groupes qui sont déjà une marque de changement et créent des pratiques qui, si elles existaient avant, étaient inconnues. Le fait que ces pratiques soient mises en lumière, notamment par notre travail, ne peut que participer au changement. Néanmoins, même ce genre de différence par rapport à la norme est difficile aujourd’hui, car il n’existe pas de structure juridique qui les rend facilement accessibles.

Il y a des volontés de faire différemment, mais si elles ne sont pas accompagnées par la législation, il faudra plus de temps pour qu’elles prennent en amplitude. L’absence de cadre légal n’est pas un frein suffisant pour empêcher les humain·es de faire famille comme iels l’entendent. Alors, au bout d’un moment, il faudra bien reconnaitre que ces nouvelles familles existent et faire avec.

Cob House. Maison en torchis, Zad de NDDL. Hambinfo. 2016.

Cob House. Maison en torchis, Zad de NDDL. Hambinfo. 2016. Wikimedia. CC-By-Sa.

Le système capitaliste nous impose ses modèles et ses imaginaires. Selon vous, en quoi les expériences concrètes de résistances collectives, de préfiguration, en particulier les ZAD et plus généralement des projets de vie en commun, permettent de penser différemment notre rapport à l’amour ?

Margaux — Pour expliquer comment nous sommes arrivé·es à nous intéresser à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes et à la piraterie, je vais retracer rapidement notre chemin de pensée. Notre hypothèse de base était que réinventer l’amour par le biais de nos relations individuelles en changeant simplement de contrat (non-exclusivité, polyamour, etc.) ne fonctionne pas, parce qu’il faut s’attaquer aux structures sociales qui le définissent, donc in fine au capitalisme et au patriarcat.

À partir de là, nous avons cherché du côté des expériences et des luttes qui tentaient de construire des « contre-mondes », c’est à dire des bulles de résistance au capitalisme et qui, par leur existence, affaiblissent le système social et tentent de préfigurer une vie en dehors de lui. Nous supposions que, dans ces espaces, penser un rapport à l’autre différent serait envisageable.

MAIS, et c’est un grand mais, la réalité de ces luttes est plus ambigüe. Pour la piraterie comme pour la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, j’ai été marquée par l’importance du mythe, qui est constamment utilisé pour les raconter. Pour les pirates par exemple, il existe une multitude d’interprétations contradictoires de ce phénomène social. Si j’ai choisi la piraterie comme agent révolutionnaire, qui a permis pendant un temps éphémère de mettre en cause le développement du commerce maritime international, je sais que cela n’embrasse pas tout ce que cela a pu être. Sur la question précise du rapport à l’autre, la mythification des pirates empêche par exemple de penser la place des femmes au sein de ces contre-mondes, où d’interroger le rôle des pirates dans le commerce triangulaire qui a participé à la colonisation.

Pour la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, qui est devenue une référence de militantisme quasi-universelle (qu’elle soit plébiscitée ou décriée), c’est pareil. C’est un très bon exemple des dangers de la mythification d’une lutte sociale. Parce que quand on parle de la ZAD, on parle de quoi ? De la victoire contre l’aéroport ? De l’opération César ? Du collectif qui est resté habiter sur les terres en négociant avec l’État ? De la volonté de créer un nouveau rapport au vivant ? De ce que j’ai lu, il me semble que l’histoire de la ZAD est multiple, complexe, pas toujours reluisante, mais surtout que le récit de ce qu’a été une lutte est souvent écrit par les vainqueurs, aux dépens de celleux qui ont participé à une lutte et en ont été évincé·es. Donc de là à en faire une terre magique où l’on pourrait tous.tes s’aimer quel que soit notre genre, notre classe sociale ou notre couleur de peau… pour moi on en est loin.

Et cela rejoint peut-être une idée importante à mon sens :si sortir du capitalisme est indispensable pour mieux s’aimer, la lutte des classes seule n’entraînera pas la fin du patriarcat. Il nous faut lutter pour nos conditions matérielles d’existence pour survivre, tout en pensant nos relations en dehors du prisme hétérosexuel, hiérarchique et inégalitaire.

Timothé — C’est dur d’essayer de s’astreindre à l’objectivité. Il serait tellement plus simple de créer des mythes et de les encenser plutôt que de les écorner. D’une certaine façon cela nous rendrait plus forts, nous aurions un modèle, des plans et nous saurions où aller. Si nous proposons des imaginaires et des moyens alternatifs au capitalisme, nous reconnaissons aussi qu’aucun n’est parfait et adaptable partout. Finalement… tout ça pour rien ? Non pas vraiment, car retrouver de la diversité dans les modes de vie c’est nécessaire. Nous n’allons pas revenir à ceux du passé, car le monde à changé (physiquement) et tous ont présentés de gros red flags. Margaux parle des pirates et de la Zad. Moi, dans la partie sur les liens aux vivants, je parle d’une relation à la terre, à l’espace et aux non humains qui le peuplent en montrant que nous devrions retrouver un lien que nous avons perdu. Ce lien il a disparu, c’est comme ça, il ne faut pas vouloir le recréer à l’identique, car beaucoup des sociétés qui l’ont fait perdurer étaient bien plus patriarcales et nationalistes qu’aujourd’hui. Il faut le retisser avec les connaissances et l’état du monde actuel.

Pour ce qui est de la préfiguration, Il y a une interview qui m’avait mis des étoiles dans les yeux. Celle d’Alessandro Pignocchi, auteur avec Philippe Descola de Ethnographies des mondes à venir. Il dit qu’un modèle serait de créer partout des Zad vivantes en réseau. Sur le moment j’avais adoré l’idée, mais d’une part, il met sous le tapis les difficultés de Notre Dame des Landes et, d’autre part, il oublie que les Zads, si elles savent fabriquer des cabanes, ne savent pas fabriquer les outils pour fabriquer les cabanes (c’est une remarque de Frédéric Lordon). Tout cela pour dire que l’on ne lutte pas contre un système qui a tout uniformisé (le capitalisme) avec une autre façon d’uniformiser. C’est une des conclusions de nos réflexions :il n’y a pas de contre-modèle parfait, en revanche il y a plein de contre-modèles chouettes où piocher.

Imaginaire Tradwife

The Ladies’ home journal (1948). Wyeth, N. C.. Wikimedia.

Pour de nombreuses représentations, la famille est d’abord perçue comme un cadre social dédié aux soins, notamment pour les enfants, et à la transmission des valeurs, ce qui structure les relations de couple dans un référentiel figé voire traditionnel. La société de consommation a modifié ces dynamiques. Pour beaucoup qui ont du mal à l’accepter, il s’agit de revenir à une vision réactionnaire de la famille ou du couple. Or, à y regarder de plus près, la société de consommation n’a-t-elle pas plutôt amplifié des tendances comme le patriarcat, l’exclusivité, la hiérarchisation des émotions ?… En somme, justement des tendances réactionnaires.

Margaux — De mon côté, je me suis intéressée à l’irruption des notions de marché et d’économie dans la sphère amoureuse, notamment à travers l’ouvrage Pourquoi l’amour fait mal d’Eva Illouz. L’autrice soutient que dans une société de consommation néolibérale, le désir comme moteur de choix et l’utilitarisme comme modèle de décision traversent nos relations. C’est ce qu’elle appelle l’individualisme affectif, c’est-à-dire l’injonction à l’autonomie du sujet dans son épanouissement, qui grâce à sa rationalité est capable de faire les meilleurs choix sur le marché amoureux. Dès lors, l’individu ne tend plus à faire un choix satisfaisant, mais le meilleur pour ellui. Cela explique selon elle la difficulté plus grande à s’engager, comment être sûr.e que cette personne soit « la bonne » pour moi, alors qu’il reste encore d’autres partenaires désirables potentiels sur le marché ? Parallèlement, elle observe les effets de l’émancipation de la sexualité de la sphère de l’amour et du mariage. Cela a créé, à côté du marché des relations à long-terme, un marché de la sexualité sérielle où le capital social des individus augmente avec leurs expériences et le nombre de partenaires rencontré·es. Paradoxalement, avoir un capital sexuel élevé favorise également les individus dans le marché des relations à long-terme.

Or ce contrat est asymétrique :là où les hommes jouissent d’un plus grand accès au marché sexuel et amoureux, les femmes, plus contraintes par la temporalité biologique de leurs corps, si elles ont envie d’avoir un enfant, vont souvent voir cohabiter des stratégies de sexualité sérielle (comme attribut du pouvoir) et monogames (comme accès à la reproduction). Cela nourrit la domination affective des hommes sur les femmes, et une organisation de l’amour où la femme prend en charge le travail émotionnel pour permettre l’indépendance masculine, là où l’homme performe la masculinité par le détachement et un rejet de l’engagement.

C’est un résumé à grands traits, mais cela montre bien en effet comment la société de consommation et les effets du marché peuvent renforcer le patriarcat et les inégalités de genre au nom de l’amour.

Timothé — En effet la société de consommation s’entend très bien avec le patriarcat, tout comme elle pourrait probablement faire aussi sans. D’après mes recherches, elle a surtout dynamité des solidarités à l’échelle de petites communautés qui se sont dispatché pour chercher du travail et aussi parce qu’il y avait dedans un fort contrôle social. C’est bien que le contrôle social ai diminué, mais il est dommage d’avoir perdu les solidarités. Comme je l’ai dit précédemment, il ne faut pas vouloir revenir à quelque chose de passéiste, mais se rappeler que certains de ses bons aspects sont encore possibles.

Confrontation courte de deux concepts :hétérosexualité et capitalisme. C’est quoi le problème ?

Margaux — Bon, là il faudrait écrire une thèse, mais je vais essayer de résumer ce que j’ai compris de Frederico Zappino, qui a été une lecture très importante pour cet essai. Pour lui, l’hétérosexualité en tant que système de production du genre binaire (homme, femme) est un sous-bassement du capitalisme, qui se nourrit des inégalités patriarcales pour exister.

Frederico Zappino se base notamment sur la Pensée Straight de Monique Wittig, dans lequel elle avance que les catégories de sexe, féminin ou masculin, ainsi que la répartition des rôles et des valeurs qui leur sont assignés, sont produites par le système hétérosexuel pour justifier une relation inégale. C’est l’inégalité qui préexiste, pas la différence entre les sexes ou le genre binaire, qui sont construits après pour justifier la domination masculine. Le problème, c’est que l’hétérosexualité est obligatoire. C’est à dire que l’on se pense et on se construit à partir d’elle, à partir du genre binaire, à partir de notre appartenance ou pas à la norme hégémonique hétérosexuelle et cisgenre. Le capitalisme, lui, est un système économique, politique, idéologique basé sur l’exploitation des travailleur·euses par les détenteur·ices des moyens de production, pour générer une plus-value, réinvestie dans ce capital. Or le capitalisme se nourrit de l’inégalité hétérosexuelle fondamentale :l’économie productive ne pourrait exister sans une économie reproductive, du soin, sans la reproduction concrète opérée par la famille hétérosexuelle où les parents produisent une force de travail future. Si on va plus loin, les minorités de sexe et de genre (les femmes et les personnes trans) sont en première ligne quand nos conditions matérielles de survie se dégradent :potentielle dépendance à un·e conjoint·e ou enfants à charge, difficulté d’accès au marché du travail pour les personnes qui ne se conforment pas à la binarité de genre, plus grand risque d’isolement social…

Lutter contre le binarisme de genre, pour la subversion de l’hétérosexualité, c’est saper un des soubassements du capitalisme, ça fait donc partie de la lutte des classes ! Or la lutte pour les conditions matérielles d’existence et le féminisme sont trop peu pensés de concert aujourd’hui.

Pour conclure : l’avenir en commun pour vous, c’est quoi ?

Margaux — Une dystopie, mais une dystopie queer et féministe.

Timothé — Beaucoup d’inconnues, la sensation ambiante qu’il y aura des évènements important mais l’espoir que nous nous nous surprenions pour arriver quelque part de chouette.

Marche des fiertés, Rennes 2017

Marche des fiertés, Rennes, 2017. Missbutterflies. Wikimedia. CC-By-Sa.

Parution : L’amour en commun

Par : Framasoft
8 octobre 2024 à 13:21

C’est avec grand plaisir que nous annonçons la parution du premier ouvrage de la collection Des Livres en Communs !

Premiers lauréats de l’appel à projet Des Livres en Communs (Framasoft) en 2022, accompagnés par l’équipe éditoriale, Margaux Lallemant et Timothé Bodo ont travaillé durant deux ans à l’élaboration d’un essai original et fouillé dont la lecture est très stimulante ! En attendant une interview des deux auteurs, prochainement disponible sur ce blog, voici la présentation de l’ouvrage, sous licence Creative Commons CC-By-Sa.

Couverture du livre L'amour en commun

L’amour en commun (couverture)

Comment libérer l’amour des carcans du couple et de la famille pour en faire un projet collectif ? Cet essai explore les effets du patriarcat et du capitalisme sur nos relations et montre que réinventer l’amour ne peut se faire isolément.

À travers une analyse de dynamiques interpersonnelles — amour romantique, amitié — en relation avec les structures sociales qui les façonnent — genre, soin, travail, rapport au vivant — les auteur-ices interrogent les oppressions qui traversent l’amour au sens large.

À la recherche de « contre-mondes » où l’affaiblissement du système capitaliste semble possible, iels s’intéressent à la piraterie et la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, dans leurs mythes et leurs écueils.

Une invitation à envisager l’amour sous un jour nouveau, comme un espace d’émancipation et de création collective.

Présentation et téléchargements : L’amour en commun

Margaux Lallemant et Timothé Bodo, L’Amour en commun, Préface signée Yann Kervran (co-éditeur pour DLeC), Des Livres en Communs, oct. 2024.


Des Livres en Communs est un projet Framasoft. C’est un modèle alternatif radical (et anticapitaliste) à l’édition, basé sur l’expérience acquise avec dix ans de Framabook. Des Livres en Communs ne propose pas qu’un modèle alternatif d’édition théorique, c’est très concrètement que nous agissons pour créer des communs culturels pertinents et de qualité :

  • d’abord en accompagnant les auteur·ices tout au long du processus de création, car nous n’attendons pas que l’œuvre nous arrive toute cuite pour commencer notre travail éditorial ;
  • en mobilisant des fonds : dès le début du processus de création, les auteur·ices sont rémunérés pour leur travail, et non pas en attendant d’hypothético-faméliques émoluments basé sur un nombre de ventes (nous considérons qu’une œuvre versée dans les communs culturels n’est pas un capital rentier).

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site DLeC.

Enquête Framalab : ce sont vos besoins qui comptent

Par : Framasoft
24 septembre 2024 à 04:41

Partagez vos retours et besoins sur les outils en ligne présentés sur Framalab en vous exprimant dans notre enquête. Vous avez 15 jours pour contribuer ainsi à Framasoft !

Framalab, un labo pour tester des services libres

Il y a trois mois, Framasoft ouvrait Framalab, un laboratoire ouvert à toustes, qui permet de tester des services libres en ligne.

Notre objectif est de savoir si de tels outils peuvent répondre à vos besoins, à vos attentes, et quelles améliorations leur apporter pour que vous les adoptiez.

Ces logiciels libres sont proposés « tels que développés par leur communauté » et vous permettent de :

illustration mettant en scène une femme réparant un coucou sur son étable, sous les yeux d'un viel homme et d'un chaton

Cliquez pour explorer le Framalab – illustration CC-By David Revoy (sources)

Essayer et s’exprimer, une autre manière de contribuer

Pour savoir comment vous aider à émanciper vos pratiques numériques, le mieux c’est encore de s’adresser : à vous ! C’est bien beau de vous proposer de tester les outils du laboratoire Framalab (et allez-y, hein : ça reste ouvert !) ; mais c’est quand même mieux de savoir ce que vous pensez de ces tests.

Du 24 septembre au 8 octobre, nous ouvrons donc une enquête Framalab, afin de récolter vos avis et vos besoins !

Répondre à cette enquête devrait vous prendre 10-15 minutes. Ces retours seront précieux pour Framasoft, car ils nous permettront de mieux décider sur quels services concentrer notre travail.

Nous sommes aussi persuadées que vos réponses à cette enquête seront importantes pour les communautés développant ces logiciels libres, et pour d’autres qui pourront s’en inspirer. C’est pourquoi nous nous engageons à en publier les résultats (après les avoir dépouillés et anonymisés, bien entendu ^^).

Illustration mettant en scène un Tux qui offre des outils aux personnes autour de lui.

Cliquez pour accéder à l’enquête – Illustration CC BY David Revoy (sources)

Rendez-vous sur Framalab.org

Nous nous donnons jusqu’au 8 octobre pour récolter vos réponses à notre enquête.

N’hésitez pas à partager l’info et ces liens autour de vous : on compte sur vos contributions.

A new application for Framaspace : OwnershipTransfer

Par : Framasoft
10 septembre 2024 à 06:38

Still more features on Framaspace ? Yes ! At the moment, we’re spoiling the users of this service, with the integration of quite a few features like the Forms and Tables applications, but also the ‘Intros’ app developed by Val, our summer intern. And because it’s Val, it’s festival (shameful rhyme !) : just before leaving us for a well-deserved holiday and a final year of studies, he delivered a new ‘Ownership Transfer’ application that will make life easier for administrators of Framaspace spaces.

 

 

Hi Val, we’re not going to ask you to introduce yourself, as you already did in the previous interview. We’ll just remind you that you’re doing an internship at Framasoft from the beginning of May to the end of August 2024, with the aim of developing tools to support Framaspace, and therefore Nextcloud free software.

Hi ! Check out my previous interview to find out more about me ! I introduce Intros, a Nextcloud app to help users get to grips with Framaspace.

At the end of the interview, I mentioned I was working on another Nextcloud app, OwnershipTransfer. Back then things were only getting started, but I cooked, and now it’s ready.

OK, so let’s talk about the OwnershipTransfer App. What’s it for ? Who is the target audience ?

As mentioned in the previous article, OwnershipTransfer makes it possible to transfer data from one user to another in Nextcloud. For example, when someone leaves an association that uses Nextcloud (say, on Framaspace 😏), it can be useful to move their files to another user before deleting their account. You could avoid losing important archives, invoices… The same goes for calendars or address books.

Well worry no more, OwnershipTransfer (or « OT » from now on in this article) does all that. It allows Nextcloud admins to transfer data from whoever to whoever. Initially mostly designed for files, I extended it to calendars and contacts transfer.

OT allows a transfer of all the data, but also a more fine-grained choice. One can choose the calendar, address book or folder they want to transfer, so they don’t end up with someone’s holidays pictures in their files.

Screenshot of Ownership Transfer (also available in English) Screenshot of Ownership Transfer (also available in English)

 

But… didn’t this feature already exist in Nextcloud ?

It did, but not the way we wanted it to.

Nextcloud already allows transferring your own files to another user, with a small graphical interface in the user settings section. You can only transfer your own files to another user, but not choose a source user : this isn’t suitable for an instance admin who would want to move files from one user to another.

An instance admin can also transfer files or calendars from one user to another, with an OCC command. OCC is Nexctloud’s CLI, via which admins can handle some server settings. You can only use it from the command line in a terminal, which to most human beings is… cryptical.

In short there are existing working solutions, but not with a simple graphical interface for admins. This is especially an issue in « Nextcloud farms » (an organization hosting Nextcloud instances for a lot of clients at once) like Framaspace, because admins don’t have access to the CLI in this case.

 

Technically, how does it work ?

Since it’s integrated with other Nextcloud apps, OT is heavily relying on existing Nextcloud APIs. The app also uses adapted parts of Nextcloud’s code. For example, I use the code from the existing files transfer feature, which I modified to fit with our requirements. The same goes for the calendar transfer.

However, I add to implement the contacts transfer, since it is not available in Nextcloud (not even through a cryptic CLI). It looks a lot like the calendar transfer, since both of them are based on the WebDAV protocol, so I had an example to work with.

The interface is built with Nextcloud’s Vue components, of course. They are pretty pleasant to use, and new ones are often released. It allowed me to build a complete graphical interface in no time, while staying consistent with the rest of Nextcloud’s UI.

 

Have you encountered any technical or organisational problems ?

Since Nextcloud’s documentation hasn’t miraculously grown since last time, I had to wander around in Nextcloud’s source code to find the functions needed. I could almost make a hobby out of that. Almost.

At least the features exist in Nextcloud already, so adapting them wasn’t the most difficult thing ever. I could also rely on tcit’s advice, co-director of Framasoft and Nextcloud contributor. In short : I write code, he looks at it, says « cool thing, but not scalable », and I correct it.

Scalability was the most common problem. It always works on my small test environment with 5 accounts and 7 folders, but it should also (and most importantly) work on big Nextcloud instances with lots of files. For example, the files transfer can take a lot of time and resources : it has to move all the files from the source to the destination folder, which takes more or less time depending on the amount of files to move and the underlying storage type. Because of that, it is handled in the background : instead of launching it upon receiving the request, it is placed in a jobs queue that the server periodically handles.

Calendar and contacts transfers do not have this issue : they only consist of a simple SQL query to change the right property on the right element. This operation is fast, so it can be handled in the foreground.

Besides the actual transfer, building the interface was also challenging. The app allows the admin to choose which element will be transferred, so they need an interface to choose it. For calendars and contacts, it’s fairly simple : with Nextcloud’s components, I could easily build a list of calendars or address books. But for files, things are getting complicated : we need a whole tree-style view to show the subfolders’ content.

Luckily, I’ve got back up. Romain, former fellow INSA Lyon student (in Telecom, just like me !) and former Framasoft intern, worked on Sorts a few years ago. The goal was to make an app to enhance Nextcloud’s file search, mostly with filters. And Sorts has something I was really interested in : a tree-style files view. Exactly what I needed.

Interface de Sorts avec l'arborescence de fichiers Interface adaptée à OT pour choisir le dossier à transférer

After a few tweaks here and there in Sorts’ code, which wasn’t necessarily easy, its tree-style view perfectly integrated with OwnershipTransfer. It helped a lot and saved a lot of dev time, and I could even improve it a bit with some lines to better view the current folder and some sharing icons.

 

Now that your internship is coming to an end, and you’ve been « eating » some Nextcloud for the past 6 months, what are your potential takes on this software ?

It’s rant time !

Anyways, besides the rant and all the things I could blame on Nextcloud (like its lightweight documentation, its occasional slowness or its imperfect UI), its a very functional software, and it’s all that matters for pretty much everyone. It could be better (and it’s already happening !), but I find it to be working just fine for most typical usages. I’ve been using it for 2 years on a Raspberry PI to backup my files and photos, and I’ve never had any major issues with it.

However, its collaborative features can definitely get better (things like multiple people writing on the same text or calc document at the same time), especially since they are very popular among the people who use Nextcloud. These features exist, but they are typically hard to use, especially the first time, and poorly optimized. So when I see Nextcloud bragging about how they now have AI integrated (which I think most people don’t find that useful anyway), while opening a shared file sometimes still causes a mess… I think they could focus on more important things. But I guess you do need something to make it look shiny.

 

We’ve been very very pleased and satisfied to work with you over the last few months ! Any final words ?

I was delighted to work at Framasoft ! I’ve learned a lot through this internship, and I want to thank the association again for its welcoming and comfortable working conditions.

Right now it’s time to relax, for me at least (before going to « class » again, but don’t mention it), and then to go back to work on my final internship at the beginning of next year ! I’m just saying, of course ;)

 


Main links for Ownership Transfer :

Une nouvelle application pour Framaspace : OwnershipTransfer

Par : Framasoft
10 septembre 2024 à 06:37

Encore des nouveautés sur Framaspace ? Et oui ! En ce moment, on gâte les utilisateur⋅ices de ce service, avec l’intégration de pas mal de fonctionnalités comme les applications Forms et Tables, mais aussi l’app « Intros » qu’a développée Val, notre stagiaire estival (rime riche !). Et comme c’est Val, c’est festival (rime honteuse !) : juste avant de nous quitter pour des vacances bien méritées et une dernière année d’études, il nous a livré une nouvelle application « Ownership Transfer » qui facilitera la vie des administrateur⋅ices d’espaces Framaspace.

An English version of this interview is available at : https://framablog.org/2024/09/10/a-new-application-for-framaspace-ownershiptransfer

 

Bonjour Val, on ne va pas te proposer de te présenter, car tu l’as déjà fait dans la précédente interview. On rappellera juste que tu es en stage à Framasoft de début mai à fin août 2024, avec pour objectif de développer des outils d’accompagnement à Framaspace, et donc au logiciel libre Nextcloud.

Salut ! N’hésitez pas à aller lire ma précédente interview pour en savoir plus sur moi ! J’y parle d’Intros, une application pour faciliter la prise en main de Framaspace.

A la fin de l’interview, je parle d’une autre application Nextcloud sur laquelle je travaillais, OwnershipTransfer. À l’époque c’était encore en cours de préparation, mais depuis j’ai cuisiné, et maintenant c’est prêt.

 

OK, donc, parlons de l’App Ownership Transfer. À quoi sert-elle ? Quel est le public visé ?

Comme indiqué dans l’article précédent, OwnershipTransfer sert à transférer des données d’un⋅e utilisateurice à l’autre dans Nextcloud. Par exemple, lorsqu’une personne quitte une association qui utilise du Nextcloud (sur Framaspace, au hasard 😏), il peut être bien pratique de transférer ses fichiers avant de supprimer son compte. Cela permet d’éviter de perdre des archives importantes, des factures,… De même pour ses agendas, ou même ses carnets d’adresses.

Ça tombe bien, OwnershipTransfer (qu’on abrégera par la suite « OT ») fait tout ça. Elle permet aux administrateur⋅ices d’un espace Nextcloud de transférer les données de n’importe qui vers n’importe qui. À l’origine surtout destinée au transfert de fichiers, j’ai pu étendre l’application au transfert d’agendas et de contacts.

OT permet de transférer toutes les données d’une application, mais aussi de choisir plus finement ce qui devra être transféré. On peut ainsi choisir l’agenda, le carnet d’adresse ou un dossier à transférer, pour éviter de se retrouver avec les photos de vacances de quelqu’un d’autre dans ses fichiers.

Capture écran d'Ownership Transfer Capture écran d'Ownership Transfer

 

Mais… cette possibilité n’existait pas déjà dans Nextcloud ?

Si, mais pas exactement comme on le voulait.

Nextcloud permet déjà de transférer ses propres fichiers à une autre personne, via une petite interface graphique dans les paramètres utilisateurs. On peut là uniquement transférer ses propres fichiers vers un autre utilisateur, mais pas choisir l’utilisateur source : ce n’est pas une solution pour les admins d’espace qui voudraient transférer des fichiers d’une personne à une autre.

Un⋅e administrateurice d’espace peut aussi transférer des fichiers ou des agendas d’un⋅e utilisateur⋅ice à un⋅e autre, via une commande « OCC ». OCC est la CLI de Nextcloud, via laquelle les admins peuvent lancer diverses opérations de maintenance ou de management. On y accède donc en ligne de commande via le terminal uniquement, ce qui a de quoi repousser la plupart des êtres vivants sur cette planète.

En bref cette solution fonctionne, mais ne propose pas d’interface graphique simple aux admins. Cela pose problème dans le cas de « fermes à Nextcloud » (une organisation qui héberge des instances Nextcloud pour beaucoup de clients d’un coup) comme Framaspace, dans lesquelles les administrateur⋅ices d’un espace n’ont pas accès à la ligne de commande.

 

Techniquement, comment ça marche ?

Comme elle s’intègre avec d’autres applications, OT se base essentiellement sur des APIs existantes de Nextcloud. L’application réutilise aussi des parties du code de Nextcloud que j’ai adaptées aux besoins de l’application. Par exemple, je réutilise le code de transfert de ses propres fichiers, en l’adaptant pour pouvoir choisir à la fois l’utilisateur⋅ice source et destinataire. De même pour le transfert d’agendas.

J’ai par contre dû implémenter le transfert de contacts, non disponible dans Nextcloud par défaut. Il est cependant très similaire au transfert d’agendas, dont je me suis inspiré, puisque les deux se basent sur le protocole WebDAV.

Pour l’affichage, j’utilise bien sûr les composants Vue proposés par Nextcloud. Leurs composants sont assez complets et agréables à utiliser, et ils en sortent de nouveaux régulièrement. Cela m’a permis de réaliser une interface graphique complète en peu de temps, et cohérente avec le reste du logiciel.

 

Tu as rencontré des soucis, qu’ils soient techniques, organisationnels, etc ?

La documentation de Nextcloud n’ayant pas miraculeusement centuplé en taille depuis la dernière fois, j’ai encore dû fouiller dans le code source de Nextcloud pour aller trouver les fonctions à utiliser. Ça commencerait presque à me plaire. Presque.

Mème d'un Val (avec quelques années de plus) face la (non) doc de Nextcloud.

Mème d’un Val (avec quelques années de plus) face à la (non) doc de Nextcloud.

 

Au moins, comme les fonctionnalités existaient déjà en partie dans Nextcloud, les adapter n’a pas été d’une difficulté monstre. Surtout que j’ai pu beaucoup compter sur les conseils de Tcit, codirecteur de Framasoft et contributeur bénévole de Nextcloud. En gros : j’écris du code, il le regarde, il se dit « Cool, mais ça passe pas à l’échelle ton truc », et puis je corrige.

C’était le problème la plupart du temps, le passage à l’échelle. C’est bien beau quand ça fonctionne sur mon petit environnement de test à 5 comptes et 7 dossiers, mais dans l’idéal il faut aussi que ça fonctionne sur les grosses instances Nextcloud avec beaucoup de fichiers. Par exemple, le transfert de fichiers peut prendre beaucoup de temps et de ressources : il faut déplacer tous les fichiers du dossier source vers la destination, ce qui peut être plus ou moins long en fonction de la quantité de fichiers et du type de stockage. Celui-ci est donc géré en fond : au lieu de l’exécuter au premier plan dès la réception de la requête, il est placé dans une file de « jobs » que le serveur effectue périodiquement.

Les transferts de contacts et d’agendas n’ont pas le même problème : il s’agit dans leur cas d’une simple requête SQL qui vient modifier la propriété de l’élément en question. Cette opération est rapide, et peut donc être exécutée au premier plan.

Outre le transfert en soi, réaliser l’interface a aussi été un vrai défi. L’application doit permettre à l’administrateurice de choisir quel élément doit être transféré, et doit donc lui proposer une interface pour faire son choix. Pour les agendas et les contacts, c’est plutôt simple : avec les composants de Nextcloud, j’ai pu facilement faire une liste d’agendas ou de carnets d’adresses. Pour les fichiers, ça se complexifie : il faut récréer une arborescence complète de fichiers, capable d’afficher des sous-dossiers.

Heureusement, un « insalien » n’est jamais seul. Romain, ancien étudiant INSA Lyon (du département Télécom, comme moi !) et ancien stagiaire à Framasoft, a travaillé il y a quelques années sur l’application Sorts. Le but de Sorts est d’améliorer la recherche de fichiers de Nextcloud, en proposant une recherche avec des filtres notamment. Mais Sorts a surtout quelque chose qui m’intéressait : une arborescence de fichiers en arbre. Pile ce qu’il me fallait.

Sorts interface with tree directory Sorts Interface adapted to OT for choosing the file to be transferred

Après avoir récupéré et adapté le code de Sorts, ce qui n’était pas forcément de tout repos, son arborescence s’intégrait parfaitement à OwnershipTransfer. Cela m’a permis de gagner beaucoup de temps de développement, et j’ai même pu apporter des améliorations, comme les lignes qui mettent mieux en évidence l’arborescence, ou les icônes de partage. Pas mal non ? C’est insalien 😎

Mème « Pas mal non ? C'est insalien »

Mème « Pas mal non ? C’est insalien »

 

Maintenant que ton stage s’achève, et après avoir « mangé » du Nextcloud pendant près de 6 mois, quels sont tes potentiels positionnements sur ce logiciel ?

Ah, c’est le moment où je râle !

Non blague à part, malgré toutes les critiques que je pourrais faire sur Nextcloud (notamment sa documentation légère, sa lenteur occasionnelle ou son interface qui laisse parfois à désirer), le logiciel est fonctionnel, et franchement c’est tout ce qui compte pour la plupart des gens. Des améliorations sont possibles (et sont en cours !), mais je le trouve déjà assez opérationnel pour la plupart des besoins que peuvent avoir ses utilisateur⋅ices. Je l’utilise personnellement depuis 2 ans sur ma Raspberry PI pour stocker mes fichiers, et je n’ai jamais eu de problème majeur avec.

Le logiciel peut par contre s’améliorer sur ses aspects collaboratifs, qui sont très demandés par les utilisateur⋅ices (écrire à plusieurs sur un fichier texte ou calc par exemple). Ces fonctionnalités existent, mais sont souvent encore difficiles à prendre en main et peu optimisées. Du coup, quand je les vois se vanter d’intégrer de l’IA au logiciel (alors que franchement, je pense que pour beaucoup ça n’a que très peu d’utilité) alors même que quand on ouvre un fichier texte en collaboratif c’est parfois encore le bordel… je me dis qu’ils pourraient mieux diriger leurs efforts. Mais bon, faut bien des annonces pour faire vendre.

 

Nous avons été très heureux⋅ses et satisfait⋅es de travailler avec toi pendant ces quelques mois ! Un dernier mot pour la fin ?

J’ai été très heureux de travailler à Framasoft ! Ce stage a été très enrichissant pour moi, et je remercie encore l’association pour son accueil et ses conditions de travail au top. Si les sujets que j’aborde dans cet article vous intéressent et que vous cherchez un stage dégooglisé, je vous encourage à venir à Framasoft (promis le dev Nextcloud c’est pas si terrible en vrai). Sinon, vous pouvez toujours faire un don !

Maintenant c’est l’heure des vacances pour moi (puis des « cours », mais ne le dites pas trop fort), puis de mon stage de fin d’études en début d’année prochaine. Je glisse ça là, au cas où ;)

Merci et bonne continuation, Val !


Pour information, si vous êtes étudiant⋅e, que vous aimez Nextcloud, et que ce genre de sujet de stage vous intéresse (de préférence à Lyon pour faciliter l’encadrement, mais télétravail possible), n’hésitez pas à nous envoyer rapidement une candidature spontanée sur stages @ framasoft.org !

Dégafamisation de L’atelier en Santé

Par : Framasoft
19 août 2024 à 10:37

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de L’atelier en Santé, un centre de santé communautaire à Plounéour-Ménez dans le Finistère.

Merci à Gabriel et à Alex d’avoir voulu partager leur aventure en répondant à nos questions, bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?

Je suis donc Gabriel Perraud, médecin généraliste et militant pour des solutions libres et respectueuses des données des utilisateurs dans le champ de la santé. Je me suis déjà investi dans différents projets à ce sujet avec notamment feu LibreHealthCare, puis maintenant, à mon échelle, au sein de l’association InterHop.

(ndlr : Ah oui, je me souviens de LibreHealthCare, je les suivais sur Diaspora*, d’ailleurs j’ai retrouvé le wiki du projet)

Logo de l'association InterHop, icône représentant deux têtes de personnes de profil, l'une ayant un symbole d'électrocardiogramme et l'autre une roue crantée.

Logo de l’association InterHop

Mais dis moi donc Gabriel, Peux tu nous parler de ce projet qui te tient à cœur, depuis un bon moment maintenant ?  tu avais été très évasif en 2019 lors de notre rencontre.

L’Atelier En Santé : Il s’agit d’une association qui a pour but la mise en place d’un centre de santé communautaire au sein d’une commune rurale du Finistère. La devise de notre association est : « Faire santé en commun ». Je vous remets ici des extraits de notre site web de présentation sur la présentation et la définition de notre projet :

  •  L’idée naît en 2018, à Brest, en Finistère, à l’initiative de 2 médecins et d’une salariée agricole. Le souhait de pratiquer la santé autrement. D’avoir le temps d’être pleinement à l’écoute des patients. De faire partie d’un collectif de travail où toutes les voix comptent. D’un collectif dont les patients seraient parties prenantes, qui s’appuierait sur leurs savoirs, encouragerait leur pouvoir d’agir. Et où leur santé serait appréhendée de manière globale, dans ses dimensions tant physiologiques que sociales, environnementales, économiques, etc.

  • « Santé communautaire », d’autres Centres, ailleurs en France qui pratiquent ce type de soin, se sont donné ce nom, source d’inspiration pour les personnes à l’initiative du projet.

  • Ce pourrait être en zone rurale où les soins se font rares. Dans les Monts d’Arrée où cette rareté rime avec un tissu étroit de solidarités. À Plounéour-Ménez où la mairie accueille favorablement le projet.

  • Depuis, l’équipe bénévole de l’association loi 1901 porteuse du projet, L’Atelier en santé (LAES), s’est modifiée et élargie. Elle compte aujourd’hui 9 membres bénévoles – 2 coordinatrices de projet, 2 médecins, 2 kinés (dont Alex), 1 sage-femme et 2 psychologues – qui œuvrent ensemble à la création du futur Centre de santé, qu’ils soient professionnels, futurs salariés du centre ou habitants concernés par le manque d’accès aux soins. »

Et comme on l’a vu dans ta présentation, les logiciels libres seront présents dans cette aventure.

Gabriel : Nous nous sommes mis d’accord dès les premières étapes du projet pour utiliser des logiciels libres tant que cela nous était possible sans mettre en péril la vitalité du projet. Nous avons pu ainsi mettre en place nos outils libres communs pour toute la phase de préfiguration de notre projet de centre de santé.

Vous n’êtes pas toustes des geeks , qu’est ce qui a fait que vous ayez eu envie d’utiliser des outils libres ? 

Alex : A vrai dire, je n’avais pas vraiment d’avis sur la question avant ma rencontre avec Gabriel. Je trouve très intéressant de mettre en commun et de rendre accessible des outils numériques. Il y a un véritable enjeu éthique derrière tout ça.

Cela ne t’a pas paru trop compliqué, Alex ? 

Au départ, oui, n’étant pas familier avec l’outil informatique…. Mais je ne saurai dire si c’est lié au fait que le logiciel soit libre ou non, ma pratique en la matière étant quasi nulle. Ceci dit, après un temps d’apprentissage, ces outils se révèlent extrêmement utiles pour le travail en collectif et permettent une efficacité d’action, si bien utilisés. Cela m’a un peu réconcilié avec l’usage de l’outil informatique.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ?

Pour ma part, un des premiers éléments déclencheurs a été le besoin de faire fonctionner de façon plus fluide mon Thinkpad T42 sous Windows XP lorsque j’étais étudiant. J’ai lu sur des sites d’informations numériques grand public la sortie d’une nouvelle version d’Ubuntu 10.10 et c’est là que tout a commencé. J’ai commencé à suivre un tutoriel sur, anciennement, « le Site du Zéro » pour savoir comment installer ce système d’exploitation gratuit qui avait l’air bien sympa.

Puis de fil en aiguille je me suis intéressé à la philosophie et aux enjeux politiques des logiciels libres. C’est arrivé au début de mes études de médecine et le lien s’est spontanément fait pour moi entre l’intérêt d’avoir des logiciels issus du mouvement open-source dans le champ de la santé, dans l’intérêt des professionnels, des patients et du système de santé en général.

Dans le cadre de LAES, nous avons mis en place ces outils dès le début. Nous avons d’abord voulu aller à ce qui nous semblait le moins onéreux et le plus flexible en auto-gérant l’infrastructure nous-même sur des serveurs OVH, via YunoHost que j’avais déjà testé à la maison pour divers projets personnels. La responsabilité restait cependant sur les épaules d’une seule personne de l’équipe. Pour rester en cohérence avec le souhait d’une gouvernance partagée et pour me laisser plus de temps à d’autres aspects du projet nous avons pu basculer la gestion des services que nous utilisions à d’autres personnes.

  • Forum/Discourse : cloud.girofle
  • Nuage/Nextcloud : cloud.girofle
  • Boîte mail : OVH
  • Site web/Wordpress : OVH
  • Pads : Cryptpad
  • Messagerie instantanée : on est resté sur Signal.

Parlons d’abord du processus de décision de cette transition. En amont de votre « dégafamisation », avez-vous organisé en interne des moments pour créer du consensus sur le sujet et passer collectivement à l’action (lever aussi les éventuelles résistances au changement) ? Réunions pour présenter le projet, ateliers de réflexion, autres ?

Oui, cela s’est fait lors de réunions. Dès le début avec une mise en commun des savoirs sur ce que comprenait le concept de logiciel libre et les enjeux techniques et politiques qui allaient avec. Nous avions cependant anticipé le fait qu’il n’existe pas (encore) de logiciels métiers (gestion de dossier patient, logiciel d’aide à la prescription) accrédités qui soient libres dans le cadre d’un centre de santé.

Cela ayant un fort impact sur le financement de notre structure et donc sur la vitalité du projet dans son ensemble, nous sommes tombés d’accord sur le fait que la vitalité du projet du centre passerait tout de même avant et que la recherche de logiciel libre se ferait « du mieux que l’on puisse ». Cela ne nous empêche donc pas de nous investir auprès d’Interhop et en particulier des projets Toobib et Goupile par exemple.

Nous avons également comme projet de mettre en place un fablab suivant l’état d’esprit lowtech orienté santé en parallèle du centre de santé pour le développement de solutions libres dans le domaine de la santé.

Mon médecin utilisait jusqu’à il y a 4 ou 5 ans des logiciels libres, mais il a été obligé d’arrêter. Pression des collègues du cabinet, difficultés avec les logiciels de la CPAM… Alors, quand j’entends parler de votre aventure je me demande si vous aussi vous rencontrez des résistances dans l’appropriation de votre écosystème numérique ? 

Oui, j’en parle au-dessus mais là c’est plus un retour d’expérience sur la préfiguration. Pour l’exercice, nous n’avons pas encore du tout libre, nous ferons au mieux. On est en lien avec Interhop/Toobib pour essayer d’avoir des solutions libres/éthiques accréditées.

Au sein de l’équipe, nous avons mis cet état d’esprit dès le début, il n’y avait pas de frein particulier.

En nous ouvrant aux habitants de la commune, l’outil Discourse nous permet d’avoir une interface suffisamment inclusive pour le moment pour permettre des échanges avec des personnes ayant différents niveaux de facilité avec le numérique. Nous utilisons également des pads de Framapad avec les habitants pour nos comptes-rendus de réunions et répartition des tâches.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Non pas franchement pour le moment avant ouverture du centre. Pour la phase d’exercice, nous allons faire des choix dans l’été justement et nous aurons des retours plus tard.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Les logiciels métiers pour le moment, de ce que j’en comprends, l’accréditation peut-être techniquement compliquée et très onéreuse.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ? 

Plutôt des ressources internes, la communauté de YunoHost pour les soucis techniques auxquels je pouvais faire face, puis la plateforme des chatons pour migrer nos outils auprès de personnes bien plus compétentes que nous tout en restant raccord avec nos valeurs et à un coût abordable pour notre structure (prix libre pour cloud.girofle).

Infographie sur la dynamique entre l’équipe projet, l’équipe salariée et les habitant⋅es

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, etc.) ?

Oui, avec des tutoriels à la demande, on essaie de simplifier l’accès aux outils au fur et à mesure de l’implication des adhérents. Et de réduire leur nombre également quand on peut.

On profite également des temps off, lorsque nous avons nos réunions en présentiel, pour résoudre les éventuels soucis techniques, faire une installation d’Ubuntu sur un PC qui ne tourne plus sur Windows, installer Aurora Store pour ré accéder à l’installation de Signal sur un vieil appareil Android (pour qui le PlayStore ne fonctionne plus comme il devrait), par exemple.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Pour le moment nous communiquons aux nouveaux bénévoles des raisons de nos choix de logiciels libres et nous faisons l’effort d’essayer au maximum de réduire l’écart possible entre les compétences techniques nécessaires à l’utilisation d’outil et les compétences/envies/besoins des habitants bénévoles. Là on fait un gros travail d’adaptation du forum pour une utilisation plus fluide avec les mails.


Nous devrons ensuite voir pour un choix de messagerie instantanée : utiliser les modules présents dans Discourse ? Proposer Signal à tout le monde ? Chercher d’autres solutions ensemble ?

Au niveau des patients, ce seront donc essentiellement des outils libres ou sans GAFAM que vous allez utiliser ? (prise de rdv, mails hors gmail et compagnie ?)  Qui sont les adhérents ? Des patients ou quiconque habitant votre secteur et n’ayant pas de suivi médical avec vous ? C’est étonnant ce système d’adhésion pour un centre de santé. 

  • Pour les mails professionnels nous allons également passer par les messageries dites sécurisées mises en place par les institutions et utilisées par les autres acteurs du système de santé avec notamment MSSanté.

  • Pour ce qui est du travail avec les adhérents de l’association et des logiciels hors logiciels métiers avec accréditations nous allons nous efforcer d’utiliser des logiciels libres au maximum : traitement de texte, espace nuagique, pads, etc.

  • Pour le système d’adhésion, il s’agit de la valence communautaire ou participative du centre. Ce n’est pas forcément le cœur de cette interview, mais en résumé, toutes personnes souhaitant avoir des soins sera pris en charge comme dans d’autres structures déjà en place (maisons ou centres de santé). Mais nous travaillons à la mise en place d’une gouvernance partagée avec les habitant.es et différentes parties prenantes de la commune à l’échelle du centre. Par exemple, nous avons pu organiser un ciné-débat avec des habitant.es bénévoles du futur centre, et nous avons pu utiliser comme outils informatiques : framapad, mails et Discourse. 

  • Il y aura donc la partie soin où nous allons répondre aux demandes réglementaires nationales tout en nous investissant auprès de Toobib et d’Interhop pour participer au développement de solutions éthiques et libres. Et il y aura la partie associative/participative sur laquelle nous allons avoir plus de marge de manœuvre pour la mise en place de solutions open-sources/libres.

 

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Ne pas hésiter à passer rapidement, si ce n’est dès le début, par des services répertoriés sur les CHATONS. La gestion en interne de ces outils peut être plus ou moins compliquée lorsque ce n’est plus uniquement un projet personnel et que les enjeux ne sont plus les mêmes en cas de soucis techniques (perte d’accès à des services, incendie dans des datacenters), etc.

Sinon, par rapport à d’autres projets, cela reste plus simple, à mon sens, de proposer une infrastructure libre dans le cadre d’un nouveau projet. En choisissant un projet qui a relativement peu d’impact sur le reste de la structure et en montrant que ça marche, le discours autour du logiciel libre a de plus en plus d’impact dans les représentations que peuvent se faire les différentes parties prenantes sur la question.

 

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Un argument qui semble souvent fonctionner est le côté prosaïquement libre de ces outils. Si nous ne sommes plus satisfait d’un hébergeur, d’un gérant, d’un outil, il est plutôt aisé d’en changer de par les formats de données utilisés et les communautés présentes et aidantes autour de ces outils.

Encore merci Alex pour ta participation à l’interview ! Je sais qu’il n’a pas été simple de trouver du temps pour cela. Et merci Gabriel, pour l’interview mais aussi pour ton implication, depuis toutes ces années, dans les projets de logiciels libres en médecine  ! 

On en parle aussi dans les journaux locaux (Ouest-France et Le Télégramme) !

Intros, a Nextcloud app to help you get to grips with Framaspace

Par : Framasoft
31 juillet 2024 à 04:25

The Framaspace project currently hosts a cloud environment (files, calendars, contacts, wiki, kanban, etc.) for more than 1,200 associations and groups. That’s as many instances of the Nextcloud free software. Unfortunately, it’s not always easy to get to grips with Nextcloud, despite the documentation, forums and so on. So Framasoft decided to get an intern, Val, to work on the subject of supporting people using Nextcloud for the first time. Here’s his story.


Une version française de cette interview est disponible à l’adresse suivante : https://framablog.org/2024/07/31/intros-une-app-nextcloud-pour-faciliter-la-prise-en-main-de-framaspace

Hi Val, can you introduce yourself ?

Hi ! I’m Val, and I’m 22. I was raised in Paris’ suburbs, and I have been studying at INSA Lyon, an engineering school in Villeurbanne for 4 years now. I am parisian, lyonnais, suburbanite, or even Swedish, depending on the mood.
If everything goes as expected, I’ll graduate next year as an Telecommunication Engineer.

I like singing and playing music, climbing plastic walls, solving Rubik’s cubes and playing video games, when I’m not busy tweaking some lines of code. Over the last few years, I have also been active in multiple associations, including some at INSA or the Red Cross.

Photo de Val, stagiaire Framasoft entre mai et août 2024

Photo of Val, Framasoft intern between May and August 2024

You chose Framasoft for your internship. Why ?

I had to search for an internship while being in Sweden, and it wasn’t really easy. Searching from another country didn’t help of course, and I also wanted an internship matching my personal values. Basically, being cheap labour to help big business get richer isn’t really my thing.

The year before, I participated in organising an event with the Exit Lyon association, at which a Framasoft employee gave a conference on queer emancipation through digital technology. Being engaged in associations, I already knew Framasoft from their web services, as many do. I still had her email, so I sent an application, and there I am !

It was kind of an ideal case : an internship in a non-profit, breaking with capitalism, and contributing to build more social justice in our society.

Mème Val

Val choosing his internship at Framasoft — Allegory

 

Let’s talk about your internship. What was the general objective ?

Framasoft’s collaborative cloud platform for associations and activist groups, Framaspace, has been active for 2 years now, and is based on Nextcloud. Even though it is a good solution, this open source software is far from perfect, and in particular is more difficult to use than other existing solutions (closed-source and maintained by GAFAMs, such as Google Drive or Microsoft 365).

Please note that Framaspace is a service reserved for French-speaking audiences. The Framasoft association, which provides this product free of charge only to associations and militant collectives, relies solely on donations. Consequently, it is our association that bears the technical support and financial costs of hosting and we cannot afford to host a worldwide audience.

 

My internship tries to solve part of this problem : how to make sure that first time someone logs into Nextcloud they don’t run away. My aim is to make the first use of Nextcloud easier, by supporting users and helping them using the software. It would encourage people to stay on a free solution that respects their privacy, and not run towards GAFAM solutions, considered easier to use.

Luckily, Nextcloud allows the community to create apps that integrate with the software to enhance it. Hence my first contribution to this mission is a Nextcloud app, « Intros ».

OK, so let’s talk about the Intros App. What’s it for ? Who is the target audience ?

Intros answers an user’s most simple question when meeting Nextcloud : « Where is the button to [insert a random action] ? ».

To answer it, Intros highlight elements, buttons or even parts of Nextcloud’s interface to explain what they do. For example, the app will highlight the small sharing icon and display a text explaining how to share a file to someone else. This applies to several Nextcloud apps, including files, contacts or calendar.

Video demonstration of how the ‘Intros’ app works

Technically, how does it work ?

The app uses the intro.js library, which helps creating step-by-step tutorials that highlight a web page’s elements. The library simply integrates to Nextcloud as any other javascript library would, and we can customise tutorials for the users.

That’s it ? No ! The library handles most of the visual aspects for us, but it had to be adapted to integrate to Nextcloud properly. For example, remembering when a tutorial has already been seen to not display it again, and making a menu to re-enable it if needed. Or even handling multiple languages, displaying buttons in Nextcloud’s style, highlighting elements nested in menus… Lots of small enhancements that allow a smooth integration of the library to Nextcloud.

Have you encountered any technical or organisational problems ?

Of course, otherwise where would the fun be ? As always when I’m coding something, sometimes it works and I think, « wow, I’m a genius », and sometimes (often) it doesn’t work and I think, « wow, I’m an intern ».

For example, during development I realised that the application sometimes had trouble finding some elements on the page. One of the problems with intro.js is that the library is designed to be deployed on a site that has been designed by the person who writes the tutorials. This person would have a good knowledge of the site’s structure, and would know which elements need to be selected for it to work every time… Except this person isn’t me. I’m integrating it into Nextcloud, which I obviously didn’t design, so I have to adapt to the structure of the existing pages. As if that wasn’t simple enough, the way the pages are built changes depending on the application (Files, Calendar, Contacts…) or even the version of Nextcloud. So I had to reverse-engineer the HTML DOM on a case-by-case basis, to find out which elements it was possible to select and avoid selecting elements that could change name, class or even completely disappear.

But even being careful, it sometimes didn’t work. The application couldn’t find certain elements, and displayed an explanation over empty space. Not ideal. In intro.js, by default, you give a list of elements to highlight and the explanations that go with them, and the library takes care of detecting them in the DOM when the page loads. This was the critical point in this case : when the page loads. The elements are all loaded at once, so they can’t change along the way. I had problems with this specifically in two cases :

  • first, elements nested in menus. We sometimes want to highlight an element that isn’t visible on page load, and would be after a user click
  • then, elements that aren’t loaded immediately on page load. Some Nextcloud apps take a bit more time to load their elements, so the library can’t detect them on load.

So what ? Well, press the keys on the keyboard, in the right order if possible, and after a while it makes code that solves the problem. Here, instead of detecting all the elements at once, I’ve made sure to detect them just before they’re needed. Each time the user presses ‘next’, the application detects the next element to be highlighted and replaces the default element with this element before launching the next step. This way, we don’t have to worry about page load times or the fact that the button is in a menu. All that’s left to do is simulate a user click with javascript for buttons in menus and tada ! It works.

Val "This is fine" Mème in English

Val « This is fine » Mème

Now that the app has been published, what’s next ?

What’s next ? It’s not really about me anymore ! I hope the app will be used by Nextcloud’s users, and it’s already in use in Framaspace.

We have also discussed with Nextcloud for a possible integration of the app to the software core (and not as a third-party app). That would make it easier to add new tutorial to the apps for developers, but Nextcloud had some remarks regarding this. One of them was that the app explains the interface, while they could simply improve it so it wouldn’t need an explanation.

 

And of course, the app can still be perfected (I’m only a humble intern, after all) to make it more efficient, easier to maintain,… It’s also very important since we want it to be maintained over the (frequent !) Nextcloud updates.

A little birdie tells me that you’re working on another Nextcloud application, can you tell us more about that ?

A new app is indeed on the road (#WIP). The OwnershipTransfer app will allow admins to transfer the ownership of files (or even other types of data ?) from one user to another. This would be especially useful for when someone is leaving an association that uses Nextcloud, and forgot to transfer their important files to someone else ! It will prevent them from losing a very important budget file, forever. However, it still doesn’t make coffee… sorry.

We’ve come to the end of this interview. Would you like to share a feeling about the work you’ve done during this internship ?

I’m really satisfied with what I accomplished. Over and above the fact that I designed and developed a Nextcloud application for the first time from A to Z, I’ve learnt a lot of new skills. Whether it’s PHP, a language I’d only just got to grips with before my internship, or software development in general, managing releases, issues and merge requests, and so on. I’m very happy to be able to have learnt a lot during this internship.

By the way, huge thanks to Framasoft’s employee team who’s always been eager to help me and answer my questions when needed !

Last question, a recurring one in our interviews : what question would you like to have been asked, and what would your answer be ?

« Tell me, what do you think of Nextcloud’s documentation ? »

It’s time to rant (after all, I’m French !). It’s… lightweight, to say the least. But you can see it from a good perspective : I guess browsing the source code to understand how the APIs work is a great learning experience !

Thanks Val !

 

Intros, une app Nextcloud pour faciliter la prise en main de Framaspace

Par : Framasoft
31 juillet 2024 à 04:23

Le projet Framaspace propose, à ce jour, un espace cloud (fichiers, agendas, contacts, wiki, kanban, etc) à plus de 1 200 associations et collectifs. C’est autant d’instances du logiciel libre Nextcloud. Malheureusement, ce dernier n’est pas toujours très facile à prendre en main, malgré les documentations, les forums, etc. Framasoft a donc décidé de faire plancher un stagiaire, Val, sur le sujet de l’accompagnement des personnes utilisant Nextcloud pour la première fois. Voici son histoire.


 

Bonjour Val, peux-tu te présenter ?

Salut ! Je m’appelle Val, j’ai 22 ans. J’ai grandi en banlieue parisienne, et depuis 4 ans maintenant je fais mes études à l’INSA Lyon, école d’ingénieur qui se trouve à… Villeurbanne (c’est comme Lyon, mais avec les endroits jolis en moins). Je suis Parisien, Lyonnais, banlieusard, parfois même Suédois, selon l’humeur.
Si tout se passe bien, je serai diplômé l’an prochain comme Ingénieur en Télécommunications.

J’aime chanter et faire de la musique, aller grimper des murs en plastique, résoudre des Rubik’s cube et jouer aux jeux vidéos, quand je suis pas occupé à bidouiller du code. Ces dernières années, j’ai aussi participé à plusieurs projets associatifs, notamment dans des associations de l’INSA, ou encore avec la Croix-Rouge.

Photo de Val, stagiaire Framasoft entre mai et août 2024

Photo de Val, stagiaire Framasoft entre mai et août 2024

 

Concernant ton stage, tu as choisi Framasoft. Pourquoi ?

J’étais en Suède au moment de chercher un stage, et c’était un peu galère. Chercher à distance c’est forcément plus compliqué, surtout que je voulais si possible faire un stage qui corresponde à mes valeurs. Si vous vous posez la question, en gros, être de la main d’œuvre pas chère pour renflouer le capital de grandes entreprises c’est pas trop mon truc.

L’année précédente, j’avais participé à organiser un évènement avec l’association Exit Lyon, dans lequel une salariée de Framasoft était venue faire une conférence sur l’émancipation queer par le numérique. Étant engagé dans le milieu associatif, je connaissais déjà un peu Framasoft, je pense comme beaucoup à travers les services numériques que l’asso propose. J’avais encore son mail, donc j’ai envoyé une candidature, et voilà où j’en suis quelques mois plus tard.

C’est un peu le cas idéal pour moi : un stage dans une organisation à but non-lucratif, en rupture avec le capitalisme, et qui contribue à construire plus de justice sociale dans notre société.

Mème Val

Val choisissant son stage chez Framasoft — Allégorie

 

Venons-en au sujet de ton stage. Quel était l’objectif général ?

Depuis 2 ans Framasoft propose Framaspace, une solution de collaboration et de stockage de fichier en ligne à destination d’associations et de collectifs militants, basée sur le logiciel libre Nextcloud. Bien qu’il réponde à la problématique posée, celui-ci est loin d’être parfait, et est notamment plus difficile d’utilisation que d’autres solutions existantes (non-libres et administrées par des GAFAM, par exemple Google Drive ou Microsoft 365).

Mon sujet de stage vient s’inscrire dans cette problématique : comment faire pour que la première fois qu’une personne se connecte à Nextcloud elle ne fuit pas en courant. Mon but est de faciliter la première utilisation de Nextcloud, en accompagnant les utilisateurices et en les aidant à s’approprier le logiciel. Si tout se passe bien, cela encourage les gens à rester sur cette solution libre et respectueuse de leur vie privée, à défaut de les voir courir vers des solutions jugées plus simples d’utilisation chez les GAFAM.

Fort heureusement, Nextcloud permet à la communauté de créer des applications qui s’intègrent au logiciel pour venir l’améliorer. La première incarnation de cette mission prend donc la forme d’une Application Nextcloud, « Intros ».

OK, donc, parlons de l’App Intros. À quoi sert-elle ? Quel est le public visé ?

Intros répond à la question la plus simple qu’une personne a en arrivant sur Nextcloud : « Il est où le bouton pour [insérer une action quelconque] ? ».

Pour y répondre, Intros met en lumière des éléments, des boutons ou même des parties de l’interface de Nextcloud et explique à quoi elles servent. Par exemple, l’application va surligner la petite icône de partage d’un fichier et afficher un texte qui explique comment partager un fichier à une autre personne. C’est valable pour plusieurs des applications de Nextcloud, des fichiers aux contacts, en passant par le calendrier.

Techniquement, comment ça marche ?

L’application est basée sur la bibliothèque intro.js, qui permet justement de réaliser des tutoriels pas à pas en surlignant les éléments d’une page web. La bibliothèque s’intègre simplement à Nextcloud comme une bibliothèque javascript classique, et on peut personnaliser des visites pour les utilisateurices.

C’est tout ? Non ! La bibliothèque gère certes la plupart des aspects de l’affichage pour nous, mais il a fallu l’adapter pour qu’elle s’intègre à Nextcloud. Par exemple, gérer quand la visite d’une application a déjà été suivie, pour ne pas la proposer une nouvelle fois à l’utilisateurice, et faire un menu pour réactiver les visites en cas de besoin. Ou encore gérer différentes langues, afficher des boutons cohérents avec le reste de Nextcloud, surligner des éléments dans des menus… Bref, de nombreuses petites améliorations qui permettent à la bibliothèque de bien s’intégrer à Nextcloud, sans que les utilisateurices ne se doutent de rien.

Tu as rencontré des soucis, qu’ils soient techniques, organisationnels, etc ?

Bien sûr, sinon c’est moins marrant. Comme toujours quand je développe quelque chose, parfois ça fonctionne et je me dis que, quand même, je suis vraiment génial, et parfois (souvent) ça fonctionne pas et je me dis que, quand même, je suis stagiaire.

Par exemple, au cours du développement je me suis rendu compte que l’application avait parfois du mal à trouver certains éléments de la page. L’un des soucis d’intro.js, c’est que la bibliothèque est prévue pour être déployée sur un site qui a été conçu par la personne qui écrit les visites guidées. Cette personne aurait donc une bonne connaissance de la structure du site, et saurait quels éléments doivent être sélectionnés pour que ça fonctionne à tous les coups… Sauf que cette personne, c’est pas moi. Je l’intègre à Nextcloud, que je n’ai évidemment pas conçu, et je dois donc m’adapter à la structure des pages existantes. Comme si c’était pas assez simple, la façon dont les pages sont construites change en fonction de l’application (Fichiers, Agenda, Contacts…) ou même de la version de Nextcloud. Bref, il a fallu rétro-ingénierer le DOM HTML au cas par cas, pour trouver quels éléments il était possible de sélectionner et éviter de sélectionner des éléments qui peuvent changer de nom, de classe, ou même disparaître totalement.

Mais même en faisant attention, parfois ça ne passait pas. L’application n’arrivait pas à trouver certains éléments, et affichait une explication sur du vide. Pas idéal. Dans intro.js, par défaut, on donne une liste d’éléments à surligner et les explications qui vont avec, et la bibliothèque se charge de les détecter dans le DOM au chargement de la page. C’est ce point qui était bloquant dans ce cas : au chargement de la page. Les éléments sont tous chargés d’un coup, et ne peuvent donc pas changer en cours de route. Ça m’a posé problème spécifiquement dans deux cas :

  • d’abord, les éléments dans des menus. Parfois on veut mettre en évidence un élément qui n’est pas visible par défaut, et qui le deviendrait après un clic de l’utilisateurice sur un bouton ;
  • ensuite, les éléments qui ne sont pas chargés immédiatement au chargement de la page. Certaines applications de Nextcloud mettent un peu plus de temps à charger leurs éléments, et la bibliothèque ne peut donc pas les détecter dès le chargement.

Alors comment on fait ? Ben on appuie sur les touches du clavier, dans le bon ordre si possible, et au bout d’un moment ça fait du code qui règle le problème. Ici, au lieu de détecter tous les éléments d’un coup, j’ai fait en sorte de les détecter juste avant qu’on ait besoin d’eux. A chaque fois que l’utilisateurice appuie sur « suivant », l’application détecte l’élément suivant qui doit être surligné et remplace l’élément par défaut par cet élément avant de lancer l’étape suivante. Comme ça, on n’a pas à se soucier du temps de chargement de la page, ou du fait que le bouton soit dans un menu. Reste plus qu’à simuler un clic utilisateur avec javascript pour les boutons dans les menus et paf ! ça fait des chocap… bref ça fonctionne.

Mème Val "This is fine"

Val faisant face aux disparités de gestion du DOM HTML dans Nextcloud –Allégorie

 

Maintenant que l’app est publiée, quelle est la suite des événements ?

La suite, j’allais dire que ça ne dépend presque plus de moi ! J’espère que l’application sera utilisée par les utilisateurices de Nextcloud, elle est en tout cas déjà utilisée au sein de Framaspace.

Par ailleurs, on a discuté avec Nextcloud d’une possible intégration de l’application au cœur du logiciel (non plus en tant qu’application tierce, mais directement dans Nextcloud). Cela faciliterait l’ajout de nouveaux tutoriels pour les applications tierces, mais Nextcloud émet des réserves quant à la pertinence de son intégration. Une des remarques faites est que l’appli vient expliquer l’interface, alors qu’on peut directement adapter l’interface pour la rendre plus facile d’utilisation (elle se passerait alors d’explications).

 

Et puis l’application peut encore être améliorée (après tout je ne suis qu’un modeste stagiaire) pour la rendre plus performante, plus facile à maintenir, etc. C’est également important puisqu’on souhaite qu’elle soit maintenue au fur et à mesure des mises à jour (fréquentes !) de Nextcloud.

Mon petit doigt me dit que tu travailles sur une autre application Nextcloud, tu peux nous en dire plus ?

Ton petit doigt m’a l’air très bien renseigné ;)

Une nouvelle application est effectivement en cours de construction (#WIP). L’application OwnershipTransfer de son petit nom permettra à l’admin d’un Nextcloud de transférer la propriété des fichiers (ou même d’autres types de données) d’un-e utilisateurice vers un-e autre. Bien pratique par exemple quand une personne quitte une association qui utilisait Nextcloud sans penser à transférer ses fichiers importants à un-e autre membre : cela évite de perdre à tout jamais le budget prévisionnel de l’asso. Par contre, ça fait toujours pas le café… désolé.

On arrive à la fin de cette interview. Souhaites-tu nous partager un sentiment sur le travail effectué pendant ce stage ?

Je suis pleinement satisfait du travail que j’ai effectué. Au delà du fait d’avoir conçu et développé une application Nextcloud pour la première fois de A à Z, c’est surtout d’en tirer énormément de nouvelles compétences et apprentissages. Que ça soit en PHP, langage que je n’avais que peu apprivoisé avant mon stage, en développement logiciel de manière générale, gérer des releases, des issues et des merge request… Je suis très heureux de pouvoir sortir de ce stage en ayant beaucoup appris.

J’en profite pour remercier l’équipe salariée de Framasoft, qui a toujours su m’aider et répondre à mes questions quand j’en avais besoin !

Dernière question, récurrente dans nos interviews : quelle est la question que tu aurais aimé qu’on te pose, et quelle serait ta réponse ?

« Mais dis moi Val, tu la trouves comment la documentation de Nextcloud ? »

C’est un peu mon instant râleur (après tout je suis Français). Elle est… peu fournie, pour profiter d’une occasion d’utiliser une figure de style que j’aime beaucoup. Ça présente ses avantages d’un côté, si on veut y voir du positif : aller fouiller dans le code source pour comprendre comment utiliser les API c’est très formateur !

Merci beaucoup, Val !
Pour information, si vous êtes étudiant⋅e, que vous aimez Nextcloud, et que ce genre de sujet de stage vous intéresse (de préférence à Lyon pour faciliter l’encadrement, mais télétravail possible), n’hésitez pas à nous envoyer rapidement une candidature spontanée sur stages @ framasoft.org !

L’Union Européenne doit poursuivre le financement des logiciels libres

Par : Framasoft
14 juillet 2024 à 05:59

Le programme de financement européen NGI est en danger, alors qu’il s’agit probablement d’une des meilleures choses qui soit arrivée au logiciel libre durant ces dernières années. En effet, cette initiative permet de soutenir financièrement des centaines de projets libres communautaires, dont certaines briques fondamentales pour notre vie numérique quotidienne. Framasoft bénéficie depuis plusieurs années de ce type de fonds, notamment sur les projets PeerTube et Mobilizon.

Pour nous et pour d’autres, il s’agit d’un véritable accélérateur pour tous les logiciels libres, et le fait que ce programme soit en danger met en péril tout l’écosystème qu’il consolide et fortifie.

Nous vous invitons à contacter vos élu·es pour les alerter des enjeux et faire perdurer ce programme.

Cette lettre a été publiée initialement par les petites singularités. Si vous souhaitez la signer, merci de la publier sur votre site et de compléter le tableau ici.

Lettre ouverte à la Commission Européenne

Depuis 2020, les programmes Next Generation Internet (NGI), sous-branche du programme Horizon Europe de la Commission Européenne financent en cascade (via les appels de NLnet) le logiciel libre en Europe. Cette année, à la lecture du brouillon du Programme de Travail de Horizon Europe détaillant les programmes de financement de la commission européenne pour 2025, nous nous apercevons que les programmes Next Generation Internet ne sont plus mentionnés dans le Cluster 4.

Les programmes NGI ont démontré leur force et leur importance dans le soutien à l’infrastructure logicielle européenne, formant un instrument générique de financement des communs numériques qui doivent être rendus accessibles dans la durée. Nous sommes dans l’incompréhension face à cette transformation, d’autant plus que le fonctionnement de NGI est efficace et économique puisqu’il soutient l’ensemble des projets de logiciel libre des plus petites initiatives aux mieux assises. La diversité de cet écosystème fait la grande force de l’innovation technologique européenne et le maintien de l’initiative NGI pour former un soutien structurel à ces projets logiciels, qui sont au cœur de l’innovation mondiale, permet de garantir la souveraineté d’une infrastructure européenne. Contrairement à la perception courante, les innovations techniques sont issues des communautés de programmeurs européens plutôt que nord-américains, et le plus souvent issues de structures de taille réduite.

Le Cluster 4 allouait 27 millions d’euros au service de :

  • « Human centric Internet aligned with values and principles commonly shared in Europe » ;
  • « A flourishing internet, based on common building blocks created within NGI, that enables better control of our digital life » ;
  • « A structured eco-system of talented contributors driving the creation of new internet commons and the evolution of existing internet common« .

Au nom de ces enjeux, ce sont plus de 500 projets qui ont reçu un financement NGI0 dans les 5 premières années d’exercice, ainsi que plus de 18 organisations collaborant à faire vivre ces consortia européens.

NGI contribue à un vaste écosystème puisque la plupart du budget est dévolue au financement de tierces parties par le biais des appels ouverts (open calls). Ils structurent des communs qui recouvrent l’ensemble de l’Internet, du matériel aux applications d’intégration verticale en passant par la virtualisation, les protocoles, les systèmes d’exploitation, les identités électroniques ou la supervision du trafic de données. Ce financement des tierces parties n’est pas renouvelé dans le programme actuel, ce qui laissera de nombreux projets sans ressources adéquates pour la recherche et l’innovation en Europe.

Par ailleurs, NGI permet des échanges et des collaborations à travers tous les pays de la zone euro et aussi avec ceux des widening countries¹, ce qui est actuellement une réussite tout autant qu’un progrès en cours, comme le fut le programme Erasmus avant nous. NGI0 est aussi une initiative qui participe à l’ouverture et à l’entretien de relation sur un temps plus long que les financements de projets. NGI encourage également à l’implémentation des projets financés par le biais de pilotes, et soutient la collaboration au sein des initiatives, ainsi que l’identification et la réutilisation d’éléments communs au travers des projets, l’interopérabilité notamment des systèmes d’identification, et la mise en place de modèles de développement intégrant les autres sources de financements aux différentes échelles en Europe.

Alors que les États-Unis d’Amérique, la Chine ou la Russie déploient des moyens publics et privés colossaux pour développer des logiciels et infrastructures captant massivement les données des consommateurs, l’Union Européenne ne peut pas se permettre ce renoncement. Les logiciels libres et open source tels que soutenus par les projets NGI depuis 2020 sont, par construction, à l’opposée des potentiels vecteurs d’ingérence étrangère. Ils permettent de conserver localement les données et de favoriser une économie et des savoirs-faire à l’échelle communautaire, tout en permettant à la fois une collaboration internationale. Ceci est d’autant plus indispensable dans le contexte géopolitique que nous connaissons actuellement. L’enjeu de la souveraineté technologique y est prépondérant et le logiciel libre permet d’y répondre sans renier la nécessité d’œuvrer pour la paix et la citoyenneté dans l’ensemble du monde numérique.

Dans ces perspectives, nous vous demandons urgemment de réclamer la préservation du programme NGI dans le programme de financement 2025.

¹ Tels que définis par Horizon Europe, les États Membres élargis sont la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République Tchèque, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Les pays associés élargies (sous conditions d’un accord d’association) l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie Herzégovine, les Iles Féroé, la Géorgie, le Kosovo, la Moldavie, le Monténégro, le Maroc, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Tunisie, la Turquie et l’Ukraine. Les régions élargies d’outre-mer sont : la Guadeloupe, la Guyane Française, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin, Les Açores, Madère, les Iles Canaries.

Zikapanam : une asso de musiciens amateurs qui organise des jams

Par : Framasoft
10 juillet 2024 à 06:49

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de Zikapanam, qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Merci à Laurent pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Laurent Schwartz, l’un des quatre fondateurs de l’association Zikapanam créee en octobre 2022. J’en suis son actuel Président et le seul opérationnel sur l’acquisition et le développement des outils informatiques de l’association. J’ai une formation d’ingénieur en informatique. L’informatique et la musique (Basse, Batterie et Chant) sont deux des mes passions depuis mon adolescence.  J’utilise Linux au quotidien depuis 2008.

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ? 

Zikapanam est une association de musiciens amateurs de tout niveau qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Des musiciens adultes de toute l’île de France nous rejoignent. Nous organisons nos événements et nos rencontres musicales sur Paris intra muros et petite couronne. 
La bienveillance caractérise les relations souvent décrites par les nouveaux arrivants .

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous sommes (juin 2024) environ 190 membres cotisants. La cotisation est modique. L’association est basée entièrement sur le bénévolat. L’ancrage de Zikapanam est la région parisienne. Nous souhaitons aussi développer une communauté de jams distancielles par internet pour attirer des musiciens francophones de toute la France.

Tim Sheerman-Chase, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Nous utilisons beaucoup d’outils pour communiquer (Discord, solution logicielle maison, réseaux sociaux etc.), il y a donc un filtrage conséquent à l’arrivée sur notre Discord. Les gens qui vont au bout du processus d’inscription sont les plus motivés et peut-être aussi ceux qui prennent le temps de s’adapter à nos outils. Nous sommes composés de musiciens et pour la plupart l’ordinateur fait peur. Ils utilisent plutôt leur téléphone. Cependant, parmi les bénévoles, l’usage de l’ordinateur est souvent la norme.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Nous avons une partie de nos membres qui est sensible aux enjeux du libre et qui utilisent les outils Framasoft ou du Fediverse.. C’est arrivé à mes oreilles et je me suis renseigné car je constatais qu’il y avait des freins importants à l’adoption de certains réseaux sociaux comme Meta même par des gens qui n’étaient pas forcément activiste du libre …
Au gré de mes réflexions sur le sujet, je me suis donné ces objectifs :
– offrir un accès libre à nos communications sur nos réseaux sociaux (sans besoin de créer un compte) ;
– limiter la nuisance de la publicité et des algorithmes qui décident pour vous les publications qu’on vous présente …  Qui détournent l’attention de nos publications ;
– toucher tous nos followers plutôt que le 5 % que Meta dans « sa bonté généreuse » nous laisse toucher !

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Ou plutôt une personne seule ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Je suis le seul opérationnel en informatique mais je reçois des idées de beaucoup de monde dans l’association. Il est cependant à ma charge de qualifier la pertinence des propositions qui me sont faîtes. Le monde du libre est documenté mais n’arrive pas dans le top des moteurs de recherche que j’utilise … Et ça complique grandement les recueils d’informations ! En tant qu’ingénieur en informatique, j’ai l’habitude de me former aux outils, de les découvrir et d’apprécier leurs fonctionnalités mais ça demande du temps et je ne peux le faire qu’à certaines périodes de l’année.  C’est ce que j’appelle la veille techno.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ? Quelles étapes avez-vous suivi ?

À vrai dire, je n’ai rien contre les GAFAMs. Ces sociétés ont apporté beaucoup à internet à son démarrage et leurs actions d’aujourd’hui sont compatibles avec un monde d’entreprise où l’argent est roi !. Mon raisonnement est pragmatique, nous sommes une association et nous n’avons pas les moyens financiers d’une entreprise commerciale ! Les outils que nous serons amenés à utiliser ou que nous utilisons déjà le seront parce qu’ils nous sont accessibles financièrement, peuvent convenir et fédérer un maximum de personnes parmi lesquels des technophobes. Et c’est un véritable challenge !

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Notre arrivée sur le Fediverse est récente et les outils à ma disposition actuellement ne permettent pas de qualifier l’adhésion des membres de notre association à ces réseaux sociaux. Je constate juste que très peu de membres se sont créés des comptes sur le Fediverse mais ça ne veut pas dire qu’il ne le consulte pas ponctuellement ou même régulièrement puisque la création d’un compte n’est pas obligatoire pour accéder à ces contenus. D’après mes premières remontées d’information, se créer un compte sur le fediverse ne serait pas trivial … Un effort de formation devra sûrement être engagé sur ce point.

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous n’avons pas « remplacé » Meta, Les bars et les lieux culturels avec lesquels nous travaillons sont tous sur ces réseaux. Mais nous avons commencé à développer nos réseaux parallèlement sur le Fediverse.. Nous développons des usages qui nous permettent de mettre en valeur la souplesse de Mobilizon. De plus  keskonfai, pixelfed et Mastodon nous ont apporté une certaine visibilité supplémentaire dans les moteurs de recherche au contraire de Meta qui par exemple empêche l’intégration aux moteurs de recherche des événements publics que nous organisons  afin de nous forcer à acheter de la publicité pour les mettre en avant …
Note : Plus récemment j’ai découvert Linkstack une alternative sérieuse à Linktree.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Oui, bento. J’aimerai avoir une ferme de bento spécifique à notre asso mais je n’ai pas encore trouvé d’alternative à bento en logiciel libre. Voilà ce que nous faisons avec Bento : https://bento.me/strawberry-jam-band et nous avons une dizaine d’autres dans le même genre.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, support, etc.) ?

Non pas encore.  Mais j’y pense sous forme de vidéo conf sur Discord.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Dans notre newsletter, j’ai largement communiqué sur keskonfai, pixelfed et mastodon mais cette communication doit être rappelée régulièrement et je vais m’y astreindre.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Bénéficier de l’adhésion de toute notre communauté est un challenge que j’ai accepté. Il faut convaincre en allant à la rencontre des membres et en expliquant avec un argumentaire concret à toute épreuve qui voit avant tout leurs intérêts quotidiens !
Le potentiel du Fediverse est important. En tant qu’ingénieur, je vois bien les efforts d’interconnexion qu’il existe entre ces plateformes et je les apprécie en tant qu’utilisateur !
J’espère que d’ici 6 mois/un an, je pourrai faire un bilan très positif sur cette première étape dans la Dégafamisation ! !
Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Plus d’infos sur notre association : https://linktr.ee/AssoZikapanam

La nouvelle #solarpunk du jour : « 100 Papier »

Par : Framasoft
9 juillet 2024 à 10:42

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, découvrons un étrange personnage accroc au papier dans un monde où ce matériau est devenu… interdit !

100 Papier

Auteur·rices : Zatar Myriam , ASPE Candice , MOURCHID Soumaya ,GAO Rongtian, KADRI Elias, Nkoumba Eric Donald

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

« Bonjour Paris, il est 8 heures, on est le 9 septembre 2042 et la journée s’annonce ensoleillée ! Aujourd’hui, je rappelle que c’est la douzième journée mondiale sans papier. Alors, la question du jour est : comment vivez-vous sans papier ? Tout le monde est invité à laisser un message sur notre ToothBook. »

« Bonjour à tous ! Vous êtes chanceux aujourd’hui, je suis un précurseur de la vie sans papier ! Je m’appelle Jordan. Ça fait 20 ans que je l’ai aboli. Avec mon casque VR et mon PC, je vis la belle vie tout en protégeant la planète. Je peux jouer à GTA et envoyer un mail en même temps ! Le papier était une véritable catastrophe écologique. Maintenant, je m’amuse sans couper aucun arbre ! » 

Léon Roman éteignit sa radio, marmonnant des injures : « Comment avez-vous pu… » 

« Chéri, regarde devant toi ! » s’exclama Juliette en tendant le bras depuis le siège passager. 

Devant, la police effectuait une fouille des véhicules. La voiture freina, écrasant la ceinture de sécurité sur le ventre arrondi de sa femme. Son mari inspira bruyamment, le cœur battant à tout rompre, face aux gyrophares bleus et rouges vers lesquels ils progressaient lentement. Il ne remarqua pas la goutte de sueur coulant sur son front. Le souvenir de sa rencontre avec la police lors de la précédente manifestation lui procura une impression désagréable. 
Loin d’être dupe, Léon respirait de plus en plus vite : de toute évidence, ils étaient en quête de contrebande. Et juste sous la banquette arrière de sa voiture se trouvait aujourd’hui le trafic le plus important au monde : du papier.

Un jeune policier, le regard vif et un sourire crispé sur le visage, s’approcha du jeune couple.

— Bonjour madame et monsieur, inspecteur Hernandez. Nous sommes tenus de contrôler tous les véhicules. Sortez du véhicule. Où allez-vous ?

— Nous allons à la campagne chez ma belle-famille jusqu’à l’accouchement de ma femme, répondit Léon, d’une voix plus aiguë que d’habitude. Un peu en retrait, Juliette observait l’échange, priant pour que l’interrogatoire se finisse sans encombre. Les deux policiers soulevèrent la banquette arrière, dévoilant une pile de livres, à sa grande surprise.

— Cela n’a rien à voir avec ma femme, vous ne…, s’écria Léon, avant d’être plaqué au sol.

— Épargnez-nous ces bêtises, vous en parlerez au juge.

Quelques mois plus tard, la jeune femme, son bébé sur les genoux, pâle de rage, recevait un appel. « Oui, Roman, ici Maître Gimenez. Je suis au regret de vous annoncer la condamnation à perpétuité de votre mari pour trafic de papier. »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 9 septembre 2152 et la journée s’annonce caniculaire ! N’oubliez pas de vous hydrater et de vous abriter durant les heures les plus chaudes. On accueille aujourd’hui sur notre chaîne le spécialiste M. … »

Mathieu coupa l’hologramme en jurant. Encore une fois, il allait devoir installer le « Sunshade », un pare-soleil blanc de son invention. En effet, il a lu que le blanc est la couleur qui absorbe le moins la chaleur. Aujourd’hui, c’était le grand jour ! 

Mathieu descendit dans sa cave, pour échapper à la chaleur étouffante qui alourdissait l’atmosphère. Son plan, préparé depuis plusieurs années, nécessitait encore quelques retouches. Les escaliers craquaient sous ses pieds alors qu’il descendait dans l’obscurité rafraîchissante de sa bibliothèque secrète, héritée de sa famille. Des livres ouverts jonchaient le sol, annotés d’une écriture soignée. Les murs étaient couverts de câbles, de serveurs et d’écrans lumineux. 

9h00 : il s’installa devant son poste de travail, ajustant les lignes de code qu’il avait préparées. Chaque partie qu’il modifiait le rapprochait de son objectif : démontrer les vulnérabilités d’une société entièrement numérique.

J’ai jusqu’à minuit pour exécuter mon plan, avant la mise à jour des serveurs

Sous la pression, il fabriquait des cigarettes en déchirant des pages de livre. Des recettes de cuisine par-ci, des extraits de comédie par là. Après tout, qui aurait besoin de savoir faire une béchamel ou de lire des pièces ennuyeuses ? Les mots imprimés se transformaient en fumée et remplissaient l’air de la cave d’un épais nuage gris.

10h00 : il recevait un coup de fil de sa petite amie Soraya, ingénieure à l’Agence de Sauvegarde des Données Nationales. Une journée portes ouvertes du macro serveur X2150 était prévue sur invitation.

11h00 : il avait déjà fumé sa 39ème clope, le livre de cuisine arrivait bientôt à sa fin.
 11h45 : « ÇA Y EST ! », cria-t-il, « La clé USB est prête. »

Son plan était simple mais brillant. Le virus qu’il avait créé était conçu pour tout détruire sur son passage.

12h00 : pour se récompenser de sa victoire, il prit une longue inspiration : « il est temps de fumer ».

12h15 : Mathieu commença à préparer ses affaires. Je suis tellement stressé, je ne tiendrai pas la journée sans papier, songea-t-il en fouillant frénétiquement dans ses étagères. Il chercha un livre d’où il pourrait arracher des feuilles pour faire ses cigarettes. En ouvrant le premier venu, il découvrit d’anciennes notes familiales entre les pages. Submergé par la culpabilité, il referma délicatement le livre et en prit un autre. Cette fois, il choisit un vieux recueil de contes pour enfants et, avec une nouvelle pointe de honte, arracha plusieurs pages.

13h00 : il quitta son appartement en direction du centre-ville. Il marchait, jetant des coups d’œil à sa montre. Le bâtiment de l’ASDN n’était pas loin, mais chaque minute lui semblait une éternité.

14h00 : « Bienvenue, mesdames et messieurs, à la journée d’inauguration du Macro serveur X2150 », annonça un présentateur.

15h00 : après avoir fait une visite guidée des lieux avec Soraya, Mathieu se dirigea vers le stand d’exposition de la maquette du X2150.

16h00 : un baiser langoureux lui permit de subtiliser à Soraya son badge d’accès à la salle des machines.

17h00 : Mathieu n’avait toujours pas trouvé la salle des machines, peu habitué à utiliser la padlocalisation. Il se cacha pour fumer des clopes de plus.

18h00 : après plusieurs essais, il réussit enfin à identifier le chemin d’accès vers la salle des machines.

19h00 : Mathieu effectua un dernier tour en salle des machines. Puis il rejoignit Soraya dans le hall.

20h00 : des applaudissements retentirent en l’honneur de Soraya. Sa présentation fit un carton !

21h00 : Mathieu s’approcha pour la féliciter. Il se dirigea vers les toilettes avant de rejoindre la salle des machines.

22h00 : les mains tremblantes, il inséra sa clé USB dans un serveur. La barre de transfert s’afficha à l’écran : « Téléchargement du fichier en cours  %2 % ». Ça y est, j’ai réussi ! Épuisé et ruisselant de sueur, il se laissa tomber sur une chaise. Il profita de cette pause bien méritée pour entamer sa 87ème clope de la journée.

22h10 : « OÙ EST MON BADGE ? ! » s’exclama Soraya. Elle fonça à son bureau et se jeta sur son PC. Elle localisa le badge dans la salle des machines et remarqua le téléchargement d’un fichier inconnu en cours. Elle parvint à le stopper puis prévint la police.

22h30 : des bruits dans le couloir de plus en plus proches se firent entendre. Mathieu barricada la porte. « POURQUOI LE TÉLÉCHARGEMENT N’AVANCE PLUS ? ! ». Des mégots s’accumulaient au sol, une voix grave se fit entendre de l’autre côté de la porte :

— Police ! Sortez immédiatement ou on enfonce la porte !

Illustration « Smoke design » par Hervé Simon (CC By Sa 2.0)

— Je vous interdis de tenter quoi que ce soit sinon JE VAIS TOUT CRAMER ! La sueur perlait sur son front, et chaque mouvement semblait plus laborieux que le précédent. La patience des policiers était mise à l’épreuve. Certains d’entre eux commençaient à se lasser de cette opération. D’autres vérifiaient leur équipement. Quelques-uns échangeaient des blagues nerveuses pour alléger la tension.

23h00 : assis dans la pénombre, les mains tremblantes, le regard perdu, il savait que la police finirait par entrer. Ses pensées tourbillonnaient, une tempête de regrets et de colère contre une société qui l’avait poussé à bout. « Pourquoi ? » murmura-t-il en fixant la barre de téléchargement statique. « Une société sans âme, sans mémoire. Ils disent que le papier est obsolète, que tout doit être numérique. Mais le papier, c’est l’histoire, c’est la culture, c’est nous. »

23h12 : il se leva lentement, les jambes flageolantes, et s’approcha de la porte. « Si près du but… »

— Commissaire, il faut intervenir, on ne peut pas attendre plus longtemps !

— Non, surtout pas. Les serveurs sont trop précieux. Si on cause des dégâts, ce sera encore pire. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le persuader.

23h28 : il fuma sa dernière lueur d’espoir avec sa 100ème clope, ignorant les appels insistants de la police.

00h00 : Les larmes coulaient lentement sur ses joues alors que la fumée noire envahissait la pièce, une chaleur intense l’enveloppant. Les alarmes se déclenchèrent, stridentes. « Peut-être qu’un jour, ils comprendront… »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 10 septembre 2152, et la journée s’annonce étouffante ! Aux dernières nouvelles, un acte terroriste a été commis cette nuit. La salle des serveurs de l’ASDN a été incendiée, entraînant la perte totale des données du pays. L’auteur de cet acte, identifié comme Mathieu Roman, descend d’une célèbre famille de terroristes. Il a péri dans l’incendie. »

Soraya, encore sous le choc des événements de la veille, écoutait le cœur serré à l’annonce du nom de Mathieu. « Non… ça ne peut pas être vrai… »

50 ans plus tard… Des enfants s’amusaient dans le parc. L’un d’eux s’aventura un peu plus loin qu’à son habitude. Et là, il l’aperçut, à moitié caché sous une pierre, un livre abîmé intitulé « La culture des pommes de terre au XXIe siècle ». Il y manquait des pages… Fier de sa trouvaille, le petit garçon courut montrer le livre à ses parents.

« C’est quoi, les pommes de terre ? »

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Les Lozacs, réinvention d’un mode de vie »

Par : Framasoft
8 juillet 2024 à 10:42

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, les Lozacs essaient de profiter des bienfaits de la nature sans en abuser.

Les Lozacs, réinvention d’un mode de vie

Auteur·rices : Anna, Kamilia, Mômo, Wahida, Jérôme, Paul

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Chaque jour, Ninon était la première des Lozacs à se lever. Elle sifflait à travers le zimcuat, une sorte de trompette qui permettait de réveiller les autres membres de la communauté. C’était le printemps : Ninon récoltait les tomates dans le jardin participatif. Puis elle salua Robin et Emma au loin.

À ses débuts, le jardin ressemblait à un petit potager avec quelques bacs en bois. On y pratiquait exclusivement de la permaculture afin d’obtenir divers fruits et légumes. Au fil du temps, les Lozacs s’étaient habitués à ces tâches qu’ils trouvaient auparavant laborieuses, ils avaient compris que chaque goutte compte pour remplir le seau. Grâce aux efforts constants et collectifs, de nouvelles techniques avaient été introduites comme les serres faites maison. Des plaques de verre récupérées et des bottes de paille protégeaient les récoltes des intempéries. Le jardin était alimenté en eau à l’aide d’un système initié par Ninon. Celui-ci était placé au centre d’un genre de petite station d’eau. De larges gouttières récupéraient l’eau de pluie puis étaient raccordées à un entonnoir. Elles se rejoignaient ensuite pour former un flux d’eau plus important. Enfin, l’eau était récupérée dans de larges cuves remplies d’un mélange de roches, tissus et céramiques permettant de filtrer l’eau et de la rendre potable. Ce système évoquait à Ninon une réflexion de son grand-père : « Tous les fleuves sont issus de ruisseaux ».

À l’origine, alors que les limites planétaires avaient déjà été dépassées, des citoyens s’étaient opposés à un projet de zone commerciale sur des prairies et une forêt. La préfecture avait fini par retirer son accord, évitant ainsi la destruction de la forêt, après l’installation d’une Zone À Défendre. Cet événement marqua la naissance des Lozacs, avec le slogan « Préservons la nature, célébrons la biodiversité ! ». Ils embrassèrent, sans se l’être dit, un mode de vie simple et écologique, devenant une source d’inspiration pour un nouveau modèle de société.

À son arrivée chez les Lozacs, Ninon gardait en elle un projet qui lui était cher : la culture raisonnée du blé. Elle avait convoqué un souvenir agréable : le pain chaud et moelleux avec son odeur alléchante. Certains restaient sceptiques à l’idée de faire des cultures, qui allaient forcément prendre de la place sur les espaces naturels.

Alors que les discussions aillaient bon train et que les opinions divergeaient, la question se résuma à : jusqu’où étaient-ils prêts à aller pour équilibrer tradition et innovation, respect de la nature et besoins de la communauté ? Elle continua à défendre son idée d’usage raisonné.

— Du coup tu voulais utiliser la forêt ? demanda Emma.

— Ouais c’est ça, répondit Ninon.

— Mais jusque-là, on ne l’a jamais fait.

— Oui, mais ce n’est pas parce qu’une chose n’a encore jamais été faite qu’on ne pourrait pas le faire, dit Ninon.

— Comment verrais-tu les choses ?

— On pourrait utiliser les ressources à notre disposition comme le bois des arbres ou encore récolter des fruits à notre guise, proposa Ninon.

— Mmmh, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. L’exploitation des ressources naturelles a toujours mené à des dérives. La forêt est une zone avec une forte biodiversité, nous ne devrions toucher à aucun fruit qui lui appartienne ! rétorqua Emma.

Le groupe hocha la tête.

— Ce que tu peux être cul-cul Emma ! s’emporta Ninon. Aujourd’hui, c’est différent ! Nos techniques ont drastiquement changé puisqu’on a réduit l’emploi de technologies.

— Ce qu’on pourrait faire c’est qu’on pourrait mettre en place des lois et des limites concernant l’exploitation de la forêt, proposa Robin qui comprenait les deux points de vue et souhaitait trouver la meilleure solution pour la communauté.

— D’accord, dit Emma, mais la crainte que j’ai et je pense qu’elle est partagée, c’est que nous allons encore tout faire foirer ! C’est-à-dire qu’au départ on va être plutôt sympathiques et vertueux, mais on va progressivement dépasser les limites.

— Mais pas du tout ! On pourrait très bien mettre en place des quotas par rapport à ce qui sort de la forêt, comme ça on ne perturberait pas son équilibre ! répondit Ninon.

— Il faudra alors tout réglementer, répondit Robin qui semblait pensif.

— Exactement, ça pourrait être une idée, dit Emma.

— Je propose qu’on en discute avec les autres membres, convoquons la communauté et prenons des décisions tous ensemble et formellement, dit Robin qui remarqua qu’on écoutait avec attention le débat.

— Génial, ça me va ! s’exclama Ninon.

Illustration par Jérôme Leclere (CC By Sa)

Ce débat marquait le début d’un renouveau pour les Lozacs, où ils exploreraient ensemble les limites de leur utopie. Il questionnait sur l’utilisation des communs. Le débat venait de mettre en lumière que ce qui semblait être des évidences, des idéaux, n’en étaient pas nécessairement. Une chose était certaine, sans dialogue les idéaux ne pourraient pas exister. À la suite de cela, beaucoup d’autres discussions allaient avoir lieu :

— L’eau était-elle un bien dont il faut la réserver un usage plutôt qu’à un autre ?

— Les habitations faisaient-elles l’objet d’une propriété privée et exclusive à un individu ?

— Fallait-il penser une communauté gérée de manière nécessairement horizontale ?

— Était-il normal et viable de privilégier un mode de vie toujours plus sobre ?

Une nouvelle ère de questionnements et de réflexions s’ouvrait devant eux, en donnant l’espoir de construire un avenir durable et partagé sans ambiguïté.

Ninon contemplait le coucher du soleil depuis la colline surplombant le village, elle se rappela des paroles de son grand-père : « La nature nous parle si nous savons l’écouter » Elle se tourna vers la forêt, sentant un lien profond avec chaque arbre, chaque ruisseau. Le dilemme des Lozacs ne serait pas résolu par des règles strictes, mais par une compréhension collective et une adaptation constante. Ensemble, ils allaient définir de nouvelles frontières pour leur avenir, où l’harmonie avec la nature serait au cœur de chaque décision.

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Archipel »

Par : Framasoft
7 juillet 2024 à 10:42

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, on fuit un monde dystopique pour découvrir une société organisée en villages interdépendants…

Archipel

Auteur·rices : MT, M, Paul, KC, Léa et Loul

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

— Bonjour Zaden, il est huit heures.

— Bonjour Alann, ouvre les volets, allume la lumière.

— Bien sûr ! Pour votre petit-déjeuner, souhaitez-vous de la confiture ?

— Du beurre. Ah ! Allume la salle de bain et lance la playlist.

— Tout de suite. Vos vêtements sont prêts, dans le tiroir du bas.

— Alann, quelles sont les nouvelles aujourd’hui ?

— Aujourd’hui 15 janvier 2042, 8h23, il fait 16°C et il pleut, la qualité de l’air est bonne. Le pic de particules epsilon se maintient au-dessus de la ville à cause d’un anticyclone. L’entreprise Tomaframe a annoncé le lancement des tests du projet ITER et le gouvernement déclare travailler sur l’exploitation durable des ressources aquifères du satellite Encelade.

— Merci, Alann. Il faut que j’y aille. Déverrouille la porte d’entrée.

— Zaden, avant que vous ne partiez, je viens de recevoir des informations à propos de votre ami Dariux.

— Hein ?

— Votre ami est décédé dans un accident de voiture hier soir.

Cette nouvelle m’assomme.

— Dis-moi où il est !

— Son corps a déjà été incinéré, je peux prévenir ses parents de votre arrivée si vous le voulez.

— D’accord, fais ça !

Déjà incinéré ? Mais pourquoi ? Jamais je n’ai parcouru le trajet reliant ma maison à celle de Dariux aussi rapidement. J’arrive devant sa porte mais quelque chose m’interpelle : elle est ouverte. Je m’interroge, cela pourrait être les militants écologistes de la TREV qui viennent encore faire pression sur la société de son père. Je glisse mon regard dans l’entrebâillement et je reconnais l’uniforme noir de deux membres du gouvernement ONAIME. Que peuvent-ils faire là ? Haletant, je m’approche sans faire de bruit.

« N’oubliez pas, les vraies circonstances de la mort de votre fils doivent rester secrètes… Tout ce que vous devez dire c’est que votre fils est mort d’un accident de voiture ». Cela me semble étrange. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Les deux hommes continuent : « D’autant plus qu’un groupe TREV se rassemblerait sur le Belvédère. Il ne faudrait pas leur fournir un prétexte. »

Un prétexte à quoi ? Je ne comprends rien. Justement un tract du TREV a été collé sur le mur de la propriété. Je le reconnais, même si je ne les lis jamais. Cette fois j’en prends connaissance. « NOTRE GOUVERNEMENT NOUS MENT » dit-il. Bien que quelqu’un ait tenté de l’arracher, je peux déchiffrer ces quelques mots : epsilon, intoxication, écologie. La rage et l’incompréhension au ventre, je prends ma course. Je n’ai qu’une envie, celle de parler à une personne qui ne me mentira pas. Je n’entends plus que les battements de mon cœur à mesure que je me dirige vers le point culminant de la ville. Quelques personnes discutent. Une femme aux cheveux gris vient à ma rencontre, l’air soupçonneux.

— Bonjour, jeune homme. Tu t’es perdu ?

— Bonjour madame, c’est vous qui distribuez les tracts ? Mon ami est mort, et le gouvernement semble vouloir en dissimuler la cause… Ils ont aussi parlé de vous, je me suis dit que vous auriez peut-être des réponses.

Elle m’explique.

— Si le gouvernement s’en mêle, c’est sûrement que ton ami est mort à cause des particules epsilon.

Encore une pseudo-solution dite « verte » pour préserver cette maudite croissance.

— Alors Dariux serait mort à cause des epsilon ? Celles que le gouvernement juge inoffensives ? J’ai entendu les uniformes noirs. Ils savent que vous êtes là, c’est comme ça que je vous ai trouvés.

La femme alerte immédiatement ses amis.

— Il faut qu’on bouge ! Heureusement, ils sont lourdauds alors que nous, on voyage léger. Petit, tu peux venir avec nous si tu veux mais c’est maintenant !

D’autorité, le groupe m’embarque dans sa fuite.

°°°

Cela fait trois jours que nous marchons. Je suis éreinté. Manque d’entraînement. Nous arrivons enfin dans un camp. Une nommée Dalia nous accueille, nous fait visiter. Elle m’explique que leur société est constituée de plusieurs îlots d’individus organisés sous forme d’archipel.

— Ici nous sommes à Luton. Chaque îlot, ce que toi tu appelles « village », a des principes qui varient. Par exemple, ici nous ne renions pas totalement la technologie, mais nous la conservons dans son état, le plus lowtech possible. Dans l’îlot voisin, on vit encore plus proche de la nature. Ils refusent tout appareil électrique. Nos micro-sociétés sont interconnectées, communiquent entre elles et s’entraident pour répondre à des besoins communs. Tu savais que c’est comme cela que font les arbres ? Tu pourras choisir l’îlot dont les valeurs te correspondront le plus. Il y a tout de même trois enseignements communs que nous, archipéliens, nous efforçons d’honorer. Premièrement, respecter la Terre et toute forme de vie. Deuxièmement, partager. Troisièmement, ne pas retomber dans les pièges du passé. Bien sûr, chacun peut s’exprimer librement et nous votons pour des propositions formulées dans la « boite à idées ».

Illustration « Last light on The Two Thumb Rang » par
Bernard Spragg. NZ (CC0)

Nous traversons le Jardin commun, où plusieurs personnes de tous les âges s’affairent. Dalia salue un homme qui prépare des boutures. Un autre demande des informations à une jeune femme sur le fonctionnement technique du système de récupération d’eau en circuit fermé. Cette eau, une fois propre, est réutilisée dans le jardin, dans les habitations, partout. Je comprends que, malgré un solide bagage théorique, il vient chercher des compétences pratiques. L’entraide est un principe clé de cette civilisation.

C’est contraire à tout ce que j’ai pu vivre. De là où je viens, les connaissances étaient surtout descendantes, une personne enseignant à des centaines. Ici, le partage de connaissance est pluridisciplinaire et se fait lors de situations concrètes, en petits groupes.

— Au commencement, m’explique Dalia, nous n’étions qu’une dizaine ; chacun apportait son expertise dans son domaine. Cuisine, mécanique, organisation, bâtiment… Mais c’était limité. Aujourd’hui que nous sommes plus nombreux, nous avons gardé ce modèle et l’effet en est démultiplié.

— Pourquoi le savoir et les compétences ne seraient-ils pas communs à tous, de sorte qu’ils ne se perdent pas ?

—  Poste ça dans la boite à idées, me taquine Dalia.

°°°

Cela fait maintenant cinq ans que je suis là. Je ne m’ennuie jamais. La communauté s’élargit. Nous sommes passés à dix îlots. Ma proposition s’est concrétisée, voici ALANN, l’Académie Libre pour l’Accès aux Nouvelles Notions. Nous y développons les solutions de demain en mettant l’accent sur la collaboration, l’accès libre aux savoirs et la pluralité des idées. Aujourd’hui j’y anime l’atelier panneaux solaires, pour réparer ceux que nous avons récupérés l’été dernier.

— Euh, Zaden… je comprends pas pourquoi ça ne marche pas.

— Il faut y aller pas à pas, Jorj. Regarde, une des cellules sur cette ligne est morte. Le plus simple, c’est d’en récupérer une bonne sur un panneau irréparable.

— D’accord, je vais chercher le fer à souder. On le fait ensemble ?

— Bien sûr !

J’ai moi-même appris les rudiments de l’électronique avec Dalia.

— J’y pense, Jorj, après je te montrerai comment on transforme un vieux panneau en chauffe-eau solaire. On en a besoin pour l’habitation du nouvel arrivant.

— J’suis partant !

Je trouve fascinant que les connaissances puissent ruisseler de façon aussi fluide entre les archipéliens. Depuis son arrivée dans l’îlot, j’ai assisté avec fierté à l’évolution de Jorj. Il déborde d’enthousiasme. Dariux était comme lui. Il aurait adoré cette vie. En préparant un petit sac dans ma chambre, je me souviens de ma première leçon : voyager léger. Demain, avec un groupe d’amis, on s’en va explorer les autres îlots. J’ai hâte.

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Le Compromis »

Par : Framasoft
6 juillet 2024 à 10:42

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, nous assistons à un choc des générations et des modes de transports (plus ou moins) lowtechs…

Le Compromis

Auteur·rices : Mathéo, Chrisbé, Inas, Chanerle, Liu, Lénaeile

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Chapitre 1 : Les retrouvailles

En 2032, André 65 ans, un jeune retraité des sociétés de chemins de fer profite d’une journée ensoleillée sur la terrasse de sa maison. Vieux de la vieille sur la mécanique des trains, André a passé quarante-quatre ans de sa vie à réparer des trains. Voyant défiler au fil des années, tous les types de trains du Gasoil à l’électrique. La retraite arrive à point nommé pour lui, qui veut se détacher du monde industriel et du transport de masse. Son fils, Jaurel, 25 ans, ingénieur en informatique fraîchement diplômé de l’université a rejoint ses parents pour l’été :

— Belle journée, pas vrai papa ?

— Tu l’as dit ! Tu as prévu des choses à faire pour aujourd’hui ?

— Je me disais que ça serait bien que nous allions à la plage. Cela fait longtemps, propose Jaurel.

— C’est bien vrai, la dernière fois, tu devais avoir 10 ans ! Je m’en souviens, tu avais ton petit bob rouge et tes lunettes de soleil rondes.

— Oui, mais surtout, ce jour-là, nous avions remporté le concours du château de sable. Que de bons souvenirs ! Je conduis, si tu veux, suggère Jaurel.

— Conduire ? Pourquoi pas en vélo ? Demande André, l’air assez surpris.

André se souvient que Jaurel a acheté une nouvelle voiture électrique. Bien que très jolie et confortable, André n’est pas totalement convaincu par cette solution. En effet, sa femme et lui ont subi les effets du réchauffement climatique. . La mer est entrée de plus de 20 kilomètres dans les terres et les cours d’eau ont débordé dans toute la région, e qui a failli tuer sa femme. Profondément marqué par cette catastrophe, André a adopté un mode de vie plus respectueux de l’environnement . Il a réduit son l’empreinte carbone et a favorisé les solutions durables.

Illustration « Vélo du matin (3) » par Jean-François Gornet (CC By Sa 2.0)

— Tu ne veux pas qu’on y aille comme au bon vieux temps ? À vélo, en famille ? demande André.

— C’est loin, papa, ça va nous prendre au moins 2 heures à vélo. En plus, j’ai vu que la météo ne va pas rester comme ça . On prévoit de la pluie en milieu de journée.

En effet, la station balnéaire de Estra Kanté est située à 30 kilomètres du centre de la ville de Mutrus City.

— Nous avons le temps d’y réfléchir, il est encore tôt. Viens avec moi chercher de quoi manger ce midi. C’est à l’épicerie du centre, cela n’est pas trop loin pour toi, quand même ?

— Ne sois pas condescendant non plus, papa. Bien sûr que je viens.

André a l’habitude de marcher jusqu’à l’épicerie un matin sur deux pour faire ses courses. C’est une sorte de thérapie pour lui, qui est encore traumatisé.

en chemin la discussion se poursuit entre père et fils :

— Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que je conduise ? Ça t’éviterait de faire des efforts sous cette chaleur, se questionne Jaurel.

— Je sais que je ne suis plus de toute jeunesse, mais je ne suis pas encore dans le cercueil, cher fils. Je pensais juste prendre un peu de temps avec toi comme avant, répond le père avec un sourire nostalgique.

— Je me doute, mais ça serait plus pratique en voiture,non ?

— Pour être franc, je ne suis pas convaincu par l’électrique. Tu le sais, en plus. Je comprends l’idée, mais est-ce vraiment la solution à nos problèmes actuels ?

— Eh bien, sans voiture, comment je fais pour mon travail, venir ici, voir mes amis ?

— C’est peut-être ça le problème, plutôt. Rien n’est à taille humaine.

Sur cette remarque, tous deux arrivent à l’épicerie du village. À l’entrée, ils rencontrent Christophe, un ami d’André. Christophe est un ancien agriculteur intensif qui dépendait lourdement des machines et des produits chimiques pour maximiser ses rendements. Plus tard, il s’est converti à une agriculture low-tech au vu des changements climatiques. Il est revenu à des méthodes simples et à la fois enrichies avec des connaissances modernes.

— Mon vieil André ! s’exclame Christophe. Tu te fais rare ces derniers temps ! Laisse-moi deviner, c’est le fiston Jaurès ?

— Pas loin, Jaurel ! Ah écoute, il faut que je m’habitue à tout ce temps libre que j’ai maintenant. C’est dur, tu sais !

— Je ne te le fais pas dire ! Alors fiston, toujours dans l’informatique ?

— Oui, monsieur. Comment va votre exploitation ?

— J’ai su rebondir, on va dire. Je suis reparti de zéro, ça m’a permis de me poser les bonnes questions. C’est ça le plus compliqué, Jaurel, savoir poser les bonnes questions et trouver des solutions ensemble. Maintenant je réfléchis à des projets utiles, accessibles et durables pour la population.

André, Jaurel et Christophe continuent de discuter pendant quelques minutes sur les projets que Christophe réalise en ce moment. Christophe sort de l’épicerie, tout comme André et Jaurel après avoir acheté de quoi manger. Sur le chemin du retour, André explique à son fils son point de vue :

— Tu sais fils, je sais que depuis peu, tu t’intéresses aux problématiques climatiques. Cependant, je crois que tu te trompes de méthode pour répondre au problème. J’ai vu que les machines se voulant écologiques ne le sont pas tout le temps. Tu connais l’effet rebond ? Une voiture, un train, c’est pas différent. Regarde, quand j’étais jeune, les trains électriques débarquaient. Tout le monde était époustouflé par ces nouvelles machines, plus performantes, plus économes, mais qui savait qu’on utilisait du gaz ou du charbon pour produire l’électricité du train ?

— Très bien, mais maintenant, l’électricité est en partie produite par du renouvelable chez nous ! réfute Jaurel, un air de défi dans ses yeux.

— Chez nous, oui ! Mais ailleurs ? Le problème est mondial, pas local. Et puis une partie ne vaut pas 100 %. André s’arrête un instant, posant une main sur l’épaule de son fils.

— 100 % d’énergie renouvelable, c’est un mythe, papa, et tu le sais, un soupçon de frustration dans la voix.

— Sans doute, mais en réduisant notre consommation, en réfléchissant plus au but de nos créations, de nos besoins, il y a une possibilité que ça marche.

— Tout le monde n’est pas prêt à ça.

— Si c’est un effort collectif, alors oui j’en suis persuadé. Regarde, si tu fais l’effort de partir à vélo, tu ne consommes pas d’électricité. Cette énergie peut être utilisée ailleurs par un système qui est vital pour d’autres personnes. Pense à ta santé. Pense aux économies que tu ferais si tu utilisais des moyens de transport alternatifs ou partagés. Au-delà des transports alternatifs, tu te rends compte du nombre d’heures que tu dois travailler pour payer une voiture ? Certes, la voiture est plus rapide, mais seulement à des moments précis. Tu ne vis pas sur l’autoroute à ce que je sache ? En supposant une consommation d’énergie de cinquante centimes par kilomètre, on doit non seulement conduire pendant une demi-heure pour parcourir les trente kilomètres, mais aussi travailler pendant une heure et demie pour gagner les quinze euros pour couvrir les frais de ce trajet. Au total, on consacre deux heures pour parcourir trente kilomètres en voiture. Tu te rends compte ? Jaurel prenant le temps de cogiter sur ce que son père vient de lui dire, finit par céder.

— OK, on prendra le vélo.

Chapitre 2 : Le trajet

L’un des vélos d’André est en très bon état et l’autre demande une petite touche de Il est onze heures quand les deux partent de la maison. Le réseau de pistes cyclables a été grandement amélioré et sécurisé après l’inondation de 2026. Les riverains touchés par l’inondation ont souhaité réduire l’imperméabilisation des sols en améliorant le réseau cyclable. La piste vers la plage est pittoresque, bordée de champs verdoyants et de maisons colorées, promettant une belle journée.

Cependant, après vingt-cinq minutes de route, la pluie annoncée par les prévisions météorologiques s’invita.

— La pluie n’est pas un obstacle ! s’exclame André. D’autant plus que la chaussée n’est pas glissante et le faible vent permet de poursuivre ce trajet à vélo. D’ailleurs, les grands tours sont rarement perturbées par la pluie.

On aurait dit un général d’armée galvanisant ses troupes. L’intensité de la pluie et celle du vent augmentent soudain. En un laps de temps, la visibilité se réduit à tel point que Jaurel à du mal à voir son père qui se trouve à cinq mètres devant lui. Ces conditions les obligent à stopper loin de toute habitation et à s’abriter sous un arbre. D’un air stupéfait, Jaurel interpelle son père :

— C’est à n’y plus rien comprendre, ce temps ! Les prévisions météo ne servent plus à rien !

— Le réchauffement climatique, malheureusement. Ça me rappelle l’inondation, je suis un peu inquiet pour ta mère.

— Nous sommes à mi-chemin, la pluie va nous ralentir, mais nous pouvons être rentrés dans une heure et demie à vue de nez.

— Pas sûr que ce soit une bonne idée, nous risquons d’être emportés avec toute cette eau. Je dois bien l’avouer, je n’ai pas d’autres solutions pour rentrer.

— Si j’avais su, je t’aurais forcé à prendre la voiture. Nous aurions pu arriver plus rapidement auprès de maman.

— Même s’il nous arrive des problèmes, le principal, c’est d’avancer, de se poser les bonnes questions. Quoi qu’il arrive, on ne doit pas abandonner ! Je pense qu’on peut inventer une application pour fournir des informations sur la météo, la qualité de l’air, etc. pour les cyclistes. Combiner high-tech et low-tech afin de favoriser le low-tech, c’est acceptable non ?

— Eh bien non ! L’application donnera les mêmes mauvais résultats que le site de la météo ! C’est du solutionnisme technologique, ton affaire, rien d’autre !

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Bunkertech »

Par : Framasoft
5 juillet 2024 à 10:42

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, suivons les aventures d’un contrôleur des ressources dans un bunker où deux populations cohabitent tant bien que mal…

Bunkertech

Auteur·rices : Elsa MENUGE, Alexandre MERIMEE, Ness noé MOUSSOYI, Raphaël P., Quentin CEYSSON, Guillaume BERLINERBLAU

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Nous sommes en 2042, cela fait environ 5860j-3h-35min que nous habitons dans un ancien bunker. Une pandémie volatile a touché la Terre décimant 99.8 % de la population. Le bunker est séparé en deux factions. Les lowtech se nourrissent essentiellement de légumes et optimisent leur utilisation d’électricité. Tandis que les hightech se nourrissent d’aliments lyophilisés et se concentrent dans le stockage d’énergie électrique. Les lowtech veillent pendant que les hightech dorment et inversement. Cela a été mis en place pour réduire le flux de mouvement dans le bunker. Je suis le contrôleur des ressources du bunker, c’est pourquoi je rencontre souvent les deux factions. Malheureusement, cela fait deux semaines qu’une rumeur sur une mystérieuse maladie sévit.

La participation de Dominique et Bobby, qui appartiennent à la faction hightech, a été souhaitée par Odin, le chancelier. Je dois donc les réveiller…

— Je suis crevé, Jarvis. J’ai dormi à peine deux heures ! Appelle les gueux plutôt que nous ! s’exclame Bobby commençant à suer à peine sorti de son lit.

— Cela doit être sérieux si nous sommes convoqués sur l’horaire des pécores, soupire Dominique en sortant doucement de sa demeure.

Je les accompagne dans la salle de contrôle où se trouvent déjà des membres de la faction lowtech.

— Que se passe-t-il ici ? s’interroge Arthur.

— J’aimerais bien le savoir aussi. Qui êtes-vous ? répond Dominique en les pointant avec sa canne.

— Arthur, chef de la faction lowtech. Vous êtes ? dit Arthur, le menton relevé, la moustache agressive.

— Oh, on se retrouve avec les clodos ! Je suis Dominique, le responsable de la faction hightech, dit celui-ci en bâtonnant le sol.

Je ressens l’électricité dans l’air. Soudain, la voix d’Odin retentit l depuis les haut-parleurs.

— Bonsoir à tous. Je vous ai réunis aujourd’hui, car la filtration de l’air est défaillante. La santé de la population est en danger. Dix occupants du bunker sont victimes d’une maladie semblable à l’épidémie qui fait rage à l’extérieur. Le taux de contamination de l’air augmente. Vous devez trouver une solution. La survie de tout le monde en dépend.

Il a le toupet d’inventer un retour de l’épidémie alors que selon mes sources, l’air est de bonne qualité et il n’y a même pas de malade. En plus, cela fait environ 2680j que l’air extérieur est redevenu sain !

— Hum, le système de filtrage de l’air, il se situe où déjà ? demande Dominique.

— Il se trouve dans les canalisations, papy… au niveau -10, près des machines pressurisant et filtrant l’eau.

— Allons voir, pour comprendre ce qui a bien pu se passer. Et même si l’idée ne me plaît guère, les gueux doivent nous accompagner.

Je vois Charlie se tourner vers Arthur.

— Chef, je ne veux pas travailler avec des incapables, mais ça m’a l’air sérieux. Des rumeurs parlent d’une maladie avec des symptômes étranges, dit-elle en s’en approchant.

— C’est vraiment inquiétant, plusieurs de nos compagnons ont fait des malaises ces derniers temps, dit Arthur, triturant sa moustache.

— Trouver une solution avec les hightech, jamais ! Tu sais très bien que je ne peux pas collaborer avec eux. Ces vieux ploucs sont des flemmards qui gaspillent nos précieuses ressources.

— Ils n’ont qu’à crever dans leur coin !

— MAMMA MIA, quel culot ! Vous n’acceptez pas le progrès et vivez comme au Moyen Âge ! s’exclame Bobby.

Soudain, la voix d’Odin résonne dans toute la pièce.

— Silence ! J’ai besoin de chacune de vos compétences. La résolution du problème est urgente.

Toute l’équipe décide de se rendre dans la salle de filtrage d’air en grommelant. Avant de les rejoindre, je décide de m’adresser à Odin seul à seul :

— ODIN ! Tu te fous de tout le monde ? Tu cherches à réconcilier ces deux factions alors que depuis le début tu ne fais qu’amplifier leur haine !

— TU MENS ! Je les ai séparés pour réduire l’encombrement du bunker.

— Quelle bonne blague ! Tu les forces à faire du sport pour produire de l’électricité, comme des hamsters ! Juste pour alimenter ton serveur ! En plus, ils font ça en pensant fournir des ressources à l’autre faction. En y repensant c’est sûrement la cause de tous ces malaises. Comment peux-tu prétendre ne pas vouloir les diviser ?

Agacé par son comportement, je sors de la pièce pour rejoindre les équipes. Le couinement de l’une de mes roulettes gâche un peu l’effet dramatique, mais tant pis.

On sort du monte-charge au niveau -10. Les yeux de Charlie s’écarquillent, émerveillés par la tuyauterie faisant fonctionner l’ensemble du bunker, et dit devant l’impressionnante machine de filtrage :

— Chef, je ne comprends rien à toute cette technologie.

Après avoir diagnostiqué le système de filtrage grâce à ses lunettes SDM, Bobby conclut :

— On n’a plus assez d’énergie pour alimenter cet équipement vétuste.

— Tout ça à cause de vos inventions hyper énergivores, souligne Arthur. Il faudrait rationner le réseau électrique qui passe par les ateliers des hightech.

— Non, on ne changera pas nos ateliers. On en a besoin pour stocker l’électricité produisant nos nourritures lyophilisées, et puis vous utilisez aussi notre énergie pour faire pousser vos graines. Il faudrait passer par les fermes des lowtech en réduisant l’utilisation de lampes à UV. De toute façon, votre soja est immangeable ! fait remarquer Dominique.

— Je ne vous permets pas de dénigrer notre soja ! Il est tellement plus savoureux que la poudre qui vous sert de nourriture, s’exclame Charlie.

Cela fait 2j-5h-45min que la tension entre les deux factions ne cesse d’augmenter, je ne sais plus où donner de la tête…

— Je vous retrouve aujourd’hui puisqu’il y a 10 % des occupants qui sont atteints de la maladie. Il n’y aura bientôt plus de place pour tous les placer en quarantaine. Dépêchez-vous de résoudre le problème, la solution ne va pas se trouver toute seule ! presse Odin.

Il n’arrête pas d’inventer des mensonges et s’il continue, les factions vont s’en rendre compte…

— Bon ! Pour voir quel est le problème, j’ai ramené notre plan des installations électriques, informe Arthur.

— Votre carte est pourrie ! Elle n’est même pas à jour… rétorque Bobby.

— Effectivement, soupire Dominique. Bobby, pose tes lunettes SDM et montre à ces gueux le vrai plan.

Même mentir, Odin ne sait pas le faire… Il a donné deux mauvaises cartes complètement différentes. Il est vraiment minable… Je vais les aider :

— Hé, ho, hé, ho, je détecte une anomalie au niveau -10 au quartier C5, suivez-moi.

Illustration « Stairs lit with colorful neon lights inside a corridor of the Atomium in Brussels Belgium » par Basile Morin (CC By Sa 4.0)

— Enfin arrivés ! braille Bobby. C’est un putain de labyrinthe !

— Mais qu’est ce que c’est que ce bordel ! crie Charlie. Je n’ai jamais vu cet escalier !

J’ai fait une bourde… Ils vont arriver devant cette fameuse porte.

— Utilisons notre bonne vieille méthode pour enfoncer une porte : un bélier, propose Arthur.

Je vois quatre regards se tourner vers moi… Je vais prendre cher… Des mains saisissent ma carcasse. Soudain, mon front rencontre dix fois la porte violemment.

— AAAAH ! MON DOS ! Mon dos est bloqué ! hurle Dominique.

— Euh, je ne sais pas si vous avez vu, mais regardez juste en haut, il y a un actionneur ! informe Charlie.

— Tu nous auras servi à rien, Jarvis, rigole Arthur.

Une fois la porte ouverte grâce à la canne de Dominique, je vois leur visage se figer. La salle est remplie de serveurs. Au centre se trouve un énorme écran étiqueté 0D1. Intriguée, l’équipe s’avance. Cependant, des lasers leur bloquent le passage. Charlie déchire son manteau pour fabriquer une fronde de fortune. Elle prend sur le sol une roulette que j’ai perdue et neutralise le système. En se rapprochant de l’écran, des indicateurs de qualité de l’air apparaissent, l’extérieur est donc vivable.

Cela fait maintenant 254j-7h-17min que l’Humanité a recommencé à vivre à la surface. Les deux factions vivent maintenant en harmonie, combinant leur savoir-faire. Elles ont décidé de restreindre le développement de technologies autonomes. Ces dernières sont plus responsables, comportent des pièces recyclées d’Odin et des autres machines. Quant à moi, ma technologie devenant inutile, j’ai décidé de me désactiver pour faire place à une nouvelle génération.

# mysql -u root -p -e 'drop database JRVS' && shutdown -H now

"Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

La nouvelle #solarpunk du jour : « Qu’ai-je fait ? »

Par : Framasoft
4 juillet 2024 à 10:42

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, nous allons suivre une héroïne amnésique découvrir une étrange cité apparemment idéale… mais où une étrange atmosphère règne.

Qu’ai-je fait ?

Auteur·rices : Marie, Apolline, Jade, Anatole, Ombeline, Agathe

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Partie 1 : Le réveil

Tout le monde court autour de moi. J’essaye de bouger, de courir, mais je suis tétanisée. Je cherche des visages familiers parmi la foule, mais tout va trop vite. Les battements de mon cœur résonnent et le sang afflue dans mes tempes, brouillant mes sens. Je sens une main familière sur mon épaule :

— Mais… qu’est-ce que tu as fait ?

J’ai chaud. L’odeur de soufre me brûle les sinus. J’ouvre les yeux, les mains encore tremblantes.

— Encore ce rêve.., dis-je en me levant.

Depuis maintenant cinq jours, j’erre seule dans ce désert de déchets. J’ai le ventre tiraillé par la faim et la gorge sèche à cause du manque d’eau. J’avance sans but, me nourrissant de conserves trouvées dans des supermarchés laissés à l’abandon. Je me dirige maintenant vers le nord, restant à l’affût du moindre bruit autour de moi. Je ne me sens pas à ma place dans cet environnement hostile. Tout à coup, j’entends un craquement derrière moi. Je me retourne vivement et aperçois des enfants cachés derrière les montagnes de détritus. Ils m’observent en rigolant :

— Bonjour… ? commencé-je en m’approchant. Vous êtes du coin ? Vous savez…

Sans me laisser finir, les enfants se mettent à courir. Ils sont les seules personnes que je rencontre depuis que je me suis perdue, et sont sûrement ma seule porte de sortie. Épuisée, je fais alors appel à mes dernières forces pour partir à leur poursuite. Ils courent plus vite que moi, et je peine à les suivre. Soudain, je me revois à l’époque de ma propre enfance faisant des courses poursuites avec mes amis dans les rues de la ville. Le vent soulève mes cheveux et me ramène à la réalité. Cette vie-là n’est plus la mienne aujourd’hui. Je reprends mon souffle péniblement, et cherche des yeux les enfants. J’aperçois une foule qui s’éloigne. Je suis à bout de force, mais je ressens quelque chose que je pensais avoir perdu : l’espoir. Je puise dans mes dernières ressources. Je me faufile dans cette masse et suis le mouvement, ne voulant pas me faire remarquer. Au loin, les contours d’une ville se dessinent. Je me surprends à sentir des parfums familiers. Encore quelques pas et j’arrive enfin dans cette cité inconnue.

Partie 2 : La découverte d’un nouveau monde

J’ai l’impression d’entrer dans une civilisation qui ne ressemble à rien que je connais. Je décide de sortir de la foule agitée. J’emprunte une petite rue déserte et m’adosse contre un mur afin de reprendre mon souffle. Les lumières commencent à tourner autour de moi, je sens mes yeux se fermer et mon corps s’alourdir. Alors que je commence à m’évanouir, j’entends : « viens avec moi, il faut que tu manges ».

Je décide de suivre cette voix grave qui m’est inconnue. Une main m’incite à m’asseoir puis me donne de la nourriture. Je reprends peu à peu mes esprits et vois alors l’homme qui m’a amenée ici. Il doit avoir une cinquantaine d’années, les cheveux blancs, quelques rides, assez grand, d’une stature imposante et avec un regard perçant.

— Merci, merci pour votre aide… Je m’appelle Jaamao, balbutié-je.

— Maël. Tu viens pas d’ici toi. J’me trompe ?

— Je… pardon, je vais vous laisser, dis-je alors que la peur que l’on me renvoie dehors s’éveille en moi.

— Tu peux rester.

Après quelques jours de repos, je retrouve assez d’énergie pour aider Maël dans les tâches quotidiennes. Un matin, alors que je le rejoins pour notre petit déjeuner habituel, il me lance :

— Ça va, aujourd’hui ?

— Je me sens bien mieux, merci !

— Et ta mémoire ?

— Rien pour le moment… Je ne comprends toujours pas comment je me suis retrouvée dehors. Le seul souvenir qu’il me reste est cet horrible cauchemar qui ne me quitte pas.

Après une pause à regarder sa tasse de thé, Maël prend une décision :

— Avale vite ton p’tit dèj’. On visite la ville aujourd’hui.

Il me conduit dans un dédale de rues et de jardins qui s’entremêlent. Les odeurs de menthe et de persil montent jusqu’à mes narines et se mélangent à celles des légumes grillés, de l’autre côté de la rue. Une brise légère souffle, qui adoucit la chaleur accablante ; les feuilles dansent et s’agitent en rythme. Je profite de ce nouveau paysage et reprends plaisir à entendre la foule calme évoluer autour de moi. Cependant, je remarque que certaines personnes me regardent attentivement. Je me tourne vers Maël :

— J’aime beaucoup cette ville ! Tout le monde a l’air si gentil… mais certains me dévisagent.

— Tes yeux, me répond-il brusquement à voix basse. Les yeux vairons sont rares ici. La dernière fois qu’on en a vus, il paraît que des catastrophes sont arrivées.

Il me tend discrètement une paire de lunettes de soleil que je m’empresse de porter. Confuse, j’essaye de soutirer plus d’informations, mais Maël fait mine de ne pas m’entendre et continue sa route. Il m’explique l’organisation de cette cité réadaptée. Nous retournons à l’endroit où il m’a amenée le jour de mon arrivée : l’espace de rassemblement pour les repas. La nourriture qui y est servie provient d’élevages et de cultures raisonnées que les habitants pratiquent au sein même de la ville. Je découvre ensuite la zone résidentielle, où un logement est attribué à chaque famille, contenant le strict minimum pour se reposer. Les habitations sont organisées autour de zones communes, de nombreux parcs et espaces de jeux entourent les immeubles jusqu’aux écoles, bibliothèques et magasins de première nécessité. La ville contient également un espace spécialisé pour les soins avec un centre hospitalier. Maël m’explique que l’usage des médicaments a fortement diminué, au profit de soins plus doux et plus naturels.

— C’est très étrange, tout ce que je découvre est si différent, si ordonné et si réfléchi par rapport au peu de souvenirs qu’il me reste du monde d’avant.

— On ne surproduit plus. T’as vu comment c’était dehors. Trop pollué. Trop sale.

— Comment ?

— On revalorise, on composte, on traite, on réutilise.

Je remarque des panneaux solaires et des éoliennes disposés sur le haut des bâtiments. Je sais que cela permet à cette cité d’être autonome, cependant je ne parviens pas à expliquer comment je peux être si sûre de moi. Perdue dans mes pensées, j’entends à peine Maël qui me parle :

— … ta visite. Jaamao ?
Je tourne la tête vers lui.
— Tu apprécies ta visite ? reprend-il.
— C’est beau, bredouillé-je.
— On travaille dur pour ça. Mais c’est pas parfait.

Sur ces mots, il se retourne, désignant un semblant de puits dans le sol partiellement rebouché. Cet endroit me rappelle l’extérieur de la ville : « Et dire que le changement climatique ne préoccupait personne… », me dis-je.

— Il n’y a pas d’eau ?

— C’est le problème de notre quartier. Il y a six quartiers dans la ville, chacun géré de manière autonome. Sauf qu’on manque tous d’au moins une ressource. À cause de ça, on est dépendants les uns des autres. Par exemple, dit-il en pointant le Nord, le quartier Delfino n’a quasiment aucune culture à cause du sol pollué. Carlingo ne possède pas de système de recyclage des déchets. Et chez nous, c’est l’eau.

— Je trouve ça bien que vous arriviez à être en connexion avec les autres, remarqué-je surprise que Maël m’explique autant de choses.

— Oui… dans l’idée. Mais y’a pas assez d’échanges, on a du mal à parler… Il y a toujours des rivalités à deux balles entre les quartiers.

Sur ces mots, Maël soupire, et la ride sur son front se creuse un peu plus, avant de poursuivre :

— Tu vas penser que je suis qu’un vieux râleur. Mais c’est important qu’on s’entende bien. Il faut arriver à se mettre d’accord sur nos lois et nos échanges.

Comme il ne détaille pas plus, je lui demande alors :

— Comment vous faites ?

— Une fois par mois, les conseils de quartier se réunissent pour en parler. Mais une vraie démocratie avec tous les citoyens ? C’est pas si facile, conclut-il.

Illustration basée sur « Alice Eyes » de audi_insperation (CC-By 2.0), modifiée par Ombeline

Partie 3 : « Qu’ai-je fait ? »

Nous avançons dans les rues sur le chemin du retour. Le soleil commence à baisser, je décide d’enlever mes lunettes.

— On va sur la place Luis Orogan. Elle est centrale à notre quartier. Tu vas aimer.

Je commence à sentir à nouveau les regards sur moi. Des murmures se font entendre lorsque je passe devant certaines personnes.

— C’est la fille aux yeux vairons, non ?

— C’est elle !

— Elle est revenue !

— Elle va nous porter malheur…

— Regardez ce qu’il s’est passé la dernière fois !

Les gens du quartier se sont agglutinés sur la place. Je me sens de plus en plus oppressée et commence à voir trouble. Je cherche des visages familiers parmi la foule, mais tout va trop vite. Je sens une main familière sur mon épaule :

— Mais… Qu’est-ce que tu as fait ?

Le regard inquiet de Maël me transperce. Tout se met à tourner autour de moi. Les souvenirs me frappent et un goût amer m’envahit. Je me souviens à présent : mon arrestation, mon exil… Pourquoi tout le monde me rejette, s’éloigne de moi… C’est de ma faute.

Quelques années auparavant, nous avons été confrontés à nos premiers gros problèmes d’accès à l’eau potable. J’ai cru pouvoir résoudre seule ce problème en créant une machine permettant de potabiliser les eaux rejetées. Les premiers tests ayant été réussis, j’ai tenté de créer une deuxième version, plus puissante, plus efficace, plus performante. Le conseil ne l’avait pas encore validé mais je l’ai quand même mise en place à leur insu. Malheureusement, la fuite de l’un des composés chimiques a pollué toute l’eau potable causant la mort de nombreuses personnes. Parmi eux, Gabi, mon meilleur ami.

En redécouvrant, avec un regard neuf, le fonctionnement de cette ville, je réalise à quel point j’ai été stupide. Je relève la tête, les larmes aux yeux, et regarde les visages autour de moi :

— J’ai cru… j’ai cru que je pouvais y arriver. Je voulais y arriver. Je ne vous demande pas de me pardonner. Je ne suis pas sûre de pouvoir moi-même.

Je cherche Maël du regard, et, la gorge nouée, je m’adresse à lui :

— Je veux apprendre à faire ce que tu fais. Je veux pouvoir apporter des choses ici, rattraper ce que j’ai détruit. Mais pas toute seule, plus toute seule. Je veux contribuer à cette cité, avec la communauté. Est-ce que tu peux m’aider ?

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Bonus : « Comment tout s’est effondré », le préquel

Les membres du groupe n’ont pas voulu s’arrêter si vite et ont donc enchaîné avec la rédaction d’une courte histoire complémentaire, qui raconte le fameux événement qui a tout déclenché…

— Tu es sûre que tu ne te précipites pas trop ? Tu sais, le conseil n’avait vraiment pas l’air d’être partant pour mettre en place ta nouvelle invention.

— Oui, mais si on doit tout le temps attendre la validation du conseil, nous n’avancerons jamais !

Jaamao est convaincue que son invention pourrait nous sauver face à la pénurie d’eau qui touche tout le quartier. Elle voit que je doute toujours de son idée :

— Gabi, fais-moi confiance ! La pompe reprend les eaux usées et les purifie grâce à l’ajout de fluoferonitrate. Tous les tests que nous avons réalisés montrent que ça va fonctionner ! J’en suis certaine ! Tu vas m’aider ?

Je la connais, Jaamao. Une fois qu’elle a une idée en tête il est difficile de la lui enlever. De toute façon, je vais l’aider. Je préfère m’assurer que tout se déroule bien plutôt que de la laisser faire cela seule.

— Tu veux mettre en place la machine quand ? demandé-je.

— On peut le faire ce soir, quand tout le monde sera couché. Demain, c’est la fête du quartier, ce sera l’occasion rêvée de montrer que le conseil avait tort de ne pas me faire confiance.

Après nous être mis d’accord sur les différents détails pour l’installation, nous nous retrouvons à la tombée de la nuit quand seul le bruit d’un hibou rompt le calme pesant. Nous entrons dans le centre de traitement des eaux usées et Jaamao y branche sa pompe de purification. Je me positionne pour faire le guet devant la porte, je ressens presque l’envie que quelqu’un nous interrompe et que tout cela tombe à l’eau. Mais il n’y a plus personne dans les rues, à cette heure. Jaamao termine rapidement sa manipulation et nous repartons tout aussi vite. Nous nous quittons après nous être donné rendez-vous à la fête du quartier.

Le lendemain, Jaamao et moi arrivons sur la place principale du quartier Luis Orogan. Des éclats de rire percent à travers la foule. Les odeurs des brochettes de champignons grillés me titillent les narines et réveillent mon appétit. La peur me tétanise et l’atmosphère commence à être de plus en plus pesante. Que se passera-t-il si un habitant se rend compte de ce que l’on a fait ?

Au fond de la place, près de la fontaine, les gens se servent en eau. Je prends alors un verre et je le bois entièrement. L’eau a un léger goût, mais rien d’alarmant. Toutes les eaux ont un goût.

— Alors ? Tu vois que mon invention était nécessaire et fonctionne ! s’exclame Jaamao

Des bruits de toux commencent peu à peu à remplacer les rires, et mon cœur se serre. Une femme s’effondre à ma gauche. Encore une autre. Encore et encore. Les gens commencent à paniquer et à s’agiter. Tout le monde court autour de moi. Je vois Jaamao tétanisée. Elle cherche des visages familiers parmi la foule, mais tout va trop vite. Je transpire tellement. Que se passe-t-il ? Que m’arrive-t-il ? Je m’effondre, et me rattrape à elle :

— Mais… qu’est-ce que tu as fait ?

Dégooglisons Internet fête ses 10 ans : mises à jour et nouveaux services

Par : Framasoft
13 juin 2024 à 02:45

Pétitions, Tableau blanc, Tricount-like, etc… De nouveaux services Framasoft sont en préparation, et des services existants sont en rénovation. On vous dit tout, et notamment pourquoi nous avons besoin de vous.

Cet article étant particulièrement long, on vous en propose ici un court résumé.

Pour tout cela, nous avons besoin de votre aide

Soutenir la campagne « Dorlotons Dégooglisons #2 »

 

Carte Dégooglisons Internet 2016

Carte Dégooglisons Internet 2016

Il y a dix ans, nous annoncions notre campagne Dégooglisons Internet, qui fut un succès relativement retentissant : en couplant le plaidoyer (c’est à dire le fait de dénoncer la « triple domination » des GAFAM et leur toxicité) avec la mise en place de solutions concrètes, cette campagne de Framasoft a marqué les esprits, et nous pensons même en toute humilité qu’elle a été parfois un socle pour apporter une réponse structurée à l’envahissement des Big Tech dans nos vies.

Dans la foulée (en 2016), nous impulsions le collectif CHATONS, qui compte aujourd’hui plus de 80 structures.

Puis, quelques années plus tard, nous fermions une partie des services Dégooglisons. Les raisons étaient nombreuses (au moins 10 !) mais il y avait l’envie d’arrêter la course à l’échalote de la sortie de services, puisque nous en avions publié quasiment un par mois pendant trois ans. Notre épuisement (surtout post COVID) était alors à la hauteur de la pression du public.

Des CHATONS autonomisés pour des GAFAM atomisés ?

En parallèle le collectif CHATONS continuait sa montée en puissance. Coordonné par Framasoft, qui finançait son animation, nous estimons que fin 2023, l’association Framasoft a investi environ 100 000€ (essentiellement en temps de travail salarié) dans la mise en place de ce collectif.

Alors, certes, comme tout projet collectif, celui-ci comporte des faiblesses et des failles. Mais cette association de fait est réellement un succès à de nombreux points de vue :

  • la marque « CHATONS » est connue et reconnue par de très nombreux utilisateur⋅ices, qui peinaient à retenir les identités de nombreuses structures locales ;
  • le fait d’avoir un projet structurant a encouragé de nombreuses personnes à créer leur propre organisation. Ces personnes se sont senties légitimes à créer ou rejoindre des associations locales. Avoir réussi à faciliter ce « faire ensemble » est une véritable fierté pour nous ;
  • l’entraide entre CHATONS est une réalité, comme l’atteste le forum du collectif.

Le collectif est maintenant autonome et auto-géré depuis plusieurs mois, Framasoft étant depuis redevenu un « simple membre ».

Ne pas regarder le train du numérique passer

Cependant, en 10 ans, le numérique a bien évolué, et les GAFAM, les NATU, et autres BATX ne sont pas gentiment restées à attendre de se faire démanteler par des CHATONS ou la commission européenne.

Le cloud s’est généralisé, l’usage du mobile s’est imposé que ce soit pour payer son parcmètre ou ses impôts, l’intelligence artificielle participe certes d’une certaine hype, mais elle bouscule et percute aujourd’hui déjà de nombreux usages (et ce n’est qu’un début).

Bref, le numérique est toujours plus présent, et pour le dire clairement, nous, militant⋅es du libre, des communs culturels et d’un numérique émancipateur n’avons gagné quasiment aucune bataille dans la lutte contre un adversaire gigantesque et tentaculaire. Cependant, le simple fait de critiquer, de se réunir, de manifester, de s’opposer, de proposer… est déjà une victoire en soi !

Il convient donc, aujourd’hui de « mettre à jour notre logiciel ». L’expression peut évidemment être entendue dans les deux sens. Mettre à jour notre façon d’agir, mettre à jour l’objet de nos luttes, relever la tête du guidon numérique libriste pour regarder comment le TGV du numérique capitaliste a évolué cette dernière décennie.

Cela s’est traduit par des prises de conscience pour Framasoft ces dernières années :

  • le libre est un moyen nécessaire (mais non suffisant) pour aller vers une société libre, mais il n’est pas une fin en soi. Savoir que du logiciel libre équipe des drones larguant des bombes en Palestine ou en Ukraine ne nous réjouit pas (litote) ;
  • la centralisation est une source de puissance pour les BigTech, la décentralisation est donc l’équivalent d’un caillou dans leur chaussure. Et dans ce cadre, la fédération (par exemple via ActivityPub) est une réponse pertinente, a minima pour explorer les interstices dans lesquels ces entreprises n’arrivent pas encore à se glisser ;
  • il y a une forme de « paradoxe de la tolérance » dans le libre : d’un côté une espèce de « pureté militante » à vouloir du 100 % libre sans reconnaître que le libre est un chemin sur lequel chaque individu ou communauté se situe à une étape qui lui est propre ; et à l’inverse, une réelle difficulté du monde libre à reconnaître que l’autorisation explicite de réutiliser le travail produit par les communautés profite aussi largement aux géants du numériques qui, eux, n’ont ensuite aucun scrupule à mettre des bâtons dans les roues des projets de ces mêmes communautés ;
  • nous comprenons et adhérons à l’adage « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. ». Nous croyons fortement dans l’intérêt des processus collectifs. Mais… en vingt ans d’existence, force nous a été de constater que « Ensemble, on va moins vite. » (sauf à être très bien organisé, ce qui n’est que rarement le cas des communautés libristes). Il y a souvent une énergie folle dépensée dans la structuration de nos luttes, souvent due à un impensé : l’animation/coordination est un métier, qui réclame des compétences souvent ignorées ou peu valorisées. Or comme on l’a vu, le numérique « avance » vite. ChatGPT 4 est sorti depuis ~18 mois, et quelle a été, à quelques exceptions près, la réaction du monde libriste ? Un silence plutôt assourdissant au mieux, des moqueries en mode « ça ne marchera jamais » au pire.

Ce sont ces raisons qui nous ont poussé⋅es ces dernières années à développer avec nos petits bras associatifs un logiciel comme PeerTube, ou à proposer des projets comme Emancip’Asso ou Framaspace, qui nous permettent de mettre nos compétences aux services de communautés la plupart du temps non-libristes, mais qui partagent nos valeurs.

Ainsi, dans le contexte social et politique actuel, il nous paraît essentiel de renforcer notre offre de services en ligne à dispositions des collectifs et militant⋅es.

Mais « mettre à jour notre logiciel » peut aussi être entendu d’un point de vue beaucoup plus littéral : il s’agit en effet de mettre à jour les logiciels qui motorisent notre campagne « Dégooglisons Internet », voire d’en proposer de nouveaux au public.

Mème "Mettre à jour son logiciel"

Mettre à jour son logiciel (intellectuel) ou mettre à jour son logiciel (sur son serveur) ?

Framasoft ouvre et va rouvrir de nouveaux services

« Hein ? Quoi ? Mais vous n’aviez pas dit que vous vouliez « déframasoftiser internet » ? »

Si si, on l’a dit. Et on l’a fait.

Mais 4 à 5 ans ont passé depuis. Et il faut bien se rendre à l’évidence, la situation est moins propice au libre aujourd’hui qu’à l’époque. Pour les raisons évoquées ci-dessus, et bien d’autres encore.

L’an passé, dans notre campagne « Dorlotons Dégooglisons », nous avions notamment proposé la mise en place du service Framagroupes. Un immense merci aux personnes qui ont permis le financement de ce service 🙏

L’année précédente, c’était l’ouverture de Framaspace, espace cloud destiné aux petites associations et collectifs militants. Nous hébergeons à ce jour plus de 1 130 Framaspaces, soit autant d’instances du logiciel Nextcloud, le tout gratuitement.

Cette année encore, Framasoft souhaite proposer de nouveaux services. Toujours gratuitement (enfin, pas tout à fait, puisque ce sont vos dons qui financent), toujours respectueux de votre vie privée, toujours sur la base de logiciels libres, toujours sans aucune exploitation commerciale de vos données. Car les usages numériques évoluent, et nous devons évoluer avec eux. Ou plutôt nous devons évoluer avec vous, car ce sont avant tout le cheminement de vos pratiques qui guide nos actions.

Mème "Reframasoftiser Internet ?"

Nous sommes bien conscient⋅es que ça peut donner cette impression.

En conséquence, cette seconde campagne « Dorlotons Dégooglisons » nous permet de faire le point sur ce que nous avons fait depuis un an, mais aussi ce sur quoi nous travaillons en ce moment, ainsi que ce que nous envisageons pour les mois à venir.

 

Passez à l’action ! Framasoft souhaite ouvrir de nouveaux services libres, éthiques, décentralisés et solidaires. Pour cela, nous nous sommes fixés un objectif de collecte de 60 000€ pour nous permettre de financer les machines, mais surtout le temps de travail pour leur mise en place. Si vous le pouvez : soutenez-nous !

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Ce que nous avons fait ces 12 derniers mois

Nous avons publié le service Framagroupes. Pour information, aujourd’hui, ce service expédie plus de 50 000 mails par jour ( !) et accueille déjà 7 900 listes de discussions, ce qui, avec les 59 000 listes de Framalistes, fait probablement de Framasoft l’organisation à but non lucratif hébergeant le plus gros serveurs de listes au… monde (si on compare par exemple à RiseUp (15,225 listes 389,871 utilisateur⋅ices) ou Renater/Universalistes (1 600 listes).

À cause d’utilisations (très) malveillantes de Framatalk, nous avons développé un logiciel (libre, bien entendu) qui permet d’imposer l’authentification des personnes qui souhaitent ouvrir un salon de visioconférence. Si on peut entendre que cela représente une contrainte pour vous, au vu des usages (on le répète, très) malveillants qui étaient faits de ce service, nous n’avions tout simplement pas le choix.

Nous avons migré plus de 1 000 instances Framaspace en version 28. Nous avons fait développer un logiciel de supervision spécifique, Argos Panoptès, pour gérer autant d’instances.

Notre infrastructure email, malgré plus de 8 millions de mails envoyés par mois (oui oui, 271 000 mails en moyenne par jour !) continue d’être régulièrement boudée par certains acteurs (oui, c’est vous qu’on regarde Orange, La Poste et SFR !). À tel point qu’après une lutte de plusieurs mois qui nous aura demandé autant d’énergie que de paracétamol, nous avons dû nous résoudre, à contrecœur, à utiliser les services d’un prestataire externe, pour les envois de nos newsletters (431 129 abonné⋅es en double opt-in).

Du côté de Framaforms, nous avons amélioré la gestion du spam, cette chienlit qui n’en finit pas de revenir dégrader un service pourtant parmi les plus utilisés de Framasoft.

C’est vrai, ça, hein : et personne ne le prendrait au sérieux !

Pour faciliter les recherches de vidéos sur l’ensemble du réseau PeerTube (notre alternative à YouTube), nous avons changé le logiciel qui motorise Sepiasearch, notre moteur de recherche du « vidiverse ». Ce dernier utilise maintenant la brique logicielle Meilisearch, et non plus Elasticsearch, dont la licence a pris un chemin bien moins libre.

Framacarte a aussi fait l’objet d’une mise à jour majeure, qui fait suite au travail de la communauté uMap, avec laquelle nous restons très en lien.

Concernant MyPads, le plugin qui permet de gérer et d’organiser vos Framapad, les changements ont été subtils, mais nombreux. Ainsi, grâce au travail de Pierre, stagiaire à Framasoft pour (seulement) 6 semaines, de nombreuses petites améliorations ont été faites.

Parmi les améliorations d’ores et déjà disponibles :

  • ajout d’un logo pour revenir à l’accueil (oui, c’est bête, mais il n’y en avait pas et beaucoup d’utilisateur⋅ices peinaient à retourner sur la page d’accueil)
  • meilleure identification des dossiers restreints ou publics
  • les dossiers archivés sont maintenant repliés par défaut pour une meilleure lisibilité
  • les propriétés du dossiers sont maintenant repliées par défaut pour une meilleure lisibilité
  • la recherche, en page d’accueil, permet maintenant de rechercher sur les noms de pads (en plus des dossiers)
  • possibilité de trier les dossiers ou les pads par noms ou par dates de création
  • améliorations CSS diverses

Enfin, Mobilizon, notre logiciel libre et fédéré alternatif aux groupes et pages Facebook, a été transmis à la communauté (aujourd’hui coordonnée par la communauté Kaihuri/Keskonfai). Nous annoncions en effet il y a quelques mois que nous estimions notre engagement initial concernant Mobilizon rempli. Nous souhaitions pouvoir rediriger une partie de notre capacité de développement logiciel vers les projets les plus prioritaires (contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent,  en dehors de PeerTube, nous ne disposons « que » d’un mi-temps de développeur salarié).

 

Passez à l’action ! Framasoft accueille plus de 2 millions de personnes par mois, et améliore et maintient de très nombreux services tout au long de l’année. Cela implique énormément de travail humain (développement, support, administration système, etc), ainsi qu’une infrastructure technique conséquente. Si vous le pouvez : soutenez-nous !

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Ce sur quoi nous travaillons en ce moment

Framapétitions, un service de… pétitions

Il existe de nombreuses plateformes de pétitions, mais ces dernières ne sont que rarement basées sur du code libre. Par ailleurs, ces plateformes sont aussi largement soupçonnées d’utiliser vos données personnelles (nom, email, cause soutenue) à d’autres fins que d’ajouter votre signature à une pétition.

Framapétitions est donc un service en test (on répète : il n’est PAS finalisé) qui permet de créer ou signer des pétitions citoyennes. Le service peut d’ores et déjà être utilisé, mais reconnaissons-le, il mérite encore d’être amélioré. Ça tombe bien, nous allons travailler dessus dans les mois qui viennent.

 

Dans les coulisses

Un projet de plateforme de pétitions qui n’exploiterait pas vos données était donc dans nos cartons depuis plus de 10 ans. Mais… faute de temps et d’énergies, nous repoussions sans cesse le sujet. Une autre raison était plus politique : à quoi servent vraiment les pétitions ? Parfois uniquement à se donner bonne conscience en se disant « J’ai agi », nous dédouanant alors d’un passage à l’action plus directe. Cependant, vos demandes régulières à ce que nous avancions sur le sujet nous ont motivés à remettre ce projet au goût du jour.

Voilà plusieurs années que nous soutenons un projet libre nommé « Pytition« . Fonctionnel, mais nécessitant encore pas mal de travail sur les aspects visuels. Nous soutenir financièrement, c’est nous permettre d’allouer du temps de travail pour améliorer Pytition, en lien avec le développeur originel et permettre, à moyen terme, d’ouvrir une plateforme de pétitions réellement libre, ouverte, et avec une garantie de non-exploitation commerciale de vos données.

 

Affichage des dernières pétitions Édition d'une pétition Affichage d'une pétition

Tester Framapétitions (sans garantie ni support !)

 

Framalab, pour expérimenter des logiciels avant qu’ils ne deviennent (potentiellement) des services

Mettre en place un logiciel utilisable en ligne est assez simple, surtout quand, comme nous, vous disposez d’un administrateur système très compétent. Cependant, entre installer un service en ligne et être capable d’y accueillir plusieurs centaines de milliers de personnes par mois, il y a tout un monde. Il faut tester les fonctionnalités du logiciel, évaluer sa maintenance, savoir jauger le temps et l’énergie qu’il nous prendra en support et en modération, créer une page d’accueil, parfois corriger quelques bugs gênants, constituer une Foire Aux Questions, communiquer dessus, etc.

Afin de faciliter ce processus, nous avons décidé de rendre public le site Framalab. Sur ce site vous trouverez quelques unes de nos applications en test.

Captures d'écrans du site Framalab

Notez bien que les applications qui suivent sont en test. Elles peuvent disparaître à tout moment, ce qui signifie que vous pouvez perdre vos données du jour au lendemain. Par ailleurs, elles ne feront l’objet d’aucun support de notre équipe salariée : si vous avez des questions ou rencontrez des difficultés, vous pouvez les remonter sur notre forum, où l’entraide sera communautaire (comprendre : peut-être que quelqu’un vous répondra, peut-être pas).

 

Visiter Framalab (sans garantie ni support !)

Des alternatives à Tricount

Tricount est une application (non libre) de gestion des dépenses de groupes (familles, ami⋅es, colocataires, etc).

Elle compte plus de 5 millions d’utilisateur⋅ices dans le monde.

L’application fonctionnait auparavant très bien sur le web, qui s’affichait dans une version mobile tout à fait correcte. Mais depuis peu la version web n’est plus disponible, et vous êtes obligé⋅es de télécharger et installer une application web sur votre smartphone. Nos ami⋅es d’ Exodus Privacy détectent, sur cette application, pas moins de 12 pisteurs et 16 permissions. D’où l’idée de vous proposer des alternatives libres, garanties sans pisteurs.

I Hate Money

Un « petit » projet libre comme on les aime : il fait une chose, mais la fait bien, et sans fioriture. Par exemple pour un voyage entre ami⋅es, une première personne créée un projet (pas besoin de créer un compte : il suffit de choisir un nom, de définir un code d’accès, et de laisser un email). Les autres personnes pourront alors s’y connecter, et ajouter chacune leurs dépenses. Au final, un clic sur « remboursement » permettra de savoir très facilement « Qui doit combien à qui ? ». Simple, rapide, efficace, on vous dit !

 

Dans les coulisses

Cette application, née en 2011, n’a peut-être pas le « look and feel » le plus moderne. Cependant, nous l’avons testé en conditions réelles, et… elle fonctionne très très bien et nous l’avons trouvée simple et efficace sur mobile. Elle a principalement été développée par Alexis Métaireau (oui, le même qui a développé pour nous Argos Panoptes, que nous évoquions plus haut dans la partie « Framaspace »).

 

 

Tester I Hate Money (sans garantie ni support !)

Spliit

Encore une fois, un petit projet très simple, mais avec un look résolument moderne : pas besoin de s’authentifier, quelqu’un créé un groupe, puis ensuite ajoute des participant·es, et enfin leur partage l’URL. Tout le monde peut rentrer des dépenses simplement, et l’application calcule ensuite automatiquement qui doit quoi à qui. Il est possible d’utiliser des modes de partage plus avancés : par nombre de portions ou encore par pourcentage. Seul hic, le projet est à l’heure actuelle uniquement anglophone, donc il vous faudra comprendre a minima la langue de Shakespeare pour pouvoir l’utiliser. Sans pour autant le garantir, si cela devait devenir un service Framasoft, peut-être que notre communauté pourrait aider à le rendre traductible puis à le traduire pour un public francophone !

Split : Accueil Split : inscription de dépenses Split : remboursements
Dans les coulisses

Et pourquoi pas Cospend ?

Vous connaissez peut-être Cospend, l’application Nextcloud qui propose des fonctionnalités similaires. Nous avons choisi de ne pas expérimenter avec cette dernière, pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’elle nécessite une instance de Nextcloud (bravo Sherlock !), et que cela signifierait de mettre en place une instance de Nextcloud uniquement dédiée à ce service. La deuxième, c’est qu’il faudrait également rajouter des modifications au logiciel, pour que les utilisateur·ices de l’instance ne puissent pas ajouter n’importe qui d’autre utilisant le service à un groupe de dépense. La troisième, c’est que la version Web mobile nous a semblé peu utilisable (avec des écrans qui se recouvrent les uns les autres), et bien qu’une application mobile Android MoneyBuster propose en théorie de se lier à un Cospend, en pratique il n’est plus possible de rejoindre un groupe de dépense Cospend avec cette dernière, et ce depuis quelques mois, sans visiblement de résolution apparente de ce bug critique). Alors on sait ce que c’est qu’être bénévole sur un logiciel libre, donc on ne jettera la pierre à personne, et au contraire on encouragera le développement, depuis les gradins. Mais en l’état actuel, cela nous semble plutôt une alternative dont l’évolution est à surveiller, ou viable à utiliser sur des instances Nextcloud (coucou les Framaspaces  !), plutôt qu’un service que nous voudrions proposer à grande échelle. Affaire à suivre…

 

 

Tester Spliit (sans garantie ni support !)

Tableaux blancs et diagrammes en ligne

Draw.io

Draw.io permet de créer des diagrammes professionnels. Ce service est plutôt adapté si vous souhaitez réaliser un organigramme ou un diagramme UML.

Interface de Draw.io

 

Dans les coulisses

La version de Draw.io que nous proposons actuellement est une version offline dans le sens où elle ne permet que l’enregistrement local, et ne permet pas la modification collaborative.

Il faut donc considérer notre version de draw.io comme un logiciel « à l’ancienne » où vous allez créer votre diagramme (dans votre navigateur), puis l’enregistrer. Il est cependant possible de partager votre diagramme publiquement (en lecture seule) en utilisant la commande « Fichier → Publier → Lien ».

Nous avons tout de même ajouté la possibilité d’enregistrer vos données sur Framagit (il faudra vous y créer un compte).

Les fonctions collaboratives en temps réel imposent, elles, de passer par les serveurs de la société Jgraph qui édite le logiciel, elles ne sont donc pour le moment pas supportées.

Nous choisissons cependant de tester draw.io car nous le trouvons très intéressant de par ses fonctionnalités avancées. Peut-être le proposerons nous, à terme, comme plugin au sein de Framaspace.

 

 

 

Tester Draw.io (sans garantie ni support !)

Excalidraw

Là où Draw.io permet d’organiser des diagrammes, voyez plutôt Excalidraw comme un outil de « tableau blanc » (qui permet, aussi, de réaliser des diagrammes simples).

Cette simplicité rend Excalidraw, selon nous, plus accessible au grand public.

 

Dans les coulisses

Contrairement à Draw.io, notre version d’Excalidraw permet de travailler de façon collaborative. Nous expérimentons cette fonctionnalité, mais nous pourrions la retirer si nous ne la trouvons pas suffisamment stable et sécurisée. Cependant, Excalidraw utilisant à ce jour la plateforme Firebase de Google pour enregistrer les images en ligne, nous avons pour l’instant désactivé la possibilité d’ajouter des images dans notre version d’Excalidraw.

Notez que nous avons aussi évalué le logiciel tldraw, qui nous a paru une initiative intéressante, mais sa licence n’est pas libre car interdisant les usages commerciaux (ce qui n’aurait pas été le cas de Framasoft, mais ne répond pas pour autant aux exigences d’une licence libre).

Excalidraw, un tableau blanc pour mettre en forme vos idées collaborativement

 

Tester Excalidraw (sans garantie ni support !)

Des outils pour manipuler vos PDF en ligne

Ahhhh, les PDF ! Un format ouvert certes, pratique pour l’impression, mais clairement pas adapté à la modification. Si vous devez réorganiser des pages, en supprimer, en ajouter, les faire pivoter, ou les signer, c’est assez rapidement la croix et la bannière. Par ailleurs, il faut parfois pouvoir réduire leur poids avant de l’envoyer par email. Ça tombe bien, les deux outils que nous proposons sont là pour ça !

Signature PDF

Créé par la société coopérative « La 24eme », ce logiciel permet, au travers de quelques entrées simples, de manipuler vos PDF :

  • « Signer » : permet de signer, parapher, tamponner un pdf, mais aussi de partager le PDF signé, pour qu’il puisse être signé par d’autres personnes ;
  • « Organiser » : permet de tourner les pages d’un PDF (rotation), de déplacer des pages, d’en supprimer, d’en ajouter (depuis un autre PDF, par exemple pour faire un seul PDF à partir de plusieurs fichiers), etc.
  • « Métadonnées » : permet d’afficher les métadonnées d’un fichier PDF (par exemple la date de création ou le logiciel utilisé pour sa création), mais aussi d’éditer ces métadonnées ou d’en supprimer ;
  • « Compresser » : pour réduire la taille d’un PDF. Si le PDF original a déjà été compressé, cela n’aura aucun effet évidemment. Mais nos tests ont démontré qu’un PDF constitué de pages scannées de 38Mo au départ n’en faisait plus que 6 au final, ce qui est un gain conséquent.
Écran d'accueil de Signature PDF sur Framalab Ajouter une signature en 3 clics Réorganiser, ajouter ou supprimer des pages à un PDF

Tester Signature PDF (sans garantie ni support !)

Stirling PDF

Là, on sort la grosse artillerie. Stirling PDF propose pas moins de 71 outils différents !

Depuis des outils « simples » (fusion, rotation, etc) à ceux bien plus complexes (extraire les tableaux d’un PDF pour un faire un fichier .csv exploitable par un tableur, ajuster les couleurs, transformer une URL de page web en PDF, etc), en passant par des fonctions bien utiles (protéger par mot de passe, numéroter automatiquement les pages, etc.). Il existe même un outil « pipeline » qui permet d’enchaîner différentes actions (par exemple : rotation 90°, puis suppression des pages 1 et 14, puis ajout de numéros de pages, puis compression).

Écran d'accueil Stirling PDF

Écran d’accueil Stirling PDF

 

Tester Stirling PDF (sans garantie ni support !)

Liberaforms, un successeur pour Framaforms ?

Framaforms est basé sur le logiciel Yakforms, logiciel qui arrive en fin de vie. Pour différentes raisons (cf. « coulisses »), nous avons dû faire le choix de lui trouver un successeur, qui permettra de continuer à fournir un service proche de celui que vous utilisez actuellement.

Après moult essais-recherches (et quelques déceptions), notre choix s’est arrêté sur Liberaforms, un logiciel libre de formulaires créé et développé par une petite équipe espagnole.

Le « périmètre fonctionnel », c’est à dire l’ensemble de ce que vous pouvez faire avec ce logiciel, est sensiblement le même que celui que propose Yakforms, en dehors de certaines fonctions avancées (gestion de conditions, ou emails de validation, par exemple). Nous vous proposons de le tester sur notre plateforme https://beta.framaforms.org pendant plusieurs mois. Au terme de cette phase de tests, pendant laquelle nous pensons (si vous nous en donnez les moyens) améliorer quelque peu l’interface, nous pourrons alors commencer une bascule entre Yakforms et Liberaforms qui, rassurez-vous, s’étalera elle aussi sur plusieurs mois (vous ne perdrez donc pas vos formulaires en cours).

Création d'un formulaire Liberaforms Affichage d'un formulaire, dans Liberaforms Graphiques de réponses, dans Liberaforms Réponses, dans Liberaforms

 

Dans les coulisses

L’histoire de Framaforms/Yakforms s’étale sur près de 10 ans et est racontée sur le Framablog. Yakforms est donc basé sur Drupal 7, publié en 2011, qui aura donc eu une durée de vie de 14 ans, ce qui en fait une longévité relativement exceptionnelle pour une application web. La « fin de vie » de Drupal 7, plusieurs fois repoussée, s’achève finalement le 5 janvier 2025. À compter de cette date, il n’y aura donc plus de mise à jour de sécurité : si une faille était découverte, elle ne serait plus couverte (annoncée, réparée, suivie, etc) par la communauté, et donc Yakforms serait touché par ricochet.

Notre première idée a donc été, évidemment, de migrer Yakforms vers Drupal 8, 9, ou même maintenant Drupal 10. Cependant, c’était plus facile à dire qu’à faire, car Yakforms est composé de nombreux modules compatibles avec Drupal 7 mais pas avec les versions suivantes. C’est notamment le cas du module « form_builder » qui n’a jamais été porté dans les versions suivantes.

Il y a eu différentes tentatives de migration de Yakforms, la dernière en date par le Centre d’Expressions Musicales, au Havre, qui utilise massivement Framaforms (et bien d’autres logiciels libres, d’ailleurs). Mais le sujet étant complexe, le projet n’a pas abouti.

Début 2024, nous nous sommes donc lancés à la recherche de logiciels libres de formulaires alternatifs. Bonne nouvelle : le paysage avait bien évolué depuis la sortie de Framaforms en 2016, et de nombreuses alternatives existent aujourd’hui. Voici quelques unes des solutions testées :

  • https://www.limesurvey.org/fr : la référence en matière de logiciel libre d’enquête. Cependant, « enquête » « formulaire » ! LimeSurvey est un logiciel idéal si vous voulez réaliser une enquête de plusieurs dizaines ou centaines de questions, avec des embranchements, etc. Mais notre objectif avec Framaforms est de proposer une alternative à Google Forms, à savoir un logiciel simple à prendre en main, qui permet de publier son premier formulaire en 5mn chrono. Ce qui est très, très loin d’être le cas de LimeSurvey ;
  • https://apps.nextcloud.com/apps/forms : une app pour Nextcloud (logiciel que l’on connaît bien à Framasoft) pour créer des formulaires. Ce choix est arrivé en second dans notre évaluation. D’autant que nos ami⋅es du chaton La Contre-Voie ont apporté un développement spécifique permettant un accès simplifié. Mais nous avons estimé que le code de Nextcloud Forms n’était pas encore suffisamment stable pour nos besoins, ni capable d’accueillir des dizaines de milliers de visiteurs quotidien ;
  • https://cryptpad.fr/form/ : issu de l’excellente suite bureautique chiffrée Cryptpad. L’interface n’est pas très jolie, mais plutôt fonctionnelle. Cependant, le côté 100 % chiffré du logiciel était, paradoxalement, rédhibitoire pour nous : nous gérons plusieurs centaines de milliers de formulaires par an, et un chiffrement de bout en bout aurait largement limité notre capacité de support, et donc multiplié les personnes qui se seraient plaintes auprès de nous ;
  • https://surveyjs.io/ dispose d’un excellent concepteur de formulaire, mais la partie enregistrement et analyse n’est pas libre, ce qui ne présage habituellement rien de bon quant à l’ouverture du logiciel dans les années à venir ;
  • https://formbricks.com/ : ce logiciel nous a semblé tout à fait correct. Par contre, il est pensé pour faire de « l’enquête pas à pas » et non des formulaires. Par ailleurs, il nous aurait fallu adapter de nombreuses fonctionnalités (souvent marquées comme « pro » ;
  • https://getinput.co : comme SurveyJS, il s’agit plus d’une alternative à Typeform qu’à GoogleForms, avec « une question = un écran ». Le travail de traduction aurait été conséquent, mais nous l’avons éliminé aussi parce que bien que le code soit libre, l’entreprise qui édite ce logiciel semble avoir une politique commerciale relativement agressive et n’aurait probablement pas bien accepté de voir Framasoft proposer son logiciel gratuitement, devenant un concurrent de poids qui aurait « récupéré » leur travail ;
  • https://ec.europa.eu/eusurvey/ : Développé par l’Union Européenne depuis 2016. Le rythme de développement est relativement lent. Ça aurait pu être un candidat intéressant, mais le code nous a semblé une véritable usine à gaz, puisque conçu pour gérer des formulaires au sein d’institutions publiques de grandes tailles, avec l’obligation de gérer plusieurs langues, etc ;
  • https://ohmyform.com/ : là encore, plutôt une alternative à Typeform qu’à Google Forms. Notez qu’en l’absence de plateforme pour tester ce logiciel, il vous faudra donc l’installer. Par ailleurs, le développement, bien que toujours en cours, semble relativement ralenti ;
  • https://tripetto.app/ a clairement le concepteur de formulaire le plus avancé. Malheureusement le logiciel est uniquement en anglais (et non facilement traduisible). Mais surtout, si le « builder » (l’interface de création de formulaire) est libre, d’autres parties essentielles du logiciel ne le sont pas, ce qui était évidemment rédhibitoire pour nous ;
  • Nous avons aussi évalué plusieurs outils « no-code » (comme NocoDB ou Baserow) qui sont aussi très pertinents pour créer des formulaires. Cependant, nous avons estimé que nous n’étions pas sur des outils simples à prendre en main alors que c’était un critère essentiel pour nous. Nous n’excluons pas de proposer ces outils à termes, mais cela nous paraissait prématuré pour le moment.
  • https://gitlab.com/liberaforms/liberaforms – ce n’est ni la plus belle, ni la plus moderne des alternatives testées. Cependant, elle fait correctement le travail, et semble bien pouvoir passer à l’échelle en gérant plusieurs dizaines ou centaines de milliers de formulaires. Par conséquent, nous avons contacté les développeurs de Liberaforms, qui semblaient enchantés que Framasoft propose leur logiciel à l’évaluation (merci à eux !).

Le logiciel n’était pas traduit en français, alors… nous l’avons fait ! Un grand merci à Framalang, spf et Booteille pour leur aide !

Dans les mois qui viennent, grâce à vos dons, nous nous appliquerons donc à finaliser la traduction, à améliorer l’interface (notre code sera bien évidemment reversé auprès de la communauté Liberaforms), et évaluerons vos retours pour déterminer si, oui ou non, Liberaforms remplacera à terme Yakforms comme moteur de Framaforms.

 

Tester Liberaforms (sans garantie ni support !)

 

Framaspace, de l’accompagnement pour une plus grande autonomisation

Framaspace accueille plus de 1 100 associations et collectifs. Nous envisageons de doubler ce chiffre, au moins, d’ici la fin de l’année. Ce qui positionne Framasoft comme un des plus gros hébergeurs Nextcloud (le logiciel qui motorise Framaspace) de France, hors opérateurs type OVH.

Mais il nous reste un problème majeur auquel il faut répondre : comment accompagner les personnes qui découvrent Nextcloud ? En effet, comme nos enquêtes le démontraient, et comme nous l’indiquions dans notre conférence de lancement, Nextcloud reste relativement peu connu, et pas aussi simple à prendre en main qu’un Google Drive, par exemple. Il nous faut donc trouver des façons qui permettent à une personne qui n’a jamais utilisé le logiciel de s’y retrouver : qu’elle puisse importer ses fichiers ou calendriers, qu’elle sache comment partager publiquement un fichier, qu’elle comprenne comment utiliser le tableur ou le traitement de texte intégré, etc.

Nos actions en cours sont nombreuses sur le sujets : nous soutenons par exemple l’initiative d’ateliers Nextcloud (en juin 2024) organisé par L‘Établi Numérique et La Dérivation. Nous avons aussi un stagiaire, Val, qui travaille sur deux sujets : faciliter la migration depuis un espace cloud externe (Google Drive, Dropbox, ou même un autre Nextcloud) vers Framaspace ; proposer un tutoriel aux nouvelles et nouveaux arrivants sur Framaspace, en utilisant la bibliothèque IntroJS.

Vidéo de démonstration de l’application IntroJs, développée par Val, pour faciliter la prise en main de Framaspace.

Là encore, vos dons nous permettent de faire, et surtout de faire sans trop attendre.

Proposer la candidature de votre asso/collectif

 

Passez à l’action ! Pour pouvoir répondre à vos besoins et vos envies en termes de services libres émancipateurs, nous nous sommes fixés un objectif de collecte de 60 000€ qui nous permettront de mettre l’énergie nécessaire à la mise en place de ces services. Si vous le pouvez : soutenez-nous !

Soutenir Framasoft

 

Et ensuite ?

Mais Framasoft ne s’arrête pas là !

D’autres projets sont en cours, mais sont, eux, plus incertains.

Leur mise en place dépendra évidemment du succès de cette collecte (oui, on manque peut-être un peu de subtilité 😉), mais aussi des résultats des études de faisabilité technique qui sont en cours.

Nous pouvons cependant les évoquer ici, en insistant sur le fait qu’en parler maintenant n’est pas pour autant un engagement de mise en place de notre part.

Aktivisda : décliner des visuels rapidement

Un des besoins récurrents repérés parmi les associations que Framasoft côtoie est celui de pouvoir rapidement créer ou décliner des visuels. Par exemple, pour une chorale qui ferait 5 représentations en fin d’année, il s’agit surtout, sur la base d’un affiche commune, de changer les dates, les heures, et les lieux. C’est un besoin simple, qui doit prendre quelques minutes maximum, afin de consacrer l’essentiel du temps et de l’énergie à imprimer et diffuser les affiches.

C’est aussi le même besoin qui revient avec les réseaux sociaux, où le besoin est d’avoir un visuel commun identifiable (par exemple avec le logo de l’association), puis de pouvoir ajouter un texte dessus pour inviter à une action ou un événement.

Par ailleurs, mettre à disposition ce type d’outil permettant en quelques clics de partager un visuel (une affiche, par exemple), de l’imprimer, ou de créer un code QR personnalisé, nous semble utile dans le contexte social et politique actuel.

Ce sont justement à ces besoins que répond le logiciel Aktivisda.

Choisir un visuel dans Aktivisda Éditer un visuel dans Aktivisda (un message subliminal s'est glissé dans cette capture, saurez-vous le retrouver ?)

Pour l’instant, aucune version « diffusée par Framasoft » n’est disponible, mais nous travaillons avec le développeur originel, ainsi que la société qui l’emploie (Telescoop) afin de faciliter son déploiement pour de multiples organisations, ainsi que l’ajout de nouveaux visuels (il faut actuellement passer par Framagit, ce qui peut être fastidieux).

Nous espérons donc, d’ici la fin de l’année, revenir avec de bonnes nouvelles du côté de Aktivisda :)

 

Dans les coulisses

S’il y a un logiciel dont l’usage s’est massifié dans le paysage associatif ces dernières années, c’est bien Canva. Ce logiciel (non libre, et qui ne se prive pas de nourrir des entreprises tierces d’intelligence artificielle avec vos données) permet de créer rapidement des designs ou des présentations.

Le logiciel libre le plus proche est probablement l’excellent Polotno Studio. Malheureusement, il n’est que très partiellement libre.

C’est un peu par hasard, lors des JDLL 2023 que nous avons découvert Aktivisda. En décembre 2023, nous rencontrions alors son développeur, Marc-Antoine, avec qui nous avons discuté de ses projets pour Aktivida, mais aussi de nos envies et de nos besoins d’un logiciel plus simple à déployer. Les échanges se sont poursuivis ponctuellement, mais régulièrement, avec l’objectif de rendre le logiciel multi-tenant, c’est à dire facilement utilisable par de multiples individus ou organisations. Marc-Antoine et ses collègues sont actuellement en train d’explorer le sujet (de façon bénévole, précisons-le), et nous y verrons donc plus clair d’ici quelques semaines.

Framaspace : gestion des adhérent⋅es, de la comptabilité, nouvelles applications

Comme évoqué plus haut, l’année 2024 sera largement dédiée à améliorer la prise en main et l’accompagnement des utilisateur⋅ices qui découvrent Framaspace.

Cependant, cela ne signifie pas que nous n’allons pas avoir de missions plus techniques. Ainsi, nous comptons passer tous les espaces en version 29 (vous pouvez en lire une description en français chez nos ami⋅es d’Arawa. En parallèle, nous allons évaluer l’ajout de quelques applications, comme par exemple Tables qui permet de construire et partager une petite base de données, ou Impersonate pour permettre à l’admin d’un espace de dépanner un utilisateur. Suivant vos retours sur Excalidraw (évoqué plus haut), nous pourrons aussi le proposer comme application complémentaire.

Tables dans Framaspace : créer des tableaux pour différents usages Tables dans Framaspace : des formulaires pour que vos utilisateur⋅ices puissent saisir leurs données Tables dans Framaspace : visualisez et manipulez vos données

 

Cependant, le plus gros du travail, qui commencera au second semestre 2024, sera de voir jusqu’où nous pouvons aller dans l’intégration de Paheko dans Framaspace. Paheko est un logiciel libre de gestion d’associations complet et qui bénéficie aujourd’hui d’une belle réputation. De plus son développeur est français, et impliqué dans différentes communautés libristes depuis longtemps. Lors du dernier camp CHATONS, nous avons commencé à discuter de la possibilité d’intégrer des parties de Paheko à Framaspace. Notamment, nous savons que pouvoir gérer les adhérent⋅es (dates d’entrée et sortie de l’association, gestion des cotisations, etc.), mais aussi la comptabilité (suivant le Plan Comptable Associatif) seraient de gros avantages pour Framaspace. Pour l’instant, nous sommes toujours dans une démarche exploratoire, mais l’idée nous paraît suffisamment importante pour que nous y consacrions du temps et de l’énergie.

Ajout d'une ligne comptable dans Paheko

Empreinte carbone associative

Nous ne sommes pas climato-sceptiques. Nous considérons que le réchauffement climatique est la mère de toutes les batailles. Nous pensons que la réponse au dérèglement climatique est avant tout politique, et nous sommes irrité⋅es de voir à quel point les politiques publiques sont avant tout orientées, parfois de façon très culpabilisantes, sur les gestes individuels. Cependant, pour pouvoir correctement faire face à un problème et y répondre de façon pertinente, il peut être utile de bien comprendre les enjeux, mais aussi les leviers sur lesquels agir. C’est dans cette optique que Framasoft, en partenariat avec le groupement de recherche Labos 1point5 souhaite proposer, à moyen terme, une application en ligne permettant d’évaluer l’empreinte carbone de son association (ainsi qu’un simulateur permettant de voir l’impact de chaque levier activable).

Possibilité de jouer sur des leviers impactant l'empreinte carbone Évaluation de l'empreinte carbone Saisie de données dans l'application 1point5

 

 

Dans les coulisses

Il n’y a pas, et il n’y aura jamais de numérique « vert ». Le numérique est intrinsèquement écocidaire. Cependant, nous vivons dans un monde où le numérique existe, et a aussi des apports (pour calculer, pour communiquer, pour être en lien, pour faire ensemble, etc.). Et ni vous, ni nous, ni personne, ne peut faire disparaître le numérique d’un claquement de doigts. C’est ce qu’on appelle une problématique complexe, face à laquelle aucune solution n’est triviale. Les solutions aux problèmes complexes reposent souvent sur des décisions politiques à grande échelle. Et le plus souvent, ces décisions font face à une grande réactance au début, ce qui est assez naturel.

Concernant le réchauffement climatique, nous ne croyons pas aux « petits pas », et nous condamnons les politiques publiques qui pointent beaucoup plus facilement les gestes individuels (le fameux « pipi sous la douche ») plutôt que les actions à grande échelle.

Cependant, pour bien comprendre un problème complexe, il faut pouvoir prendre conscience des « sous-problèmes » qui le composent. Et là, ça tombe bien, Framasoft peut avoir un (petit) rôle à jouer.

Ainsi, nous avons été contacté·es il y a quelques mois par le Groupement de Recherche Labos 1point5 qui propose, pour les labos de recherche (Universités, CNRS, etc.) des outils pour évaluer et comprendre l’empreinte carbone liée au laboratoire. Ils et elles nous ont annoncé travailler sur un outil équivalent, mais destiné aux associations et nous ont demandé si nous serions d’accord pour « porter » ces outils auprès du monde associatif.

Pour être franc⋅hes, nous avons d’abord hésité, car ce genre d’outils fait souvent l’objet de gros biais de calcul, et « oublie » le scope 3 (et même parfois le scope 1). Mais nous avons testé l’outil, et l’avons trouvé très complet. Par ailleurs, le fait que ces outils soient produits par des chercheuses et chercheurs pointu⋅es sur ce sujet permet de sortir des nombreuses démarches marketing de « greenwashing » que l’on peut observer ces derniers temps.

Nous avons donc entamé un dialogue qui nous semble fort constructif. Pour l’instant, nous laissons l’équipe de recherche avancer sur le sujet, et nous vous tiendrons informé⋅es des avancées d’ici quelques mois.

D’ici là, si votre association est intéressée à tester lesdites avancées ou à participer aux échanges avec les chercheuses et chercheurs, vous pouvez vous inscrire au panel d’associations testeuses.

 

 

Proposer votre association comme beta-testeuse

D’autres ajouts sur Framalab ?

Ah… Framadate sur mobile… Si on avait touché 1€ à chaque fois que l’on avait reçu une plainte concernant l’usage de Framadate sur smartphone, nous n’aurions probablement pas besoin de faire de collecte 😅.

Cependant, le code de Framadate est tellement daté (certaines parties du code datent de 2008) qu’il paraît aujourd’hui bien plus simple de repartir de zéro.

Ça tombe bien, des logiciels alternatifs comme https://rallly.co/fr ou https://crab.fit/ s’y sont lancés. Mais aussi, plus localement, la DINUM en 2021 ou, encore plus proche, la communauté CHATONS.

Bref, ça ne sera pas pour tout de suite, et surtout, on ne sait pas encore quelle sera la voie (longue, mais libre) suivie par Framasoft, mais les choses avancent :)

Rallly : résultats Rallly : choisir ses dates Rallly : affichage mobile Crabfit : choisir ses dates Crabfit : résultats Crabfit : dispos de groupe

D’autres logiciels sont évidemment envisagés, comme Hedgedoc, par exemple. N’hésitez pas à signaler vos envies et besoins sur notre forum.

Nous étudions aussi de près la possibilité de mettre à votre disposition des outils « No Code » comme Baserow ou NoCoDB, car ils nous semblent répondre à des besoins courants. Cependant d’un point de vue technique, ce n’est pas simple (ces logiciels sont gourmands et coûtent donc cher à héberger), et il s’agit de logiciels un peu complexes à prendre en main, donc il faudrait aussi travailler à leur accompagnement.

Pour tout cela, nous avons (encore) besoin de votre aide

Félicitations si vous nous avez lu jusqu’ici, car nous avions beaucoup à dire !

Vous l’aurez compris, de nombreux chantiers sont en cours, et il nous faudra des semaines, voire des mois, pour les faire avancer.

Cependant, comme toujours, nous ne pourrons nous atteler à ces projets que si vous nous donnez les moyens de le faire.

Pour cette campagne, le montant de 60 000 € demandé est le minimum vital pour nous permettre de maintenir l’existant comme nous l’avons fait ces 12 derniers mois, et de mettre en place les projets déjà engagés en 2024, si nous atteignons cette somme, nous pourrons alors plus facilement mettre en place les projets exploratoires évoqués plus haut.

Nous pensons sincèrement que nous avons la possibilité de faire bouger les lignes, comme nous l’avons fait avec Framadate, Framalistes, Framapad, ou maintenant Framaspace. Le contexte politique et social actuel nous presse à « outiller la société de contribution », c’est à dire à équiper numériquement celles et ceux qui souhaitent changer le monde vers plus de collectif, plus de diversité, plus de communs. Notre boussole reste notre volonté de vous proposer des outils libres et éthiques, un peu comme si nous fournissions des planches, des marteaux et des clous numériques pour que vous puissiez concrétiser les projets qui vous ressemblent, et non ceux qui sont téléguidés par les géants du numérique.

Nous pensons avoir prouvé lors de ces dix dernières années de « dégooglisation » que votre confiance n’était pas mal placée, et que chaque euro perçu avait été bien dépensé.

Aujourd’hui, au regard de nos ambitions à vous proposer de nouveaux services (mais aussi à maintenir ceux qui sont en place !), nous faisons donc de nouveau appel à votre générosité, en vous rappelant que l’association Framasoft ne vit que de vos dons, et en vous invitant donc, si vous en avez l’envie et les moyens, à nous soutenir pour cette nouvelle campagne. Merci 🙏

Soutenir la campagne « Dorlotons Dégooglisons #2 »

Framalibre : Une refonte pour revenir à l’essentiel

Par : Framasoft
10 avril 2024 à 04:23

L’annuaire des outils numériques libres et éthiques a fait peau neuve fin 2023, pour devenir encore plus pratique et faciliter les recommandations. Petit tour en coulisses pour vous expliquer le parcours de cette refonte.

Ici Maiwann qui vous écrit d’un café, enfin d’une gare, en train d’attendre son train de 17h23 parce que le train de 16h24 a été annulé.

Est-ce qu’il y a un meilleur moment pour vous raconter l’histoire de la refonte de Framalibre ? Je ne crois pas, et en plus la touche E de mon clavier fonctionne pour l’instant, alors c’est parti pour ce long article qui vous raconte les coulisses.

Houston, on va (bientôt) avoir un problème !

Les plus vieux d’entre vous le savent peut-être, Framalibre est en quelque sorte le projet fondateur de Framasoft, qui a commencé en s’appelant Framasoft.net avec une liste de logiciels gratuits pour l’éducation, avant de devenir une liste de logiciels… libres !

Il y a déjà eu plusieurs évolutions de l’annuaire, car on part initialement d’un site qui sent bon les années 2000 vous en conviendrez vous-même :)

La première version de Framalibre appelé Framasoft.net à l'époque La seconde version de Framalibre, qui fleure bon les années 2000 La troisième version de Framalibre , un annuaire bien fourni La quatrième et dernière version de framalibre, sorti en décembre 2023, avec de belles illustrations

La version historique de Framalibre, qui n’avait d’ailleurs pas de nom à l’époque fonctionnait sous SPIP. Elle était uniquement centrée sur les logiciels libres.

En 2017, une première refonte de l’annuaire a vu le jour, sous Drupal, grâce à Makina Corpus via un mécénat de compétences. À cette occasion, le nom de Framalibre est donné à ce service. L’objectif consiste alors à ne plus restreindre l’annuaire aux logiciels libres mais à l’élargir aux œuvres culturelles, au matériel, aux structures libres.

Or, quand on a un projet aussi vieux, et aussi connu pour représenter l’association, faire une refonte entraîne tout un tas de complexités, de la gestion des données qui fêtent pour certaines leur majorité, à un changement d’interface qui peut bousculer les utilisateurices… cela représente une grosse masse de travail. Mais alors pourquoi est-ce qu’on s’est lancé·es ?

Pourquoi donc se lancer dans ce chantier ?

Ce qui ne pardonne pas : la dette technique

La dernière version de Framalibre se basait sur un Drupal, version 7. Or, cette version n’était plus mise à jour depuis un moment, et allait bientôt devenir désuète. Il faut dire que l’annuaire tournait assez bien tout seul, nécessitant surtout un peu de modération mais pas particulièrement de compétences techniques… ce qui fait que personne n’avait le Drupal actuel suffisamment en main pour le faire évoluer… il fallait trouver l’énergie et pour réaliser cette montée en version, eh bien de l’énergie, il n’y en avait pas beaucoup.

Vous me direz “Mais Maiwann, ce n’est pas parce que c’est une refonte technique qu’il faut aussi chambouler toute l’interface”. Et vous auriez raison. Mais, il n’y avait pas que la partie technique !

Les autres indices

En 2018, nous avions réalisé une enquête afin de savoir ce que vous pensiez de nos services. Lors de l’analyse des réponses, il s’avérait que le seul reproche fait à Framalibre était lié au changement d’interface qui décontenançait les répondant·es.

8 retours sur l'ergonomie et le graphisme, les autres champs sont à 1 (dysfonctionnement du service, manque/proposition de fonctionnalité) ou 0 (Remerciements, Accessibilité, Documentation d'utilisation, Documentation pour l'hébergement, Regrette frmeture inscription, lenteur à l'utilisation, adaptation mobile

Évidemment, il y a toujours un peu de réactance face au changement. Mais de mon œil d’ergonome, on retrouvait tout de même des points un peu compliqués :

  • Une interface très chargée notamment pour la version mobile, ça donnait envie de la faire évoluer !
  • La catégorisation “S’équiper”, “Se cultiver” et “S’informer” n’était pas parlante pour les utilisateurices. S’ensuivait une complexité à trouver ce que l’on cherchait plutôt qu’une facilité à naviguer, dommage.
  • L’évolution des logiciels “à télécharger” vers les services en ligne qui sont maintenant majoritaires a pris de court notre catégorisation. Nous avions alors créé une catégorie “Cloud / WebApp” mais un logiciel ne pouvait rentrer que dans une seule catégorie… Alors comment faire quand votre logiciel correspondait à la fois à “Bureautique” et à “WebApp” ?
  • La base de données n’était pas accessible facilement à des personnes extérieures qui auraient voulu récupérer l’ensemble des notices Framalibre… dommage pour une liste de logiciels libres.

Tout ça nous a permis de réaliser que l’ambition de la première refonte de Framalibre, qui était de faire un annuaire du Libre en général, (c’est-à-dire ne pas se contenter des logiciels) était trop ambitieuse.

Cela impliquait des rédactions de notices trop longues, trop informelles ; les contributions concernaient de toute façon en majorité des logiciels… Nous en avons conclu que finalement, Framalibre devait rester un annuaire de logiciels libres avant tout. Le mélange des genres ne marchait pas.

De même les gadgets que nous avions voulu, eux, n’étaient pas ergonomiques ni clairs :

  • le système de vote pour promouvoir un logiciel avec les étoiles (qui fut assez vite abandonné)
  • le système de registres (un utilisateur inscrit pouvait créer une liste de ses logiciels préférés).
  • l’historique des modification des notices : chacun pouvait voir qui avait modifié quoi, qui était l’initiateur d’une notice, etc. Tout cela constituait un système trop complexe pour finalement ne fournir qu’un service que l’utilisateur veut simple à l’usage et direct à la lecture.

Bref, toutes ces frictions techniques ajoutées aux frictions ergonomiques, ont fait que nous avons commencé à discuter de la refonte que nous voulions…

Tout cramer pour repartir sur des bases saines

Lors de nos premières discussions autour de cette refonte, nous avons envisagé deux pistes : – Mettre à jour le Drupal existant, – Repartir sur une base technique nouvelle.

En n’étant pas expert·e Drupal, dur dur de se rendre compte de la masse de travail que représentait la montée en version. Et notre manque de contrôle sur les données nous frustrait. C’est ce manque de contrôle qui a guidé notre choix : nous voulions repartir sur quelque chose de plus simple et de plus résilient.

C’est comme cela qu’est venu le choix de réaliser un site statique, avec des données au format YAML ou Markdown. Si vous n’y comprenez rien, pas de panique on vous explique ça simplement : Markdown et YAML, ce sont des façons d’écrire les informations dans nos notices qui seront simples à lire pour un ordinateur comme pour des humains.

Regardez plutôt l’exemple suivant, ce sont les informations de la notice d’un petit logiciel que nous aimons bien :

Contenu en Markdown d'une notice Excalidraw (disponible sur https://framagit.org/framasoft/framalibre/-/blob/main/_notices/Excalidraw.md )

Facile à lire n’est-ce pas ? Eh bien c’est à partir de ce document, ce code en YAML/Markdown en fait, que sa notice est actuellement générée. Si vous n’êtes pas développeur·euse, voire que vous n’y comprenez rien au code, félicitations vous venez de lire (et comprendre, peut-être) du code informatique qui se transforme en page de site internet !

Les choix d’une refonte

Une fois cette décision technique prise, il fallait commencer à faire le ménage. Puisque nous étions parties pour tout refaire, il était temps de remettre en question des choix qui ont été faits il y a fort fort longtemps.

Voici une petite liste des questions qui se sont posées :

Garder les captures d’écran ?
– Pour : elles permettent de se rendre compte de ce à quoi ressemble le logiciel rapidement
– Contre : elles deviennent vite obsolètes, et il faut les remettre à jour
– Décision : trop de contenu à surveiller, les utilisateurices peuvent découvrir le logiciel en allant sur son site web, on ne garde pas !

Garder les noms des créateurices d’un logiciel ?
– Pour : cela valorise le travail effectué, souvent bénévolement, par une personne
– Contre : cela personnifie le travail réalisé alors que l’idéal, c’est quand il y a un collectif derrière le logiciel et non pas une personne unique…
– Décision : pour l’instant, on garde

Les notices d’œuvres culturelles sous licence libre, on garde ou on jette ?
– Pour : c’est chouette de documenter les réalisations artistiques sous licence libre
– Contre : nous n’avons pas assez d’énergie pour dynamiser cette section, et la qualité des œuvres qui s’y trouvent est très aléatoire, pas surs que cela soit une bonne vitrine finalement
– Décision : on ne garde pas, pour se concentrer sur ce qu’on fait de mieux : le logiciel

Le champ « alternative à », on garde ou on jette ?
– En contre, nous avions :
– Beaucoup de personnes utilisent alternativeto, un site qui fait déjà très bien son travail de recherche d’alternatives.
– Dans notre réflexion philosophique, les logiciels libres ne sont pas (ou plus ?) de simples alternatives, mais proposent parfois des fonctionnalités qui ne peuvent simplement pas être proposées par les logiciels propriétaires… Aussi il nous semblait réducteur de continuer à les résumer en « une alternative à »
– Il est parfois décevant de chercher une « alternative à » un logiciel propriétaire que l’on connaît bien et de tomber sur un logiciel libre qui sera profondément différent.
– Mais, nous avons fini par garder ce champ ! Pourquoi ? Parce que dans une recherche, parfois les personnes n’ont à l’esprit que l’outil auquel elles cherchent une alternative. Si philosophiquement ce n’est pas parfait, si nous risquons de décevoir, il vaut quand même mieux laisser le contrôle aux personnes et leur permettre d’avoir des résultats lorsqu’elles font leur recherche.

 

Et ainsi de suite pour chaque sujet, jusqu’à ne garder que ce qui nous semblait vraiment le plus intéressant.

On repart donc sur des bases minimalistes :

– Un annuaire de logiciels libres

– Qui s’offre une mise à jour graphique avec la nouvelle charte de l’association

– Et une amélioration sur le plan ergonomique, ne serait-ce que par la simplification de l’interface, et par la possibilité d’un usage en version mobile

N’ayant pas le combo temps-compétences en interne pour assurer le développement, nous avons fait appel à L’Échappée Belle.

Les priorités que l’on se donne

Si nous voulions une nouvelle version plus simple, nous avons aussi choisi d’avancer sur une frustration : le peu de contributions à cet annuaire.

En effet, Framalibre comptait alors 1054 notices, or nous sommes persuadé·es qu’il y a bon nombre de logiciels, notamment des logiciels un peu “de niche” ou “spécialisés” qui n’ont pas leur page dans notre annuaire !

Pour avancer sur ce terrain, nous avons choisi de faciliter la création de nouvelles notices en :

  • proposant un formulaire très souple, pour lequel seuls sont obligatoires le nom et la licence du logiciel
  • permettant aux personnes de créer une nouvelle notice sans avoir à se créer de compte, c’est ce que nous appelons “les contributions anonymes”

C’était un pari que nous faisions, pari qui pouvait nous coûter cher : est-ce que mettre du temps de développement dans ce formulaire allait réellement donner lieu à de nouvelles contributions ? Est-ce que nous n’allons pas ouvrir Framalibre à tout un ensemble de spammeurs grâce à cette contribution anonyme ?

Il n’y a que le futur qui nous le dira !

Formulaire de contribution sans compte… oui mais, le spam ? !

L’équipe technique de Framasoft a passé une bonne partie de l’année 2023 à gérer du spam, encore et encore. Aussi, le projet de réaliser un formulaire de contribution sans compte apportait-il un nouveau risque, celui qu’il soit utilisé par les spammeurs pour nous casser les pieds.

Aussi avons nous prévu un “gros bouton rouge”, c’est à dire une possibilité de débrancher ce formulaire de contribution en cas de nécessité. Une petite sécurité pour anticiper pas mal de pénibilités, on croise les doigts pour avoir à l’utiliser le plus tard possible !

Et comment ça se passe côté modération ?

Proposer des ajouts, c’est bien, mais il faut s’organiser pour modérer ces propositions et valider (ou non) leur ajout à l’annuaire.

Grâce aux choix techniques de légèreté que nous avons fait pour ce nouveau Framalibre, nous avions la possibilité de l’héberger sur une forge logicielle, généralement surtout utilisée par des développeureuses pour collaborer ensemble.

Or, une forge, ça permet de relire le code de la copine, avant de l’ajouter définitivement à celui du logiciel, ou de discuter sur X ou Y propositions de modification. C’est exactement ce dont nous avions besoin pour la modération de notices : de quoi discuter, de quoi relire, la possibilité de faire “Pouce” ou “Non merci” quand on nous propose une notice pour… Microsoft Excel (oui oui !). Nous nous sommes donc basés sur l’interface de Gitlab, la forge logicielle libre sur laquelle repose Framagit, plutôt que de réinventer la roue.

(Et, je vous le dis depuis le futur, ça fonctionne très bien !)

Mais on en profite aussi pour creuser les usages

Pour se décider parmi cette myriade de micro-choix à faire, et aussi pour confronter Framalibre aux usages (cela avait-il déjà été fait auparavant ? Pas sûr !), j’ai profité de plusieurs rencontres avec vous pour faire tester la refonte en cours de réalisation.

Il en est sorti un apprentissage majeur : lorsque je cherche un outil / service / application libre, une fois ma recherche lancée, si j’ai plusieurs choix, je vais me tourner vers celui dont j’ai déjà entendu parler.

Quelques citations entendues pendant ces tests :

  • « Ah oui, ce logiciel, ça me dit un truc »
  • « Ah, je crois qu’on m’a déjà parlé de celui-là… »
  • « Est-ce qu’il est bien, celui-là ? »
  • « Et maintenant… lequel vous me recommandez ? »

Bref, ça n’est pas tout de lister des logiciels, il y a une part qui semble impondérable : la recommandation d’un·e humain⋅e, soit parmi vos proches, soit croisé⋅e sur un stand, lors d’un atelier, d’une animation… On n’allait pas y couper.

Et là, c’est le moment d’imaginer tout un tas de solutions avant de choisir la meilleure. Cela nous est passé par la tête (non) d’ouvrir une hotline Framalibre pour répondre à toutes vos questions, mais il nous a (étrangement !) semblé un peu compliqué de trouver le temps de la tenir sur la durée, aussi nous avons fait des choix plus… légers pour nos épaules déjà bien chargées (et qui permettent de diffuser ce pouvoir auprès de tous celleux qui ont déjà recommandé un logiciel libre autour d’elleux !)

Étape 1 : les recommandations des membres de Framasoft

Si Framalibre est un projet historique de Framasoft, c’est bien parce que depuis longtemps (toujours ? !), les membres de l’association passent leur temps à recommander leurs logiciels favoris. Nous avons collectivement une grande expérience de tout un tas de logiciels, pour pouvoir répondre à vos questions lorsque l’on tient des stands, selon nos affinités aussi (tout le monde ne saura pas vous recommander des logiciels de design ou de musique, mais certains sauront !), mais surtout parce que nous sommes tous tombés dans la marmite du logiciel libre à un moment ou à un autre, et que lorsqu’on a goûté aux logiciels libérateurs, on a envie de les recommander autour de nous !

Bref, nous avions une expérience suffisante au sein de l’association pour avoir envie de guider les utilisateurices de Framalibre vers les logiciels que nous recommandons déjà lorsque nous vous répondons “en direct”.

Aussi est venue l’idée de rajouter une caractéristique “mis-en-avant” dans les notices, et de créer un encart “Framasoft recommande” en haut de la recherche, pour vous recommander certains logiciels.

Mais (car il y a un mais !), cette section a vite été renommée “Les membres de Framasoft utilisent…”. En effet, si nous avons de l’expérience, nous ne connaissons pas tous les logiciels, et si nous voulons aider les utilisateurices à choisir, nous ne voulons pas leur faire croire que certains logiciels seraient moins “recommandables” que d’autres. Aussi cette section nommée “Les membres de Framasoft utilisent” a un titre bien plus long, mais aussi bien plus proche de la vérité : nous pouvons parler de ce que nous utilisons et nous aimons, rien de plus !

Une capture d'écran montrant des logiciels mis en avant comme étant utilisés par les membres de Framasoft

Étape 2 : dis-moi ce que toi, tu utilises !

Peu importe à quel point nous pouvions essayer d’optimiser la recherche, lorsque nous arrivons au moment où la personne a besoin de la recommandation d’un humain, jusqu’à présent, ça coince.

C’est pourquoi nous avons pensé à une nouvelle fonctionnalité, particulièrement conséquente mais sur laquelle nous basons beaucoup d’espoirs : Les mini-sites de recommandation !

  • Mais dis-moi Maiwann, c’est quoi un mini-site de recommandation ?
  • Eh bien Framy c’est très simple !

Un mini-site de recommandation, c’est une page web que toi, moi, et tous celleux qui le veulent, peuvent réaliser pour lister les outils émancipateurs qu’iels utilisent et les partager autour d’elleux. On peut imaginer les partager :

  • à sa famille,
  • aux membres de son association,
  • aux participant·es d’un de nos ateliers…

Il n’y a pas de limites (c’est libre dira l’autre !) autres que vos envies et votre imagination. Si vous souhaitez faire quatre sites, un pour votre conjoint, l’autre pour votre club de tricot, le troisième pour votre club “Les écolos anonymes”, et enfin pour le festival de musique que vous organisez, n’hésitez pas !

Pour vous détailler un peu comment cela s’est passé coté conception, nous voulions quelque chose d’assez simple en terme d’usage, tout en sachant que nous nous adressions à des gens qui étaient tout de même assez à l’aise pour bidouiller un peu, étant donné qu’ils avaient envie de recommander des logiciels libres, ils avaient déjà un peu testé des outils numériques pour les comparer. :)

Nous voulions aussi une page web qu’il était possible de faire évoluer dans le temps, selon si un outil devenait obsolète ou, si on en découvrait un nouveau dont on voulait absolument parler ! Il fallait aussi permettre de partager ce contenu, idéalement par une adresse web qu’il serait facile d’envoyer…

C’est alors que nous avons eu l’idée de nous baser sur un autre logiciel, nommé Scribouilli !

Scribouilli, un outil pour créer son petit site

Scribouilli a été conçu par une équipe de personnes qui avaient envie de rendre accessibles les sites… statiques (oh il y a comme un point commun là !) aux non informaticien·nes, pour leur permettre de créer facilement un petit site très simple.

Nous nous sommes dit qu’en faisant un peu évoluer cet outil, il serait possible de renvoyer les personnes qui voulaient créer leur mini-site de recommandations sur Scribouilli, plutôt que de développer une très grosse fonctionnalité sur Framalibre (et potentiellement rajouter la gestion des utilisateurs dans la, déjà longue, liste de choses à faire).

Il y avait 2 choses principales à faire pour adapter Scribouilli :

  • créer un thème graphique dédié (assez facile à faire)
  • permettre de créer son mini-site en se basant sur du libre uniquement (jusque là, Scribouilli passait par Github, il fallait maintenant passer par Gitlab). C’était le très très gros morceau ! !

Mais grâce au travail de L’Échappée Belle, les mini-sites existent et vous pouvez dès maintenant créer le vôtre !

Avant de les lancer, on a même pu prendre le temps de réaliser pas mal de tests utilisateur·ices pour vérifier que le parcours se tenait, ce qui nous a permis de rectifier quelques bricoles, pour que tout soit le plus facile possible à utiliser.

Étape 3 : les mini-sites de recommandations… de Framasoft

Maintenant que chacun·e pouvait créer des mini-sites, nous pouvions nous emparer d’un autre retour qui nous avait été fait lors des tests sur cette nouvelle version : « Ça fait un peu vide, il n’y a que le champ de recherche » / « Ça manque de recommandations ».

Du coup, nous avons décidé de réaliser nos propres mini-sites et de les mettre en avant sur la page d’accueil ! Pour cela, nous avons décidé de :

Et il en viendra sûrement d’autres !

Liste des mini-sits mis en avant sur Framalibre : Des applications libres pour Android, Des lecteurs de flux Web, Outils libres pour la cartographie, Les logiciels préférés de Framatophe, Les logiciels qui m'ont fait grandir, Libre sous Mac, Outils pour les designers

Deux mots sur le graphisme

Une fois toutes ces nouvelles fonctionnalités prêtes, nous avons pu passer un beau coup de peinture en adaptant la nouvelle charte graphique de Framasoft à ce nouveau Framalibre. Le beau fond violet et les titres sur fond orange donnent tout de suite une belle ambiance, conviviale et un peu fun au site, ce qui détonne pas mal avec la version précédente !

Il faut dire aussi que nous avons conçu Framalibre en “mobile first”, c’est-à-dire en concevant d’abord pour que le site fonctionne sur mobile, puis en l’adaptant pour les plus grands écrans. Cette façon de concevoir contraint davantage en début de projet, mais évite de se confronter au problème à la toute fin du projet, car il est parfois nécessaire de casser ce qui aurait été conçu sur grand écran pour trouver une façon de l’afficher sur les petits. En démarrant petit et minimaliste, pas de problème !

La sortie !

Framalibre nouvelle version a donc été publié officiellement le 26 décembre, comme un dernier cadeau de Noël déposé sous le sapin.

Depuis, nous avons été très surpris·es du grand nombre de contributions qui ont mis à jour ou ajouté de nouvelles notices ! Le pari de réaliser un formulaire anonyme est réussi, et la modération est facile d’accès et donc est redevenue collaborative, alors qu’elle reposait depuis plusieurs années sur les épaules de très peu de personnes.

Pour les mini-sites, c’est plus compliqué à savoir car nous ne sommes pas notifiés si vous en avez créés ! Aussi, nous vous proposons si vous en avez créé un, de le faire savoir via un hashtag #MonFramalibre sur votre média social favori pour que nous puissions les découvrir (et découvrir de nouveaux outils libres !)

Et maintenant ?

Eh bien il y a déjà du nouveau !

Nous avons amélioré la recherche qui était un peu… minimaliste (si vous cherchiez “Firefox” il fallait taper toutes les lettres avant d’avoir la notice qui s’affichait, pas top top).

Nous allons continuer à regarder quelles sont les petites améliorations que nous pouvons espérer faire avec notre niveau d’énergie. Nous en avons quelques unes qui nous plairaient énormément parmi lesquelles :

  • une feuille de style permettant l’impression des mini-sites (pour partager votre liste de logiciels en atelier ou en classe) ;
    • avoir une page avec la liste de toutes les notices ;
    • une page avec toutes les étiquettes ;
    • faire le lien entre un logiciel et les CHATONS qui le proposent…

Bref, nous avons du pain sur la planche !

Qu’est-ce que je peux faire ?

L’idéal pour nous, c’est de faire connaître encore davantage Framalibre et surtout, les outils qui s’y trouvent.

Pour cela vous pouvez :

  • parler de Framalibre autour de vous ;
  • créer votre mini-site et le partager (autour de vous ou avec le #MiniSiteFramalibre par exemple) ;
  • ajouter des notices de logiciel qui manquent (pour ensuite rajouter ce logiciel à votre mini-site !).

Créer son mini-site

Si vous avez envie de tester la création de votre propre mini-site, youpi ! Il y a seulement deux grandes étapes :

Étape 1 : créer sa page Scribouilli

Vous pouvez démarrer en créant votre premier site Scribouilli par ici.

Pensez bien à choisir “ma liste de recommandations liée à Framalibre” dans la liste déroulante.

Page de Scribouilli permettant de choisir "ma liste de recommendations liée à framalibre"

Étape 2 : rajouter vos logiciels préférés

Ensuite, vous pouvez naviguer sur l’annuaire pour choisir quels logiciels vous souhaitez ajouter à votre mini-site.

Pour vous faciliter la vie, sans trop compliquer notre nouveau Framalibre, nous avons créé un petit bouton “Copier pour mon mini-site” sur chaque notice. Vous pouvez cliquer dessus pour copier un bout de code HTML dans votre presse-papier, et le coller dans votre mini-site pour qu’un encart dédié à cette notice soit créé, avec le nom, le logo, et le lien vers la notice déjà tout rédigé !

Si vos logiciels préférés n’ont pas encore leur notice sur Framalibre, l’idéal est de contribuer à l’annuaire en créant une nouvelle notice pour que d’autres personnes puissent découvrir ce logiciel.

Étape optionnelle : partager sur un média social votre mini-site

En utilisant par exemple le #MiniSiteFramalibre pour que les autres personnes curieuses de découvrir des recommandations puissent tomber sur votre mini-site.

Dorlotons Dégooglisons

La première partie de ce travail touche à sa fin, après plus d’un an et demi de travail, qui a demandé la participation de plusieurs bénévoles pour le suivi de A à Z, une prestation technique aboutie de la part de Fanny et David de l’Échappée Belle, les retours de nombreux membres de Framasoft avant la publication de la v1, des tests utilisateurices avec des personnes volontaires pour donner un coup de main, une aide technique de la part des salariés de l’association… Bref un très gros travail nécessitant tout une galaxie d’énergies.

Car mettre à jour un Framaservice, faire de la recherche utilisateur, améliorer l’ergonomie de nos outils… tout cela n’a été possible que grâce à votre participation et/ou grâce à vos dons !

Merci encore pour votre soutien, et à bientôt pour de nouvelles aventures.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Liens utiles

Comment Framasoft sensibilise les acteurices de la médiation numérique aux pratiques numériques éthiques

Par : Framasoft
28 mars 2024 à 11:42

À l’occasion de la publication de la synthèse de l’atelier Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ? proposé aux médiateurices numériques en octobre dernier lors de l’événement NEC [Numérique en communs], on vous propose un point d’étape sur les différentes actions que Framasoft mène au sein de l’écosystème de la médiation numérique.

Un constat : trop de GAFAM dans ce secteur !

Ces dernières années, chez Framasoft, nous déplorons que, sous couvert d’accompagner les personnes dans la découverte et la prise en main d’outils numériques, l’écosystème de la médiation numérique (ou inclusion numérique) évacue souvent un peu trop vite certaines questions : quels sont ces outils ? Quels sont leurs impacts sur celleux qui les utilisent ?

Ainsi, nous avons constaté à de multiples reprises qu’une nouvelle génération d’aidant⋅es et de conseiller⋅es numériques recommandaient à leurs bénéficiaires l’utilisation d’outils et services numériques privateurs sans les informer de l’existence d’alternatives plus éthiques. Et cette situation nous pose problème.

Ces bénéficiaires, qui sont dans leur grande majorité en situation de fracture numérique et d’illectronisme (difficultés d’accès et d’usage), sont aussi, la plupart du temps, des personnes fragilisées (en situation de précarité sociale, peu diplômées, aux revenus modestes ou isolées), premières victimes potentielles de l’appétit des géants du web. N’ayant pas ou peu connaissance des enjeux liés aux usages du numérique, elles ne sont pas en mesure de questionner les recommandations qui leur sont faites (surtout si ce sont des professionnel⋅les qui les leur font), et vont donc les appliquer à la lettre, contribuant ainsi à se maintenir dans une situation de dépendance (technologique cette fois-ci).

Au cours de la rédaction de cet article, nous avons découvert sur LinkedIn (réseau social où l’écosystème est très actif) cette publication de Florent Salem qui synthétise bien la situation :copie d'une publication LinkedIn de Florent Salem qui explicite le rapport des acteur⋅ices de la médiation numérique aux outils privateurs

Cette situation nous rappelle aussi qu’une partie des professionnel⋅les amené⋅es à aider ces personnes n’a pas été correctement formée aux enjeux du numérique. La formation initiale du dispositif CNFS (Conseiller⋅e numérique France Service) est basée sur le bloc de compétences « Accompagner différents publics vers l’autonomie dans les usages des technologies, services et médias numériques » du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique), mais la liste des compétences à développer n’est pas détaillée. Ainsi, rien n’oblige les organismes de formation en charge de cette formation initiale à former aux enjeux éthiques, sociaux et environnementaux du numérique. Si certains (coucou Zoomacom !) s’en sont emparés, beaucoup de CNFS n’en ont jamais entendu parler !

capture du bloc de compétences RNCP34137BC01 (titre pro REMN)

bloc de compétences du titre professionnel REMN

Du côté des offres ciblées de formation continue à destination des CNFS, ce n’est pas mieux. Par exemple, l’ARNia (Agence Régionale du Numérique et de l’intelligence artificielle en Bourgogne-Franche-Comté, en charge de la mission régionale pour la médiation numérique en Bourgogne-Franche-Comté) propose au sein du catalogue de formation pour les CNFS la formation Créer, utiliser une boîte email et gérer ses courriers dont on peut trouver au programme :

extrait du catalogue de formation pour CNFS

Vous vous en doutez, ça nous hérisse les poils de lire que les CNFS qui suivront cette formation ne se verront présenter que deux services de messagerie, dont aucun ne peut être considéré comme éthique !

Souhaitant agir sur cette situation, Framasoft s’est rapproché de l’écosystème de la médiation numérique ces dernières années afin de sensibiliser les acteurices aux pratiques numériques éthiques.

Approcher l’écosystème de la médiation numérique

Jusqu’à il y a peu, chez Framasoft, on ne pensait pas être des acteur⋅ices de la médiation numérique. Alors que pourtant, nous aussi, nous concevons et produisons de ressources pédagogiques et documentaires pour différents supports (ateliers, manuels, cours en ligne, etc.) et élaborons des actions de sensibilisation aux enjeux du numérique pour faciliter l’appropriation de savoirs et de nouvelles pratiques numériques. D’ailleurs, chaque année, nous accompagnons plusieurs centaines de personnes à questionner leurs pratiques et nous leur proposons de s’en émanciper en adoptant des outils numériques plus éthiques.

Depuis 2019, nous nous sommes rapproché⋅es petit à petit de cet écosystème en participant à plusieurs événements du secteur :

  • atelier Médiation numérique et contribution aux logiciels libres lors de la 2ème édition de NEC [Numérique en Communs] organisée les 17 & 18 octobre 2019 à Marseille ;
  • intervention sur les enjeux de médiation et de culture numérique pour tous et atelier Peut-on se passer des GAFAM ? lors du NEC Haute-Savoie organisé le 26 novembre 2021 à Annecy (téléchargez le carnet en faisant la synthèse) ;
  • atelier Pratiques numériques éthiques dans l’accompagnement des usagers pour les acteurs de la médiation numérique du bassin Chambérien accompagnés par le projet Transistor – incubateur numérique inclusif de l’Agence Alpine des territoires le 10 mars 2022 à Chambéry ;
  • pitch pour présenter PeerTube lors de la 4ème édition de NEC organisée les 28 et 29 septembre 2022 à Lens.

Nous avons aussi cherché à développer nos relations avec les acteurices historiques de la médiation numérique. En septembre 2022, nous avons rejoint le sociétariat de la MedNum, la coopérative des acteurs de la médiation numérique pour y porter la voix d’un numérique émancipateur. Nous sommes ainsi en contact avec les différentes organisations de l’écosystème et avons développé des relations plus poussées avec certaines d’entre elles (coucou Coll.In, Hubikoop, Zoomacom, etc.). Nous incitons ces organisations à s’emparer du sujet, à modifier leurs pratiques numériques en interne et à sensibiliser leurs bénéficiaires.

Et c’est suite à de nombreux échanges avec Yann Vandeputte, en charge du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique) au sein de l’AFPA, que nous avons publié la série d’articles Lost in médiation en mars et avril 2023.

Un parcours pour acculturer aux enjeux et outils numériques éthiques avec Hubikoop

Fin 2021, Marley Nguyen-Van, chargé de développement territorial au sein de Hubikoop (Hub territorial pour un numérique inclusif de la région Nouvelle-Aquitaine), nous contacte afin de développer des actions en commun. De ces échanges émergera rapidement le projet de proposer aux conseiller⋅es numériques de la région Nouvelle Aquitaine un dispositif pour les acculturer aux enjeux, dispositifs et ressources en matière de pratiques numériques éthiques, afin qu’iels puissent à leur tour transmettre leurs connaissances à leurs équipes, leurs partenaires et même en faire bénéficier leurs publics.

Nous concevons un parcours pédagogique en 8 webinaires d’une durée de 2h que nous intitulons Parcours d’accompagnement à la découverte des services numériques éthiques (oui, on n’a pas été super originaux sur ce coup là ^^) et dont l’articulation est la suivante :

– webinaire 1 – C’est quoi le problème avec les géants du web ?
– webinaire 2 – Alternatives et résistances : comment se réapproprier Internet ?
– webinaire 3 – Logiciels et services libres, de quoi parle-t-on ?
– webinaire 4 – Dégooglisons Internet : une offre de services libres
– webinaire 5 – Protéger sa vie privée sur Internet
– webinaire 6 – Libérer son smartphone Android
– webinaire 7 – Des outils libres pour collaborer
– webinaire 8 : Des outils libres pour communiquer

Un calendrier est proposé pour des webinaires répartis entre avril et juin 2022. Il est convenu que Framasoft prendra en charge l’animation de ces webinaires et fournira l’outil technique (un salon dédié sur notre instance Big Blue Button). Hubikoop se chargera de l’organisation de l’action et du ciblage des potentiel⋅les participant⋅es. Cependant, nous recontrons des difficultés à mobiliser des participant⋅es et le parcours sera finalement reprogrammé à la rentrée scolaire (entre septembre 2022 et février 2023).

Le premier webinaire, programmé le 20 septembre, réunit une cinquantaine de personnes et au final, le parcours sera suivi en intégralité (les 8 webinaires) par une trentaine de professionnel⋅les de l’inclusion numérique. Certain⋅es ne suivront pas tous les webinaires, mais la fréquentation sera tout de même de 37 personnes en moyenne. Tous les webinaires ont été enregistrés et il est désormais possible de les visionner sur Framatube.
Au regard du nombre de participant⋅es,l’action est considérée comme une réussite. Afin d’en savoir plus, nous leur avons envoyé un questionnaire pour recueillir leur avis sur le parcours et l’impact que celui-ci avait sur leurs pratiques professionnelles. Seulement 13 d’entre elleux y ont répondu malgré les nombreuses relances et iels ont toustes indiqué être satisfait⋅es de manière générale du parcours. Iels sont 94 % à préciser que le parcours a répondu à leurs attentes, 82 % à exprimer leur satisfaction concernant la durée du parcours d’accompagnement et 88 % à être satisfait⋅es du niveau d’explication donné par les intervenant⋅es.

Graphiques présentant les taux de satisfaction des participant⋅es au parcours

Ce parcours semble donc avoir répondu aux besoins et attentes des participant⋅es, qui précisent les points forts suivants :

  • des modules très riches en informations et explications (enjeux et outils) ;
  • un argumentaire permettant de convaincre ;
  • la posture des intervenant⋅es ;
  • la diversité des thématiques abordées ;
  • le partage des supports et des replays.

Ce qui nous importait aussi, c’était de savoir si les connaissances acquises allaient être utilisées dans leur contexte professionnel. Iels sont 64 % à indiquer que le parcours leur a permis de renforcer leurs pratiques professionnelles et 76 % à souhaiter mettre en place des ateliers sur les thématiques abordées. Mais iels ont aussi indiqué que le format webinaire ne permettait pas de réellement mettre en pratique et ont suggéré que soient organisés des temps d’échanges permettant d’identifier les activités et postures pour porter ces sujets auprès des publics accompagnés.

Des ateliers pour identifier pratiques et postures de médiation afin d’accompagner les pratiques numériques éthiques

Si ce parcours a permis aux participant⋅es de mieux comprendre la toxicité des géants du web et de découvrir de nombreuses alternatives à leurs services, il n’y était en effet pas inclus de temps dédié aux méthodes de médiation sur ces questions. Car c’est une chose de comprendre les enjeux et de savoir utiliser soi-même les outils, ça en est une autre d’accompagner des personnes ayant peu de maîtrise du numérique dans cette voie.

Avec Hubikoop, nous avons donc envisagé de proposer à toutes les personnes ayant suivi le parcours de se retrouver pendant une journée complète avant l’été 2023 afin d’échanger sur les différentes modalités de médiation au numérique éthique. Comme les participant⋅es étaient géographiquement assez éloigné⋅es (c’est grand la Nouvelle Aquitaine !), on pensait proposer cette journée en amont ou en aval d’un événement professionnel. Ceci n’a finalement pas pu se faire immédiatement. Apprenant que le NEC national allait avoir lieu à Bordeaux en octobre 2023, nous y avons vu l’opportunité de programmer cette journée la veille de l’événement. Mais nous avons sû très vite que ça ne serait pas possible vu que les CNFS étaient déjà mobilisés ce jour là. Afin que le sujet puisse tout de même être abordé, nous avons proposé un atelier plus court afin qu’il soit intégré au programme du NEC.

visuel atelier au NEC

Intitulé Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ?, l’atelier proposait aux participant⋅es de réaliser un état des lieux de leurs pratiques de médiation aux outils numériques éthiques et de questionner les postures de médiation spécifiques à cette thématique. Après une introduction rappelant le contexte de l’atelier (suite du parcours) et reprécisant ce qu’est le numérique éthique, les participant⋅es ont partagé en groupes les différentes façons dont iels portent la question du numérique éthique. Afin de garder une trace de ces échanges, il était proposé de compléter des fiches (1 fiche activité / dispositif formalisé et 1 fiche accompagnement informel). La seconde partie de l’atelier a permis de mettre en commun des éléments les plus signifiants de chaque groupe et de questionner les participant⋅es sur la reproductibilité de ces pratiques.

Ce même atelier a été aussi proposé lors de l’événement NEC Hauts de France Les Communs pour un numérique au service de tous le 7 novembre 2023 à Lille et le sera aussi lors du NEC Grand Est #1 Libertés numériques le 9 avril prochain à Strasbourg (il est encore temps de s’inscrire, mais ne tardez pas !).

Une synthèse de l’ensemble des dispositifs de médiation numérique partagés lors des deux ateliers a été réalisée. Nous avons proposé aux personnes ayant participé à ces ateliers et à celles ayant suivi le parcours un nouveau webinaire le 24 janvier 2024 durant lequel nous avons commenté et enrichi collectivement cette synthèse, laquelle a été mise en forme afin d’être diffusée au plus grand nombre.

Illustration de la couverture de la synthèse de l'atelier

Cliquez sur l’image pour télécharger la synthèse de l’atelier

Ce document, après avoir rappelé ce qu’on entend par numérique éthique, présente sous deux angles les dispositifs de médiation aux pratiques numériques éthiques. La première partie propose plusieurs pistes pour susciter la curiosité des bénéficiaires sur la thématique, que ce soit en outillant les espaces de médiation numérique, en fournissant de la documentation ou en accompagnant au cas par cas les usages. La seconde partie regroupe, elle, plusieurs pistes d’activités pour inviter les bénéficiaires à s’emparer de la question, telles que des temps de réflexions-discussions ou l’organisation d’ateliers spécifiques pour découvrir et manipuler ces outils.

Si vous avez mis en place ou avez connaissance de dispositifs de médiation qui n’apparaissent pas dans ce document, n’hésitez pas à nous l’indiquer en commentaire afin qu’on l’enrichisse. Nous espérons que les acteur⋅ices de la médiation numérique s’appropriront ces différents dispositifs et qu’iels nous partagerons leurs retours d’expérience.

Et la suite ?

Dans les mois et années à venir, Framasoft souhaite continuer à s’intégrer dans l’écosystème de la médiation numérique, que ce soit en intervenant lors des événements de la communauté, en produisant des ressources afin d’aider les médiateur⋅ices à mieux appréhender ces questions du numérique éthique ou en développant de nouveaux projets avec les organisations du secteur.

MLC44, une association et une monnaie locale en cours de libération des géants du numérique

Par : Framasoft
20 mars 2024 à 05:52

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de MLC44, qui porte la monnaie locale Moneko. Merci à Thibaut pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Thibaut, 41 ans. De formation ingénieur en informatique et travaillant dans une ESN spécialisée dans l’open-source au civil ;) J’ai débuté comme développeur web PHP, évolué dans le pilotage de projet et la direction d’un centre de production et suis actuellement dans des fonctions plus commerciales, toujours dans la même ESN.

Au sein de l’association MLC44, je suis bénévole : membre élu du collectif qui pilote l’association et aidant sur toutes les problématiques liées aux outils informatiques à travers la commission support (c’est un groupe de travail, rassemblant bénévoles et certains membres de l’équipe salariée, chargé de donner les moyens et outils à l’association pour remplir ses objectifs).

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ?

MLC44 est l’association qui porte Moneko, une monnaie locale et citoyenne qui circule dans le département de la Loire-Atlantique. La monnaie circule au sein d’un réseau de particuliers et de structures partenaires agréées (commerces, restaurants, producteurs, artisans, associations, professions libérales, etc.), réunis autour d’une charte de valeurs et qui intègrent des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités.

Sans possibilité d’épargne et non spéculative, cette monnaie est adossée (on dit aussi complémentaire) à l’euro. Comme la plupart des monnaies locales, c’est un outil d’éducation populaire : Moneko permet aux citoyen⋅nes de se réapproprier l’usage de la monnaie, d’en découvrir les enjeux, de s’impliquer dans la gouvernance de leur monnaie, d’échanger et de partager au sein d’un réseau solidaire pour devenir acteur de la transition économique et écologique de leur territoire.

Cela a bien fonctionné avec moi, car depuis que je suis adhérent, j’ai déplacé une bonne partie de ma consommation vers des structures locales. Ça devient assez ludique quand on s’y met ;)

Le fonctionnement de Moneko. Source : site de Moneko

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous avons 4 salariés et 1 à 2 VSC (Volontaire en Service Civique) suivant les périodes. Les bureaux de l’association sont localisés à Nantes au sein du Solilab (super lieu réunissant plein d’énergies autour de l’ESS), mais nous avons aussi des groupes locaux dans plusieurs lieux du 44. Notre objectif est de les multiplier sur le territoire de la monnaie. L’association rassemble une cinquantaine de bénévoles et les adhérents à la monnaie sont à ce jour près de 1000 (760 particuliers et 220 pros à jour de leur cotisation).

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

La majorité est plutôt à l’aise et en plus volontaire pour progresser, cela aide beaucoup !

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Quand j’ai rejoint l’association en 2021, le sujet était déjà dans les objectifs de l’association avec quelques premières actions en cours. Utiliser des outils libres ou open-source plutôt que les outils des GAFAM ou propriétaire est une préoccupation proche des valeurs qui guident notre association. C’est donc une voie d’évolution tout à fait naturelle pour nous et facilement compréhensible par nos membres.

En dehors donc de l’aspect valeur, une autre motivation est l’autonomie que cela peut nous apporter : nous trouverons toujours une ressource apte à maintenir/développer nos outils vs du propriétaire, et en plus cela nous rend moins dépendant d’un prestataire. Nous identifions également des bénéfices en termes de coût financier à moyen/long terme une fois l’investissement initial passé (mise en place et montée en compétence des équipes).

C’est aussi l’occasion de travailler à plus facilement fédérer/mutualiser nos usages et outils au niveau national, voire européen avec les autres monnaies locales (coucou à nos copains du mouvement SOL). C’est une des raisons pour laquelle nous avons également rejoint l’association Lokavaluto qui est un commun numérique à destination de projets de l’ESS tels que les Monnaies Locales complémentaires et Citoyennes, les Sécurités sociales de l’alimentation, les SEL, les places de marché locales, etc.

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Il n’y a pas réellement de personne dédiée au sujet. Cette démarche restant chaque année suivie et présente dans le plan d’action de l’association, nous nous en soucions régulièrement. Pour aller dans le détail, c’est la commission support de l’association qui en a la responsabilité et qui suit l’avancement. Étant dans cette commission et par ailleurs défenseur de l’open-source, j’ai pris en main le dossier ;) Mais je suis aidé par d’autres bénévoles qui aident à la mise en place des outils et à la formation des utilisateurs, tout comme notre partenaire Lokavaluto qui met à disposition de nombreux tutoriels et formations.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ?

Cela se passe plutôt par itération et au fil d’eau. Une première étape a été de dresser la liste des outils majeurs utilisés par tous les intervenants de l’assocation.

Nous avons ensuite cherché une alternative libre adéquate. La liste a ensuite été priorisée pour déterminer en fonction des contraintes et de la difficulté à migrer, dans quel ordre nous allions procéder. Au fur et à mesure, cela nous a construit une sorte de plan d’action sur cette démarche. Mais le plan continue d’évoluer : nous découvrons de temps en temps l’usage d’un outil qui n’avait pas été identifié mais aussi, nous restons en veille sur les solutions et pouvons donc changer quelques priorités. À titre d’exemple, lors de notre récent changement d’outil pour notre site internet, nous en avons profité pour migrer nos vidéos de Youtube vers un Peertube alors que ce n’était pas forcément prévu.

En plus de ces itérations au niveau global, nous pouvons aussi itérer au niveau de chaque outil : on ne cherche pas forcément la perfection dès le départ. L’idée c’est d’avancer. Par exemple, certain-e-s utilisateur-ices commencent à utiliser le nouvel outil et pas tous en même temps. Cela permet aussi de faciliter l’acceptation du changement et pour nous d’avoir le temps d’accompagner « tranquillement » les utilisateurs.

L’association étant en plein changement d’échelle, toute la difficulté est d’arriver à faire les changements sans trop bouleverser les habitudes des intervenant-e-s qui sont déjà bien chargé-e-s par le quotidien.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Je dirais qu’il faut être vigilant si certains de vos prestataires sentent le vent tourner. L’idée est de bien faire maintenir le niveau de service attendu jusqu’au bout.

Un autre point d’attention également, c’est d’être vigilant lors de l’arrivée de nouvelles personnes (ce qui peut arriver fréquemment dans une association). Le nouvel arrivant doit prendre les bonnes habitudes, et éventuellement perdre ses mauvais réflexes perso/pro d’utilisation d’outil Gafam ;) Cela peut être un peu délicat, car la personne arrive avec de l’envie et de l’énergie pour faire progresser l’association, il faut donc bien expliquer la démarche, le pourquoi et généralement ça se passe bien !

Autre vigilance à avoir : lorsque de nouveaux besoins sont exprimés, l’équipe doit avoir le réflexe de d’abord chercher des solutions libres/open-source, il faut parfois le rappeler.

Enfin, il faut globalement rester un peu souple : notre objectif est d’avant tout de faire progresser l’usage de notre monnaie locale Moneko. Nous ne devons donc pas être sectaires et interdire l’usage d’outil propriétaire ou GAFAM quand l’alternative n’apporte pas un service suffisant où est trop coûteuse (temps/argent) à mettre en œuvre pour le moment. (Mais on le garde dans nos radars pour une future voie d’amélioration !)

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Certains outils sont migrés, d’autres en cours et d’autres sont encore dans la TODO list ;) Voici un état des lieux :

  • Partage de fichiers : Google Drive vers Nextcloud : en cours/partiel, ici la stratégie a été d’abord de migrer nos documents publics (cela permet d’évangéliser notre public) avant tout l’interne qui demande un gros boulot de tri.
  • Suite bureautique : Google => Onlyoffice : en test, ici aussi la marche est importante car il y a beaucoup d’historique et c’est un outil du quotidien pour l’équipe. Nous allons y aller au fur et à mesure.
  • Mesure du trafic web : Google Analytics => Matomo, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.
  • Fichiers tableurs pour gérer l’asso : Excel => Odoo, en finalisation, nous avons migré toute la gestion de nos membres en 2023 et avons pu automatiser les relances de début 2024 avec le nouvel outil. Un gain de temps assuré au final.
  • Gestion des mails : Gmail => Thunderbird (bureau) + Roundcube (web), en cours/partiel : seuls quelques membres ont franchi le pas, il y a pas mal d’accompagnements à faire.
  • Système d’exploitation : Windows => Ubuntu, à commencer : l’idée est d’abord d’installer un poste à l’occasion d’un nouvel arrivant pour ensuite proposer la migration à ceux qui le veulent. Cela se fera sur un temps long.
  • Messagerie instantanée : Whatsapp => Rocketchat, en cours : l’usage de Whatsapp est de moins en moins fréquent, mais l’usage de Rocketchat a encore du mal à prendre.
  • Conférence audio et vidéo : Zoom => Big Blue Button, terminé : la bascule s’est faite assez rapidement d’autant plus que cela nous a permis d’économiser quelques dizaines d’euros par mois !
  • Carte géographique : Google Maps => Gogocarto, en cours : la migration des données prend un peu de temps, mais ça ne va pas tarder
  • Hébergement vidéo : Youtube => PeerTube, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.

Pour répondre à ta question sur les critères majeurs c’est : réponse au besoin, ergonomie de la solution, pérennité de l’outil.

Comment avez-vous choisi s’il y avait plusieurs alternatives ?

Beaucoup de choix se sont faits en discutant avec notre écosystème (Lokavaluto, SOL, autres monnaies, autres structures du Solilab, etc.) et en observant leur usage. Nous tenons aussi compte de notre capacité à avoir de la compétence interne pour accompagner les utilisateurs fonctionnellement. La pérennité de l’outil et la capacité à trouver facilement des ressources techniques pour maintenir/corriger un bug compte aussi.

Planche de billets Moneko

À quoi ressemblerait la planche à billet Moneko ? Source : site de Moneko

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Il nous reste l’outil de gestion des transactions de la monnaie (cyclos) : nous avons une piste avec Com’Chain, mais nous n’envisageons pas encore la migration car trop risquée. C’est le cœur de notre activité : l’outil est encore jeune, on surveille les évolutions de l’outil et ses avancées. Mais cela exigera aussi de notre part une maturité technique que nous n’avons pas encore.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

Nous n’avons pas de ressource ou temps dédié, c’est un sujet du quotidien porté par la chargée de coordination et les bénévoles « techniques ». Comme cela reste un objectif précis de l’association, les membres les plus actifs l’ont bien en tête et sont facilitateurs.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ?

Oui, nous essayons d’accompagner au mieux les utiliateur⋅ices, avec par exemple :

  • une formation régulière aux nouveaux usages (Odoo notament) : à chaque déploiement de nouveau module (ex. : facturation, gestion RH), nous formons les utilisateurs (+ tutoriel vidéo/retranscription vidéo de formations d’autres MLC mis à dispo par Lokavaluto)
  • des tutoriels sous forme de diapo pour expliquer des cas d’usage

Mais on ne peut pas le faire systématiquement. Donc on compte aussi sur la débrouillardise car comme dit plus haut, on essaye de sélectionner avant tout des outils ergonomiques et qui fonctionnent bien à l’instinct. Mais lorsqu’on nous remonte une difficulté, on passe en mode support par tchat et mails (voir téléphone pour les urgences, mais c’est rare) L’idée est que les utiliateur⋅ices aient bien une personne d’identifiée à contacter en cas de besoin.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Cela peut avoir un impact via l’exemple. Quand on propose un document à télécharger par exemple, c’est sur nuage.moneko.org. Les utilisateurs voient que c’est du Nextcloud et non du Google Drive. On laisse les crédits des solutions qu’on utilise pour contribuer. Mais en effet, ta question m’amène à me demander si on ne pourrait pas faire une page dédiée pour montrer nos choix et notre démarche. Je le note dans la todo ;)

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser elles aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Quelques conseils en vrac : entourez-vous de personnes en phase avec l’objectif, ne soyez pas seul, allez-y tranquillement, montrez l’exemple par vos propres usages, itérez, essaimez, montrez les bénéfices, l’alignement des valeurs et ne vous découragez pas s’il y a quelques entorses ou petits retours en arrière, la route est longue mais… [Ndr : … la voie est libre 🙂 ] ;)

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Avancer sur cette migration peut aider à se sentir bien, cela fait partie des gestes positifs à apporter à notre société, cela aide au bien-être mental et à lutter contre la dissonance cognitive que l’on peut avoir dans nos activités quotidiennes/pro.

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