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Démystifier les conneries sur l’IA – Une interview

Par : Goofy
22 février 2023 à 16:54

Cet article a été publié à l’origine par THE MARKUP, il a été traduit et republié selon les termes de la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives
Publication originale sur le site themarkup.org

Démystifier le buzz autour de l’IA

Un entretien avec Arvind Narayanan

par JULIA ANGWIN
Si vous avez parcouru tout le battage médiatique sur ChatGPT le dernier robot conversationnel qui repose sur l’intelligence artificielle, vous pouvez avoir quelque raison de croire que la fin du monde est proche.

Le chat « intelligent » de l’IA a enflammé l’imagination du public pour sa capacité à générer instantanément des poèmes, des essais, sa capacité à imiter divers styles d’écrits, et à réussir à des examens d’écoles de droit et de commerce.

Les enseignants s’inquiètent de la tricherie possible de leurs étudiants (des écoles publiques de New York City l’ont déjà interdit). Les rédacteurs se demandent si cela ne va pas faire disparaître leur travail (BuzzFeed et CNET ont déjà utilisé l’IA pour créer des contenus). Le journal The Atlantic a déclaré que cela pourrait « déstabiliser les professions de cadres supérieurs ». L’investisseur en capital-risque Paul Kedrosky l’a qualifié de « bombe nucléaire de poche » et blâmé ses concepteurs pour l’avoir lancé dans une société qui n’y est pas prête.

Même le PDG de l’entreprise qui a lancé ChatGPT, Sam Altman, a déclaré aux médias que le pire scénario pour l’IA pourrait signifier « notre extinction finale ».

Cependant pour d’autres ce buzz est démesuré. Le principal scientifique chargé de l’IA chez Meta’s AI, Yann LeCun, a déclaré à des journalistes que ChatGPT n’a « rien de révolutionnaire ». Le professeur de langage informatique de l’université de Washington Emily Bender précise que « la croyance en un programme informatique omniscient vient de la science-fiction et devrait y rester ».

Alors, jusqu’à quel point devrions-nous nous inquiéter ? Pour recueillir un avis autorisé, je me suis adressée au professeur d’informatique de Princeton Arvind Narayanan, qui est en train de co-rédiger un livre sur « Le charlatanisme de l’IA ». En 2019, Narayanan a fait une conférence au MIT intitulée « Comment identifier le charlatanisme del’IA » qui exposait une classification des IA en fonction de leur validité ou non. À sa grande surprise, son obscure conférence universitaire est devenue virale, et ses diapos ont été téléchargées plusieurs dizaines de milliers de fois ; ses messages sur twitter qui ont suivi ont reçu plus de deux millions de vues.

Narayanan s’est alors associé à l’un de ses étudiants, Sayash Kapoor, pour développer dans un livre la classification des IA. L’année dernière, leur duo a publié une liste de 18 pièges courants dans lesquels tombent régulièrement les journalistes qui couvrent le sujet des IA. Presque en haut de la liste : « illustrer des articles sur l’IA avec de chouettes images de robots ». La raison : donner une image anthropomorphique des IA implique de façon fallacieuse qu’elles ont le potentiel d’agir dans le monde réel.

Narayanan est également le co-auteur d’un manuel sur l’équité et l’apprentissage machine et dirige le projet Web Transparency and Accountability de l’université de Princeton pour contrôler comment les entreprises collectent et utilisent les informations personnelles. Il a reçu de la Maison-Blanche le Presidential Early Career Award for Scientists and Engineers [N. de T. : une distinction honorifique pour les scientifiques et ingénieurs qui entament brillamment leur carrière].

Voici notre échange, édité par souci de clarté et brièveté.

Angwin : vous avez qualifié ChatGPT de « générateur de conneries ». Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire ?

Narayanan : Sayash Kapoor et moi-même l’appelons générateur de conneries et nous ne sommes pas les seuls à le qualifier ainsi. Pas au sens strict mais dans un sens précis. Ce que nous voulons dire, c’est qu’il est entraîné pour produire du texte vraisemblable. Il est très bon pour être persuasif, mais n’est pas entraîné pour produire des énoncés vrais ; s’il génère souvent des énoncés vrais, c’est un effet collatéral du fait qu’il doit être plausible et persuasif, mais ce n’est pas son but.

Cela rejoint vraiment ce que le philosophe Harry Frankfurt a appelé du bullshit, c’est-à-dire du langage qui a pour objet de persuader sans égards pour le critère de vérité. Ceux qui débitent du bullshit se moquent de savoir si ce qu’ils disent est vrai ; ils ont en tête certains objectifs. Tant qu’ils persuadent, ces objectifs sont atteints. Et en effet, c’est ce que fait ChatGPT. Il tente de persuader, et n’a aucun moyen de savoir à coup sûr si ses énoncés sont vrais ou non.

Angwin : Qu’est-ce qui vous inquiète le plus avec ChatGPT ?

Narayanan : il existe des cas très clairs et dangereux de mésinformation dont nous devons nous inquiéter. Par exemple si des personnes l’utilisent comme outil d’apprentissage et accidentellement apprennent des informations erronées, ou si des étudiants rédigent des essais en utilisant ChatGPT quand ils ont un devoir maison à faire. J’ai appris récemment que le CNET a depuis plusieurs mois maintenant utilisé des outils d’IA générative pour écrire des articles. Même s’ils prétendent que des éditeurs humains ont vérifié rigoureusement les affirmations de ces textes, il est apparu que ce n’était pas le cas. Le CNET a publié des articles écrits par une IA sans en informer correctement, c’est le cas pour 75 articles, et plusieurs d’entre eux se sont avérés contenir des erreurs qu’un rédacteur humain n’aurait très probablement jamais commises. Ce n’était pas dans une mauvaise intention, mais c’est le genre de danger dont nous devons nous préoccuper davantage quand des personnes se tournent vers l’IA en raison des contraintes pratiques qu’elles affrontent. Ajoutez à cela le fait que l’outil ne dispose pas d’une notion claire de la vérité, et vous avez la recette du désastre.

Angwin : Vous avez développé une classification des l’IA dans laquelle vous décrivez différents types de technologies qui répondent au terme générique de « IA ». Pouvez-vous nous dire où se situe ChatGPT dans cette taxonomie ?

Narayanan : ChatGPT appartient à la catégorie des IA génératives. Au plan technologique, elle est assez comparable aux modèles de conversion de texte en image, comme DALL-E [qui crée des images en fonction des instructions textuelles d’un utilisateur]. Ils sont liés aux IA utilisées pour les tâches de perception. Ce type d’IA utilise ce que l’on appelle des modèles d’apprentissage profond. Il y a environ dix ans, les technologies d’identification par ordinateur ont commencé à devenir performantes pour distinguer un chat d’un chien, ce que les humains peuvent faire très facilement.

Ce qui a changé au cours des cinq dernières années, c’est que, grâce à une nouvelle technologie qu’on appelle des transformateurs et à d’autres technologies associées, les ordinateurs sont devenus capables d’inverser la tâche de perception qui consiste à distinguer un chat ou un chien. Cela signifie qu’à partir d’un texte, ils peuvent générer une image crédible d’un chat ou d’un chien, ou même des choses fantaisistes comme un astronaute à cheval. La même chose se produit avec le texte : non seulement ces modèles prennent un fragment de texte et le classent, mais, en fonction d’une demande, ces modèles peuvent essentiellement effectuer une classification à l’envers et produire le texte plausible qui pourrait correspondre à la catégorie donnée.

Angwin : une autre catégorie d’IA dont vous parlez est celle qui prétend établir des jugements automatiques. Pouvez-vous nous dire ce que ça implique ?

Narayanan : je pense que le meilleur exemple d’automatisation du jugement est celui de la modération des contenus sur les médias sociaux. Elle est nettement imparfaite ; il y a eu énormément d’échecs notables de la modération des contenus, dont beaucoup ont eu des conséquences mortelles. Les médias sociaux ont été utilisés pour inciter à la violence, voire à la violence génocidaire dans de nombreuses régions du monde, notamment au Myanmar, au Sri Lanka et en Éthiopie. Il s’agissait dans tous les cas d’échecs de la modération des contenus, y compris de la modération du contenu par l’IA.

Toutefois les choses s’améliorent. Il est possible, du moins jusqu’à un certain point, de s’emparer du travail des modérateurs de contenus humains et d’entraîner des modèles à repérer dans une image de la nudité ou du discours de haine. Il existera toujours des limitations intrinsèques, mais la modération de contenu est un boulot horrible. C’est un travail traumatisant où l’on doit regarder en continu des images atroces, de décapitations ou autres horreurs. Si l’IA peut réduire la part du travail humain, c’est une bonne chose.

Je pense que certains aspects du processus de modération des contenus ne devraient pas être automatisés. Définir où passe la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui est inacceptable est chronophage. C’est très compliqué. Ça demande d’impliquer la société civile. C’est constamment mouvant et propre à chaque culture. Et il faut le faire pour tous les types possibles de discours. C’est à cause de tout cela que l’IA n’a pas de rôle à y jouer.

Angwin : vous décrivez une autre catégorie d’IA qui vise à prédire les événements sociaux. Vous êtes sceptique sur les capacités de ce genre d’IA. Pourquoi ?

Narayanan : c’est le genre d’IA avec laquelle les décisionnaires prédisent ce que pourraient faire certaines personnes à l’avenir, et qu’ils utilisent pour prendre des décisions les concernant, le plus souvent pour exclure certaines possibilités. On l’utilise pour la sélection à l’embauche, c’est aussi célèbre pour le pronostic de risque de délinquance. C’est aussi utilisé dans des contextes où l’intention est d’aider des personnes. Par exemple, quelqu’un risque de décrocher de ses études ; intervenons pour suggérer un changement de filière.

Ce que toutes ces pratiques ont en commun, ce sont des prédictions statistiques basées sur des schémas et des corrélations grossières entre les données concernant ce que des personnes pourraient faire. Ces prédictions sont ensuite utilisées dans une certaine mesure pour prendre des décisions à leur sujet et, dans de nombreux cas, leur interdire certaines possibilités, limiter leur autonomie et leur ôter la possibilité de faire leurs preuves et de montrer qu’elles ne sont pas définies par des modèles statistiques. Il existe de nombreuses raisons fondamentales pour lesquelles nous pourrions considérer la plupart de ces applications de l’IA comme illégitimes et moralement inadmissibles.

Lorsqu’on intervient sur la base d’une prédiction, on doit se demander : « Est-ce la meilleure décision que nous puissions prendre ? Ou bien la meilleure décision ne serait-elle pas celle qui ne correspond pas du tout à une prédiction ? » Par exemple, dans le scénario de prédiction du risque de délinquance, la décision que nous prenons sur la base des prédictions est de refuser la mise en liberté sous caution ou la libération conditionnelle, mais si nous sortons du cadre prédictif, nous pourrions nous demander : « Quelle est la meilleure façon de réhabiliter cette personne au sein de la société et de diminuer les risques qu’elle ne commette un autre délit ? » Ce qui ouvre la possibilité d’un ensemble beaucoup plus large d’interventions.

Angwin : certains s’alarment en prétendant que ChatGPT conduit à “l’apocalypse,” pourrait supprimer des emplois et entraîner une dévalorisation des connaissances. Qu’en pensez-vous ?

Narayanan : Admettons que certaines des prédictions les plus folles concernant ChatGPT se réalisent et qu’il permette d’automatiser des secteurs entiers de l’emploi. Par analogie, pensez aux développements informatiques les plus importants de ces dernières décennies, comme l’internet et les smartphones. Ils ont remodelé des industries entières, mais nous avons appris à vivre avec. Certains emplois sont devenus plus efficaces. Certains emplois ont été automatisés, ce qui a permis aux gens de se recycler ou de changer de carrière. Il y a des effets douloureux de ces technologies, mais nous apprenons à les réguler.

Même pour quelque chose d’aussi impactant que l’internet, les moteurs de recherche ou les smartphones, on a pu trouver une adaptation, en maximisant les bénéfices et minimisant les risques, plutôt qu’une révolution. Je ne pense pas que les grands modèles de langage soient même à la hauteur. Il peut y avoir de soudains changements massifs, des avantages et des risques dans de nombreux secteurs industriels, mais je ne vois pas de scénario catastrophe dans lequel le ciel nous tomberait sur la tête.

Comme toujours, merci de votre attention.

À bientôt,
Julia Angwin
The Markup

On peut s’abonner ici à la lettre hebdomadaire (en anglais) du magazine The Markup, envoyée le samedi.

Refusons la surveillance biométrique

Par : Gee
24 février 2023 à 05:35

Vous avez hâte de voir les JO de Paris en 2024 ? Non ? Roooh… et la petite loi surveillance qui va avec ? Vous avez hâte de la voir appliquée aussi ? Non ? Alors cette BD est pour vous…

BD réalisée dans le cadre de la campagne de la Quadrature du Net contre l’article 7 de la loi JO.

Références :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

PVH éditions et Ludomire : édités, libérés

Par : Framasoft
22 mars 2023 à 07:31

Le 12 janvier dernier, PVH éditions a annoncé la libération de sa collection Ludomire. Vu la faible fréquence de ce genre de démarche dans le milieu de l’édition traditionnelle, nous avons eu envie d’aller interroger ce courageux éditeur suisse.

Rencontre avec un éditeur qui libère

Bonjour, pourriez-vous tout d’abord présenter rapidement PVH éditions, son histoire et catalogue ?

PVH éditions est une maison d’édition franco-suisse spécialisée dans la science-fiction, la fantasy et le fantastique, qu’on appelle parfois « littérature de l’Imaginaire » mais je préfère dire SFFF qui rend mieux compte de tous les genres et sous-genres qu’il renferme. Notre activité éditoriale a démarré en 2014, mais nous nous sommes réellement professionnalisés fin 2020. C’est à ce moment où tout s’est accéléré : en deux ans nous avons doublé la taille de notre catalogue, embauché six personnes et obtenu un contrat de diffusion auprès de CED-CEDIF (distribution Pollen).

Pendant les premières années, nous avons beaucoup expérimenté : livre de voyage, jeu de société, etc. Mais en 2021, nous avons resserré notre catalogue qui comprend essentiellement la collection Ludomire (16 romans et recueils de nouvelles), la collection Bretteur (4 romans et recueils de contes), quelques coéditions en jeu de rôle (Mississippi et Oreinidia) et des essais décalés autour de Bitcoin (Objective Thune et La monnaie à pétales).

Couverture de Ceux qui changent

Malgré les évolutions de ces dernières années, l’ADN de PVH éditions reste celle du début : il s’agit d’un projet artistique un peu fou de deux amis, Christophe Gérard et moi. Le caractère bicéphale et binational s’incarne dans deux structures : PVH éditions, dirigé par moi-même à Neuchâtel en Suisse, et PVH Labs, dirigé par Christophe à Montboillon en Haute-Saône (France). L’équipe de quatre personnes de PVH éditions se charge du développement éditorial : édition de livres, projets de traduction, etc. Celle de PVH Labs, quatre personnes également, se charge du développement software, de la commercialisation dans l’UE et un studio de production de nouveaux formats pour nos romans.

Ainsi en ce début 2023, nous commençons une nouvelle phase de la pérennisation de notre structure. L’enjeu est de faire connaître nos auteurs et nos livres et mener à bien deux projets d’envergure : les développements et le lancement de notre boutique en ligne p2p, La Bookinerie, et de nos Romans augmentés. Ces deux projets, basés sur des logiciels libres, sont liés à la libération de la collection Ludomire.

Vous avez décidé de basculer une partie de votre catalogue, à savoir la collection Ludomire, sous licence libre, comment est née cette envie, et pourquoi le faire ?

L’envie a toujours été là. La question devrait être : pourquoi ne l’avons-nous pas fait avant ? Pour ma part, je m’intéresse aux logiciels libres depuis bien longtemps et j’en utilise autant que possible. Je me suis beaucoup intéressé aux licences Creative Commons bien avant d’être éditeur. J’ai suivi les expériences créatives de Ploum et Thierry Crouzet sur leurs blogs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’ai édité certaines de leurs œuvres. Dès 2020, nous avons inscrit dans notre ligne éditoriale notre « intérêt pour la culture libre ». En 2021, nous avons lancé le format print@home sous licence CC BY-NC-SA. La libération des œuvres s’inscrit dans notre ADN, dans une suite logique.

Couverture de One Minute

Alors je la pose : pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ?

Quand on a démarré l’édition, on avait beaucoup de choses à apprendre, à mettre en place. Notre objectif était avant tout de sortir des beaux livres et de rentrer dans nos sous. Rester dans les clous est clairement un confort, on discute avec d’autres éditeurs, on reprend les modèles de contrats que l’on nous partage. L’utilisation de licences libres n’était pas une priorité, même si c’était une envie.

J’avais également le sentiment que libérer des œuvres, comme ça, sans projet, ça aurait été un peu bidon. Pourquoi libérer des œuvres si on continue à fonctionner de la même manière que quand on utilisait un copyright ? Je pense que j’avais besoin de réfléchir au sens d’une telle démarche selon le prisme de l’éditeur. Nous avions également besoin d’arriver à un point de stabilité chez PVH éditions qui nous permette de nous investir dans une telle transformation. Et surtout, je voulais inscrire cette libération dans un projet éditorial ambitieux et cohérent.

C’est ainsi que notre diffusion en France et en Belgique (signée en juillet et en place depuis novembre 2022) a apporté le temps et la stabilité qui m’a permis de préparer cette libération pendant le deuxième semestre 2022. En décembre, nous avons obtenu un financement public important pour la mise en place de notre boutique en ligne p2p, La Bookinerie, sur 2023 et 2024. À présent, si j’ose dire, je déroule un programme mûrement réfléchi.

Vous parlez de la question des répercussions avec les partenaires, quel accueil a reçu votre idée ? Comment ont réagi les collègues éditeurs ? David Revoy avait eu pas mal de souci à l’époque de la première édition chez Glénat de Pepper & Carrot, vous n’êtes pas inquiets ?

Pour le moment, je n’ai pas de retour négatif. Mon diffuseur semble intrigué et il y voit une opportunité pour encore mieux mettre en valeur la collection Ludomire auprès des libraires. Dernièrement, j’ai eu des discussions avec un éditeur européen pour faire traduire certaines œuvres, et il m’a dit : « No problem, I like copyleft ». J’ai également l’impression que le choix d’une telle licence peut être bien vu pour obtenir de l’argent public, même si je pense qu’ils s’en fichent un peu. C’est plutôt encourageant non ?

Clairement, j’avais certaines inquiétudes mais je n’en ai plus vraiment. En réalité, on en fait une énormité mais j’ai surtout l’impression que la plupart des gens se fichent bien de la licence. C’est surtout dans des projets d’adaptation que ça aura de l’importance. Je vous tiendrai au courant.

Couverture de L’héritage des sombres

Pour beaucoup, libérer des œuvres, cela revient à dire qu’elles sont gratuites. Vous venez de l’édition traditionnelle, n’êtes pas des utopistes et avez dû faire quelques calculs. Comment envisagez-vous les choses, financièrement parlant ?

Bien entendu que j’ai fait mes calculs (même si parfois on navigue au doigt mouillé). En réalité, il était important d’assurer une base solide : une belle collection proposée en librairie, des sorties régulières déjà planifiées. La libération de la collection Ludomire n’aura pas d’effet négatif sur ce socle. Le fait que le livre sera disponible gratuitement en version numérique n’aura pas d’influence sur les ventes en librairie. C’est ce que j’ai aussi constaté avec les œuvres de Ploum, qui invitait (avec ma bénédiction) à télécharger gratuitement les e-books. Ça n’a pas empêché Printeurs d’être notre meilleure vente e-book.

Clairement, je pense que cette libération ne peut qu’avoir un effet bénéfique : gagner en visibilité dans les médias, toucher de nouveaux publics, renforcer l’engagement de nos lecteurs. La Bookinerie, qui sera en gros un outil de crowdfunding autohébergé et sans intermédiaire, pourrait être une source financière complémentaire. On est clairement dans l’expérimentation.

Vous avez choisi la licence CC BY SA, qui place les œuvres dans les Communs, et qui est donc plus complexe à intégrer dans des circuits classiques, alors que d’autres licences libres moins engagées existaient (CC BY notamment). Qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Nous avons publié un article pour expliquer le choix de notre licence. J’y explique en gros que selon moi pour un éditeur, il y a le choix du copyright ou le choix du copyleft. Le CC BY n’offre aucun avantage et permet la prédation. En tant qu’éditeur, notre métier consiste à exploiter des œuvres et leurs dérivés, soit on les conserve jalousement, soit on espère que d’autres nous aideront à les exploiter. Laisser la possibilité à d’autres de refermer la licence ne nous est donc d’aucune aide.

Après oui, c’est aussi un choix engagé. Si cela ne tenait qu’à moi, la propriété intellectuelle serait abolie, c’est selon moi un archaïsme. Mais c’est aussi un choix pragmatique qui permet de me démarquer des autres éditeurs de SFFF. J’ai également l’intime conviction que le monde de l’édition a besoin de se réinventer pour survivre. La propriété intellectuelle ne sert que les grands acteurs qui ont les moyens de le défendre. Comme challenger, nous avons tout à gagner de sortir du cadre.

Couverture de À l’orée de la ville

Vous allez très loin dans la mise en commun, en proposant une version à imprimer soi-même. Pourquoi aller jusque là ?

Parce que nous nous intéressons à tous les lecteurs potentiels et que plus de la moitié des francophones sont en Afrique. Dans cette région du monde, l’accès au livre est compliqué pour des raisons logistiques et à cause du pouvoir d’achat. Le print@home, inspiré par la difficile accessibilité de nos livres pendant le premier confinement, est un moyen d’offrir un accès imprimé à nos livres pour ces populations. Il sera l’un des formats au cœur de notre boutique online p2p, La Bookinerie.

Et en réalité, si on réfléchit bien à la décision de libérer une œuvre, le but est de la rendre accessible soi-même dans tous les formats pertinents et d’en être la source originelle. C’est ainsi qu’on peut cultiver un public et promouvoir les autres œuvres dans les mêmes formats. La logique commerciale change, je pense. Mais c’est l’expérience qui permettra d’y répondre.

Couverture de La Couronne boréale

Avez-vous un workflow basé sur des outils libres, également ? Si oui, envisagez-vous de le partager ?

La boutique online p2p est un projet de logiciel libre. Il sera bien entendu partagé dès qu’il aura une version stable. Nous développons également des romans augmentés avec le logiciel Ren’Py et nous allons développer des fonctionnalités nouvelles à nos frais qui seront partagées également.

En interne, nous utilisons autant que possible Ubuntu et des logiciels libres, mais ce n’est pas très structuré. J’espère en faire une seconde étape dans le projet de libération de nos collections et de nos outils. Mais, la priorité est déjà de mener à bien la première étape et survivre. Mais il est évident que tout ce que nous développerons de solide sera partagé : contrats, logiciels, procédures, etc.

Parmi les auteurices impliqués, on retrouve des personnes comme Aquilegia Nox, Thierry Crouzet ou Ploum que tu as cités et qui avaient déjà réfléchi aux licences libres. Comment se sont déroulés les échanges avec celleux qui découvraient ? Quelles étaient leurs plus grandes interrogations, leurs plus grandes craintes ?

Effectivement, Thierry, Ploum et Aquilegia Nox sont des vétérans dans le domaine. Il n’y a pas eu besoin de beaucoup d’efforts pour les convaincre. Mais, pour les autres auteurs·rices, ça a été finalement assez facile aussi. Ils nous font confiance. Il y a deux questions qui reviennent souvent : Qu’est-ce que ça change ? Ben pas grand chose en réalité. Dans un contrat d’édition classique, l’auteur cède tous les droits (à l’exception des droits moraux inaliénables) à l’éditeur. Ils perdent de facto le contrôle de leur œuvre et ses adaptations, à discrétion de leur éditeur. L’édition sous licence libre leur redonne en partie ce droit. En gros, avant ils perdaient le contrôle de leur œuvre et ses adaptations, maintenant ils perdent toujours le contrôle mais ils récupèrent le droit de se réapproprier l’œuvre sans l’accord de l’éditeur. C’est donc une amélioration.

La seconde question concerne les détournements immoraux de l’œuvre. Sur ce point, je leur dis qu’ils conservent le droit moral pour s’opposer à des utilisations scandaleuses. Mais je les préviens surtout que dans les faits, c’est très compliqué d’empêcher des adaptations scandaleuses. Même Disney n’arrive pas à les empêcher… Il faut surtout dédramatiser et éviter l’effet Streisand.

Couverture de Printeurs

Avez-vous des espoirs, des attentes, sur ce qui pourrait advenir des œuvres ainsi libérées ? Parmi les auteurices, en connaissez-vous qui souhaitent profiter de cette opportunité pour enrichir, développer leur travail originel ?

Je n’ai pas vraiment d’attente car je ne veux pas être déçu. Je pense que la plupart des développements ou adaptations des œuvres libérées viendront des impulsions de PVH éditions ou des auteur·rices. L’approfondissement des œuvres fait partie de notre ligne éditoriale, on y travaille indépendamment du type de licence. Nous avons toujours encouragé nos auteurs à le faire et nous sommes toujours ouverts à aider à l’éclosion de projets connexes.

Dernièrement, ce n’était pas sur un roman de la collection Ludomire mais sur l’essai La monnaie à pétales nous avons reçu la contribution d’une interprétation audio du texte. Nous avons ouvert la licence de ce livre audio en CC BY-SA et il sera diffusé sur la chaîne youtube de l’interprète. Ce serait génial d’avoir de telles initiatives pour la collection Ludomire et j’espère qu’on pourra s’y associer de la même manière.

Mais mon expérience et mon instinct me disent que des initiatives personnelles externes sont rares, je pense qu’il faut surtout chercher à développer un réseau professionnel et un corpus libre commun, où tout le réseau peut piocher dedans pour développer ses propres projets. Je me dis que c’est ainsi que le copyleft pourra peut-être révéler tout son potentiel.

Couverture de Hoc est corpus

Comme souvent dans nos interviews, avez-vous envie de répondre à une question qui ne vous a pas été posée ? Vous pouvez le faire en conclusion.

On a parlé de beaucoup de licence, de projets mais nous n’avons pas parlé des livres. Et la première source de fierté dans cette collection Ludomire n’est pas sa licence mais sa qualité littéraire. Et comme vous m’en donnez l’occasion, je vais vous la présenter.

Le coffret Les Chroniques des Regards perdus, de Pascal Lovis, est une série d’heroic fantasy. Best-seller suisse, il s’agit de deux romans et une nouvelle qui séduiront les lecteurs qui aiment l’aventure et des fils narratifs entrecroisés. Pour les amateurs de fantasy, c’est une valeur sure.
Le même auteur a écrit également le diptyque Terre hantée. Il s’agit d’une œuvre de science-fiction tirant ses inspirations de films où la réalité ne semble pas être ce qu’elle est tel que The Truman Show et Matrix. Une plume efficace et expérimentée.

Le roman Printeurs et le recueil de nouvelles Le stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur sont les œuvres du libriste et blogueur Ploum, Lionel Dricot. Il s’agit d’œuvres engagées qui aborde avec un humour parfois grinçant, parfois absurde les travers de nos sociétés consuméristes basées sur le capitalisme de surveillance. Allez-y les yeux fermés, vous allez passer un bon moment !

Le coffret ONE MINUTE de Thierry Crouzet est sans doute l’opus le plus extraordinaire de la collection. Ouvrage de science-fiction inclassable, il décrit la minute la plus cruciale de l’humanité du point de vue de 380 personnes différentes à travers le monde. Comme un tableau impressionniste, chaque très court chapitre représente un point dans une fresque qui se révèle au fur et à mesure que l’on tourne les pages. Il y aborde et combine de manière surprenante des thématiques classiques de la SF, tel que le premier contact extraterrestre, la singularité informatique, l’hyperconnexion et le rapport de l’humanité avec la nature. Cette série est une expérience de lecture unique.

La série Adjaï aux mille visages, d’Aquilegia Nox, présente la vie chaotique et aventureuse d’un changelin dans le roman Ceux qui changent. Avec naturel, il aborde des questions de transidentité, de tolérance et de rapport au corps, tout en proposant un parcours de vie pleine de rebondissement et d’intrigues. Dans le recueil de nouvelles Ceux qui viennent, l’autrice approfondit son univers en y présentant d’autres lieux, d’autres cultures et d’autres personnages au destin exceptionnel. Une exploration bouleversante.

D’autres livres sortiront en mars et mai, tel qu’Hoc est corpus, roman historique fantastique pendant les croisades au royaume de Jérusalem, ou La couronne boréale, aventure littéraire et loufoque d’une bande d’archéologues à la recherche d’un artefact légendaire (ils n’ont pas de fouet, mais il y a un chat).

Vous pourriez bien découvrir nos livres chez votre libraire et, si ce n’est pas le cas, il pourra vous les commander. Ils sont également en vente en e-book et en papier sur notre site.

Et promis, on vous tiendra au courant de nos projets liés à l’art et le logiciel libres.

Pour aller plus loin

Une « édition » minable de Pepper & Carrot sur Amazon

Par : Framalang
10 avril 2023 à 05:42

Depuis quelques années, Framasoft bénéficie des illustrations très appréciées de David Revoy, un artiste qui séduit autant par son talent et son imaginaire que par le choix de publier en licence libre (CC-BY), ce qui est plutôt exceptionnel dans le monde de la bande dessinée. La licence qu’il a choisie autorise à :

  • Partager — copier, distribuer et communiquer le matériel par tous moyens et sous tous formats
  • Adapter — remixer, transformer et créer à partir du matériel, y compris pour un usage commercial.

La seule condition impérative est l’Attribution

Attribution — Vous devez créditer l’Œuvre, intégrer un lien vers la licence et indiquer si des modifications ont été effectuées à l’œuvre. Vous devez indiquer ces informations par tous les moyens raisonnables, sans toutefois suggérer que l’Offrant vous soutient ou soutient la façon dont vous avez utilisé son Œuvre.

assortie d’une interdiction :

Pas de restrictions complémentaires — Vous n’êtes pas autorisé à appliquer des conditions légales ou des mesures techniques qui restreindraient légalement autrui à utiliser l’œuvre dans les conditions décrites par la licence.

Comme on peut le lire plus haut et comme le précise David lui-même dans sa F.A.Q, ce n’est pas parce que la licence est libre que l’on peut se servir sans scrupules des œuvres et du nom de l’auteur :

Ce n’est pas parce que vous pouvez réutiliser mes œuvres que je suis d’accord avec ce que vous faites, ou que je peux être considéré comme un auteur actif de votre projet, surtout si mon nom est écrit comme une signature de votre dérivation ou si vous réutilisez mon nom pour dire à votre public que je suis « d’accord » avec votre projet. Cela ne fonctionne pas comme ça. Restez simple : communiquez la vérité,

C’est justement ces précautions et ce respect élémentaires que n’ont pas pris les éditeurs (méritent-ils ce nom ?) d’une publication dérivée de Pepper & Carrot (déjà 37 épisodes traduits en 63 langues !) et qui est en vente sur Amazon, plateforme bien connue pour ses pratiques commerciales éthiques (non)…

Alors David, d’ordinaire si aimable, se fâche tout rouge et relève toutes les pratiques complètement hors-pistes de Fa Comics, dans l’article ci-dessous publié sur son blog et traduit pour vous par Framalang…


Article original de David Revoy sur son blog : Fa Bd Comics books on SCAMazon : don’t buy them

Traduction Framalang : GPSqueek, Sysy, Poca, goofy, macrico

N’achetez pas les BD des éditions Fa Bd sur SCAMazon

par David Revoy

On atteint un record : avec la communauté de Pepper & Carrot, nous avons trouvé Fa Bd, l’éditeur du pire dérivé de Pepper & Carrot à ce jour.

Malheureusement, les produits sont publiés sous mon nom et aussi sous le nom d’artistes qui ont réalisé des fan-arts de Pepper & Carrot… Voilà pourquoi j’écris cet article, histoire de décrire un peu cette arnaque et ce carnage de la publication assistée par ordinateur qui se perpétue actuellement sur Amazon, et aussi pour dissuader le public de Pepper & Carrot de les acheter.

Accrochez-vous, car nous entrons dans le territoire du zéro absolu de la qualité, des horreurs du graphisme, des cauchemars de la colorimétrie et de l’affreuse mise en page.

Les trois albums

Un grand merci à Craig Maloney qui a acheté les trois albums pour que nous puissions évaluer leur qualité. Il a également réalisé toutes les photos que vous trouverez ici et a écrit des commentaires sur Amazon sous les albums afin d’avertir d’autres clients potentiels de leur piètre qualité.

1. Héritage

Lien vers Amazon : https://www.amazon.com/Heritage-David-Revoy/dp/B0BS1ZHM9T/

Il s’agit d’une version imprimable datant de décembre 2022 de mon webcomic (épisode unique) L’héritage en couleur publié en mai 2012 sous la licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

 

Mes observations :

(1) bien que la couverture soit correcte, l’impression gâche totalement l’histoire elle-même : le concept de cette bande dessinée est la représentation en couleurs des sentiments du personnage principal, pourtant l’éditeur a décidé d’imprimer l’histoire complète en noir et blanc. Cela rend le tout le récit illisible et dénué de sens. Essayez de lire l’original et demandez-vous ce que vaut la bande dessinée en noir et blanc. Apparemment, c’est assez bon pour être publié de cette façon par les éditions FA Bd Comics…

(2) L’attribution est là mais l’éditeur FA BD comics n’indique pas son rôle. Et attendez, une adresse courriel Caramail ? Je croyais qu’ils avaient disparu il y a 20 ans 1. Je n’aime pas la façon dont mon crédit et mon nom sur la couverture et la page produit donnent l’impression que j’ai approuvé cette publication et que j’y ai collaboré. Il ne s’agit pas d’une « violation d’approbation » explicite, mais j’ai honte de voir mon nom figurer sur ces pages.

(3) L’éditeur a oublié une page dans l’histoire : l’avant-dernière… ce qui fait que ça casse encore plus l’histoire. Et pour remplir la fin du livre, des parties aléatoires du making of ont été téléchargées et déversées comme ça sans aucun avertissement, juste après la fin de l’histoire.

Davantage de photos ici.

2. Les histoires de Pepper & Carrot

Lien vers Amazon : https://www.amazon.com/Pepper-Carrot-Novels-David-Revoy/dp/B09ZZVJLDT/

Description : Il s’agit d’une compilation imprimable datant de mai 2022 d’un mélange de Fan-art de Pepper&Carrot contenant des bulles de texte et de BD Fan-art de Pepper & Carrot.

Mes observations :

(1) Mon nom figure en haut de la couverture, alors qu’aucune illustration de moi ne figure sur cet album. C’est très problématique, car même si j’apprécie beaucoup le fan-art d’étude de Pepper envoyé par Coyau en 2015 parce que c’était parmi les premiers fan-arts que j’ai reçus sur Pepper & Carrot, je ne pense pas que Coyau s’attendait à ce qu’il soit utilisé comme œuvre d’art/visuel/illustration pour la couverture.

(2) Même si tous les fan-arts sont correctement attribués à leur auteur, l’éditeur a mal lu une information importante sur Pepper & Carrot : l’auteur du fan-art peut mettre son œuvre sous la licence qu’il souhaite. Et sauf mention explicite, ils sont tous protégés par le droit d’auteur. C’est écrit clairement dans la case « Licence » de chaque fan-art sur le site. « Cette image est un fan-art réalisé par <nom de l’auteur>. Elle est affichée sur la galerie de fan-arts de Pepper & Carrot avec sa permission. Ne réutilisez pas cette image pour votre projet sans l’autorisation de l’auteur ». L’éditeur, sur les crédits de son album, assume « basé sur le même personnage avec la même licence ». C’est faux et abusif. Notez également que l’email de l’éditeur change sur ces crédits, et que la ligne « œuvre de fiction » de Héritage est également présente… Boulot de copier-coller vite fait et négligent détecté !

(3) Les fan-arts sont imprimés en noir et blanc. Il n’y a pas d’indication permettant de savoir qui, parmi la liste des auteurs, a dessiné quelle page, et il n’y a pas de mise en page. Les dessins sont simplement collés sur la page avec de grands espaces vides, même lorsque la police est trop petite. Notez que le contraste est également faible. Ce n’est pas du tout respectueux des créations artistiques.

Davantage de photos ici.

3. Pepper & Carrot Mini

Lien vers Amazon : https://www.amazon.com/Pepper-Carrot-Mini-Nicolas-Artance/dp/B0BHMPMM14/

Il s’agit d’une publication papier d’octobre 2010 de la série Pepper & Carrot Mini par Nicolas Artance. Nicolas Artance est l’un des principaux contributeurs et modérateurs de la communauté Pepper & Carrot, et joue un rôle important dans la version française de la série principale. Il publie sa série sous Creative Commons Attribution 4.0 International et partage également les sources complètes.

Mes observations :

(1) La couverture ne provient pas de Pepper & Carrot Mini, elle n’a pas été réalisée par Nicolas Artance ni par moi-même, mais c’est un fan-art de Tessou. Il y a donc un problème de copyright puisque le dessin de Tessou n’est pas publié sous la licence de Pepper & Carrot. La couverture contient également trois noms et il est difficile de savoir qui fait quoi ou qui soutient quoi. Sur le produit Amazon, nous sommes co-auteur avec Nicolas… Quel bazar !

(2) Même mensonge que pour l’album précédent à propos de la licence du fan-art, et une grosse faute de frappe dans le nom de Nicolas (Nocolas). Apparemment, cet éditeur n’a aucun correcteur et s’en moque.

(3) La qualité, la mise en page… Tout est imprimé en noir et blanc et en faible contraste. Les planches en paysage sont « adaptées à la largeur » de la page. Certaines polices sont à peine lisibles.

Davantage de photos ici.

Et maintenant ?

Tout d’abord, vous pouvez aider : si vous avez un compte Amazon [NdT : il faut un compte sur Amazon.com, ça ne marchera pas depuis un compte Amazon.fr], vous pouvez simplement cliquer sur le bouton « Utile » sur les commentaires de Craig sur chaque livre 1, 2 et 3. Ce n’est pas grand-chose, mais cela aidera probablement les acheteurs potentiels à passer leur chemin en voyant l’avis 1 étoile.

Je n’ai clairement pas la charité de penser que cet éditeur souffre juste d’incompétence flagrante et qu’il essaie simplement d’aider l’impression d’œuvres culturelles libres. Ils ne m’ont jamais contacté, ils n’ont jamais contribué à l’écosystème Pepper&Carrot pour autant que je sache, et ils ont juste fait un produit de la plus basse qualité avec peu d’efforts sur une place de marché où il n’y a aucun contrôle sur la qualité.

C’est hors de prix et le fait de voir ce niveau d’irrespect pour mon art et pour l’industrie du livre est clairement ce qui affecte mon humeur. Je ne pense pas que ce produit dérivé soit d’un grand secours. S’il vous plaît, FA Bd Comic ou Amazon : si vous lisez ceci, retirez ces produits dès que possible.

De mon côté, je vais essayer de les contacter tous les deux pour qu’ils retirent les albums. Ils ont tous trop de problèmes pour être en ligne, y compris des problèmes de copyright. J’écrirai toute mise à jour ultérieure sous cette rubrique. En attendant, ne les achetez pas !

 

Mises à jour

A. 2023-03-28, 01:20am : J’ai pris le temps de faire un rapport officiel pour violation de copyright sur Amazon. Je vous informerai de l’issue de ce rapport.

B. 2023-03-28, 01:00pm : J’ai reçu ma réponse : « Nous n’avons pas été en mesure de vérifier que vous êtes le propriétaire des droits ou son agent ». (réponse automatique complète). Ok, j’abandonne…

 

Informations complémentaires sur la licence : le texte de cet article est publié sous Creative Commons Attribution 4.0. Cependant, les images de cet article sont protégées : ne les réutilisez pas : elles contiennent du fan-art, des copyrights et des marques déposées.

Point d’étape pour l’écriture à deux mains de « L’amour en Commun »

Par : Framasoft
25 avril 2023 à 05:42

Prouver par l’exemple qu’il est possible de faire autrement, tel est souvent le moteur des projets de Framasoft. Il en va ainsi pour Des Livres en Communs, qui propose un autre modèle d’édition : une bourse aux autrices et auteurs en amont de l’écriture ainsi qu’une publication de l’ouvrage sous licence libre afin de le verser dans les Communs. Nous posons pour principe que le travail d’écriture nécessite un revenu si l’on considère que l’œuvre ainsi accompagnée bénéficie ensuite à tous (davantage sur ce projet et les valeurs qu’il porte).

C’est dans cet esprit que nous avons publié en janvier de l’année dernière notre premier Appel à projet auquel ont répondu 22 propositions « sérieuses » (qui correspondaient bien à la demande initiale). Notre petit comité de lecture a dû faire une première sélection puis trancher entre au moins trois projets de qualité que nous aurions aimé accompagner aussi… et puis c’est celui de Timothé et Margaux qui l’a emporté par son sérieux, son originalité et son caractère hybride… Voici un bref extrait de leur note d’intention :

« nous avons choisi d’interroger comment le commun de l’amour, en tant que moyen d’organisation et moteur d’engagement, permet de construire une alternative à la société capitaliste. Cela nécessite de penser l’amour hors des structures sociales préétablies (couple hétérosexuel et monogame) pour choisir nos contrats et nos croyances, d’explorer de nouvelles manières de vivre ensemble… »

C’est ainsi que s’est entamé en juin dernier le processus d’écriture pour eux et d’accompagnement éditorial pour nous : rencontre au framacamp et échanges par mail ou visio qui sont l’occasion de suggestions de lectures, références et interviews, mais aussi téléversement à mesure des travaux en cours sur notre Framacloud pour en faciliter les étapes de révision. Il est difficile aujourd’hui de préciser une date de publication mais d’après le planning établi ce devrait être vers la fin de l’année… Mais nous évitons de mettre trop de pression sur le duo, car nous savons bien qu’un temps long d’élaboration est nécessaire… c’est l’occasion de glisser ce clin d’œil d’un auteur célébré par beaucoup :

“I love deadlines. I love the whooshing noise they make as they go by.”

― Douglas Adams

(à peu près :« j’aime les dates limites, j’adore le bruissement de leur souffle quand elles s’évanouissent »)

C’est le moment de faire un point d’étape avec le duo et de remercier sincèrement les donateurs et donatrices de Framasoft qui ont permis le financement de cette expérimentation.

la lettre F de Framasoft fait se rejoindre le C et le O des Commons

Logo de DLeC

 

Bonjour Margaux et Timothé. L’équipe de DLeC a pu faire votre connaissance déjà, mais les lecteurs du Framablog ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter un peu ?
Photo de Margaux Lallemant, souriante, vêtement à motif floral— Je m’appelle Margaux Lallemant, je viens d’un petit village du sud de la France où la couleur du ciel alimente l’encre des stylos. J’ai baladé mes carnets de Lyon à Saint-Étienne, en passant par Paris et Kaohsiung. J’écris de la poésie, publiée dans des revues comme Point de Chute, Dissonances, par le Serveur vocal poétique ou le podcast Mange tes mots. J’anime des ateliers d’écriture pour des publics variés, et je bricole une émission de radio qui s’appelle Poésie SCHLAG*.
Et je suis une grande amoureuse. Je me soigne, je déconstruis, je lis et je discute, mais rien à faire, les martinets, les sous-bois, les bulles de bière dans un regard, les sourires francs, les chansons de Barbara et le mouvement d’un corps qui danse continuent de propager en moi des vagues d’endorphine déraisonnables.

— Je m’appelle Timothé, je suis un homme cis blanc hétéro, petit-fils de réfugiés. Mes parents font partie de la classe moyenne, ce qui leur a permis de me transmettre un capital social, culturel, de financer mes études… Je viens de la campagne corrézienne, sans m’être jamais senti rural.photo de Timothé qui met en avant un bouquet de fleurs
Pendant la majorité de ma vie, je n’ai rien fait qui ait le moindre intérêt pour ce livre. J’ai été un élève studieux dans une famille aimante, j’ai intégré les codes du patriarcat, j’ai développé une conscience politique de gauche bobo, je me suis pensé féministe. J’ai fait des études et un doctorat en physique, parce que je ne voulais pas être de nouveau au chômage. La thèse m’a mené à une crise d’adulescence, un profond mal-être et finalement à une psychothérapie. J’ai alors compris que le patriarcat avait fait de moi un « estropié émotionnel », comme le dit bell hooks. De lectures en podcasts, de l’écoute aux discussions, j’ai pris conscience du chemin qu’il me restait à parcourir pour déconstruire ces normes en moi. J’ai profité de cette expérience pour écrire un livre à destination des mecs : Masculinités, apprentissage pratique de la déconstruction, que j’auto-édite.
Quand on me demande où je me vois dans 5 ans j’ai juste envie de répondre « je ne sais pas, ça dépendra de la température », alors d’ici là autant essayer d’aimer.

Qu’est-ce qui vous a décidés à soumettre votre projet initial et comment l’avez-vous conçu ?

Margaux : Avec Timothé, on s’est souvent dit que la vie amoureuse de nos ami⋅es était trépidante et qu’il faudrait prendre le temps de les interviewer pour consigner toutes les modalités de faire relation qui existaient autour de nous. C’est à peu près au même moment qu’est sorti l’appel à candidature de Framasoft pour la bourse d’auteur⋅ice. On s’est croisés un soir, vaguement éméché⋅s dans la cuisine, et on s’est dit qu’on allait proposer un projet sur l’amour.

Ensuite, en construisant le projet, nous avons voulu questionner l’articulation possible entre le fait de parler d’amour à un niveau interpersonnel et des pistes sociales de sortie du capitalisme. Nous avions envie de parler du couple, de la famille et du patriarcat, mais aussi de ZAD, de squats, d’autres rapports au vivant que celui de l’exploitation.

Plusieurs questions nous animaient avec Timothé : en quoi l’amour constitue une base de l’engagement et de la mise en commun ? Comment redéfinir l’amour pour engendrer de nouvelles manières de faire, de nous relier, pour favoriser le commun ? En quoi l’amour est-il le premier commun ? Pourquoi est-il nécessaire de sortir l’amour des phénomènes d’enclosure autour de la famille et du couple ?

D’où le titre, l’Amour en commun !

autre logo de Des livres en communs, avec le pinchot de Framasoft sur fond de livre ouvert

Comment se sont passés vos premiers contacts avec l’équipe d’édition ?

Margaux : Ces contacts ont été très porteurs pour nous. Il y a souvent des moments de découragement dans le processus d’écriture. Personnellement, j’ai été inquiète de réussir à articuler concrètement tous les thèmes dont nous voulions parler, tout en gardant un fil directeur politique. Grâce aux conseils de lectures pour articuler nos idées et aux temps d’échange avec l’équipe de Frama, nous avons toujours eu la petite impulsion nécessaire pour continuer.

Timothé : J’avoue que quand j’ai aperçu le Framacamp lors de notre rencontre à Lyon, j’ai été surpris de l’ambiance très libre et fun qui semble y régner. Pour le reste l’équipe a été super rassurante et elle a vraiment pris le temps de nous expliquer les différentes licences libres, avec leurs implications pour le livre et pour nous et je les en remercie.

Vous avez choisi de réaliser un essai sous forme hybride, pouvez-vous donner un aperçu de ses différents aspects (analyse, réflexion sur l’expérience, collecte de témoignage, atelier, poésie, …)

Timothé : Pour l’instant l’hybridation est difficile à montrer, car dans un premier temps nous nous concentrons plus sur la partie plus « essai ». Nous avons déjà réalisé plusieurs entretiens, qui donneront des podcasts, mais cette partie de la création étant chronophage, il a été convenu de la réaliser plutôt en fin d’écriture. Un pote qui a travaillé à Radio France nous a fait une formation sur l’arrangement de podcast et les enregistrements, c’est amusant ce qu’il faut apprendre pour écrire !

Margaux : Pour donner une idée, j’ai envie d’écrire une troisième partie plus SF, qui donnerait vie aux thèmes qu’on aborde dans le livre. Raconter des histoires, c’est une autre voie pour gagner la guerre des imaginaires ! Pour l’instant, j’anime des ateliers d’écriture sur le « Monde Nouveau » avec toutes sortes de publics pour m’inspirer.

Votre ouvrage, suivant le principe de DLeC, sera versé aux Communs (culturels), qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Timothé : Ne pas avoir besoin d’aller faire la danse du ventre chez les éditeurs ! (rire). Pour ma part, en tant qu’auteur quasi inconnu et qui ne compte pas sur l’écriture pour vivre, mon premier souhait est d’être lu. En cela, le fait que le contenu soit libre augmente largement les chances de diffusion du texte. Plus largement, ayant moi-même proposé une version libre de mon essai précédent, la diffusion en libre correspond à mes valeurs.

Margaux : Dans le processus d’écriture d’un essai, je me rends compte qu’il n’y a jamais d’idée nouvelle, sortie du chapeau. Nous devons tellement à tous les auteur⋅ices qui ont pensé avant nous, c’est comme une grande chaîne de redevabilité qui relierait tous les écrivain⋅es ! Sauf qu’on se rend rapidement compte que l’accès à cette chaîne est payante et loin d’être accessible. Verser ce livre dans les communs, c’est participer à la vulgarisation des savoirs auxquels nous avons eu accès. Exprimer notre gratitude en rendant accessible à tous ce que les idées des autres nous ont aidé à formuler !

Entrons un peu dans le vif de la réalisation dont le lectorat du framablog est sans doute curieux : où en êtes-vous à peu près ? L‘avancée est-elle à peu près celle que vous envisagiez ? Qu’est-ce qui la ralentit ou retarde éventuellement ?

Timothé : Pour ma part ce qui la ralentit, c’est en tout premier lieu, le travail salarié (dont je ne peux malheureusement pas me passer pour remplir mon assiette). Quand j’ai écrit mon essai précédent, j’attendais les corrections de ma thèse. C’était une situation incroyablement confortable, j’étais payé et j’avais des journées entières pour écrire, faire une pause, lire, échanger et écrire de nouveau. Maintenant ce n’est plus le cas, après une journée de 7h, c’est pour moi très difficile de m’installer devant mon ordinateur pour écrire. Trouver l’espace mental, rassembler mes idées, me concentrer de nouveau et produire. Pour écrire, j’ai besoin d’avoir un temps continu et l’esprit un peu libre. Alors j’essaie autant que faire se peut d’aménager des moments les samedis ou les dimanches après-midi, mais c’est loin d’être facile et surtout c’est lent… Je m’en excuse auprès de Framasoft. Quand avec Margaux nous avons répondu à l’appel à projet, j’étais au chômage, j’avais prévu de faire une reconversion mais je n’étais pas sûr qu’elle aboutisse et je pensais que j’aurais plus de temps avant que ma formation ne commence pour écrire.

Margaux : Personnellement, j’ai fini la partie sur les relations amoureuses, je suis en train de rédiger celle sur la fin des binarismes, de la Nature au genre. J’avance à peu près au rythme prévu. Ce qui me retarde, c’est le temps de repos que nécessite chacune des parties avant de les reprendre, puis dans un second temps d’en faire le deuil pour passer à une autre. J’écris relativement vite, mais j’ai besoin de beaucoup de temps pour m’assurer que c’est bien ça que j’ai envie d’écrire, puis pour me décider sur ce que j’ai envie de raconter après !

Qu’est-ce qui vous a semblé plus facile/difficile qu’initialement envisagé ?

tête de maître Capelovici (lunettes, cravate rouge)qui le doigt sur son dico dit : "c'est de bon aloi"

Maître Capelo, image empruntée à ce site

Margaux : Articuler les différents thèmes que nous voulions traiter en gardant une ligne politique, sans que cela devienne une espèce de liste de Prévert des luttes et pensées politiques qui nous parlaient. Se battre contre le sentiment d’illégitimité aussi, j’ai toujours l’impression qu’un vieil universitaire avec des lunettes va nous taper sur les doigts en disant : c’est n’importe quoi ce qu’ils disent !

D’où l’importance pour nous de rappeler que ce n’est pas un essai scientifique. Ce livre est militant, ce livre est poétique, ce livre est témoignage, ce livre est boîte à outils, ce livre est chemins de traverses, questionnements personnels et sociétaux, ce livre est bricolé. Et c’est ce qui nous plaît : s’inspirer de la vie réelle et de témoignages d’individus sur leurs pratiques, exposer nos idées communes en retraçant le fil de nos lectures et de nos rencontres, explorer poétiquement les possibles et donner une assise imaginaire à nos tentatives de réinvention.

Au cours de votre travail, avez-vous infléchi en partie votre démarche, si oui dans quel sens ?

Timothé : Sur la partie qui m’occupe le plus depuis le début, c’est-à-dire « La famille », j’ai complètement infléchi ma pensée au fur et à mesure de la recherche et de l’écriture. J’étais parti à lire sur les habitats partagés, sur l’histoire de la famille, avec comme idée principale de broder autour de la possibilité de faire des colocations familiales… Finalement, je me dirige plus sur la proposition de la « parenté » qui me semble un concept bien plus ouvert que la famille, une réponse à l’extrême-droite et une possibilité d’ajuster nos besoins et nos envies de vie collective. Avec Margaux, nous nous sommes lancé⋅es dans l’inconnu avec ce livre. Nous avions des bases sur certains sujets que nous voulions traiter, mais pas sur tous. En plus, regarder un sujet et se demander « Où est l’amour là-dedans ? », ce n’est pas une démarche habituelle, ni pour nous et encore moins pour les auteurices qui nous ont précédé⋅es. Il m’a fallu vraiment du temps pour trouver une direction, car les textes que j’ai lus n’abordaient pas du tout le sujet des familles par le prisme de l’amour (peut être ai-je raté certaines références). L’inflexion vient à la fois du processus de recherche et de celui d’écriture qui oblige à clarifier des idées.

Margaux : J’ai l’impression d’avoir affiné ma pensée au fil de mes lectures et de l’écriture de ce livre. Cela m’a donné envie d’appréhender ces sujets autrement. La partie sur le genre n’était pas prévue au départ. Mais elle s’est imposée à un moment comme une nécessité pour approfondir la critique du système hétérosexuel et la manière dont il sert le capitalisme. Au contraire, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’écriture de la partie sur les relations au vivant, par peur de me lancer dans quelque chose de naïf et de désincarné après tout ça. L’angle d’attaque du binarisme m’a permis de me lancer, quitte à laisser de côté pour l’instant l’aspect de la spiritualité que je pensais aborder.

Nous sommes aussi curieux et curieuses de comprendre comment vous travaillez à « quatre mains » ou plutôt deux claviers.
Timothé : Pour l’instant nous avons avancé chacun.e de notre côté. D’abord parce que nous n’avons pas le même volume horaire à consacrer à l’écriture. Margaux peut passer plusieurs jours de la même semaine à écrire, moi non. Si nous écrivions sur les mêmes parties, il se créerait des disparités d’avancement qui retarderaient l’écriture. Dans une autre situation, nous aurions sûrement essayé d’écrire le plus souvent à quatre mains, mais dans la configuration actuelle il nous a semblé plus sage d’avancer chacun⋅e sur des parties différentes. Nous avons prévu d’écrire à quatre mains le chapitre sur les ZADs, car il sera en partie le résultat de notre expérience partagée de ce terrain.

énorme canard en plastique jaune flottant dans le port de Hong Kong

« Hong Kong Giant Rubber Duck » par IQRemix, licence CC BY-SA 2.0.

Pour ce qui est de l’équipe, il faut que je me lâche et j’accepte d’essayer ce concept du « canard en plastique », en envoyant ma partie alors qu’elle n’est pas encore dans un état où je me dis « allez c’est bon, c’est propre, je peux la faire lire ». Je n’ai jamais essayé cette méthode et c’est un peu impressionnant.

Margaux : Pour ma part les retours de l’équipe sont très précieux parce qu’ils me permettent d’affiner ma pensée, de la rendre plus précise et d’éviter les non-sens. Il y a aussi les yeux de lynx pour les fautes, les coquilles, les niveaux de langage non adéquats. Entre le brouillon et la version finale, il y a des commentaires et de nombreuses relectures. Merci pour ça !

L’attribution d’une bourse de création par DLeC est une tentative modeste de montrer que le travail initial d’écriture devrait dans un monde idéal être rémunéré en amont. Quel est l’apport de cette bourse dans votre travail ? Aurait-il existé ? Aurait-il eu la même forme ? Selon vous, en fonction de votre expérience, quel devrait être le statut « idéal » d’auteur-autrice ?
Timothé : C’est à la fois super chouette car cela permet de décharger en partie l’auteurice de la nécessité de faire une œuvre commerciale, mais c’est aussi une très grosse pression. Être contractuellement engagés à écrire, cela veut dire que nous devons réussir. C’est moteur, cela pousse à ne pas lâcher le morceau, mais pour moi c’est aussi une pression car l’échec est toujours possible. Néanmoins, décharger les auteurices, surtout professionnel⋅les de la précarité durant la phrase d’écriture est une magnifique ambition qui ne peut qu’être encouragée.

sur l'herbe au bord de l'eau, les outils offerts par une main engageante à qui veut écrire : machine à écrire (mécanique, d'autrefois), coussin rouge, théière, brioche, cookies, rame de papier

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Margaux : Je suis d’accord, ce projet ne se serait jamais concrétisé sans cette bourse. Personnellement, je ne pense pas que j’aurais écrit d’essai. C’est vraiment une chance incroyable d’affiner ma pensée politique, de prendre le temps de lire des essais, de me demander « qu’est-ce que je pense à ce sujet ? » … et de créer des liens, comme une toile d’araignée, entre mes lectures, mes discussions, des idées politiques qui a priori ne réclament pas de filiations les unes avec les autres…
Dans l’idéal, je pense que le statut d’artiste-auteur⋅ice devrait rejoindre le régime d’intermittent.e. En vérité, la frontière est très fine. De nombreux auteur⋅ices réalisent des lectures, des performances, des masterclass, des ateliers qui sont très similaires au travail d’un⋅e comédien⋅ne. De la même manière qu’iels ont besoin de temps pour écrire et monter leur pièce de théâtre, les auteur⋅ices ont besoin de temps rémunéré pour créer une œuvre et la faire vivre dans le monde.

gros plan sur une main de petite fille qui écrit avec un crayon sur une page blanche

« Get Ready, Get Set, Write » par MellieRene, licence CC BY-NC 2.0

Même question pour le rapport avec l’éditeur ?
Timothé : Sans un éditeur qui nous pousse à écrire, ce travail serait juste resté dans nos têtes ! Nous aurions sûrement refait le passé autour d’un verre en nous demandant si nous aurions changé ou pas le monde avec « L’amour en Commun ». Personnellement, je n’avais pas prévu d’écrire un autre livre, si « L’amour en Commun » existe dans le futur, ce sera entièrement sous l’impulsion de Framasoft, des Livres en Commun et aussi un peu de Margaux qui a entendu parler de l’appel à écriture et m’a poussé à répondre avec elle.
D’un point de vue plus applicatif, c’est pour moi la première fois que j’ai un éditeur à qui je suis redevable de ce que j’écris. C’est super de pouvoir être confirmé et conseillé mais comme tout ce qui inclut plus d’une personne, cela va nous obliger à nous entendre.

Margaux : Je n’ai encore jamais été éditée, mis à part en revue. Mais les revues que je préfère sont celles qui m’ont demandé de modifier mon texte et avec lesquelles nous avons eu de vrais échanges à ce sujet ! Pour moi, un⋅e éditeur⋅ice, ce n’est pas seulement quelqu’un qui tamponne le sceau « publiable » sur notre manuscrit, ou le met en vente. Cela devrait être une véritable relation de soutien, de regard critique, d’échange et d’accompagnement pour amener ledit manuscrit vers la forme finie du livre. Je tiens beaucoup à cet espace collectif du retravail. Je crois qu’il est très important pour passer de l’intime à l’objet « livre », indépendant de l’auteur⋅ice. Vous êtes très bons là-dessus Frama, merci beaucoup pour votre soutien et votre patience !

Merci Margaux et Timothé, à bientôt !

 

David Revoy, un artiste face aux IA génératives

Par : Goofy
2 juillet 2023 à 05:42

Depuis plusieurs années, Framasoft est honoré et enchanté des illustrations que lui fournit David Revoy, comme sont ravi⋅es les lectrices et lecteurs qui apprécient les aventures de Pepper et Carrot et les graphistes qui bénéficient de ses tutoriels. Ses créations graphiques sont sous licence libre (CC-BY), ce qui est un choix courageux compte tenu des « éditeurs » dépourvus de scrupules comme on peut le lire dans cet article.

Cet artiste talentueux autant que généreux explique aujourd’hui son embarras face aux IA génératives et pourquoi son éthique ainsi que son processus créatif personnel l’empêchent de les utiliser comme le font les « IArtistes »…

Article original en anglais sur le blog de David Revoy

Traduction : Goofy, révisée par l’auteur.

Intelligence artificielle : voici pourquoi je n’utiliserai pas pour mes créations artistiques de hashtag #HumanArt, #HumanMade ou #NoAI

par David REVOY

 

Pepper sur une chaise entourée de flammes, reprise d'un célèbre mème "this is fine"

Image d’illustration : « This is not fine », licence CC-BY 4.0, source en haute résolution disponible

« C’est cool, vous avez utilisé quel IA pour faire ça ? »

« Son travail est sans aucun doute de l’IA »

« C’est de l’art fait avec de l’IA et je trouve ça déprimant… »

… voilà un échantillon des commentaires que je reçois de plus en plus sur mon travail artistique.

Et ce n’est pas agréable.

Dans un monde où des légions d’IArtistes envahissent les plateformes comme celles des médias sociaux, de DeviantArt ou ArtStation, je remarque que dans l’esprit du plus grand nombre on commence à mettre l’Art-par-IA et l’art numérique dans le même panier. En tant qu’artiste numérique qui crée son œuvre comme une vraie peinture, je trouve cette situation très injuste. J’utilise une tablette graphique, des layers (couches d’images), des peintures numériques et des pinceaux numériques. J’y travaille dur des heures et des heures. Je ne me contente pas de saisir au clavier une invite et d’appuyer sur Entrée pour avoir mes images.
C’est pourquoi j’ai commencé à ajouter les hashtags #HumanArt puis #HumanMade à mes œuvres sur les réseaux sociaux pour indiquer clairement que mon art est « fait à la main » et qu’il n’utilise pas Stable Diffusion, Dall-E, Midjourney ou n’importe quel outil de génération automatique d’images disponible aujourd’hui. Je voulais clarifier cela pour ne plus recevoir le genre de commentaires que j’ai cités au début de mon intro. Mais quel est le meilleur hashtag pour cela ?

Je ne savais pas trop, alors j’ai lancé un sondage sur mon fil Mastodon

sondage sur le fil mastodon de David : Quel hashtag recommanderiez-vous à un artiste qui veut montrer que son art n'est paz créé par IA ? réponses : 55% #HumanMade 30% #Human Art 15% Autre (commentez)

Source : https://framapiaf.org/@davidrevoy/110618065523294522

Résultats

Sur 954 personnes qui ont voté (je les remercie), #HumanMade l’emporte par 55 % contre 30 % pour #HumanArt. Mais ce qui m’a fait changer d’idée c’est la diversité et la richesse des points de vue que j’ai reçus en commentaires. Bon nombre d’entre eux étaient privés et donc vous ne pouvez pas les parcourir. Mais ils m’ont vraiment fait changer d’avis sur la question. C’est pourquoi j’ai décidé de rédiger cet article pour en parler un peu.

Critiques des hashtags #HumanMade et #HumanArt

Tout d’abord, #HumanArt sonne comme une opposition au célèbre tag #FurryArt de la communauté Furry. Bien vu, ce n’est pas ce que je veux.

Et puis #HumanMade est un choix qui a été critiqué parce que l’IA aussi était une création humaine, ce qui lui faisait perdre sa pertinence. Mais la plupart des personnes pouvaient facilement comprendre ce que #HumanMade signifierait sous une création artistique. Donc 55 % des votes était un score cohérent.

J’ai aussi reçu pas mal de propositions d’alternatives comme #HandCrafted, #HandMade, #Art et autres suggestions.

Le succès de #NoAI

J’ai également reçu beaucoup de suggestions en faveur du hashtag #NoAI, ainsi que des variantes plus drôles et surtout plus crues. C’était tout à fait marrant, mais je n’ai pas l’intention de m’attaquer à toute l’intelligence artificielle. Certains de ses usages qui reposent sur des jeux de données éthiques pourraient à l’avenir s’avérer de bons outils. J’y reviendrai plus loin dans cet article.
De toutes façons, j’ai toujours essayé d’avoir un état d’esprit « favorable à » plutôt que « opposé à » quelque chose.

C’est aux artistes qui utilisent l’IA de taguer leur message

Ceci est revenu aussi très fréquemment dans les commentaires. Malheureusement, les IArtistes taguent rarement leur travail, comme on peut le voir sur les réseaux sociaux, DeviantArt ou ArtStation. Et je les comprends, vu le nombre d’avantages qu’ils ont à ne pas le faire.

Pour commencer, ils peuvent se faire passer pour des artistes sans grand effort. Ensuite, ils peuvent conférer à leur art davantage de légitimité à leurs yeux et aux yeux de leur public. Enfin, ils peuvent probablement éviter les commentaires hostiles et les signalements des artistes anti-IA des diverses plateformes.
Je n’ai donc pas l’espoir qu’ils le feront un jour. Je déteste cette situation parce qu’elle est injuste.
Mais récemment j’ai commencé à apprécier ce comportement sous un autre angle, dans la mesure où ces impostures pourraient ruiner tous les jeux de données et les modèles d’apprentissage : les IA se dévorent elles-mêmes.

Quand David propose de saboter les jeux de données… :-P 

Pas de hashtag du tout

La dernière suggestion que j’ai fréquemment reçue était de ne pas utiliser de hashtag du tout.
En effet, écrire #HumanArt, #HumanMade ou #NoAI signalerait immédiatement le message et l’œuvre comme une cible de qualité pour l’apprentissage sur les jeux de données à venir. Comme je l’ai écrit plus haut, obtenir des jeux de données réalisées par des humains est le futur défi des IA. Je ne veux surtout pas leur faciliter la tâche.
Il m’est toujours possible d’indiquer mon éthique personnelle en écrivant « Œuvre réalisée sans utilisation de générateur d’image par IA qui repose sur des jeux de données non éthiques » dans la section d’informations de mon profil de média social, ou bien d’ajouter simplement un lien vers l’article que j’écris en ce moment même.

Conclusion et considérations sur les IA

J’ai donc pris ma décision : je n’utiliserai pour ma création artistique aucun hashtag, ni #HumanArt, ni #HumanMade, ni #NoAI.
Je continuerai à publier en ligne mes œuvres numériques, comme je le fais depuis le début des années 2000.
Je continuerai à tout publier sous une licence permissive Creative Commons et avec les fichiers sources, parce que c’est ainsi que j’aime qualifier mon art : libre et gratuit.

Malheureusement, je ne serai jamais en mesure d’empêcher des entreprises dépourvues d’éthique de siphonner complètement mes collections d’œuvres. Le mal est en tout cas déjà fait : des centaines, voire des milliers de mes illustrations et cases de bandes dessinées ont été utilisées pour entraîner leurs IA. Il est facile d’en avoir la preuve (par exemple sur haveibeentrained.com  ou bien en parcourant le jeu de données d’apprentissage Laion5B).

Je ne suis pas du tout d’accord avec ça.

Quelles sont mes possibilités ? Pas grand-chose… Je ne peux pas supprimer mes créations une à une de leur jeu de données. Elles ont été copiées sur tellement de sites de fonds d’écran, de galeries, forums et autres projets. Je n’ai pas les ressources pour me lancer là-dedans. Je ne peux pas non plus exclure mes créations futures des prochaines moissons par scans. De plus, les méthodes de protection comme Glaze me paraissent une piètre solution au problème, je ne suis pas convaincu. Pas plus que par la perspective d’imposer des filigranes à mes images…

Ne vous y trompez pas : je n’ai rien contre la technologie des IA en elle-même.On la trouve partout en ce moment. Dans le smartphones pour améliorer les photos, dans les logiciels de 3D pour éliminer le « bruit » des processeurs graphiques, dans les outils de traduction [N. de T. la présente traduction a en effet été réalisée avec l’aide DeepL pour le premier jet], derrière les moteurs de recherche etc. Les techniques de réseaux neuronaux et d’apprentissage machine sur les jeux de données s’avèrent très efficaces pour certaines tâches.
Les projets FLOSS (Free Libre and Open Source Software) eux-mêmes comme GMIC développent leurs propres bibliothèques de réseaux neuronaux. Bien sûr elles reposeront sur des jeux de données éthiques. Comme d’habitude, mon problème n’est pas la technologie en elle-même. Mon problème, c’est le mode de gouvernance et l’éthique de ceux qui utilisent de telles technologies.

Pour ma part, je continuerai à ne pas utiliser d’IA génératives dans mon travail (Stable Diffusion, Dall-E, Midjourney et Cie). Je les ai expérimentées sur les médias sociaux par le passé, parfois sérieusement, parfois en étant impressionné, mais le plus souvent de façon sarcastique .

Je n’aime pas du tout le processus des IA…

Quand je crée une nouvelle œuvre, je n’exprime pas mes idées avec des mots.
Quand je crée une nouvelle œuvre, je n’envoie pas l’idée par texto à mon cerveau.

C’est un mixage complexe d’émotions, de formes, de couleurs et de textures. C’est comme saisir au vol une scène éphémère venue d’un rêve passager rendant visite à mon cerveau. Elle n’a nul besoin d’être traduite en une formulation verbale. Quand je fais cela, je partage une part intime de mon rêve intérieur. Cela va au-delà des mots pour atteindre certaines émotions, souvenirs et sensations.
Avec les IA, les IArtistes se contentent de saisir au clavier un certains nombre de mots-clés pour le thème. Ils l’agrémentent d’autres mots-clés, ciblent l’imitation d’un artiste ou d’un style. Puis ils laissent le hasard opérer pour avoir un résultat. Ensuite ils découvrent que ce résultat, bien sûr, inclut des émotions sous forme picturale, des formes, des couleurs et des textures. Mais ces émotions sont-elles les leurs ou bien un sous-produit de leur processus ? Quoi qu’il en soit, ils peuvent posséder ces émotions.

Les IArtistes sont juste des mineurs qui forent dans les œuvres d’art générées artificiellement, c’est le nouveau Readymade numérique de notre temps. Cette technologie recherche la productivité au moindre coût et au moindre effort. Je pense que c’est très cohérent avec notre époque. Cela fournit à beaucoup d’écrivains des illustrations médiocres pour les couvertures de leurs livres, aux rédacteurs pour leurs articles, aux musiciens pour leurs albums et aux IArtistes pour leurs portfolios…

Je comprends bien qu’on ne peut pas revenir en arrière, ce public se sent comme empuissanté par les IA. Il peut finalement avoir des illustrations vite et pas cher. Et il va traiter de luddites tous les artistes qui luttent contre ça…

Mais je vais persister ici à déclarer que personnellement je n’aime pas cette forme d’art, parce qu’elle ne dit rien de ses créateurs. Ce qu’ils pensent, quel est leur goût esthétique, ce qu’ils ont en eux-mêmes pour tracer une ligne ou donner tel coup de pinceau, quelle lumière brille en eux, comment ils masquent leurs imperfections, leurs délicieuses inexactitudes en les maquillant… Je veux voir tout cela et suivre la vie des personnes, œuvre après œuvre.

J’espère que vous continuerez à suivre et soutenir mon travail artistique, les épisodes de mes bandes dessinées, mes articles et tutoriels, pour les mêmes raisons.


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(Encore) un nouveau Fairphone ?

Par : Gee
25 septembre 2023 à 05:30

Le Fairphone 5 est sorti le 30 août dernier. La marque de téléphone dit « équitable » semble avoir réussi à se faire une place dans le paysage. Mais la sortie de ce nouveau modèle est-elle pour autant une bonne nouvelle ?

Note : cette BD reprend partiellement la chronique que Gee a donnée mardi dernier dans l’émission de radio de l’April, Libre à vous ! (dont le podcast sera disponible prochainement). La chronique et la BD sont complémentaires, et il n’est pas impossible qu’il réitère l’expérience d’un double-traitement à l’avenir :)

(Encore) un nouveau Fairphone ?

Si vous me suivez un peu, vous savez sans doute que j’ai été l’heureux propriétaire d’un Fairphone 2 pendant plusieurs années.

Gee, représenté avec la main bandée et une pile de batteries dans l'autre main : « Heureux, heureux… Si on met de côté le téléphone qui se transforme en charbon ardent et la batterie qui font comme neige en soleil. J'ai lâché l'affaire après en avoir racheté une quatrième en 6 ans.

Bon, même si mon Fairphone 2 a plutôt mal fini, OUI, je suis plutôt pro-Fairphone.

L’entreprise Fairphone semble bien fonctionner, car elle vient d’annoncer le Fairphone 5, dernier né des téléphones dits « équitables ».

Face à un personnage avec une casquette Fairphone, un businessman en costume s'écrie paniqué : « Quoi ? Vous voulez dire que vous ne faites pas construire vos téléphones par des enfants dans des usines-dortoirs avec bouteilles à pisse et filets anti-suicide ?! Mais vous pourriez respecter nos traditions de constructeurs de téléphones ! »

Le site officiel nous indique qu’il est conçu avec plus de 70 % de matériaux équitables ou recyclés, garanti 5 ans et facile à réparer.

Gee : « Bon, on peut voir le verre à moitié vide… enfin, à 30 % vide, et se dire qu'il reste du boulot pour avoir un truc 100 % propre. » La Geekette, en train de démonter un Fairphone : « Ouais, mais déjà, un téléphone que tu peux démonter/réparer/remonter avec un tournevis, QUEL BONHEUR ! »

Seulement, pour ne rien vous cacher, moi il reste un truc qui me chiffonne…

C’est que ce Fairphone est le cinquième en 10 ans : faites le calcul, on reste sur le bon vieux modèle du « un nouveau téléphone tous les deux ans ».

Un iPhone se moque : « Pfff, les amateurs ! Nous on en fait un nouveau par an, toujours à la pointe. » La Geekette : « Alors oui, c'est pas au niveau de l'iPhone, mais l'objet très énergivore et consommateur de ressources qu'on remplace tous les 2 ans… Ça va juste plus être possible d'un point de vue environnemental. » Le smiley : « Et allez, les Khmers verts, j'en étais sûr ! Steve Jobs, reviens ! Ils sont devenus fous ! »

Et malheureusement, le support logiciel des anciennes versions est bien sûr abandonné petit à petit. Tous ces efforts pour créer de nouvelles versions ne seraient-ils pas mieux employés à créer un téléphone vraiment durable et réparable très longtemps ?

Gee : « La production de terminaux, c'est 70 % de l'empreinte carbone du numérique en France*. Si on veut réduire cette empreinte, à un moment donné, il va falloir arrêter de fabriquer des nouveaux trucs dans tous les sens. » Un graphique montre l'empreinte carbone du numérique, avec 70 % pour les terminaux, suivi des datacenters à 20 % puis des réseaux à 10 %.

Voir le dossier de l’Arcep sur le sujet.

Au passage, vous constaterez que « trier ses mails pour la planète », c’est pas vraiment la priorité…

La Geekette : « Ça, c'est surtout du greenwashing pour continuer à nous faire consommer des trucs VRAIMENT merdiques pour le climat. » On voit une publicité pour une télé 4K, et une autre qui conseille de remplacer son vieux smartphone qui a déjà 18 mois. En bas, un petit message dit « Mais triez vos mails, bande d'irresponsables ! »

Bref, le Fairphone c’est un chouette projet, mais dont la gestion est assez symptomatique de « l’écologie pour les riches ».

Oui parce que le bouzin coûte quand même 700 boules, faut déjà pouvoir les sortir.

Un mec au volant de sa Tesla : « Ouais, nan mais suffit de payer les choses au juste prix du coût écologique, et tout va rouler, on va pouvoir continuer à consommer comme avant. » Le smiley : « Position confortable quand t'as assez de thunes pour absorber le choc. »

L’autre versant, « l’écologie pour les pauvres » en quelque sorte, il consiste à faire durer les objets, à ne pas gaspiller, à acheter du reconditionné…

Un businessman paniqué : « Quoi ?! Mais et la croissance alors ? Vous y avez pensé ? » Gee : « Oui, suffisamment pour piger que c'était la source du problème. » Le smiley : « Après, le reconditionné a ses limites aussi : c'est toujours dépendant de gens qui avaient acheté du neuf, et qui reconditionnent souvent pour racheter du neuf… »

Mais quoi qu’il en soit, comme d’habitude, les gestes isolés ne suffiront pas…

Le vrai impact écologique et social ne pourrait venir que d’une transformation du fonctionnement de l’économie, où l’on minimiserait collectivement la production dans l’optique de tout faire durer beaucoup plus longtemps.

La Geekette, pensive : « Tu veux dire… un fonctionnement qui serait conditionné aux capacités écologiques et humaines ? Et non plus dicté par le besoin croissance infinie ? » Gee : « Ouais, c'est ça ! Un fonctionnement qui ne serait plus… euh… Attendez, y'a un mot pour ça. » Il cherche le terme correct.

En clair : un fonctionnement qui ne serait plus capitaliste.

Le smiley, moqueur : « Gee a tenu toute une BD avant de sortir le mot magique, admirez l'effort. »

Souhaitons tout de même du succès au Fairphone, car les bonnes initiatives restent bonnes à prendre vu la merde dans laquelle on est…

Gee : « Mais n'oubliez pas : si vous avez le choix, faites durer vos appareils, réparez-les, achetez du reconditionné… » La Geekette : « Ouais voilà. Et surtout : saisissez les moyens de production. En gros. » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 21 septembre 2023 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

« Sortilèges & Syndicats », un Framabook quitte le nid

Par : Framasoft
23 novembre 2023 à 02:34

En janvier 2018, le dessinateur Gee, bien connu du Framablog, sortait de son domaine habituel pour nous proposer un roman… Une aventure fantastique transposée dans un monde moderne, où les elfes et orques s’affrontent désormais dans une lutte des classes opposant le grand capital orquogobelinesque aux syndicats elfogauchistes.

L’histoire s’appelait alors Working Class Heroic Fantasy et avait été publiée par Framabook dès juin 2018. Cinq ans après, le petit Framabook quitte son nid et va s’envoler vers PVH Éditions pour devenir « Sortilèges & Syndicats » !

Working Class Heroic Fantasy devient Sortilèges & Syndicats

Le pitch

L’action se passe dans un monde un peu comme le nôtre, avec des open-space, des divorces et des syndicats… Mais aussi avec des elfes, mages, orques et gobelins. Imaginez que nos meilleurs romans de Fantasy soient en fait le chapitre Moyen-Âge de leurs livres d’histoire… Vous y êtes ?

Voilà : c’est la Terre de Grilecques, le monde où vit Barne Mustii, petit employé de bureau chez Boo’Teen Corp, une entreprise qui vend des bottes. Barne est un humain un peu résigné qui subit les brimades de son gobelin de patron, jusqu’au jour où c’est l’insulte de trop. Et si un simple tour à la permanence du syndicat l’entraînait dans une épique lutte des classe contre l’oligarchie orquogobelinesque… ?

Ne ratez pas ce roman féroce et drôle, qui rebondit dans tous les sens comme une balle magique : dystopie et gaudriole, anarchie et fantasy, non-binarité et lutte des classes. Ce livre, c’est peu comme si Marx et Tolkien avaient eu un enfant qui aimerait bien se poiler avec Pratchett.

PVH Éditions, c’est quoi ?

Logo de PVH ÉDitions

PVH Éditions est une maison qui édite des ouvrages issus de la littérature de l’imaginaire – science-fiction, fantasy, fantastique, anticipation, contes et légendes. Une de ses particularités qui parlera sans aucun doute au lectorat du Framablog est d’avoir libéré sa collection Ludomire sous licence libre CC By Sa. Une collection dans laquelle on trouve notamment nos camarades Ploum et Thierry Crouzet.

PVH Éditions est basée en Suisse et dirigée par Lionel Jeannerat, qui a récemment été invité dans l’émission Libre à vous ! de l’April, émission dont nous vous conseillons fortement l’écoute pour en apprendre plus sur l’aventure Ludomire.

Comment ça se réédite, un livre sous licence libre ?

Beaucoup plus simplement qu’un livre sous droit d’auteur classique ! Lorsque Framabook a publié Working Class Heroic Fantasy, Gee a signé un contrat de cession de droits… non-exclusive. Un détail qui a une importance capitale pour la suite. Car les contrats d’édition classique comportent généralement une cession de droits exclusive, ce qui prive l’auteur de l’opportunité d’aller se faire republier ailleurs.

Un autre auteur Framabook, Yann Kervran, en parlait dans un article du Framablog de 2017 :

Oui, j’ai déjà été publié chez La Louve éditions, avec qui j’avais un contrat traditionnel. (…) J’ai demandé à l’éditeur de mes romans s’il serait d’accord pour me redonner les droits sur mes textes (car, comme habituellement, il en détenait l’intégralité exclusive jusqu’à 70 ans après ma mort) et il a accepté. Je tiens à l’en remercier car ce n’est pas toujours si simple et amical. Cela a malgré tout demandé quelques mois pour se finaliser.

Si la licence libre permet en théorie a une maison d’édition de rééditer le livre sans demander l’avis de Gee ni sans lui verser le moindre centime, en pratique, les personnes enthousiasmées par le Libre ont en général l’élégance de chercher un arrangement qui soit bénéfique pour toutes les parties impliquées.

Ainsi, Gee a pu signer un nouveau contrat d’édition avec PVH Éditions, prévoyant des versements d’honoraires issues des ventes du livre avec une avance de 950 € (enfin… 900 CHF, évidemment) versée dès la publication. Le travail éditorial réalisé par les bénévoles de Framabook n’a pas non plus été oublié, puisque le livre est estampillé « Commun Culturel Framasoft » et qu’un petit texte continue de remercier l’association en début de livre.

Les logos sur la couverture (PVH Éditions, Commun Culturel Framasoft, et Œuvre libérée sous CC By Sa)

Plusieurs logos coexistent sur la couverture, témoignage de l’histoire Libre du livre

Comme quoi, plus que jamais, Libre ne veut pas dire « gratuit » : une économie du livre libre, éthique et équitable, est possible. La collection Ludomire de PVH Éditions en est un bon exemple : souhaitons à « Sortilèges & Syndicats » le même succès. Car de l’autre côté, dans le monde de l’autoédition, tout n’est pas tout rose.

Les limites de l’autoédition

Logo de Ptilouk.net Éditions

Pour ses nombreuses publications, Gee a monté sa petite maison d’autoédition, Ptilouk.net Éditions, et passe par de l’impression à la demande : d’abord par Lulu, qui a longtemps été utilisé par Framabook à l’époque où des livres imprimés étaient proposés.

Évidemment, qui dit autoédition dit bien souvent absence d’un réseau de distribution : ainsi, sans moyens de promotion ni de disponibilités en librairie, les ventes de livres de Gee restent très faibles. En un peu plus de 2 ans d’existence, Ptilouk.net Éditions n’a vendu que 550 exemplaires en comptant l’intégralité des 15 publications disponibles, la majorité des ventes ne se passant pas sur Internet mais sur les stands des Capitoles du Libre et autres JDLL.

Ajoutons à cela les tarifs sur lesquels les imprimeurs à la demande se gavent allégrement, bien souvent avec des systèmes opaques et des coûts cachés. Gee raconte :

Je suis assez convaincu, par exemple, que Lulu s’ajoute une confortable marge dans les frais de livraison. Ces frais sont incroyablement élevés et n’ont aucune cohérence par rapport au coût de transport, car ils sont proportionnels au nombre de livres, peu importe la taille. Donc si je commande 50 exemplaires de ma BD Superflu de 50 pages, ils m’envoient un carton pour la bagatelle de 80 € de frais de port. Si je commande 50 exemplaires de mon autre BD GKND, 360 pages, il faut 8 cartons, et on m’annonce… 80 € de frais de port. Ça sent un tout petit peu le foutage de gueule.

Gee propose également ses livres sur Amazon depuis un an. Un choix étrange pour un libriste comme lui, plutôt hostile aux GAFAM (dont Amazon est l’un des A), mais qui s’en explique sur son blog :

Il me semblait nécessaire d’y être. De la même manière que je suis aussi sur Twitter ou Facebook : avant tout pour aller chercher les gens là où ils sont. (…) Je garde les mêmes principes qu’avec Twitter et cie : rien d’inédit n’y est publié, et je conserve d’autres alternatives pour ne pas encourager les gens à passer par là (Lulu pour le papier, et le téléchargement direct pour les livres numériques à prix libre). J’ajoute même une « taxe Amazon » : les bouquins y sont 4,95 € plus chers (les numériques aussi, les versions Kindle y sont donc à 4,95 € 😛).

Un choix qui n’avait alors pas manqué de faire réagir Lionel, le dirigeant de PVH Éditions, dans son article « Réflexions sur l’impression à la demande et l’édition libre » :

Il faut arrêter de croire que des gens vont vous découvrir et vous acheter sur des sites comme Lulu ou Amazon. En réalité, personne ne se balade sur ces sites comme ils pourraient flâner en librairie à la recherche d’une pépite. De plus, ces plateformes renferment des millions de livres et leur algorithme ne mettront en avant que les best-sellers (et leurs propres publications pour Amazon). Ils mettent parfois en évidence des succes-stories qui cultivent l’illusion qu’ils vous sont utiles.

Ils essaient de faire croire que grâce à eux, le travail de diffusion et de libraire n’est plus utile. Mais c’est faux… Aucun livre ou aucun talent ne trouve son public par hasard, et encore moins par l’impartialité des algorithmes.

Un an après, Lionel et Gee s’associent donc pour une nouvelle expérience : « Sortilèges & Syndicats » !

« Sortilèges & Syndicats », un livre libre bientôt en librairie !

Couverture du livre

Pour l’heure, la version imprimée du livre est uniquement disponible sur la boutique en ligne de PHV Éditions. Les délais de distribution étant ce qu’ils sont, le livre ne sera disponible en librairie qu’à partir de mars 2024. En attendant, vous pouvez le commander en ligne, avec une offre spéciale de Noël : si vous y achetez Sortilèges & Syndicats accompagné d’au moins un autre livre, et pour un total de plus de 35€, vous aurez une réduction de 5 % et les frais de port offerts (code promo : noeldegee).

L’occasion, donc, de (re)découvrir la collection Ludomire !

Les liens important

En finir avec la taxe copie privée

Par : Gee
29 novembre 2023 à 05:45

Inspiré par le récent débat auquel il a participé dans la dernière édition d’Au café libre dans l’émission Libre à vous ! de l’April, Gee nous propose cette semaine un point sur la fameuse « taxe copie privée ».

En finir avec la taxe copie privée

Il paraît qu’il serait question d’étendre la redevance pour copie privée aux ordinateurs…

La Geekette, blasée : « En même temps, qu'est-ce qui n'est pas encore taxé pour copie privée, de nos jours ? » Gee, les bras croisés : « Ouais, il y a déjà les DVD, disques durs, clefs USB, bientôt le cloud et le replay… Taxez mon slip, tant que vous y êtes, j'y ai copié le dernier M. Pokora récemment. Une gastro fulgurante. »

Pour rappel, la fameuse « taxe copie privée » est prélevée sur les supports de stockage pour compenser le manque à gagner dû aux copies d’œuvres que les gens peuvent réaliser pour leurs usages personnels.

Années 90. Un ayant droit montre une image d'un couple dans une voiture : « Regardez, ce couple qui transfère le dernier CD de Bon Jovi sur cassette audio pour pouvoir l'écouter dans la voiture ! C'est une cassette de Bon Jovi de vendue en moins !  Taxons donc les cassettes enregistrables ! »

Le couple répond : « Euuh, mais en fait, si on n'avait pas pu copier le CD sur cassette, je pense pas qu'on aurait acheté le CD *et* la cassette. » L'ayant droit, surpris : « Hein ?! » Le couple : « Bah ouais, on aurait juste acheté la cassette directement, a priori. »

L'ayant droit met un coup de pied discret dans l'image (« Héééé ! ») en disant, avec une goutte de sueur : « Ahem, je disais donc : la copie d'œuvre dans le cadre familial est un GROS manque à gagner pour les ayants droit ! Haha ! Voilà voilà. »

Malgré sa justification pour le moins fumeuse, cette taxe est en place depuis 1985 et a petit à petit été étendue à tout et n’importe quoi.

2021. Deux mecs bourrés dans un bar : « T'sais quoi ! Les gens… sont tous collés à leur smartfeaunz, là… Pendant c'temps, z'achètent plus de dixes… de dikce… de disques, là ! » L'autre : « Bah on s'en fout, Roger, on les a d'jà taxé, les smortphanes… » Le premier : « Taratataaa ! Et les téléphones recon… reponditionnés, alors ? Reconsidionnés…  raah, recon-truc, là ! »

Eh oui, depuis 2021, les smartphones reconditionnés sont aussi taxés pour la copie privée.

Parce que l’écologie, c’est sympa, mais faudrait pas que la sobriété impacte les rentiers.

Gee, lisant un journal : « La taxe copie privée, c'est 300 millions d'euros par an, quand même. Avec une redistribution à peu près aussi opaque que celle de la SACEM. » La Geekette : « Ça concerne tellement de supports avec des coûts répercutés partout que c'est carrément un amplificateur d'inflation… »

Oui, car peu importe si votre support n’accueillera jamais la moindre copie d’œuvre, il sera taxé tout pareil. Même pour un usage professionnel.

L'ayant droit : « Ah, mais pour un usage professionnel, vous pouvez tout à fait demander le remboursement de la taxe. Il vous suffit de suivre ce plan, de demander le laissez-passer A38, avec le formulaire bleu, comme stipulé dans la nouvelle circulaire B65. » Le plan est une copie de la maison des fous d'Astérix et les 12 travaux.

Ce qui est fou, c’est que si on y réfléchit bien, quand bien même cette taxe serait justifiée…

La copie privée, ça ne se fait quasiment plus.

Gee, derrière son ordinateur : « Moi je sais encore ripper un DVD, mais c'est quoi la proportion de la population qui fait ça ? Et qui copie encore des trucs sur cassette ? Qui s'amuse à sauvegarder sa discothèque sur disque dur ? » Le smiley : « Et on parle même pas des DRM et autres protections qui empêchent de toute façon la copie privée, au passage… »

À l’heure de l’hégémonie du streaming où on possède physiquement de moins en moins d’œuvres – et où, mécaniquement, les occasions de les copier sur support deviennent donc rares –, il semble paradoxal que les revenus de la taxe copie privée continuent d’augmenter inexorablement.

L'ayant droit, avec un sourire carnassier : « Bah vous pensez bien, c'est justement parce que les revenus s'effondrent qu'on est obligés d'étendre de plus en plus les domaines d'application de la taxe, sinon on s'en sort pas. » Le smiley : « Tout s'explique. »

Vous allez me dire : « mais Gee, tu te bases juste sur ton ressenti, rien ne prouve que la copie privée diminue, c’est pas très scientifique comme approche. »

En effet, mais il se trouve que les études scientifiques sont étrangement refusées par… les ayants droit.

Auraient-ils peur de ce qu’une étude sérieuse pourrait révéler ?

Gee, montrant un document : « La Fédération Française des Télécoms a même publié un communiqué pour dénoncer ce refus de toute nouvelle étude fiable. » Le communiqué : « Une nouvelle fois, nous constatons le rejet en bloc par les ayants droit de toute méthode complémentaire aux études d’usages telles que réalisées depuis 2012, malgré des propositions de la part des industriels fondées sur un travail reconnu. (...)  L’opposition de principe des ayants droit à la réalisation d’une étude de faisabilité relative à un dispositif d’analyse des terminaux traduit le refus de toute modernisation. Pourtant, les usages en matière de copie ont significativement évolué, considérant en particulier le développement de l’offre légale de streaming sur abonnement pour la musique ou la vidéo. »

En réalité, c’est un secret de polichinelle que cette taxe est un prétexte pour compenser les pertes de ce que les ayants droit appellent « piratage », soit une copie pas du tout privée mais bien publique cette fois.

Gee, coincé entre une enclume « copie privée » et un marteau « Hadopi » : « Outre que la copie publique a elle aussi largement baissé avec le développement des offres légales, c'est un peu la double peine. Non seulement on se fait taxer, mais ça reste illégal. » Le smiley : « Un peu comme si les flics prélevaient une taxe sur le cannabis avant d'embarquer le dealer. »

Bref, de deux choses l’une :

Soit la taxe copie privée est vraiment une taxe sur la copie privée, et dans ce cas-là, adaptons-la aux usages actuels… et supprimons-la.

L'ayant droits explose : « KOUWA ?! Mais il y a encooooore de la copie privée, on peut paaas la supprimer ! » Gee lui lance deux piécettes : « Bon ok, j'avoue, j'ai numérisé deux vinyles cette année, voilà ta piécette. Va t'acheter des bonbons. »

Soit la taxe copie privée est plutôt une taxe sur la copie publique, et dans ce cas-là, foutez-nous la paix une bonne fois pour toutes avec le piratage.

La Geekette : « Tiens, le dernier Nolan est sur The Pirate Bay. » Mec lambda : « Mais ça te dérange pas de pas l'avoir payé ? » La Geekette : « Je l'ai déjà payé avec les taxes sur mon ordinateur, mon disque dur externe, mes clefs USB, mon téléphone… Et sur le slip de Gee. » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 27 novembre 2023 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

Pour finir l’année en toute beauté !

Par : Framasoft
31 décembre 2023 à 02:24

Cette année encore, nous avons fait appel à David Revoy pour illustrer notre campagne de fin d’année. Et en ce dernier jour de 2023, c’est le moment de faire un petit clin d’œil à cet important travail !

🦆 VS 😈 : Reprenons du terrain aux géants du web !

Grâce à vos dons (défiscalisables à 66 %), l’association Framasoft agit pour faire avancer le web éthique et convivial. Retrouvez un résumé de nos avancées en 2023 sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (nov. – déc. 2023)

 

Dessin de l'ensemble des mascottes de Framasoft dans leurs positions d'attaque.

Cliquez sur l’image pour soutenir l’ensemble des mascottes de Framasoft – Illustration CC-By David Revoy

Une barre de don animée

L’aviez-vous remarqué ? Les monstres ont commencé très sereinement la campagne en dégustant des brochettes de données grillées. Mais, au fur et à mesure de vos dons, ils se sont plus qu’inquiétés de la situation…

Nos joyeuses mascottes face à des Datavöres plutôt repoussants

Chaque mascotte de Framasoft, représentant un de nos projets, a pris tête face à un monstrueux GAFAM peu attirant. Mais avez-vous remarqué que nos mascottes montraient signes de vie ?

Animation de Coin-Coin, canard-mascotte de la campagne de Framasoft Animation de Li, licorne-mascotte de Framaspace Animation de Sepia, Seiche-mascotte de PeerTube v6 Animation de Rose, fennec-mascotte de Mobilizon Animation de Super Sepia, seiche-mascotte de PeerTube du futur Animation de Shane, Lynx-mascotte de Emancip'Asso Animation de Tux et Gnou, manchot et Gnou-mascottes du libre Animation de Espéhef et Ahemvé, piaf et éléphante, mascottes "dégooglisons"

Un petit souvenir à télécharger

Après 7 semaines à vous présenter nos projets via nos mascottes, nous vous proposons de les retrouver sous forme de fonds d’écran, disponibles en trois formats : paysage HD, paysage 4K, et portrait (mobile).

Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte un canard karatéka et un monstre affublé des logos des GAFAM. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la licorne de Framaspace et le monstre de Google Workspace. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube, Twitch et Viméo. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la fennec de Mobilizon et le monstre de facebook Groups. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube Premium. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la lynx de Emancipasso et le monstre de Amazon Web Services. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le Tux et le Gnu du logiciel libre et le monstre de microsoft Windows. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte l'éléphant et le piaf de Dégooglisonse et le monstre de Google Suite.

Une fois encore, nous tenons à remercier chaleureusement David Revoy, qui travaille avec nous depuis 2017 pour illustrer avec talent, cœur et intelligence notre travail et nos espoirs.

Retrouvez, sous licence libre CC-By, l’ensemble des œuvres que Framasoft a commandées à David sur le site de son webcomic libre Pepper & Carrot !

Merci de contribuer à ce succès !

En parlant de succès, hier soir, nous avons atteint l’objectif de récolte de cette campagne qui nous permettra de boucler le budget 2024 !

Nous profitons de ce dernier jour de bilan pour remercier toutes les personnes qui ont travaillé, discuté, partagé, soutenu, encouragé, critiqué… et contribué à nos actions. Internet n’est pas assez grand pour vous citer toustes au moins autant que vous le méritez, mais vous savez qui vous êtes et du plus profond de nos petits cœurs on vous dit pudiquement : merci.

Capture d'écran de la barre de dons Framasoft 2023 à 100% - 200 000 €

Merci ! – Cliquez aller voir le site « Soutenir Framasoft »

Grâce à vous, nous aurons les moyens de poursuivre notre travail l’année à venir (bon alors si certain·es d’entre vous veulent nous attribuer un peu plus de moyens, on ne dit pas non, hein… mais là n’est pas le propos !). Et surtout, grâce à vous, nous nous sentons soutenues.

 

Nous espérons que vous vivrez une très belle fin d’année, et nous vous souhaitons tous nos vœux d’émancipation, de joie et de libertés pour 2024,

Les membres de l’association Framasoft

To end the year in style !

Par : Framasoft
31 décembre 2023 à 02:24

Once again this year, we asked David Revoy to illustrate our year-end campaign. And on this last day of 2023, it’s time to give a little nod to this important work !

🦆 VS 😈 : Let’s take back some ground from the tech giants !

Thanks to your donations to our not-for-profit, Framasoft is taking action to advance the ethical, user-friendly web. Find a summary of our progress in 2023 on our Support Framasoft page.

➡️ Read the series of articles from this campaign (Nov. – Dec. 2023)

Dessin de l'ensemble des mascottes de Framasoft dans leurs positions d'attaque.

Cliquez sur l’image pour soutenir l’ensemble des mascottes de Framasoft – Illustration CC-By David Revoy

An animated donation bar

Did you notice ? The monsters started the campaign very serenely, enjoying grilled data skewers. But as you donated more and more, they became more than a little concerned…

Our cheerful mascots face off against some rather repulsive Datavöres

Each Framasoft mascot, representing one of our projects, stood up to a monstrous, unattractive GAFAM. But did you notice that our mascots were showing signs of life ?

Animation de Coin-Coin, canard-mascotte de la campagne de Framasoft Animation de Li, licorne-mascotte de Framaspace Animation de Sepia, Seiche-mascotte de PeerTube v6 Animation de Rose, fennec-mascotte de Mobilizon Animation de Super Sepia, seiche-mascotte de PeerTube du futur Animation de Shane, Lynx-mascotte de Emancip'Asso Animation de Tux et Gnou, manchot et Gnou-mascottes du libre Animation de Espéhef et Ahemvé, piaf et éléphante, mascottes "dégooglisons"

A little souvenir to download

After 7 weeks of presenting our projects to you via our mascots, we’d like to present them as wallpaper, available in three formats : HD landscape, 4K landscape, and portrait (mobile).

Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte un canard karatéka et un monstre affublé des logos des GAFAM. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la licorne de Framaspace et le monstre de Google Workspace. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube, Twitch et Viméo. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la fennec de Mobilizon et le monstre de facebook Groups. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube Premium. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la lynx de Emancipasso et le monstre de Amazon Web Services. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le Tux et le Gnu du logiciel libre et le monstre de microsoft Windows. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte l'éléphant et le piaf de Dégooglisonse et le monstre de Google Suite.

Once again, we’d like to extend our warmest thanks to David Revoy, who has been working with us since 2017 to illustrate our work and hopes with talent, heart and intelligence.

Find, under a CC-By free license, all the works Framasoft has commissioned from David on the site of his free webcomic Pepper & Carrot !

 

Thank you for contributing to our success !

Speaking of success, last night, we’ve reached our fundraising goal to meet our 2024 budget !

We’d like to take this last day of our review to thank all those who have worked, discussed, shared, supported, encouraged, criticized… and contributed to our actions. The Internet isn’t big enough to mention all of you at least as much as you deserve, but you know who you are and from the depths of our little hearts we modestly say : thank you.

Capture d'écran de la barre de dons Framasoft 2023 à 100% - 200 000 €

Thanks ! – Clock to visit the « Support Framasoft » website

 

Thanks to you, we’ll have the means to continue our work over the coming year (well, if some of you want to give us a bit more means, we won’t say no… but that’s not the point !). Above all, thanks to you, we feel supported.

 

We hope you have a wonderful end to the year, and we send you ou best wishes of emancipation, joy and freedom in 2024,

The members of the Framasoft association

Des ateliers solarpunk pour imaginer un avenir low-tech

Par : Framasoft
15 janvier 2024 à 03:09

Cette semaine, à l’Université de Technologie de Compiègne, des ateliers originaux vont mobiliser une quarantaine de participant⋅es (dont plusieurs membres de Framasoft) pour imaginer un monde low-tech en 2042 !

Dans cette université qui forme des ingénieurs existe une unité de valeur « lowtechisation et numérique » animée par Stéphane Crozat, qui par ailleurs est membre de Framasoft et l’initiateur de l’atelier pédagogique UPLOAD/solarpunk. De quoi s’agit-il exactement ?

 

Solarpunk ?

personnage qui se demande ce que peut bien vouloir dire solarpunk, engrenages en action au-dessus de sa tête. À sa droite, comme si c'était l aréponse, un punk à crête colorée comme un demi-soleil

Dérèglement climatique, pollution, inégalités sociales, extinction des énergies fossiles… dans un monde menacé, à quoi peut ressembler une civilisation durable et comment y parvenir ? Le solarpunk est un genre de la science-fiction qui envisage des réponses à cette question dans une perspective utopique ou simplement optimiste, sans jamais être dystopique.

Voici les trois premiers articles du manifeste solarpunk :

  1. Nous sommes solarpunk parce que l’optimisme nous a été volé et que nous cherchons à le récupérer.
  2. Nous sommes solarpunk parce que les seules autres options sont le déni et le désespoir.
  3. L’essence du Solarpunk est une vision de l’avenir qui incarne le meilleur de ce que l’humanité peut accomplir : un monde post-pénurie, post-hiérarchie, post-capitalisme où l’humanité se considère comme une partie de la nature et où les énergies propres remplacent les combustibles fossiles.

Si vous souhaitez en savoir plus, le manifeste est à votre disposition.

Low-tech ?

On comprend mieux pourquoi proposer d’imaginer des fictions low-tech à de futurs ingénieurs, qui seront plus enclins à agir en génération frugale (suivant ce scénario pour 2050 de l’ADEME) qu’en technosolutionnistes.

Le principe de lowtechisation est résumé en une formule dans le cours de Stéphane :

Lowtechisation = convivialité + soutenabilité + responsabilité

Vaste programme, bigrement idéaliste, direz-vous, mais pourquoi ne pas envisager collectivement et concrètement des scénarios possibles qui répondent à ces idéaux ? Voici la proposition-cadre qui est faite aux participant⋅es (et à vous si vous souhaitez y ajouter votre contribution) :

Nous sommes en 2042. La mauvaise nouvelle c’est que l’effondrement est vécu au quotidien (pénurie, épidémies, énergie et matières premières raréfiées, réchauffement climatique…). La bonne nouvelle c’est que notre société n’investit plus majoritairement sur le techno-solutionnisme et la croissance […] mais que peuvent émerger de nouveaux projets désirables : réappropriation de savoir-faire technologiques, réaffectation des ressources, création de communs, décentralisation, autonomisation, débats publics…

Parmi ces initiatives qui émergent, il y a la création de l’UPLOAD (Université Populaire Libre Ouverte Autonome Décentralisée, à Compiègne). On imaginera et publiera des récits courts qui mettront en scène une activité pédagogique (un cours sur la post-croissance ? des ateliers d’imagination de nouveaux métiers ?), un projet low-tech (un éco-bâtiment passif à réaliser soi-même ?) ou high-tech (une IA pour parler avec des animaux ?).

Une semaine de réflexions, échanges, créations

Du lundi au vendredi un programme diversifié et appétissant est proposé sur place… il sera question bien sûr de low-tech, de décroissance, de décentralisation d’internet, de lectures partagées, de divers scénarios pour demain, souhaitables ou non, et d’élaborer par étapes et ensemble des récits grands ou petits qui seront résumés sur Mastodon et publiés une fois élaborés… ici même sur le Framablog !

–> Voyez tout le détail du programme

À suivre : dès mardi, les groupes auront choisi un thème et le publieront sur Mastodon…

Il y a déjà des suggestions qu’on peut utiliser, dépasser ou ignorer…

 

une série de maisons en restauration ou construction sur fond jaune vif, des échafaudages montent comme une tour au-dessus du corps du bâtiment. Des silhouettes de personnages s'affairent au sol, sur les toits et échafaudages. Un panneau en haut du pignon dit : UPLOAD

Crédits de l’illustration : CC BY-NC-SA 4.0 · par Cix · Bâtir aussi, Ateliers de l’Antémonde · https://antemonde.org/ (adaptée par stph)

et vous, le clavier vous démange ?

Bien sûr, vous n’êtes pas à Compiègne, mais l’idée de proposer un avenir qui ne soit pas post-apocalyptique vous plaît… vous pouvez apporter une contribution à ce projet avec une fiction solarpunk en élaborant :

  • un format 500 caractères pour Mastodon avec les hashtag #solarPunk  et #UPLOAD
  • une nouvelle plus longue sur votre blog ou sur un pad comme celui-ci
  • un atelier collaboratif informel ou non au sein de votre université ou toute autre structure

Selon le volume des textes recueillis, ils seront publiés progressivement ici (sous licence libre CC-BY-SA bien sûr) et peut-être réunis en recueil…

À vos plumes d’oie, stylets, crayons et claviers low-tech ;-)

 

Ateliers solarpunk-UPLOAD : c’est parti !

Par : Framasoft
16 janvier 2024 à 12:47

— De quoi ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ?

— Si vous avez raté le début, l’article qui explique le contexte et le cahier des charges de participant⋅es a été publié hier ici

Mais déjà les participations sont lancées sur le média social Mastodon et on a laissé libre cours à l’imagination, en voici quelques échantillons, en suivant les hashtags #UTC #solarpunk #UPLOAD :

 

[Marie] Comment la ville a-t-elle pu autant changer depuis la dernière fois où elle s’y est aventurée ? Les voitures à chaque coin de rue ont disparu, les arbres ont poussé pour agrémenter les chaussées qui ont été réhabilitées pour les piétons. Et cette école autrefois si différente qui aujourd’hui ne semble faire qu’une avec la nature. Qui aurait pu penser que ces murs en béton allaient un jour disparaître au profit de jardins ?

 

A l’intérieur du hangar à dirigeables de l’UPLOAD, Théo fulminait. Le système de direction du dirigeable 9B3 du TDC (Transport par Dirigeable de Compiègne) venait encore de céder. Théo avait hâte de terminer sa formation et d’enfin être embauché par la compagnie pour travailler sur des prototypes. Depuis la mort de son père 5 ans plus tôt, dans un terrible accident causé par les tornades climatiques, Théo s’était juré de devenir ingénieur pour concevoir des dirigeables plus sûrs.Demain matin, je partirai en voyage d'étude. Pendant 1, 2, 3 ans ou plus - qui sait - j'arpenterai la France à vélo pour étudier les techniques artisanales de fabrication de vélo. Mais avant ça, ce soir c'est la fête ! L'alcool de topinambour coule à flot, les synthétiseurs analogiques enflamment le dance floor. J'ai déjà hâte de revenir pour enseigner à mon tour les savoirs-faire appris durant ce voyage, apporter ma contribution à l'UPLOAD où j'ai tant appris.

 

et voici même un exemple de synopsis élaboré collectivement ce mardi après-midi par un groupe qui a choisi pour thème « Fermer la voiture à Compiègne »

 

Nous sommes en 2042 à Compiègne, l’UPLOAD : Université Populaire Libre Ouverte Accessible et Décentralisée permet de former des ingénieur⋅es de tout âge et accueille aussi simplement les curieux voulant s’instruire dans certains domaines.

 

Maura, 22 ans, fan de bricolage, se réveille en retard à cause de son réveil cassé, mais elle sait qu’elle pourra le réparer au fablab de l’UPLOAD.

À travers les cours sur les transports, les ateliers de recyclage de Grégoire, papy ronchon mais gentil de 64 ans ayant des connaissances sur le monde d’avant, ou bien le temps de partage de savoir-faire en jardinage supervisés par Émile, nous en découvrirons un peu plus sur l’UPLOAD et la vie à Compiègne depuis l’effondrement.

 

Nos personnages réalisent que l’anniversaire de leur ami Théo passionné par les dirigeables approche à grands pas. Ils s’embarquent alors dans un voyage nocturne à la déchetterie de la ville pour y chercher les matériaux nécessaires à la confection du cadeau d’anniversaire de Théo : un dirigeable miniature.

Au fil de leur aventure, nous découvrons que la voiture n’existe plus, les modes de transports ont évolué : entre tramway, vélo hybride, tic-tic, tyrolienne et dirigeable, ils devront choisir le moyen le plus rapide pour arriver à destination. Ils feront aussi la découverte d’un objet surprenant du passé qui pourrait changer la donne. Arriveront-ils à surmonter les différentes épreuves qui se présenteront à eux ?

à suivre …

Après les synopsis, demain et les jours suivants : lectures-arpentage, documentation associée au thème choisi, personnages, scénario avancé et rédaction collective dans ce cadre pédagogique.

Vous pouvez participer par des suggestions ou synopsis sur le média Mastodon ou sur une instance du Fediverse en utilisant les hashtags #UPLOAD #Solarpunk

 

Ateliers Solarpunk – UPLOAD : bientôt des nouvelles de 2042

Par : Framasoft
18 janvier 2024 à 13:39

… et des extraits aujourd’hui pour l’apéritif !

Les ateliers de l’UTC  de l’opération #Solarpunk #UPLOAD ont été plus que fructueux ! Si vous avez raté le début, parcourez cet article récent et cet autre…

Sept groupes de participant⋅es ont collectivement imaginé puis scénarisé et finalement… rédigé des nouvelles dont voici quelques échantillons et dont nous publierons l’intégralité ici même au cours de la semaine prochaine.

En attendant, vous pourrez dès ce vendredi 19 janvier les écouter présenter leur travail et interpréter quelques passages sur la radio https://grafhit.net/ (et sur le 94.9 FM si vous êtes dans le Compiègnois). Soyez à l’écoute à partir de 12h !

 

Une radio punk, des dirigeables, un musée d’avant l’effondrement, des étudiant⋅es les mains dans la terre, d’autres bloqués sans réseau, une ferme et des dortoirs à rénover… C’est parti pour vous mettre l’eau à la bouche !

Soleil bicolore rouge/noir sur fond vert/jaune pour symboliser le solarpunk."Ancom or Ansyndie Solarpunk flag" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

 

1.Un début de vive altercation sur Radio_Padakor, ça risque de tourner au vinaigre entre le jardinier et l’écologue experte de la startup…

… à ce problème de taille, continue Victoire, Écorizon apporte pourtant une solution plus qu’inespérée : l’éradication des écrevisses de Louisiane sera comprise au sein du programme de compensation écologique proposé par la firme. Pour ce faire, nous proposons de relâcher, de manière ciblée, sur une zone limitée et temporairement, une toxine issue des traitements de l’usine dans les eaux de l’Oise. Cette toxine ne viserait que les écrevisses, évidemment.
Jarvis est stupéfait : cela n’a aucun sens, il doit encore intervenir. Le vieil homme ne manque donc pas de couper la parole de l’écologue, une nouvelle fois, par un violent « Shut up ! » tout droit sorti de son cœur d’Écossais.
Il confronte la soi-disant écologue à ses propos, en la questionnant : comment une toxine, prétendument aussi efficace, pourrait-elle ne cibler que les écrevisses ?
Victoire, encore, ne se démonte pas : la toxine, prétend-elle, passe uniquement par les branchies des crustacés. Jarvis s’énerve : les poissons aussi ont des branchies, cette toxine leur serait également inoculée !

extrait de Panique à bord de Padakor, récit complet sous licence CC-BY-SA Radio_Padakor, à paraître lundi prochain sur le Framablog

 

2. à l’UPLOAD, ça discute après l’effort dans le jardin collectif partagé…

« Pas mal, lâcha Émile, pour une première, vous vous en sortez plutôt bien !
— Merci, c’est pas si dur en fait le jardinage ! Il y a des petites techniques à apprendre et puis notre potager se retrouve rempli de bons fruits et légumes, répondit Maura enthousiaste.
— C’est vrai, mais il y a aussi toute la partie entretien du potager ! objecta le jardinier. Il y a dans toutes disciplines des parties moins agréables mais essentielles qui nous rendent encore plus fiers du travail accompli. »
Puis il se tut, il semblait méditer.
Théo saisit cette opportunité pour s’introduire dans la conversation.
« Moi quand je travaille sur les dirigeables, je suis toujours fier du travail accompli !
— Oh non, pas encore tes dirigeables ! s’exaspéra Maura.
— Vous saviez que les nouveaux dirigeables à panneaux solaires émettaient seulement l’équivalent d’1 % des émissions CO2 d’un avion pour du fret-
— Théo, reste concentré sur le potager ! lui intima Maura.
— Vous ferez moins les malins quand j’aurai un poste d’ingénieur dans une des usines d’assemblage !
— Les usines fluviales ? demanda le jardinier intrigué. »

extrait de Mission dirigeable ! récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître mardi prochain sur le Framablog

 

3. Des enfants de 2042 visitent l’exposition « Compiègne avant la sobriété »…

Louka s’était rapproché d’une ancienne carte de la région, il était surpris car il voyait de longs chemins de couleur sombre qui serpentaient de ville en ville.
« C’est quoi Papa ? c’est tout gris, dit l’enfant en pointant du doigt ces longs tracés.
– Ça tu vois, c’est une autoroute. Et là ce sont des routes nationales, ici les routes départementales et là les rues de la ville, expliquait Thomas.
Thomas poursuivit, décrivant à ces enfants ces voies de transports qu’ils n’avaient pas connues.
– À cette époque, nous utilisions des voitures pour nous déplacer. Une voiture c’était 4 sièges plus ou moins mis dans une boite. Puis on mettait cette boite sur quatre roues, on lui ajoutait un moteur avec de l’essence, et ça roulait…
Thomas continua en précisant que chaque voiture avait un « propriétaire » et de ce fait, on en faisait un usage individuel la plupart du temps. Il montra une photo où figurait une file de véhicules anciens.
– Mais, elle étaient énormes ces voitures ! Pourquoi elles étaient si grosses si on était seul dedans ? … ça sert à rien ! s’étonna Louka.
Face à la surprise de son fils, Thomas soupira. Il lui revint en mémoire les heures de bouchon pour aller travailler dans un bureau d’une compagnie d’assurance située à 25 km de chez lui.

extrait de Compiègne avant les années sobres, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître mercredi prochain sur le Framablog

 

4. Quand on veut profiter de la cantine communautaire de l’UPLOAD, on participe d’abord…

C’était le Corridor, le lieu de livraison de la nourriture. Didier sortit de son gros sac à dos des courgettes, des pommes et des poires. Une étudiante les lui prit, le remercia, et alla les donner en cuisine. Daniel fut surpris qu’elle ne donne pas de l’argent à son ami en échange.
« Allons manger maintenant ! s’exclama Didier.
– Attends… mais on est pas étudiants, on a pas le droit. Et pourquoi elle ne t’a pas payé ?
– Le principe du ReR, la cantine « Rires et Ratatouille », repose sur la collaboration de chacun à son bon fonctionnement. Pour y avoir accès, les élèves suivent des cours et des activités en rapport avec l’agriculture, et les personnes extérieures peuvent y manger si elles apportent de la nourriture ou aident en cuisine. On a apporté des fruits et des légumes, on peut maintenant manger sans payer. Allez, à table ! »

extrait de Jardins de demain, jardins malins, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître jeudi prochain sur le Framablog

bouton d'accès avec une empreinte digitale "Fingerprint Biometric Lock" by Flick is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.

5. Dans le bâtiment d’accès sécurisé où ils viennent de travailler toute l’après-midi, un groupe d’étudiant⋅es cherche à quitter les lieux…

Quelques heures passent encore, sans plus aucune interruption. Une fois leur première série d’expériences terminée, tous se dirigent vers la porte. Dylan pose son index sur le lecteur d’empreintes mais celui-ci s’allume en rouge. La sortie lui est refusée.
– Et merde, on est bloqués, la porte ne s’ouvre pas !
– Arrête de faire une blague c’est pas drôle, répond Adrien.
Les autres essaient à leur tour, en vain.
C’est Noah qui comprend tout à coup :
– Ah oui ! Ça doit être parce qu’il est plus de 14h.
– Comment ça ? chuchote Candice d’une voix blanche.
– Vous ne vous souvenez pas de l’annonce des opérateurs de télécom ? Ils avaient décrété que les réseaux de l’Oise allaient devenir intermittents. Internet n’est actif qu’entre 11h et 14h puis entre 22h et 6h. Ça ne vous dit vraiment rien ?

extrait de Un réseau d’émotions, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître vendredi prochain sur le Framablog

 

fromage à croûte orange en forme de cœur

Rollot par Bycro- Travail personnel, CC BY-SA 4.0

6. Est-ce que cet éleveur qui veut rénover son exploitation va pouvoir trouver des compétences à l’UPLOAD ?

— je suis dans l’élevage bovin et la production de lait. Mais ça devient dur et j’aimerais bien transformer une partie de mon vieux corps de ferme en un endroit sympa où les gens pourront acheter du fromage, du lait frais, du maroilles ou d’la tome au cidre. En plus de tout cas, j’prévois aussi d’avoir un coin pour avoir du stock… Tout ça, pour mettre en place du circuit court. Ça m’permettrait aussi de vendre les rollots que j’fais à plus juste prix.
— Ça me semble de très bonnes idées ! Je suis la responsable projet de l’UPLOAD, et nous recherchons des propositions des collaborations entre nos élèves en dernière année et les habitants de l’agglomération. Avez-vous…
Joël, d’une voix franche quelque peu irritée, coupe la parole à son interlocutrice.
— Je te coupe tout de suite m’dame, j’pense pas que ce genre de projet puisse être confié à des gamins étudiants. Faut des têtes bien pleines, des gens qui savent faire des calculs de structure, thermique et autres. J’ai pas envie que mon bâtiment tombe sur la tête des clients ou que mes fromages tournent.

extrait de Réno pour les rollots, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître vendredi prochain sur le Framablog

 

7. Pour rénover les dortoirs délabrés de l’UPLOAD, on choisit lowtech ou hightech ?

Apu, animé par la conviction que des solutions simples pouvaient avoir un impact majeur, commença à partager son histoire.

« Stella, tu sais, à Mumbai, j’ai vu comment des matériaux locaux simples peuvent faire une différence dans la vie quotidienne. Les briques en terre crue, par exemple, sont abondantes et peuvent être produites localement, réduisant ainsi notre empreinte carbone. »
Stella, initialement sceptique, écouta attentivement les explications d’Apu tout en esquissant quelques notes sur son propre cahier.
« Les briques en terre crue peuvent être une alternative aux matériaux de construction conventionnels, » suggéra Apu, esquissant un plan sur son cahier. « Elles peuvent être produites localement, réduisant ainsi notre empreinte carbone. »
Stella répondit :
« C’est intéressant, Apu, mais il faut voir au-delà de la simplicité. Moi je verrais bien des panneaux solaire, des éoliennes qui se fondent dans l’architecture, et l’utilisation de l’énergie hydraulique par exemple avec un barrage.

extrait de Renaissance urbaine, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître samedi prochain sur le Framablog

Soleil vert/jaune sur fond bleu/vert, "Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

Mickey dans le domaine public

Par : Gee
22 janvier 2024 à 05:38

Vous en avez sans doute entendu parler : Mickey entre enfin dans le domaine public. Enfin… c’est un peu plus compliqué que ça… Notre dessinateur Gee vous explique tout ça.

Note : cette BD reprend partiellement la chronique que Gee a donnée mardi dernier dans l’émission de radio de l’April, Libre à vous ! (dont le podcast sera disponible prochainement). Si la chronique et la BD partagent une trame commune, elles ne sont pas identiques mais complémentaires.

Mickey dans le domaine public

Le copyright étatsunien est un drôle d’animal qui, pendant des décennies, a grandi avec un autre animal : une petite souris.

1976. Un cadre de chez Disney dit : « Dites, avec ce copyright qui expire au bout de 50 ans, notre Mickey Mouse de 1928 va entrer dans le domaine public dans 3 ans… Ça va pas du tout. » Un politicien indépendant et intègre répond : « Oula, en effet ! Passons la durée du copyright à 75 ans après la publication de l'œuvre ! »

1998. Même image, le mec de chez Disney dit : « Dites, avec ce copyright qui expire au bout de 75 ans, notre Mickey Mouse de 1928 va entrer dans le domaine public dans 5 ans… Ça va pas du tout. » Un politicien indépendant et intègre répond : « Oula, en effet ! Passons la durée du copyright à 95 ans après la publication de l'œuvre ! »

2020. Même image, le mec de chez Disney dit : « Dites, avec ce copyright qui expire au bout de 95 ans, notre Mickey Mouse… » Le politicien le coupe en criant : « ÇA VA BIEN, MAINTENANT ! »

Bon, je ne suis pas sûr que ce soit un vrai sursaut de décence qui soit à l’origine de cet arrêt de l’augmentation de la durée du copyright

Quoi qu’il en soit, après bien des années d’attente, cette fois c’est fait :

Mickey Mouse entre dans le domaine public.

Mais alors attention, pas n’importe lequel : juste celui de Steamboat Willie, le fameux film d’animation de 1928.

Une image montre le Mickey de 1928, en noir et blanc, avec des gros yeux, pas de gants blancs, etc. Lui, c'est bon. Une autre image indique « Mickey de Fantasia (1940) », mais montre un autre personnage, « Marcel Morbac », une alternative libre, vu qu'on n'a pas le droit de réprésenter l'officiel… Marcel : « Salut ma couille, ça biche ? »

Ajoutons à ça la tripotée de marques que Disney a pris soin de déposer autour de sa mascotte…

Gee et la Geekette regardent une image de Mickey au gouvernail d'un bateau. La Geekette demande : « Devinette : cette image est-elle extraite du dessin animé de 1928 dans le domaine public ? Ou bien de la séquence d'intro de TOUS les films d'animation de Disney depuis 2007, marque déposée ? » Gee, dubitatif : « Euuuh … » La Geekette : « Questions subsidiaires : quel droit s'applique donc à cette séquence ?  Disney peut-il te poursuivre si tu l'utilises ? » Gee : « Euuuuuuh… » Le smiley, blasé : « Dans le doute, on va s'abstenir. C'est bien le but. »

Ajoutons aussi le nouveau design rétro de Mickey, très ressemblant à celui de 1928, que Disney a balancé en 2013, entre le fromage et le dessert. Histoire qu’il y ait toujours un petit doute sur lequel vous utilisez…

Gee, ironiquement, devant un comparatif : « Comme on dit, le confort du nouveau dans le charme de l'ancien… Le copyright du nouveau sur le design de l'ancien… » Le comparatif montre le Mickey de 1928, et le Mickey de 2013, remplacé à nouveau par Marcel Morbak qui dit : « Me revoilà, les aminches. On s'fait un p'tit morpion pour passer le temps ? »

Après, ne rigolons pas trop fort sur les délires du copyright étatsunien… de notre côté de l’Atlantique, c’est pas beaucoup plus reluisant.

La Geekette explique d'un air blasé : « Chez nous, c'est 70 ans après LA MORT de l'auteur ou autrice que ça entre dans le domaine public… » Gee, souriant : « Et donc, comme Antoine de Saint-Exupéry est mort en 1944, le Petit Prince n'est entré dans le domaine public qu'en 2015. »

La Geekette s'exclame soudain : « NON ! En tout cas, pas en France ! » Gee fait un bond en arrière en criant : « Hein ?! » La Geekette explique : « Saint-Ex étant mort pour la France, il profite d'une extension de droits d'auteur de 18 ans et n'entrera dans le domaine public qu'en 2033 ! » Gee : « What ze feuk ?! »

Je sais, là, vous allez me dire…

Mais POURQUOI cette extension ?

La justification est très simple :

Un connard cravaté explique, souriant mais transpirant, devant la Geekette et le Geek, pas convaincus. Il dit : « Ben comment vous dire… comme il est mort pour la France, il est mort jeune… et du coup il a pas pu écrire tous les bouquins qu'il aurait dû écrire… À cause de la France… Donc c'est logique que ses livres publiés soient protégés plus longtemps, comme ça il peut… enfin, ses descendants… lointains…  en 2030 quoi… ses descendants pourront continuer à gagner de la thune dessus, et c'est…  j'sais pas, c'est juste ? C'est équitable ? »

Bon, vous en pensez c’que vous voulez, mais moi je trouve qu’on nous prend un peu pour des moutons dans une boîte, avec cette histoire.

Gee : « Notez que le livre est dans le domaine public ailleurs : en Belgique, par exemple*. Le lien est en note de bas de page, mais évidemment, si vous résidez en France, NE CLIQUEZ PAS DESSUS, parce que ce serait quand même pas très gentil. » Marcel Morbak est là et commente : « Faudrait être sévèrement burné pour cliquer là-dessus. » Le smiley le regarde d'un air mauvais en disant : « Tu veux pas foutre le camp, toi ? »

Vous pouvez télécharger le livre dans le domaine public belge depuis saintexupery-domainepublic.be. Sauf si vous êtes en France, bien sûr, je le répète, mais déconnez pas, hein.

De toute façon, chez nous aussi on sait faire joujou avec le droit des marques, donc les héritiers de Saint-Exupéry ont déposé le Petit Prince comme marque de commerce, et c’est plié.

Gee commente : « Je propose donc qu'on réédite cette jolie histoire sous un autre nom. En Belgique, bien sûr. Je suggère “Le Petit Prolo”, vu que j'ai jamais pu encadrer les nobles. » Le Petit Prolo est représenté à côté : « S'il vous plaît, dessine-moi un patron. En prison. »

Bref, je suis personnellement d’avis que l’art est libre par essence, parce qu’il forme notre imaginaire collectif et qu’il est donc démocratiquement juste de se l’approprier, de le transformer et de le partager.

Gee lit : « Une jolie citation, pour conclure : “Avant la publication, l’auteur a un droit incontestable et illimité. (...) Mais dès que l’œuvre est publiée l’auteur n’en est plus le maître. C’est alors l’autre personnage qui s’en empare, appelez-le du nom que vous voudrez : esprit humain, domaine public, société. C’est ce personnage-là qui dit : Je suis là, je prends cette œuvre, j’en fais ce que je crois devoir en faire, moi esprit humain ; je la possède, elle est à moi désormais.*” » Un politicien s'énerve : « Quelle est la crème d'intégriste islamo-gauchistes qui a pondu cette ânerie ? » Gee : « Victor Hugo. » Le politicien : « Ah. »

Citation extraite du Discours d’ouverture du Congrès Littéraire International du 17 juin 1878 (à retrouver sur Wikisource).

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 19 janvier 2024 par Gee.

Sources :

Bon, et bien sûr, ce serait dommage de terminer cette BD sans vous proposer une affiche officielle pour le personnage de Marcel Morbak :

Parodie de l'affiche Steamboat Willie : « L'alternative libre à Mickey, Marcel Morbak, dans Steamboat Zizi ». On voit Marcel dans la même position que Mickey, tenant le gouvernail à deux mains, et avec également un gros joint allumé dans une autre main (vu qu'il en a quatre). Le sol semble être fait de peau humaine très poilue. Note : dessin sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessiné le 19 janvier 2024 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

La nouvelle du lundi 20:42

Par : Framasoft
22 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, ça clashe sévère à la radio pirate…

Panique à bord de Padakor

Un texte du collectif Radio Padakor soumis à la licence CC-BY-SA 4.0

– Yo, les clodos !

Depuis qu’une députée avait utilisé ce terme pour désigner des réfu-clims, il avait essaimé dans les milieux militants, devenant un salut amical. Une façon de se rappeler pourquoi on luttait. Justement, Luciole avait besoin d’entretenir sa hargne. Elle serrait fort le micro.

– Le monde d’avant ne demande qu’à revenir. À nous de l’en empêcher. J’annonce la naissance de Radio Padakor, média d’information indépendant, local, éthique, vénère.

Elle balança London Calling.


Nouvelle journée, nouvelle émission. Un horaire, 18:30 et une fréquence, 98.6 FM : c’est tout ce dont l’équipe de Radio Padakor (AirPD) a besoin pour accomplir sa tâche informationnelle.

Aujourd’hui, autour de la petite table se trouvent deux invités : Jarvis le jardinier, un habitué des ondes qui n’est plus à présenter, et Victoire, une experte environnementale venue pour partager son point de vue sur la situation à Compiègne.

Après une brève introduction, l’émission peut enfin commencer. Le vieil homme qu’est Jarvis prend la parole le premier. Aujourd’hui, il est venu parler de tomates.

Agacé par les interférences qu’il entend dans son retour casque, il fait des signes au pauvre Mathias qui se débat avec sa console pour tenter de résoudre ces aléas techniques.

— Le bouleversement climatique nous a apporté son lot de catastrophes, mais il a fourni quelques compensations. On peut désormais envisager de cultiver des tomates en Picardie, à l’air libre, sur sol vivant. Il n’y a plus besoin de sélectionner des variétés hybrides et on peut facilement utiliser les graines issues des fruits de l’année précédente.

— Tout de même, ça doit être moins efficace » fait remarquer l’experte.

Jarvis, surpris d’avoir été interrompu, dévisage la jeune femme.

— C’est comme ça que fonctionne la nature ; c’est pour ça que les fruits produisent des graines.

— Ouais, ça va bien pour manger deux-trois salades de tomates par an, mais pas plus…

— Ça fait des décennies que je cultive des tomates, et croyez-moi, j’obtenais déjà de beaux rendements avant qu’il ne fasse aussi chaud en Picardie.

Il reprend.

— Il y a une contrainte à connaître, impérativement : c’est le principe de rotation. La tomate est gourmande en azote. Le sol qu’elle laisse derrière elle est appauvri. Il faut donc éviter de replanter des tomates au même endroit année après année, au risque de voir diminuer sa production. Idéalement, on attendra cinq ans avant de replanter des tomates dans une parcelle.

Il se tourne vers Victoire pour lui décocher cette flèche du Parthe : « C’est peut-être ça que vous ignoriez, madame. »

— Bah, de l’azote, on peut toujours en apporter, rétorque-t-elle sans s’émouvoir.

— Alors, en effet, il est indispensable d’amender sa terre. C’est bien pour ça qu’on fait du compost. Mais attention. La tomate est sensible au mildiou. Les pieds de tomates arrachés après la dernière récolte ne vont pas au compost. C’est dangereux, on risque de véhiculer la maladie. Je rappelle que le mildiou s’installe très rapidement. Il faut lutter contre lui dès les premiers signes, avec le meilleur des fongicides, le purin d’ortie. Je vous proposerai une émission sur l’ortie un de ces jours, c’est vraiment une plante fascinante, qui a de très grandes qualités.

— Une plante envahissante et urticante, merci bien ! ironise Victoire.

— Mais enfin, vous n’y connaissez rien ! L’ortie est une des clés de voûte de nos écosystèmes. Elle contient tous les acides aminés essentiels et représente un apport idéal en protéines végétales.

Pour en revenir aux tomates, vous pouvez désormais planter toutes les variétés pour lesquelles vous trouverez des graines. Toutes pousseront facilement sous nos latitudes, à condition de les protéger de l’humidité persistante qui apportera le mildiou. On arrose au pied, jamais les feuilles, et pas si souvent que ça ! Quand vous les cuisinez, conservez les graines que vous laverez et laisserez sécher afin de préparer l’année suivante.

Enfin, dernier conseil : ne laissez pas vos sols nus quand vous aurez arraché vos pieds de tomates désormais inutiles. Plantez des légumes d’automne peu exigeants, comme des légumineuses (par exemple des fèves) ou des légumes racines (carottes, navet, sans oublier notre betterave picarde) ou encore des engrais verts comme les épinards, la moutarde qui vont régénérer votre sol.

Mathias s’est laissé surprendre par cette fin abrupte. Il pensait que Jarvis, comme à son habitude, se laisserait emporter par la passion et parlerait plus longtemps.

— Merci, Jarvis, c’était très intéressant, comme toujours. Nous allons maintenant demander à Victoire de se présenter et de nous parler de son travail.

— Oui, dit Jarvis, taquin. Victoire, comment justifiez-vous votre existence ?

Ceux qui le connaissent bien doivent sourire derrière leur poste de radio ; il a coutume d’utiliser cette question d’Isaac Asimov.

La jeune femme explique qu’elle est écologue, arrivée dans la région depuis peu, sensible à la situation critique dans laquelle se trouvent les habitants de Compiègne. Radio Campus ayant refusé de lui donner la parole, dit-elle, la scientifique en quête de visibilité s’est tournée rapidement vers l’alternative plus libre qu’est AirPD.

En premier lieu, elle déclare vouloir parler de ce que l’entreprise qui l’emploie, Écorizon, apportera à la ville.

Mathias intervient.

— Oui, les habitants s’interrogent, ils craignent que l’installation de cette entreprise qui produit des semences modifiées génétiquement ne soit néfaste à Compiègne.

— De fait, la situation écologique est déjà critique, rappelle l’experte. En effet, la pollution de l’air est faible puisque l’utilisation des voitures individuelles a été divisée par dix depuis que les véhicules thermiques ont été interdits dans les Hauts-de-France, cependant la pollution des sols et des eaux reste forte.

Victoire ne manque pas d’évoquer, notamment, la situation écosystémique des eaux de l’Oise, et plus spécifiquement la prolifération des écrevisses de Louisiane, une espèce invasive qui brutalise la faune locale et détruit petit à petit les berges. Elle n’oublie pas de souligner que ces écrevisses, comme beaucoup d’autres d’espèces colonisatrices, sont apparues dans la région il y a plusieurs années, notamment à cause d’éleveurs peu scrupuleux. L’arrivée d’une nouvelle industrie en ville rappelle à tous et toutes les pénibles souvenirs du capitalisme décomplexé du siècle passé.

Cependant, l’experte soulève une question : « Peut-on réellement comparer la situation actuelle à la précédente ? ».

Mathias et Jarvis se regardent, quelque peu incrédules.

L’experte poursuit, afin d’expliciter ses propos. En effet, Écorizon serait, elle, bien plus soucieuse de l’environnement. La preuve en est : elle propose un projet de compensation écologique, de dépollution du canal.

Jarvis intervient rapidement et demande comment tout ceci est censé se dérouler, alors même que l’entreprise polluera l’eau et le sol par ses rejets organiques et chimiques.

La jeune femme ne se démonte pas ; elle a décidément réponse à tout. En réalité, les rejets seront minimes, explique-t-elle au micro.

— Pour ce qui est des déchets chimiques, ils restent rejetés en petites quantités et surtout toujours en dessous des seuils fixés par les réglementations sanitaires européennes. Dans le cas des résidus organiques, pas de souci non plus, il suffit de les laisser se décomposer et cela permettra même de revitaliser des sols. Tout a déjà été pensé, vous voyez.

Jarvis l’interrompt prestement :

— Comment des résidus organiques sont-ils censés se décomposer pour nourrir les sols, si les déchets en question sont issus de plants OGM spécifiquement conçus pour se conserver le plus longtemps possible après leur récolte ? »

Victoire ignore complètement cette intervention, probablement à cause de la difficulté de répondre face à un argument aussi pertinent, et déroule son discours comme si de rien n’était.

L’écologue monopolise l’antenne. Désormais, c’est sur les écrevisses qu’elle veut revenir. Ces crustacés sont, outre son dada manifeste – bien qu’on puisse, paradoxalement, observer une broche en forme de crabe sur la veste de la scientifique – une catastrophe pour l’écosystème local.

En effet, arrivées il y a quelques années, de toute évidence en ayant remonté l’Oise grâce aux porte-conteneurs naviguant sur le Canal Seine-Nord, ces dernières sont une des préoccupations écologiques de la ville, si ce n’est la plus grande. Les écrevisses de Louisiane étaient déjà un problème bien avant leur débarquement à Compiègne.

Elle enchaîne sur un véritable exposé.

— Il y a vingt ans, les écrevisses de Louisiane avaient colonisé près de 80 % du sol français. L’Oise restait pourtant épargnée de leur présence. Dès 2035, une fois le canal achevé, des doutes furent émis sur la possibilité qu’elles puissent, via les péniches, arriver jusqu’ici. Aujourd’hui, elles sont installées depuis près de cinq ans, et tout le monde en connaît les conséquences n’est ce pas ?

« Tout un chacun sait ce que font ces animaux invasifs, à savoir propager des maladies décimant la faune locale, en plus d’occuper des niches écologiques autochtones. Leur nidification pose un autre problème sérieux : l’érosion des berges. On parle ici en effet de galeries creusées à même la terre ou l’argile, fragilisant petit à petit les berges de l’Oise, ce qui provoque, au fil du temps, la destruction des zones de pêche et des zones portuaires locales.

« À ce problème de taille, Écorizon apporte pourtant une solution plus qu’inespérée : l’éradication des écrevisses de Louisiane serait comprise au sein du programme de compensation écologique proposé par la firme. Pour ce faire, nous proposons de relâcher, de manière ciblée, sur une zone limitée et temporairement, une toxine issue des de l’usine de traitement des eaux de l’Oise. Cette dernière ne viserait que les écrevisses, évidemment.

Jarvis est stupéfait : cela n’a aucun sens, il doit encore intervenir. Le vieil homme ne manque donc pas de couper la parole de l’écologue, une nouvelle fois, par un violent « *Shut up  !* » tout droit sorti de son cœur d’Écossais.

Il confronte la soi-disant écologue à ses propos, il la questionne : comment une toxine, prétendument aussi efficace, pourrait-elle ne cibler que les écrevisses ?

Victoire, de nouveau, ne se démonte pas : la toxine, prétend-elle, passe uniquement par les branchies des crustacés. Jarvis s’énerve : les poissons aussi ont des branchies, cette toxine leur serait également inoculée.

— Faire mourir les quelques espèces locales encore présentes pour éradiquer une espèce envahissante, ce serait de la folie. Ce serait signer l’arrêt de mort de tout un écosystème qui, s’il est aujourd’hui fragilisé, serait demain complètement vide de vie. En plus, faire passer un de vos déchets comme un remède miracle, c’est vraiment du *bullshit !* »

Jarvis se tourne alors vers Mathias qui anime l’émission :

— Comment avez-vous pu inviter une pareille fantaisiste, qui ne sait pas de quoi elle parle et qui balance des contre-vérités depuis tout à l’heure ? »

La gêne de Mathias est palpable. Il essaie de répondre, mais sa voix se perd dans un bafouillis incompréhensible. Plutôt problématique pour un animateur radio ! D’autant que c’est le moment que choisissent les interférences pour revenir brouiller l’émission du signal. Il est encore plus désemparé quand son téléphone affiche un SMS de Luciole : « MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS ? STOPPE TOUT DE SUITE LA DIFFUSION ! ! ! ».

en gros plan un micro de studio

Photo pxhere.com licence CC0

Jarvis enfonce le clou.

— Je pensais que l’équipe de Radio Padakor était plus rigoureuse que celle de Radio Campus, avec un véritable esprit journalistique. Je me rends compte que ce n’est pas le cas. Franchement, je regrette d’être venu et je ne reviendrai pas. »

Il pose violemment son casque sur la table, se lève et quitte le studio d’enregistrement.

La jubilation de Victoire se lit sur son visage : elle va pouvoir dérouler ses arguments sans être interrompue.

Mathias se secoue et récupère la main en coupant le micro de son invitée avant qu’elle ait eu le temps de reprendre la parole.

« Le temps qui nous était imparti arrive à son terme. Je remercie chaleureusement nos deux invité⋅es, je vous prie d’excuser les petits problèmes techniques que nous avons rencontrés. Vous retrouverez Luciole demain à la même heure. »

Dans sa précipitation, il lance What a Wonderful World, le morceau originellement proposé par Victoire pour clôturer l’émission, mais qui désormais résonne tout à fait différemment.

 

 

Bibliographie

 

 

La nouvelle du mardi 20:42

Par : Framasoft
23 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’UTC.

Aujourd’hui, la vie quotidienne sur le campus, on se bouge sans voitures à l’UPLOAD… Mais d’abord  cet apéritif riche en calories : le monologue d’un poêle de masse !

Confession d’un poêle de masse

— Enchanté, je suis le poêle de masse du foyer étudiant de l’UPLOAD ! Je trône dans ce grand salon collectif où vivent les étudiant·es, afin d’apporter de la chaleur à leur corps mis à rude épreuve par l’hiver picard et les pénuries énergétiques. Toutes les salles de l’université ne peuvent être chauffées, mais vous pourrez toujours compter sur moi pour vous apporter du réconfort physique et moral. Car attention, je ne suis pas qu’un vulgaire moyen de chauffage : oh non, je suis bien plus que ça ! Voulant réchauffer leurs corps, les étudiant·es se réunissent autour de moi, créant ainsi des moments festifs et intimes qui réchauffent aussi leurs cœurs. C’est sûrement pour ça que je suis l’un des rares objets du foyer à avoir mon propre surnom : “Poelito” qu’iels me nomment ! C’est bien sûr ironique, car je pèse plusieurs tonnes. Mais moi je n’ai rien à envier aux poêles classiques tout rachitiques, au contraire, c’est mon poids qui fait ma force en tant que poêle de masse ! Laissez-moi vous expliquer…

Wood Stove par Matt Kern, licence CC-BY 2.0 Deed

 

Je me nourris de bois, une ressource locale, abordable et renouvelable. Contrairement aux poêles classiques qui le consument lentement et réchauffent directement l’air ambiant, je le brûle violemment et le stocke dans la matière qui m’entoure. Il peut s’agir de brique, de pierre, de terre crue, de faïence, bref n’importe quoi d’assez dense pour retenir la chaleur par inertie. L’avantage, c’est que je libère de la chaleur par rayonnement tel un petit soleil, et ce à faible dose jusqu’à 24h voir 36h après ma combustion, ce qui est beaucoup plus agréable et pratique. Eh oui, il suffit de me nourrir de quelques bûches, et puis vous êtes tranquille pour le restant de la journée ! C’est très pratique quand l’étudiant·e responsable de ma combustion chaque matin a oublié son tour ou veut faire la grasse mat’ après une soirée bien arrosée à l’alcool de topinambour. Bon, en pratique je ne meurs jamais de faim car les étudiant·es aiment me nourrir sans cesse – tel des grand·es parent·es avec leur petit-enfant – faut dire que je ne suis pas compliqué. Grâce à ma combustion à haute température, je brûle plus efficacement tout type de bois, en produisant moins de pollution et ce pour un meilleur rendement (jusqu’à 90 % !) par rapport aux poêles classiques. Alors vous êtes convaincu·es ? Il n’y a plus qu’à me construire ! N’ayez pas peur, même des étudiant·es peuvent le faire, alors pourquoi pas vous !

Je suis né à l’occasion d’un projet scolaire d’étudiant·es de l’UPLOAD. Iels ont commencé par identifier les différents matériaux qui me constitueraient : des pierres taillées par les apprenti⋅es tailleur·euses du coin pour la structure principale en contact avec les flammes, des briques récupérées d’un vieux muret effondré pour la structure secondaire et la cheminée, quelques faïences artisanales pour un habillage étanche et classe, de la terre crue en briques ou enduits pour recouvrir le tout et faire des bancs chauffants à mes côtés. Vous me verriez, je suis unique en mon genre, le digne reflet des matériaux et savoir-faire locaux !

Après cet inventaire, les étudiant·es ont pu imaginer mon fonctionnement et mes plans. Comme tout poêle de masse, je suis composé d’un cœur de chauffe où se déroule la combustion, de circuits de fumées sinueux pour que la chaleur ait le temps d’être capturée par ma masse, de clapets pour rediriger l’air chaud en fonction des usages et d’un conduit de cheminée pour évacuer les fumées froides. Mais tous les poêles de masse n’ont pas autant de fonctionnalités que moi, je suis le top du panier ! J’ai une multitude de circuits pour envoyer l’air chaud vers différentes choses : l’air ambiant du foyer, l’eau des douches, les plaques de cuisine et même un mini-four à pizza directement au-dessus de mon cœur de chauffe. Je suis le cœur chauffant du foyer étudiant !

Une fois les plans faits, il a bien fallu me construire. C’est pas compliqué mais ça prend du temps : heureusement il y a plein de gens à l’UPLOAD prêts à donner un coup de main. Iels y ont mis du cœur à l’ouvrage ! Chaque participant·e a tracé son prénom et des petits dessins dans mon enduit en terre, créant ainsi une œuvre d’art commune et conviviale. Ma construction s’est conclue par une grande fête pour célébrer le travail collectif accompli et la joie d’avoir enfin du chauffage. C’était si émouvant, de quoi faire pleurer même un cœur de pierre comme moi !

Bibliographie
SZUMILO David au nom de l’association Oxalis, « Poêle de masse OXA-LIBRE », wiki du low-tech lab, consulté le 18 janvier 2024 : https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Po%C3%AAle_de_masse_OXA-LIBRE

Autrice : Morgane RIGAUD, texte sous licence CC-BY-SA

 

 

Mission dirigeable !

Auteur·rices : Anouk THOMAS, Carlotta JUGÉ, Chloé MATHIEU, Joris TRIART, Morgane RIGAUD, sous l’encadrement de Christophe MASUTTI et Jean-Bernard MARCON, Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Réveil en retard

Dissimulés entre les feuilles de la façade verdoyante de la résidence universitaire, de petits moineaux avaient fait leur nid sous la fenêtre de la chambre de Maura. Leur doux chant l’avait tirée d’un rêve captivant. Son réveil n’avait pas sonné ce matin-là, sûrement encore un faux contact. Ces vieux bidules des années 1980 n’ont jamais été réputés pour la fiabilité des circuits intégrés. Pas grave, elle irait le réparer au Fablab de l’université.

Maura se prépara pour une journée chargée à l’UPLOAD, l’Université Populaire Libre Ouverte Accessible et Décentralisée. Un détail attira son attention sur son calendrier de bureau : l’anniversaire de Théo prévu dans une semaine ! Il faudra lui trouver un cadeau. Réfléchissant à ce qui pourrait faire plaisir à son meilleur ami, elle fila vers la cuisine partagée. Pour faire le plein d’énergie, elle prit quelques graines et fruits secs en guise de petit déjeuner, ainsi qu’une infusion à l’ortie. Elle était en retard, elle le savait, mais le cours magistral sur les transports ne la réjouissait pas tellement. Ce qui lui plaisait, elle, c’était la bricole. Elle descendit de la résidence en vitesse par la tyrolienne et emprunta un vélo de la Ville pour gagner du temps.

Voyage jusqu’à l’UPLOAD

Sur la route, elle croisa le vieux Grégoire qui se déplaçait en tic-tic, sorte de tuk-tuk à la sauce compiégnoise. Elle se moquait souvent de ces véhicules – au principe tyrannique d’une personne tranquillement assise à l’arrière tandis qu’une autre s’essoufflait à tirer le tout – mais il fallait avouer que c’était bien pratique pour les personnes n’ayant pas la capacité de se déplacer à vélo par elles-mêmes.

« Alors Grégoire, tu penses arriver avant moi à l’UPLOAD ?
— On va bien voir ! Le premier arrivé garde une place à l’autre dans l’amphi.
— Ça marche ! »

Maura se mit à pédaler plus vite pour dépasser le vieil homme, mais il y avait pas mal de circulation. Elle entendit au loin des sirènes et vit une ambulance passer à vive allure. Sans doute encore un accident de vélos au croisement du Boulevard Gambetta. Les gens devraient vraiment davantage respecter les feux tricolores : c’était bien l’une des rares choses que la voiture avait apportées de bon, et l’une des rares choses que l’on avait gardées d’elle d’ailleurs.

À cause des pénuries de carburant, on avait délaissé les voitures pour finalement les interdire complètement. Vécue comme une privation au départ, la disparition de ces « bagnoles » avait montré des vertus salvatrices. L’air était plus pur et les rues plus sûres.

Le chant des oiseaux avait remplacé le grondement des moteurs. Les parkings étaient convertis en places de marché de quartier ou utilisés pour divers usages collectifs, ressourceries ou ateliers. Certaines routes avaient été décapées de leur bitume pour y replanter des arbres apportant de la fraîcheur lors des étés toujours plus chauds, et des voies routières d’autrefois revenaient désormais aux piétons et cyclistes. Les voitures uniformes avaient laissé la place une joyeuse hétérogénéité de vélos en tout genre. Certains étaient traficotés à partir des carcasses et composants d’anciennes voitures, dont le recyclage massif fournissait une source de matériel et de créativité pour de nouvelles inventions. Les ambulances à hydrogène faisaient partie des rares véhicules motorisés encore autorisés en ville, fonctionnant grâce aux quelques stations d’électrolyse installées çà et là.

Maura et Grégoire arrivèrent finalement en même temps au hall d’entrée de l’UPLOAD. C’était un lieu qui formait avant tout des ingénieur⋅es, mais aussi toute personne curieuse et désireuse de s’instruire dans les domaines techniques. L’université consistait en un regroupement de bâtiments végétalisés, rénovés ou fabriqués grâce à des ressources locales et des techniques de construction sobres. Mais le bâtiment préféré de Maura était le Fablab, un grand atelier où l’on avait tout le matériel et l’aide nécessaire pour réparer, recycler ou construire n’importe quoi. Le gardien du Fablab était Grégoire, un papy ronchon mais gentil de 64 ans. Malgré les taquineries qu’elle lui envoyait, Maura avait beaucoup d’estime pour lui. Il lui avait appris énormément sur la menuiserie et l’artisanat. Au-delà du Fablab, il y avait également de nombreuses salles pour que les élèves puissent organiser et assister à des conférences, ateliers pratiques et retours d’expériences. Et c’est justement en salle A100 que le cours sur les transports se déroulait.

Cours sur les transports

Maura et Grégoire ouvrirent la porte de l’amphi et s’assirent rapidement pour ne pas déranger l’exposé du professeur, un spécialiste des mobilités. Son cours introductif portait sur l’impact de l’effondrement sur nos modes de déplacements actuels. Maura, qui était certaine qu’elle allait passer une bonne partie du cours à somnoler, se décida à tout de même en écouter une partie :

« L’obsolescence des moyens de transports traditionnels suite à l’effondrement nous a poussés à totalement repenser l’urbanisme et la manière dont nous nous déplacions… ».

Le professeur vanta l’efficacité du tramway Compiègnois, décrivit en détails le processus d’aménagement et de création d’espaces verts pour les animaux de trait, s’attarda sur la transformation des routes en pistes cyclables et équestres, puis épilogua sur la quantité de voitures prêtes au recyclage qui gisaient à la déchetterie. La deuxième partie du cours portait sur la place prépondérante des dirigeables dans le transport de marchandises et de la place essentielle qu’occupait l’aéroport de Compiègne dans celui-ci.

Assis au premier rang, Théo, qui avait une grande fascination pour les dirigeables, rejoignit le professeur et commença à discuter avec lui des différents mécanismes utilisés par les dirigeables lors de changements d’altitudes, l’un défendait la compression des gaz et l’autre la descente assistée par propulsion. Maura crut qu’elle allait s’évanouir d’ennui. Soudain, la délivrance : la fin du cours était annoncée.

Enfin, la journée allait pouvoir commencer. Maura et Grégoire retrouvèrent Théo puis se dirigèrent vers la cantine collective pour le déjeuner. Aujourd’hui au menu : concombres verdoyants à la sauce vinaigrette en entrée, œufs au plat venus tout droit du poulailler de l’UPLOAD et une généreuse part de tarte aux pommes servie en dessert. Pour les étudiants qui souhaitaient cogérer le restaurant, des cours de nutrition étaient obligatoires. Les autres pouvaient aider à la préparation des repas du matin et du soir avec les aliments récoltés dans le potager. Après s’être servis, Théo, Maura et Grégoire s’installèrent à une table et dégustèrent le délicieux repas concocté par les étudiants.

« Vous voudriez assister à quel cours maintenant ? Je sais qu’il y a le temps de partage de savoir-faire en jardinage à 14h, ça pourrait être intéressant.
— Je suis d’accord, répondit Maura, en vrai j’aimerais bien apprendre à planter des tomates !
— Va pour l’atelier de jardinage !
— Moi je vous laisse, je retourne au Fablab faire l’inventaire, dit Grégoire en se levant.
— OK, à ce soir Grégoire ! »

Atelier jardinage

Avec enthousiasme, Maura et Théo se dirigèrent vers la serre et le potager. Un petit groupe s’était déjà formé et écoutait la présentation du jardinier :

« Bonjour à tous, j’espère que les concombres vous ont plu ce midi. Aujourd’hui le cours portera sur les différentes combinaisons de plantes. Cette technique appelée compagnonnage est née de l’observation et de la pratique.

Si je prends l’exemple des légumineuses qui enrichissent le sol en azote, il peut être judicieux de les associer à des plantes qui ont besoin de cet apport comme les tomates ou les cucurbitacées. De plus, certaines plantes aromatiques, grâce à leurs odeurs particulières, peuvent éloigner voire éliminer des insectes nuisibles comme le basilic qui est un fort répulsif de mouches et moustiques. Il s’associe parfaitement avec les tomates, asperges, poivrons, piments et aubergines. Maintenant c’est à vous de jouer : choisissez une combinaison dans le manuel et plantez-la en respectant les techniques de jardinage. »

Tous les étudiants mirent la main à la pâte et s’occupèrent en binôme d’une combinaison de plantes. Maura et Théo avaient choisi l’association thym-brocoli. Le thym planté à proximité permettrait d’éloigner les mouches blanches des brocolis. Après avoir fini leur plantation, le jardinier arriva pour inspecter les travaux finis.

« Pas mal, lâcha-t-il, pour une première, vous vous en sortez bien !
— Merci, c’est pas si dur en fait le jardinage ! Il y a des petites techniques à apprendre et puis notre potager se retrouve rempli de bons fruits et légumes, répondit Maura enthousiaste.
— C’est vrai, mais il y a aussi toute la partie entretien du potager ! objecta le jardinier. Il y a dans toutes disciplines des parties moins agréables mais essentielles qui nous rendent encore plus fiers du travail accompli. »
Le jardinier se tut, il semblait méditer. Théo saisit cette opportunité pour s’introduire dans la conversation.
« Moi quand je travaille sur les dirigeables, je suis toujours fier du travail accompli !
— Oh non, pas encore tes dirigeables ! s’exaspéra Maura.
— Vous saviez que les nouveaux dirigeables à panneaux solaires émettaient seulement l’équivalent d’1 % des émissions CO2 d’un avion pour du fret, alors que…
— Théo, reste concentré sur le potager ! lui intima Maura.
— Vous ferez moins les malins quand j’aurai un poste d’ingénieur dans une des usines d’assemblage !
— Les usines fluviales ? demanda le jardinier intrigué.
— Oui ! Elles sont placées à côté des fleuves, car les dirigeables ont besoin d’hydrogène, et pour produire de l’hydrogène on a besoin de beaucoup d’hydro-électricité, d’où les barrages !
— Tu parles de l’électrolyse ?
— Exactement ! » Le jardinier se tourna vers Maura, puis s’adressa à nouveau vers Théo :
« Vous m’avez l’air plutôt débrouillards, vous suivez le cours de recyclage ?
— Évidemment ! répondit Maura.
— On se verra certainement au cours de demain dans ce cas ! Je me suis inscrit récemment, mais bon j’y connais pas grand-chose, dit-il l’air gêné.
— T’inquiète pas on sera là pour t’aider ! Au fait moi c’est Maura ! s’exclama-t-elle.
— Je m’appelle Émile, enchanté ! »

Cours de recyclage

Le jour suivant, nos amis se retrouvèrent en cours de recyclage portant sur le chapitre des étapes menant à la réutilisation des composants de la voiture.

Théo était happé par le cours, qu’il trouvait utile pour son projet de conception de dirigeables. Il apprit ce jour-là que les voitures ne pouvaient pas encore être entièrement recyclées, la réutilisation et la valorisation des composants atteignaient seulement 80 % de la masse des véhicules. Pour cela, il fallait respecter plusieurs étapes : la dépollution, le démantèlement, le broyage et enfin le recyclage des composants. Tout d’abord, il fallait dépolluer en retirant tous les liquides de la voiture puis la démonter pour mettre de côté les pièces réutilisables. La carrosserie était ensuite broyée pour créer de la ferraille, utilisée dans les nouveaux produits en acier comme les ustensiles de la cantine collective, et le reste des composants, tels que le verre ou le caoutchouc, étaient également recyclés. Beaucoup d’objets dans la ville étaient issus de ce processus de recyclage, comme l’horloge centrale, les lampadaires et les machines des usines relocalisées.

Maura, assise derrière, chuchota à Émile et Grégoire :
« L’anniversaire de Théo c’est dans une semaine ! J’aimerais beaucoup lui faire une surprise, j’ai besoin de votre aide. J’ai pensé que ce serait une bonne idée de lui offrir un dirigeable… miniature ! Il adore ça et ne fait qu’en parler, c’est le cadeau idéal ! Ça vous dirait de m’accompagner ce soir pour aller chercher les matériaux ? »
Toujours prêt à aider les autres, Émile répondit sans hésitation :
« Carrément !
— C’est une très bonne idée Maura, dit Grégoire. Je me fais un peu vieux pour ce genre d’escapade à la déchetterie, mais je pourrai vous aider à le fabriquer au Fablab une fois tous les éléments réunis ! »

Escapade nocturne à la déchetterie

Émile et Maura bouillaient d’impatience, c’était le moment d’aller chercher les matériaux pour la confection du cadeau de Théo. Ils étaient déterminés à aller les récupérer à la déchetterie de la Ville, mais savaient que cette escapade ne se serait pas de tout repos. La déchetterie était commune à tous les habitants et pour avoir accès aux matériaux, il fallait une raison valable, ça devait être utile à toute la ville. La fabrication d’un cadeau pour un ami n’était certainement pas de première nécessité, c’est pourquoi ils devaient y aller de nuit, sans être repérés. Il y avait des gardes, certes, mais ça ne les intimidait pas. Ils avaient un plan d’action.
« Si on part à 22 h, il fera encore jour. Je pense que c’est mieux de partir vers minuit.
— Je suis d’accord, mais du coup le tramway ne passera plus à cette heure-là. On y va comment ?
— On pourrait emprunter un tic-tic, c’est toi qui pédaleras à l’aller et moi au retour, ça te va ? proposa Maura en esquissant un sourire.
— Ça me va ! Faudra le garer assez loin de la déchetterie sinon ils suspecteront quelque chose. »

Émile et Maura arrivèrent à la déchetterie à bout de souffle. Ils se faufilèrent par un petit trou du grillage que des rongeurs avaient grignoté. Ils fouillèrent partout dans les tas de matériaux sans parvenir à trouver de quoi fabriquer le dirigeable. La déchetterie était pleine d’épaves de voitures en tout genre. Il y avait des centaines de volants, de jantes, de sièges amovibles, de portières mais aucune trace de ballon ni de ficelle. Au bout d’un moment, les deux copains trouvèrent un coin isolé où s’empilaient nombreuses boîtes en carton dans lesquelles ils découvrirent tout ce dont ils avaient besoin, et plus encore ! Le Graal ! Avec excitation, ils s’emparèrent de quelques vis, une petite planche en bois et du fil élastique. Il y avait aussi une multitude de débris de carrosserie et une petite hélice.

« On a presque tout ce qu’il nous faut ! Les dirigeables sont fabriqués avec des matériaux bio-composites et de la fibre de carbone, mais d’après Théo on les fabriquait avec du bois, l’aluminium et du tissu, on peut déjà construire la nacelle, les ailes et les moteurs ! »
Il ne manquait plus qu’un ballon. En cherchant les dernières pièces du puzzle, ils trouvèrent un objet très étrange. Il ressemblait aux pales d’une éolienne mais ces pales étaient arrondies et trouées, de la taille d’une main et de couleur fluorescente.
« C’est quoi ça ? C’est trop bizarre ! s’exclama Maura.
— Aucune idée, mais ça pourrait être utile de le désosser et de voir comment ça fonctionne. On dirait qu’il y a un roulement à billes à l’intérieur ! »
Les deux aventuriers s’amusèrent à faire tourner l’objet dans leur main et en oublièrent presque le but de leur expédition. La lumière d’une lampe torche au loin les fit revenir à la réalité. Ils se dépêchèrent de trouver un ballon de baudruche mais en vain. Une bouteille en plastique de forme allongée était là par terre, elle ferait très bien l’affaire. Tous les matériaux étaient maintenant dans leur sac à dos, ils pouvaient déguerpir.

L’histoire du Hand Spinner

— Alors les enfants, qu’est-ce que vous avez trouvé de beau ?
Émile et Maura vidèrent leur sac à dos sur le plan de travail. Grégoire était étonné de voir qu’il y avait un objet qu’il connaissait bien.
— Haha j’adore ! Vous avez trouvé un hand spinner, ça fait bien longtemps que j’en avais pas vu ! Vous savez, c’était à la mode vers 2017 ! Tout le monde en achetait pour s’amuser mais à la base c’était une aide pour les enfants autistes.
— Comment ça ?
— Eh bien, en 1997, une femme américaine avait décidé de fabriquer pour sa fille autiste un hand spinner. Il servait à la déstresser et à la calmer. Cet objet pouvait aider les enfants autistes ou ayant des troubles de l’attention à se concentrer.
— Mais c’est une trop bonne idée ! Je suis sûr que ça pourrait intéresser l’établissement de soins de la ville ! s’exclama Émile.
— Oui, dit Grégoire en regardant l’objet de près, ça me semble pas trop difficile de demander aux volontaires du Fablab d’en reproduire un certain nombre… »

De retour au campus, ils dessinèrent un croquis du futur dirigeable miniature puis commencèrent à en assembler les pièces.
« Je me demande pourquoi Théo est toujours autant à fond sur les dirigeables, s’interrogea Maura.
— Tu sais, je connaissais le père de Théo, répondit Grégoire. Je ne vous en ai jamais parlé, mais il y a dix ans, son père est mort pendant la troisième pandémie. C’était un ingénieur en aéronautique passionné de dirigeables. Et depuis ce jour, Théo s’est juré de suivre ses pas et de devenir à son tour ingénieur spécialisé en dirigeables. »

Image Public Domain via Wikimedia Commons

Anniversaire Surprise

La semaine suivante, Grégoire, Émile et Maura s’étaient cachés sous les tables de la cantine collective pour faire la surprise à Théo. Celui-ci fut plus que ravi du petit dirigeable bricolé avec amour par ses amis. Après l’avoir suspendu au plafond de la cantine où ils avaient installé leur petite fête, Théo fit un discours de remerciement où il se laissa aller à évoquer avec passion ses projets… de dirigeables !
« … jusqu’à présent, nous les avons employés depuis l’effondrement pour transporter du fret à moindre coût énergétique, mais il faudrait pouvoir passer à la vitesse supérieure en imaginant des transports à moyenne et longue distance ! Car pour les modes de déplacement intra-urbains, on est en passe de répondre aux besoins avec les tramways et vélos, mais il nous faut aussi envisager des modes de transports de ville à ville pour des passagers. Une métropole ne peut pas rester sans communications physiques avec les régions alentour ! C’est pourquoi j’ai conçu un prototype économe et spacieux, un peu plus élaboré que mon joli cadeau, ajouta-t-il en déclenchant des sourires, un modèle qui permettra de… »

Un des amis de Théo présents à la fête l’interrompit : :
« Hé Théo ! Il est joli ton discours, mais concrètement, comment tu vas réaliser ton prototype ? Ce sera quoi le gaz dans l’enveloppe ? Parce que l’hydrogène c’est dangereux non ?
— Alors, l’hydrogène c’est inflammable facilement en effet. Il y a eu pas mal d’accidents, dans les années 1920. Mais depuis l’effondrement, la recherche dans l’aéronautique s’est beaucoup penchée sur cette problématique, permettant de grandes avancées sur la sécurité des dirigeables. Et les normes de sécurité ont beaucoup évolué ! Elles sont très strictes, les matériaux utilisés sont plus judicieux, et le nombre d’accidents quasi nul. Comme pour les avions, à l’époque où on en utilisait. Tu peux avoir confiance dans les dirigeables actuels !
— Ok je vois ! Mais à quoi ils carburent les dirigeables ?
— Eh bien par exemple, mon prototype de dirigeable utilise la propulsion humaine : avec mes super muscles et mon pédalier, je m’envole ! Par contre, évidemment, ce n’est pas ce système qui est utilisé pour les dirigeables de fret. C’est surtout de la propulsion électrique grâce à des capteurs photovoltaïques. »

C’était parti, on n’allait plus pouvoir l’arrêter… Et tant mieux, car son enthousiasme était communicatif.

 

Bibliographie

« Le dirigeable à pédales de Stéphane Rousson », Velo-design, (April, 2018), URL

« Compagnonnage au potager : l’association de plantes amies », Autour du potager, URL

N. Guellier, « Association de plantes au jardin : la technique du compagnonnage », Le Monde.fr,
(2014, December 26), URL

C. Pflaum, T. Riffelmacher & A. Jocher, « Design and route optimisation for an airship with onboard solar energy harvesting », Tandfordonline
(2023 March 20), URL

Dr. Barry E. Prentice & R. Knotts, « Cargo Airships : an International Status Report », (2014), URL

S. K. Dash, S. Chakraborty & D. Elangovan, « A Brief Review of Hydrogen Production Methods and Their Challenges », Energies, (January 2023), URL

T. Terlouw, C. Bauer, R. McKenna & M ; Mazzotti, « Large-scale hydrogen production via water
electrolysis : a techno-economic and environmental assessment », Energy and Environmental Science, (2022), URL

H. Mason, « Next-generation airship design enabled by modern composites », CompositesWorld, (2023 September 20), URL

C. Chagny, « Le recyclage dans la filière automobile », Carnauto, (April, 2021), URL

Paprec, « Tout savoir sur les véhicules hors d’usage », (2020), [URL] (https://www.paprec.com/fr/comprendre-le-recyclage/tout-savoir-sur-les-matieres-recyclables/vehicules/)

 

 

La nouvelle du mercredi 20:42

Par : Framasoft
24 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, des étudiants aux champs ou plutôt à la vigne, l’agro-écologie est au programme…

Jardins de demain, jardins malins

Découverte… et vive la grelinette !

J’ai la boule au ventre, pourtant je suis surexcité. Je me trouve maintenant devant l’UPLOAD. Je respire un grand coup et pousse la porte de l’amphithéâtre afin d’assister à la réunion de présentation.

Deux étudiants, Pierre et Émile ainsi que Pierrette, directrice de projet depuis 14 ans à l’UPLOAD nous expliquent le fonctionnement du campus. Ils nous détaillent les différentes matières proposées. Je suis légèrement déçu : pas de cours de mécanique pure. À défaut, j’opte pour un cours intitulé « machines agricoles », j’espère que ce sera intéressant… je vais vite le savoir, dans moins de deux heures je vais assister à une première séance.
La réunion de rentrée enfin terminée, je laisse mes jambes me porter en réfléchissant à toutes les informations qui nous ont été partagées. Émile nous a parlé de jardins. En effet, l’UPLOAD possède des serres avec plusieurs jardinières contenant différents légumes, racines, fruits et des arbres fruitiers en extérieur. Tous les membres de l’UPLOAD peuvent y participer. Mais moi, je n’ai pas envie. Je veux me former à la mécanique ! La campagne, j’en ai assez vu. Les jardins, fruits, légumes, etc. aussi. Mes parents sont épiciers, de nombreux agriculteurs venaient pour vendre leurs produits. J’ai envie de renouveau, de découvrir autre chose, une nouvelle thématique. Pierre nous a parlé des journées TVO, Travail Volontaire Obligatoire. Bizarre, ce truc, ça sent l’arnaque… Je vais devoir me renseigner… Bon, c’est maintenant que commence le cours de « machines agricoles ».

Après une brève présentation de la matière, notre professeur nous expose le programme des prochaines semaines. Les étudiants et les personnes qui assistent à son cours ont décidé de l’appeler M. Rotavator, car il adore tous les engins agricoles permettant de préparer la terre pour les semences [1]. Nous allons pouvoir fabriquer notre propre outil agricole, à savoir une grelinette. Un drôle de nom ! Une grelinette est un instrument agraire Low-tech qui aide à rendre le sol plus meuble sans pour autant la retourner. Il parait que ça permet de préserver les écosystèmes présents dans la terre. D’après la maraîchère présente dans la salle, c’est plutôt rapide et efficace tout en minimisant les efforts et en préservant le dos. J’ai jamais vu ça !

C’est un outil avec deux manches en bois reliés par un socle en métal, sur lequel se trouvent de longues dents en métal courbées. Le nombre de dents dépend évidemment de la surface à travailler. L’utilisation n’est pas très compliquée. Il suffit de planter les dents verticalement dans le sol puis de tirer les poignées de chaque côté de son corps. Une motte de terre sera alors soulevée. On aura plus qu’à reculer d’un pas en inclinant l’outil de gauche à droite. La grelinette permet, in fine, de faciliter le passage du râteau. Cet outil est vraiment génial ! Efficace et multifonction [2] !

M. Rotovator s’apprête déjà à nous partager ses connaissances sur la soudure, technique indispensable à la fabrication. C’est la technique de la soudure autogène oxyacétylénique. Pour le moment nous ne faisons aucune manipulation, il faut apprendre les bases de cette méthode qui repose sur la combustion d’un mélange d’oxygène et d’acétylène. Les températures atteignent les 3000 °C ! C’est incroyable !

« Grelinette 4 dents » par Arn, licence CC BY 4.0.

Pour souder les dents à la structure principale, nous allons utiliser des chalumeaux à débit variable à haute et basse pression d’acétylène. Pour ajuster l’importance de la flamme à l’importance des épaisseurs des métaux, il nous suffit de changer la buse du chalumeau [3]. La buse, c’est le petit élément en laiton qui se trouve au bout [4]. Le débit du gaz ainsi que la forme de la flamme sont contrôlés par cette pièce interchangeable. Le professeur a fait circuler plusieurs buses différentes dans l’amphi afin qu’on puisse avoir une idée de l’aspect de cet embout. Une buse est de forme conique avec une espèce de boulon fixé sur la base du cône. Ce cône est bien entendu percé pour laisser la passage du gaz [5]. De plus, pour minimiser les coûts économiques et écologiques, il est important de ne pas utiliser plus de métal que nécessaire. On doit bien connaître la taille, le sens et la direction des efforts subis par les différentes parties de la pièce. Ça me semble super dur ! Je ne suis que novice, j’espère que le professeur va nous aider avec cette partie [6].
« Je sais que j’ai beaucoup papoté, s’exclame M. Rotavator. Mais à l’UPLOAD les cours sont collaboratifs, il n’y a pas vraiment de hiérarchie entre étudiants et professeurs. Lorsque vous souhaitez ajouter une quelconque information, n’hésitez surtout pas ! Vous le saurez pour les prochaines fois. Cela s’applique évidemment à tous les cours. Donc est-ce que quelqu’un veut ajouter quelque chose ? termine le professeur en regardant les étudiants. »
Je décide alors de prendre mon courage à deux mains et de parler devant une cinquantaine de personnes jusque-là inconnues.
« Excusez-moi…Je me suis demandé si l’utilisation du manche en bois permettait bien d’atténuer les vibrations. Par exemple, le manche du marteau est en bois afin d’atténuer les chocs lorsque nous frappons avec ce dernier.
— C’est exactement ça ! Bravo, merci pour ta contribution. Comme nous l’a dit…c’est quoi ton prénom ?
— René.
— Le manche de la grelinette est en bois pour favoriser le confort des utilisateurs et utilisatrices pour les raisons mentionnées par René. Si d’autres personnes veulent partager leurs connaissances, n’hésitez pas à intervenir.
Silence…
— Je vois qu’il n’y a pas d’autres interventions. Je vais vous expliquer le déroulement des prochaines séances. Plusieurs étudiants ayant déjà suivi ce cursus vont intervenir pour vous aider lors de la soudure et de l’assemblage final de la grelinette. Je vous remercie de m’avoir écouté. Bonne journée à toutes et à tous et à la semaine prochaine. »

*Low-tech = système utilisant peu de hautes technologies et qui repose sur la simplicité d’utilisation et sa facilité de réparation.

BIBLIOGRAPHIE – Sitographie :
[1] Rotavator, tout savoir sur cet engin agricole, Machinery Machine, consulté le 18/01/2024
https://www.machinery-machine.com/article-rotavator-tout-savoir-sur-cet-engin-agricole/?utm_content=cmp-true
[2] Tout savoir sur la grelinette du jardin, Ma Grelinette, consulté le 18/01/2024
https://www.ma-grelinette.com/histoire-et-origine-de-la-grelinette/
[3] Travail thermique des métaux : la soudure autogène des métaux, L’ouvrier Moderne (revue), Vol n°2, n°2, page 69, édition DUNOD, 1919
https://www.mattech-journal.org/articles/mattech/abs/1919/02/mattech19190202p69/mattech19190202p69.html
[4] Comment choisir et dimensionner sa buse de brasage ou de soudage OXYA ?, Dominique ADMIN, soudeurs.com, consulté le 18/01/2024
https://www.soudeurs.com/site/comment-choisir-et-dimensionner-sa-buse-de-brasage-ou-de-soudage-oxya-1155/
[5] Buse de soudage, TuToTools, article consulté le 18/01/2024
https://tutotools.com/fr/buse-de-soudage
[6] Soudage, Prat. Ind. Méc., Vol.n°39, n°4, page 109, édition DUNOD, 1956
https://www.mattech-journal.org/articles/mattech/abs/1956/04/mattech19563904p109/mattech19563904p109.html

Des Pokémons dans le jardin

Une petite coccinelle rouge arrive aux abords de Compiègne. Les vrombissements du moteur cessent peu à peu à l’approche du panneau annonçant la ville.
Une femme d’une cinquantaine d’années en descend, elle regarde autour d’elle et semble ébahie par le décor qui se présente à elle. Comment la ville a-t-elle pu autant changer depuis la dernière fois où elle s’y est aventurée ? Les voitures, autrefois à chaque coin de rue, ont disparu, les arbres ont poussé pour agrémenter les chaussées, qui ont été réhabilitées pour les piétons. La verdure ne s’est pas seulement étendue sur les routes, elle a aussi escaladé certaines façades pour rejoindre les toits.
Il y a quelques années, personne n’aurait pu imaginer autant de changements. Elle se souvient des briques rouges des maisons de cette ville qui semblaient maintenant appartenir à un passé lointain. Et cette statue équestre, Jeanne d’Arc qu’elle apercevait de loin et paraissait si réelle, seule sa structure métallique rappelle sa véritable nature.
Marie continue son chemin à pied à travers les rues, découvrant à chaque pas l’impact du temps et des nouvelles politiques mise en place. Face à elle, une université se dresse, elle lui paraît si familière … mais aujourd’hui elle semble ne faire qu’une avec la nature. Qui aurait pu penser que ces murs en béton allaient un jour disparaître au profit de jardins ?
Elle avait quitté la ville trente ans plus tôt pour créer son cocon et développer une agriculture à son image, une agriculture respectueuse de l’environnement. Quand Charlène, une autre agricultrice lui avait parlé de son travail avec les élèves de l’UPLOAD, elle n’avait pas hésité une seconde à rejoindre le programme. Charlène était une de ses grandes amies, dans la viticulture depuis son plus jeune âge, elle avait accompagné Marie dans ses premiers pas en tant qu’agricultrice. Et maintenant c’est Marie qui veut partager son savoir comme Charlène l’avait fait pour elle à ses débuts. Ainsi ses méthodes vivraient à travers chacun et permettrait peut-être de créer un monde meilleur.

Marie s’installe dans l’amphithéâtre qui accueille sa conférence sur l’agroécologie, une méthode agricole qui repose sur les interactions entre l’environnement, l’être humain et la biodiversité ainsi que sur les processus naturels tels que l’équilibre biologique entre les organismes ravageurs et les auxiliaires de cultures [1].
Elle commence avec une partie plus théorique en demandant à l’auditoire quels sont les piliers de cette agriculture. Les doigts des uns et des autres se lèvent, Marie prend soin d’écrire au tableau les mots-clés. Parmi eux, fixation de l’azote, alliance culture-élevage, pollinisation, rotation des cultures et biodiversité [2]…
« Commençons avec le biocontrôle ou en d’autres mots l’utilisation des mécanismes naturels comme l’équilibre entre les espèces qui détruisent les plantations et celles qui les neutralisent », lance Marie en se retournant.
Par exemple certains oiseaux comme les fauvettes se nourrissent d’insectes tels que les pucerons et les chenilles. Pour combattre naturellement les organismes ravageurs on peut donc attirer les auxiliaires de culture en plantant des haies ou en créant des mares [3]. Prenons un autre exemple de mécanismes naturels qui consiste à planter des œillets d’inde à proximité de vos plants de tomates pour repousser les insectes nuisibles [4]. »
Elle poursuit en définissant chacun des piliers relevés par l’auditoire.
« Finissons avec l’agroforesterie, ce principe consiste à planter des arbres à proximité des terres agricoles ou des élevages afin de créer un microclimat. L’agroforesterie permet de protéger les plantations des aléas climatiques comme les épisodes de froids intenses ou de sécheresses. Il est aussi important de noter que la biodiversité est favorisée par la présence de différents types de plantes dans un même espace [5]. Prenons l’exemple de la ferme de la Durette située à Avignon, son domaine s’étend sur 20 hectares : 10 sont réservés au verger, 7 à la prairie et 3 pour le maraîchage. Enfin, les animaux vivent en liberté sur tout le domaine. Le travail de cette ferme est aussi intéressant pour sa collaboration avec les agriculteurs afin d’avoir des retours entre les associations des différentes plantes et animaux et d’améliorer l’agroécologie[6]. »
Elle poursuit avec un moment d’échange sur les expériences de chacun, ravie qu’à la fin, un petit groupe d’élèves l’ait rejointe pour lui proposer de visiter leur jardin.

Marie est impressionnée par le petit écosystème qu’elle découvre, les jardins divisés en deux parties : l’une couverte et l’autre à ciel ouvert.
La première contient une zone de terre entourée de petites clôtures en bois fabriquées par des étudiants, il y a quelques années. On peut y voir les fanes de carottes pointer leur nez à travers la terre et, un peu plus loin, les choux qui attendent la récolte avec impatience. Un petit chemin conduit à une zone arborée qui entoure une petite mare où les salamandres paressent avant d’aller déguster les limaces qui mènent la vie dure aux différentes plantations [4].

Marie aime tellement être entourée par la nature et voir tant de personne s’investir pour rendre cet endroit merveilleux… son sourire s’agrandit. Elle poursuit sa visite par la partie adjacente en extérieur. Le vent doux de l’automne lui caresse le visage sans pour autant interrompre sa contemplation. Le verger, tout aussi beau que la serre, contenait plusieurs variétés d’arbres fruitiers : pommiers, poiriers et pruniers [7].

vue d'une rangée de pommiers, avec fruits rouges

« Apple orchard in Tasmania with fruit on trees DSC_5957 » by Apple and Pear Australia Ltd is licensed under CC BY 2.0.

Le terrain est entouré d’érables à feuilles de frêne, de magnifiques arbres, choisis pour leur résistance aux variations importantes de températures [8].
Elle se tourna vers un petit pommier envahi d’amas noir au niveau des feuilles recroquevillées sur elles-mêmes.
« Vous savez comment lutter contre ces pucerons qui sucent la sève de vos arbres ? demande Marie en pointant le petit arbre.
— Il faut attirer les prédateurs des pucerons pour apporter un équilibre et éviter qu’ils envahissent nos arbres, dit un jeune garçon du groupe.
— Effectivement, dit Marie de manière enjouée. Les auxiliaires de culture intéressants pour contrer les pucerons sont les coccinelles et les bourdons. Vous pouvez planter d’autres fleurs comme des rosiers ou des capucines pour les attirer. Les pucerons aiment s’y installer et comme c’est une source importante de leur nourriture pour elles, les coccinelles suivront. Vous pourrez les voir se développer sur les branches des arbres comme des Pokémons… mais vous ne devez pas connaître, les dessins animés ont changé de nos jours. »

Le groupe se mit à rire de bon cœur.

BIBLIOGRAPHIE-Sitographie :
[1] Agroécologie, Auteurs : Laurent Hazard, Claude Monteil, Michel Duru, Laurent Bedoussac, Eric Justes, Jean-Pierre Theau, consulté le 17/01/2024
https://dicoagroecologie.fr/dictionnaire/agroecologie/
[2] Les fondements de l’agro-écologie, Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, consulté le 18/01/2024
https://agriculture.gouv.fr/les-fondements-de-lagro-ecologie# :~ : text=L’agro%2D%C3 %A9cologie%20est%20 l,%2C%20animaux%2C%20humains%20et%20environnement.
[3] Les auxiliaires de culture, les espèces, fiche n°4, agriculture et environnement en Languedoc-Roussillon, Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon, consulté le 18/01/2024
https://www.agrienvironnement.org/pdf/f4.pdf
[4] Le Végétal en fête promeut le jardin écoresponsable, Article Ouest France, consulté le 18/01/2024
https://www.ouest-france.fr/normandie/aunay-sur-odon-14260/le-vegetal-en-fete-promeut-le-jardin-eco-responsable-2512968
[5] L’agroforesterie : définition, avantages, exemples, Mutualia, consulté le 18/01/2024
https://www.mutualia.fr/agriculteur/infos/economie-et-societe/news/lagroforesterie-definition-avantages-exemples
[6] Agroforesterie, exemple de la ferme de la Durette, consulté le 18/01/2024
https://www.youtube.com/watch?v=x_ZXeNpgJeM
[7] Calendrier des fruits et légumes de saison en France métropolitaine, Greenpeace, consulté le 18/01/2024
https://www.greenpeace.fr/guetteur/calendrier/
[8] arbres remarquables, érables à feuilles de frêne, Direction Parcs & Jardins Ville de Beauvais, consulté le 18/01/2024
https://www.beauvais.fr/parcs-jardins/les-arbres-remarquables/erable-negundo.html

 

Dehors, et plus vite que ça !

Cela faisait plusieurs jours que Daniel fixait le plafond, toujours avec ce même regard vide. Il ne faisait plus rien de ses journées, ne se donnait plus la peine d’enfiler son costume, ses chaussures bien cirées, il ne prenait plus sa trottinette pour se rendre à son travail. Il n’en pouvait plus, il étouffait. Lui, il aurait aimé se sentir utile à la société. N’être qu’un simple pantin de REMOVE X était aux antipodes de ses idéaux.
Daniel avait bien conscience que la société avait changé : les voitures sont interdites dans Compiègne, les murs, autrefois bétonnés, arborent une fière verdure, on consomme davantage local, et les gens semblent plus heureux. Rien à voir avec son propre rôle dans son entreprise. Alors le voilà, toujours à fixer son plafond, à se sentir inutile. Quand soudain, un bruit lointain retentit. Si lointain que Daniel a mis longtemps à réaliser qu’il s’agissait de la sonnette de sa propre maison. Alors, avec son caleçon qu’il n’a pas changé depuis trois jours maintenant, et sans prendre la peine d’enfiler quelque chose par-dessus, Daniel se hissa péniblement en dehors de son canapé et marcha jusqu’à la porte.
« C’est qui ? »
Aucune réponse. Daniel poussa un râle d’énervement, et entrouvrit la porte. C’est Didier qui se tenait devant lui, droit comme un piquet et bien propre sur lui, comme à son habitude. Les deux, face à face, faisaient un violent contraste.
Cet homme de quarante-cinq ans, avec de l’embonpoint et de grande taille, vêtu d’une chemise toute blanche et bien repassée et sans un cheveu de travers, est l’ami d’enfance de Daniel. Ensemble ils forment les 2D, les inséparables. Alors il semblait normal que seul Didier arrive à motiver son ami d’aller prendre une douche, d’enfiler des habits, et d’enfin sortir dans la rue.
« Mais on va où ?
— Ça, c’est une surprise. »
Sans un mot, les amis arpentaient les rues. Au fond de lui, voir les rues de Compiègne sans une voiture, les maisons enchâssées dans la nature mettait la boule au ventre à Daniel. Lui, il n’arrivait pas à changer. Cette impression empira quand il vit l’UPLOAD. Même le nom de l’UTC avait changé. Un petit frisson de joie parcourut son corps lorsqu’il remarqua que l’emplacement de la cantine était toujours la même. Toujours de l’autre côté du trottoir, mais elle était devenue tellement plus imposante. Désormais, elle s’étalait du rond-point jusqu’à l’intersection de la rue Notre Dame de Bon Secours. Les 2D rentrèrent dans la cantine.
« Nan mais t’es sérieux ? Tu m’as fait sortir de mon canap’ pour aller à la cantine ?
— Arrête de râler, et regarde ».
C’était une organisation imposante, et minutieuse. À la façon des abeilles dans une ruche, les étudiants savaient exactement quel rôle leur incombait dans cette cantine. Les premiers étudiants qu’on pouvait observer étaient derrière le comptoir, et servaient les plats. Ils étaient chaleureux, affichaient un sourire permanent. Ils étaient proches de ceux qui y mangeaient, leurs amis, leurs professeurs. C’est cette proximité qui rendait les rendait si avenants. Plus loin, avant la sortie de la cantine, ils géraient le bon déroulement de la vaisselle.
« La vaisselle ? » se demanda Daniel. En effet, si l’on observait bien, on pouvait voir que chacun avait ses propres ustensiles, mais les assiettes, les verres, différaient d’une personne à l’autre. Daniel en déduisit que chacun devait les ramener de chez soi, pour ensuite les laver. « C’est malin ». Cette cantine avait pour ambition de réduire son émission de carbone. Une affiche expliquait que le plastique représente 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et que même le carton, pourtant moins polluant car réutilisable, ne pouvait être entièrement recyclé [1]. Les 13 % du carton qui finit en décharge pouvaient abîmer les sols, et donc impacter l’environnement mais se dégradaient quand même plus rapidement que le plastique. Finalement, l’option lavable était préférable pour diminuer le bilan de carbone [2].
Didier entra dans une pièce, derrière le comptoir, mais à l’écart des cantines. C’était le Corridor, le lieu d’apport de la nourriture. Didier sortit de son gros sac des courgettes, des pommes et des poires [3]. Une étudiante en prit livraison, le remercia, et alla les donner en cuisine. Daniel fut surpris qu’elle ne donne pas de l’argent à son ami en échange.
« Allons manger maintenant ! s’exclama Didier.
— Attends… mais on est pas étudiant, on a pas le droit. Et pourquoi elle ne t’a pas payé ?
— Le principe du ReR, la cantine « Rires et Ratatouille », repose sur la collaboration de chacun à son bon fonctionnement. Pour y avoir accès, les élèves suivent des cours en rapport avec l’agriculture, et les personnes extérieures peuvent y manger si elles rapportent de la nourriture ou aident en cuisine. On a apporté des fruits et des légumes, on peut maintenant manger sans payer. Allez, à table ! »

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Cette explication replongea Daniel dans son passé, quand son professeur d’histoire de quatrième racontait à la classe le fonctionnement des différentes communautés. L’une en particulier l’avait marqué, celle des huttérites. Cette organisation dont l’importance était significative au XVIe siècle reposait sur le vivre-ensemble, dans des fermes collectives. En 1545, les huttérites possédaient 21 fermes, chacune comprenait des lieux d’habitation, des pièces pour les activités artisanales, des salles de classe, des cuisines et des entrepôts [4]. Cette communauté se trouvait majoritairement en Moravie du Sud et la production se faisait en grande partie en circuit fermé, mais Daniel n’avait pas tout retenu de ce cours qui datait de presque trente ans.
Didier avait pensé à prendre une assiette, des couverts et un verre pour Daniel. Le repas était délicieux. Il n’avait jamais aussi bien mangé dans une cantine. Les légumes étaient excellents, et fondaient dans sa bouche tant ils étaient tendres.
Ce repas, et l’ambiance si positive qui régnait dans ces lieux lui faisaient du bien. Après avoir fait leur vaisselle, et une fois dehors, Daniel ressentit comme un vide. Dehors, il ne faisait pas froid, et pourtant dans le ReR il avait si chaud. Sur le chemin du retour, cette cantine ne cessait de revenir dans ses pensées. Il voulait revenir là-bas. Non, plus que ça, il voulait participer à cette organisation. Il se sentirait utile, enfin en cohérence avec la société et ses changements.
« Dis, Dédé, comment t’as fait pour commencer dans l’agriculture ?
— Oh, c’est de famille. On se transmet les connaissances de père en fils.
— Ça veut dire que je ne pourrais jamais avoir tes connaissances ?
— Déjà, pour l’élevage bovin, il aurait été mieux que ta famille ait un troupeau et des terres. »
Daniel fit une moue de mécontentement.
« Mais Dany, rien ne t’empêche de commencer par la culture des arbres fruitiers.
— Mais je n’ai aucune connaissance dans ce domaine…
— Dany, je ne t’ai pas dit ? À l’UPLOAD, non seulement la cantine est ouverte à tous, mais les cours magistraux également. Je connais un étudiant qui donne des cours d’arboriculture à l’UPLOAD. Il s’appelle Émile, va le voir quand tu te sentiras prêt. c’est tous les mardis à 11 h »
Sur ces mots, Daniel et Didier se quittèrent. Daniel retrouva son clic-clac, et fixa le plafond. Il savait maintenant comment changer, comment s’adapter à cette nouvelle société. Maintenant, il devait juste trouver la force de sortir de son canapé.

BIBLIOGRAPHIE :
[1] Les rejets de plastique et les émissions de gaz à effet de serre sont en croissance, OCDE, consulté le 18/01/2024 https://www.oecd.org/fr/environnement/plastiques/augmentation-des-rejets-de-plastique-et-emissions-de-gaz.htm
[2] Quel est le bilan carbone des emballages alimentaires ?, Gautier Mulak, We are Green, 10/01/2023, consulté le 18/01/2024 https://wearegreen.io/article/quel-est-le-bilan-carbone-des-emballages-alimentaires
[3] Calendrier des fruits et légumes de saison en France métropolitaine, Greenpeace, consulté le 18/01/2024
https://www.greenpeace.fr/guetteur/calendrier/
[4] Huttérisme, Wikipédia, consulté le 18/01/2024
https://fr.wikipedia.org/wiki/Huttérisme

 

Les raisins de l’apaisement

La lame du sécateur racle la peau de ma cuisse. J’aurais jamais dû mettre un short. Le vieux chapeau trouvé au vestiaire partagé me gratte les oreilles. Tchic Tchac tchic tchac. Les lames s’activent avec vivacité. Une grappe puis l’autre. Pour le moment, je me contente de recueillir les lourdes grappes. Tiédis par le soleil d’octobre, les raisins roulent dans le large panier. C’est Luciole qui l’a réparé à l’atelier vannerie l’année dernière, alors j’évite de la traîner sur le sol. Peut-être que je pourrais bricoler des bretelles pour le porter sur le dos ?
Ça va faire presque deux heures que les vendanges collectives ont commencé et je déplie douloureusement mon dos. Il faudra que je sois plus attentif aux échanges sur l’ergonomie du travail, puisque je vais essayer de passer un peu de temps aux champs.
Je prends une grande inspiration. L’odeur sucrée des fruits presque trop mûrs envahit mes narines. L’été a été plus court que l’année dernière, la récolte arrive un peu tard. Finalement, s’adapter aux saisons, c’est bien complexe quand leurs marqueurs les plus anciens se sont effacés.
Au concert des outils tranchants s’ajoute le vrombissement d’un broustick, rare insecte encore visible depuis les grandes extinctions. J’essaie de visualiser le poster des pollinisateurs des toilettes de l’UPLOAD. C’est une affiche un peu vieillotte des années 90. Moustiques variés, abeilles noires et mouches, que des bestioles que je n’ai jamais croisées, la faute, entre autres, aux produits phytosanitaires. Il parait aussi qu’il y avait moins de haies et d’arbres, que les animaux qui permettaient le transport des gamètes ont vite perdu leur abri. Ce broustick un peu frêle, c’est un survivant ! Des ailes longues, de gros yeux à facettes, et détail auquel je n’avais jamais fait attention, une petite trompe poilue.

Photo par Samuel Mariot, licence CC BY-NC 2.0 Deed

 

Contrairement à la carte postale du hall du bâtiment agricole, ce qui se déploie devant moi n’a rien de monotone. Les champs sont parsemés de haies. Point de boue entre les rangs, on perçoit à peine le sol entre les herbes et les fleurs. Des arbres s’entrelacent entre les ceps, rendant la chaleur d’octobre acceptable. Ils ont une drôle de forme, avec des sortes de gros bubons d’où s’échappent de maigre branches.
« C’est pas très beau ces trognes, hein ? » dit une voix qui me sort de ma rêverie.
« On peut aussi appeler ça un têtard… en gros, pour éviter que les arbres deviennent trop grands et fassent de l’ombre à la vigne, on coupe régulièrement les branches du haut. Je viens souvent aider au trognage, comme ça je récupère les branches pour donner du fourrage à mes chèvres ! Et ensuite hop ! L’arbre cicatrise et forme une petite boule, un peu comme notre peau quand on se coupe ! »
Un sourire franc et un bras énergique, la femme qui m’interpelle n’a cessé de couper pendant qu’elle me parlait.
Notre échange va bon train, elle s’appelle Marie, elle est agricultrice. Et elle aime ça. Dans sa bouche, les herbes et les arbres ont des noms et prennent vie. Elle lit le milieu qui nous entoure, connaît le chant des oiseaux. Je demeure gauche avec mon sécateur, mais la sensation d’être de trop s’estompe un peu. Essayer de décomposer les gestes pour les comprendre. Les doigts engourdis se crispent sur le manche. Décidément, il faudrait repenser les outils de travail. Améliorer les lames, pour qu’elles s’émoussent moins vite. Faudra voir avec Charlène aussi, mais le transfert des raisins à la cuve de stockage a l’air périlleux. On pourrait peut-être mettre en place un système de poulies pour hisser les hottes de fruits ? SHLACK
« Fuck ! » le sang pulse sous l’ongle de mon pouce. Il est temps de prendre une pause !

 

Une passion qui se transmet

Marie aperçoit le bout du chemin. Elle profite du calme de la nature quelques derniers instants avant le début de cette journée frénétique. Dans la cour de la ferme, elle a à peine le temps de poser son vélo, qu’elle se fait embarquer par son amie Charlène, la vigneronne. Aujourd’hui, les étudiants de l’UPLOAD viennent aider aux vendanges et Charlène ne peut tous les encadrer seule, elle a donc demandé de l’aide à d’autres collègues, comme Marie. Cette dernière va devoir expliquer et montrer les bons gestes, soutenir les personnes fatiguées, en somme, superviser la récolte.
Marie se voit confier la responsabilité d’une vingtaine de personnes.
« Il va falloir se séparer en deux groupes. Le plus nombreux s’occupera de récolter le raisin. Vous aurez tous un sécateur et un panier. On coupe la grappe à sa base, en sélectionnant uniquement les plus mûres, et en évitant celles qui sont déjà pourries. N’hésitez pas à me demander si vous avez un doute, surtout au début, mais vous arriverez rapidement à faire la distinction vous-mêmes. Ensuite on les pose délicatement dans les paniers.
L’autre groupe, vous êtes chargés de transporter les paniers pleins hors des champs puis jusqu’à la cave.
Ces deux travaux sont très exigeants physiquement mais différemment, donc n’hésitez pas à alterner les postes entre vous. »[1]

Deux heures plus tard, tout le monde est au travail avec enthousiasme. Marie peut souffler un peu. Elle regarde autour d’elle, subjuguée par les paysages automnaux, elle sent le vent sur son visage, l’odeur du raisin fraîchement récolté. En fond sonore, des conversations enjouées, ponctuées par des soufflements d’efforts.
Marie aime voir toutes ces personnes travailler pour un objectif commun.
Elle sort soudain de ses pensées et revient à ses responsabilités du jour. Elle balaye la vigne du regard pour vérifier le bon déroulement des évènements, repérant ainsi un étudiant qui semble isolé. Ses mouvements ne sont pas empreints du même entrain que les autres. Est-il fatigué ? Alourdi par des soucis dans sa vie ? Poussée par la curiosité, elle s’approche tranquillement de lui. Il ne semble pas la remarquer, absorbé dans ses pensées. Marie se met donc au travail à ses côtés, prête à discuter lorsqu’il sera disposé.
Devant son air étonné face aux trognes, elle en profite pour lancer la conversation et lui expliquer leur origine. Elle a gagné son attention et enchaîne donc :
« Comment te sens-tu au milieu de tout ça ?
— C’est étrange, je me sens à la fois accueilli et étranger à cet environnement. Pas à ma place finalement. Et vous, pourquoi êtes-vous devenue agricultrice ? »
Marie prend quelques instants pour se concentrer sur ses sensations et ce qui la rend heureuse au quotidien.
« Je crois que l’agriculture s’est transformée ces dernières années, elle s’apparentait autrefois à un combat contre la nature. On utilisait de nombreuses techniques très néfastes pour les sols ou la biodiversité. La monoculture par exemple était responsable de l’appauvrissement des sols en matière organique, en azote, ou encore en vers de terre [2]. On faisait également un fort usage de nombreux pesticides qui avaient pourtant un effet désastreux sur la biodiversité ou encore la qualité de l’eau [3]. Petit à petit des pratiques bien plus éco-responsables se sont démocratisées : l’agro-foresterie, la polyculture, ou encore la permaculture. Aujourd’hui on cherche à construire un partenariat avec la nature. C’est comme une danse, on est en quête de l’équilibre parfait, d’harmonie avec cette entité immense d’une sagesse infinie. C’est une découverte de chaque instant et un émerveillement continu.
Pourtant, ça reste un travail très difficile. Il faut être en constante adaptation, nous sommes soumis aux aléas climatiques, et il faut travailler sans relâche. Les plantes et les animaux ne connaissent ni le week-end, ni les vacances. C’est épuisant physiquement aussi. Hier encore j’ai manié la grelinette toute la journée, et l’avancée du travail semble pourtant assez faible. Il faut savoir être patient, car nous avons encore du mal à allier productivité et respect de notre environnement. »
À son tour, René se confie. Il est passionné de mécanique, mais avait du mal à comprendre l’obsession de l’UPLOAD pour l’agriculture. Mais finalement, être dehors est agréable, et il aime à comprendre comment travaillent les agricultrices. Au fil de leurs échanges quand leur rythme ralentit, Marie décèle la véritable préoccupation de René pour ses conditions de travail. Avant de rejoindre le reste du groupe, qui les a depuis longtemps distancés, elle lui propose de se revoir : elle a besoin de réparer ses outils !

BIBLIOGRAPHIE :
[1] Vendange, Wikipédia, consulté le 18/01/2024
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vendange#Vendange_manuelle
[2] Effect of Crop Rotation and Cereal Monoculture on the Yield and Quality of Winter Wheat Grain and on Crop Infestation with Weeds and Soil Properties, Woźniak, A. Int. J. Plant Prod. 13, 177–182 (2019).
https://doi.org/10.1007/s42106-019-00044-w
[3] Impact of Pesticides Application on Aquatic Ecosystem and Biodiversity : A Review, Pawan Kumar, Kumar, R., Thakur, K. et al. Biol Bull Russ Acad Sci 50, 1362–1375 (2023)
https://doi.org/10.1134/S1062359023601386

Ces textes sont sous licence CC-BY-SA
Auteurs & autrices : Anthéa Cordeiro, Emna Bettaleb, Léonie Touzard, Camille Renaud, Pauline Henry

La nouvelle du jeudi 20:42

Par : Framasoft
25 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, sous le regard étonné des enfants de 2042, une exposition sur Compiègne autrefois, visite commentée par la ville elle-même. Au menu : l’Université, le mode de gouvernement, un vote libre et populaire, et tout ce qui aura changé dans une nouvelle conception de la société

 

Compiègne avant les années sobres

Voici mon témoignage. En quelques paragraphes, je vais vous raconter cette journée importante pour Thomas et sa famille. Je n’ai pas choisi n’importe quelle journée, évidemment, mais vous vous en rendrez compte par vous-même au fil des lignes, et peut-être comprendrez vous pourquoi elle est également importante pour moi, Compiègne…

Cela faisait plusieurs années que les citoyen⋅ne⋅s avaient prévu l’exposition. Par crainte que celle-ci ne soit trop rapprochée des événements traumatisants, les habitant·e·s avaient déplacé son inauguration jusqu’à aujourd’hui. Il s’était déroulé un nombre incalculable d’assemblées au cours desquelles elle avait été au cœur des discussions, suscitant des avis tranchés par les membres, tant opposés que favorables. Enfin, après cinq années, des affiches firent leur apparition devant la mairie, sur les places publiques et dans l’UPLOAD. Cependant, le titre ne faisait pas l’unanimité, surtout pas à mes yeux. « Compiègne avant les années sobres », semblait atténuer la gravité de la période sombre que nous avions traversée, celle de l’effondrement… L’exposition ayant enfin ouvert ses portes, de nombreuses personnes étaient impatientes d’admirer les œuvres exposées, particulièrement désireuses d’entendre les témoignages des plus âgées qui avaient tout vécu. Thomas faisait partie des guides bénévoles, dévoués à consacrer de leur temps à expliquer aux visiteurs et visiteuses ce qu’il s’était passé et pourquoi. Il était venu spécialement afin de faire découvrir l’exposition à ses enfants, en leur présentant tous ses éléments par des images.

Thomas entra dans la première salle consacrée à la présentation et l’évolution de l’UPLOAD. Placer celle-ci en premier ne me paraissait pas absurde. Après tout, c’est elle qui avait rendu tout cela possible. L’UPLOAD, l’Université populaire, libre, ouverte, autonome et décentralisée, constituait le point de départ de toutes les évolutions positives des années sobres.

Au début, l’UPLOAD était un projet étudiant dont le but était de modifier drastiquement le système éducatif de l’époque. L’éducation présentait des lacunes, les étudiant·e·s adoptaient un état d’esprit incompatible avec le risque d’effondrement que présentait la planète entière, et sortaient de leurs études avec une conception conformiste de ce qu’était le savoir. Chaque étudiant·e quittait l’institution en pensant que les mathématiques, la physique ou la chimie reflétaient l’intégralité des connaissances.

Initialement, l’UPLOAD occupait les locaux de l’université technologique de Compiègne et servait de lieu central où les étudiant·e·s se rencontraient. Progressivement, elle avait regroupé non seulement des étudiant·e·s mais aussi des habitant·e·s pour rassembler leur savoir et le transmettre aux autres. Tout cela s’était montré particulièrement utile dans les premières années de l’effondrement. Par la suite, elle était devenue un lieu communautaire, constitué de nombreux bâtiments, aux frontières moins définies.

Thomas et ses enfants arrivèrent devant la photo de l’ancienne mairie. On pouvait y voir un maire serrer la main du président de la république. L’un de ses enfants demanda alors ce qu’étaient un « maire » et un « président »… L’idée d’avoir une seule personne pour gouverner le pays lui était absolument impensable, comment un seul individu pourrait-il diriger tout un peuple ? Comment pourrait-elle prendre des décisions pour tous sans même connaître chacun et chacune ? Et pourquoi élire des maires ? À quoi servaient-ils, s’ils n’avaient aucun pouvoir ou presque ? Thomas se retrouvait bien surpris par toutes ces questions qu’il ne s’était jamais posées et qui pourtant lui paraissaient complètement légitimes. Afin d’y répondre, il décida de raconter d’où venait notre forme de politique actuelle.

« Avant l’effondrement, toutes les décisions ou presque était prises à Paris, c’est ce qu’on appelait un gouvernement centralisé. Le président et son gouvernement prenaient toute les décisions, et celles-ci étaient relayées par les préfets, puis par les maires. Ceux-ci n’avaient donc qu’un pouvoir très limité.

– Mais ils n’y a jamais eu d’autre forme de gouvernement avant ?

– Si bien sûr, il y a eu différentes formes de gouvernement, les plus notables sont la monarchie, où un roi gouvernait tout un peuple ; la théocratie, où le gouvernement agissait au nom d’un dieu ; l’oligarchie où un petit groupe de personnes gardait le pouvoir entre leurs mains et prenait toutes les décisions ; et il y avait bien d’autre formes encore. Celle que nous utilisons actuellement se rapproche beaucoup de la démocratie athénienne, où une partie du peuple votait les décisions ensemble. La différence est que notre forme de politique inclut tout le monde, alors que la leur excluait les femmes et les esclaves de la vie politique.

– Et pourquoi avons-nous changé de politique ?

– Lors de l’effondrement, l’ancienne organisation n’a plus fonctionné. Chaque région a connu des problèmes différents, notamment des pénuries d’eau, de nourriture, des inondations, des incendies… Mais comme ce fonctionnement obligeait le président à prendre des décisions pour tout le monde en même temps, il n’a pas pu répondre à tous les problèmes. Et c’est dans la panique qu’une nouvelle loi est passée, cédant la majorité des prises de décisions à une échelle plus locale, ville par ville », expliqua Thomas.

Cette décision avait été prise à peine 20 ans auparavant et pourtant elle avait tout changé. Cette politique décentralisée avait permis la mise en place d’un vote libre (et) populaire. Désormais, chaque loi était proposée par les citoyen·ne·s, puis votée dans un forum. Et l’ensemble des instances des villes sont assurées par des élu⋅e⋅s au service des citoyen⋅ne⋅s, renouvelé⋅e⋅s régulièrement. Thomas s’était mis en tête d’expliquer à Louka et Lucy comment votent les citoyen⋅ne⋅s, et il comprit que c’était bien compliqué pour des enfants de leur âge. Plutôt que tenter de vous l’expliquer je pense que la fiche explicative donnée lors de chaque vote sera bien plus claire :

 Le vote par note À la suite des débats sur les nouvelles lois à voter et les représentants à élire, chaque citoyen sera amené à donner son avis par un vote. Afin de rendre le vote plus représentatif de l’avis réel des citoyens, une nouvelle forme de vote a été établie. Vous serez donc amené à donner pour chaque vote, une note allant de 1 à 5 à chacune des propositions et/ou des représentants. Une fois tous les bulletins rassemblés, la moyenne des notes nous donnera l’avis du peuple. La note minimale à obtenir pour que la loi soit adoptée ou la personne élue dépendra de plusieurs situations: - Un candidat ne peut être élu dés que sa note descend sous 3/5. La personne avec la moyenne la plus haute est désignée victorieuse. - Une loi, ou partie de loi, est adoptée si sa note dépasse une certaine valeur définie. Cette valeur sera choisie selon la règle suivante : sans débat, la loi doit avoir une note supérieur à 3/5 cette note augmente de 0,3 point pour chaque demi-journée de débat La note limite ne peux excéder 4,5/5. exemple : Un projet de loi débattu tout une journée avant d'être voté, devra avoir une note supérieur à 3,6/5 pour être adopté. Nous invitons chaque citoyen à lire Du contrat social de Rousseau ainsi que les différents livres relatifs aux formes de vote se trouvant à la bibliothèque de l’UPLOAD pour comprendre pourquoi cette forme de vote est optimale.

Cette forme de vote a vraiment permis de rendre les choix et les décisions plus représentatives de la volonté des citoyen⋅ne⋅s.

« Bon laissez tomber, vous comprendrez sûrement quand vous serez plus grands… En attendant passons à la suite de l’exposition ! »

Le petit groupe s’avança alors devant une photographie d’un homme, apparemment désemparé, contemplant un graphique couvert de chandelles rouges et vertes. Il y était écrit : « NASDAQ, bourse de New York ».
« Papa, papa ! Qu’est ce qu’il fait celui-là ? demanda Lucy, la fille cadette de Thomas. Il se tourna vers elle, mit un genou à terre et pointa du doigt le cliché pendu au mur :
– Tu vois ça c’est ce qu’on appelait « la Bourse de New York », enfin ce qu’elle était quand j’étais jeune. À l’époque on pensait le monde en termes de croissance économique, de richesse pour les actionnaires et d’échange financiers. Le PIB, saint Graal des analystes économiques, était l’indicateur phare. »

Thomas voyait bien que son discours ne passionnait pas les foules, il surprit même ses enfants à bâiller devant ses dires. Pourtant il le savait, le changement de paradigme post-effondrement avaient rebattu toutes les cartes. Consciente qu’une croissance infinie n’était pas un modèle viable, la société avait cherché de nouveaux moyens de mesurer l’évolution de l’humanité. Une idée émergea alors, pourquoi ne pas intégrer la biodiversité dans tout les futurs projets de construction ? Une nouvelle loi avait alors été votée afin d’intégrer des indices de biodiversité, obligeant ensuite les autorités publiques à ne faire que des projets développant la biodiversité. Cette vision politique s’est cristallisée autour du RIP, Le Rapport d’Impact Projet. On pouvait savoir si un projet était bénéfique pour l’environnement en regardant le RIP. S’il était supérieur à 1, on pouvait alors lancer le projet, sinon il était mis de côté. Afin d’être au plus proche de la réalité, il avait fallu développer une vision multifactorielle, en se fondant par exemple sur l’abondance et la biodiversité ou sa diversité. Voici la formule employée dans le cadre de nouveaux projets.

RIP= impact du projet sur l'environnement/indice actuel de biodiversité

L’impact du projet sur l’environnement et l’indice actuel de biodiversité se définissent par des indicateurs d’abondance et de richesse spécifiques.

Cet indice a permis de choisir des projets plus durables et respectueux de l’environnement et de mieux comprendre les services rendus par certains bâtiments. Thomas s’était par exemple battu pour une grange menacée de destruction par une nouvelle route alors qu’elle servait de refuge pour les oiseaux nocturnes. Grâce au RIP, les élu⋅e⋅s s’étaient rendu compte que le tracé de la nouvelle nationale posait en fait beaucoup de problèmes et ils avaient pris la décision de le modifier.

Perdu dans ses pensées, Thomas ne s’était pas rendu compte que ses enfants s’étaient dispersés dans l’exposition.

Maintenant seul, Thomas parcourait l’exposition à leur recherche. Un peu inquiet, il s’arrêta à côté d’une personne âgée qui observait une photo d’un porte-conteneur chinois. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Francis portait un béret bleu marine et une salopette vert bouteille. Ses manches retroussés laissaient voir des tatouages. Thomas lui fit signe et Francis lui esquissa un sourire.

« Bonjour monsieur, savez-vous que j’ai déjà travaillé sur un de ces bateaux ? Dans ma jeunesse si le monde tournait, c’est parce que ces gros engins mécaniques flottaient, expliqua Francis en se tournant vers Thomas.
– Oui bonjour, c’est vrai qu’aujourd’hui ces types de bateaux ont complètement disparu, répliqua Thomas.
– Vous savez, vous avez sûrement dû observer ce changement aussi, mais la principale raison de leur disparition c’est la mise en place du nouvel indice qui a supplanté le PIB. À cette époque la quantité d’échange de nature économique réalisée par un pays produisait sa valeur, ainsi on observait une intensification des échanges, une délocalisation de la production, bref on faisait des échanges pour faire des échanges.

Cette dynamique s’est totalement inversée, on a décidé de non plus mettre en valeur le nombre croissant d’échanges économiques, mais le faible nombre de celui-ci. Les pays se sont ainsi mis en concurrence dans des objectifs d’autonomie de leurs citoyen⋅ne⋅s. Moins un pays se repose sur une centralisation des productions, c’est à dire plus ses citoyen⋅ne⋅s sont autonomes dans la réalisation de leur quotidien, plus ce pays est mis en valeur.
– C’est vrai, j’étais encore assez jeune lors de ce renversement, mais j’avoue que je vois pas trop le lien direct avec la raison pour laquelle les porte-conteneurs ont disparu, s’interrogea Thomas.
– Bien, ça c’est grâce à un autre indice, il est encore présent aujourd’hui mais il est si bien incorporé par tout le monde qu’on a tendance à l’oublier, j’en ai même oublié le nom.
– L’indice de maniabilité ? proposa Thomas.
– Oui, c’est ça… l’indice de maniabilité. En fait, il permettait d’observer la dépendance d’une société à une technologie elle-même dépendante de ressource, d’énergie non-humaine. Le propos, c’est de dire que l’univers technique que produit l’Homme doit se baser sur les capacités physiques de l’Homme et non sur un asservissement de la nature comme ressource. De cette vision, il en découle une décroissance forte dans les usages des technologies à bouton, vous savez celle où on appuie sur un bouton et ça marche tout seul sans qu’on sache vraiment comment, mais ce que l’on sait, c’est que ça consomme un équivalent en énergie non-humaine, expliqua Francis.
– Et de cette manière tous les procédés d’automatisation, les moteurs énergivores et tous ces autres éléments techniques superflus, ont disparu progressivement.C’est tout de même fou qu’on ait pu penser de cette façon, un Homme hors de la nature quelle idée ! » reprit Thomas.
Francis sourit à Thomas, puis poursuivit sa visite. Thomas reprit sa quête.

Après avoir suivi cette conversation, des souvenirs de mon usage destructeur me frappèrent. Je suis et je serais toujours à l’image des Hommes qui me façonnent, mais tout de même l’évocation d’un ancien moi en opposition avec la nature, me donne des frissons.

Son père retrouva Louka près d’une ancienne carte de la région, regardant surpris de longs chemins de couleur grisâtre qui serpentaient dans la ville et au-delà.
« C’est quoi Papa ? c’est tout gris, dit l’enfant en pointant du doigt ces longs tracés.
– Ça tu vois, c’est une autoroute. Et là ce sont des routes nationales, ici les routes départementales et là les rues de la ville, expliquait Thomas.
Thomas poursuivit, décrivant à ces enfants ces voies de transports qu’ils n’avaient pas connues.
– À cette époque, nous utilisions des voitures pour nous déplacer dans la ville. La voiture c’est 4 sièges plus ou moins qu’on met dans une boite. Puis on met cette boite sur quatre roues, on lui rajoute un moteur avec de l’essence, et ça roule !
Thomas continua en disant que chaque voiture avait un « propriétaire » et de ce fait, on en faisait un usage individuel la plupart du temps.
– Mais, elle sont énormes ces voitures ! Pourquoi elles sont si grosses si on est seul dedans ? ça sert à rien ! s’étonna Louka. »
Face à la surprise de son fils, Thomas soupira. Il lui revint en mémoire ces heures de bouchon pour aller travailler au bureau, dans une compagnie d’assurances à 25 km de chez lui.

Son évocation des voitures me rappela le temps où les immeubles s’assombrissaient à cause de la pollution et où ces voies bruyantes, polluantes, et dangereuses me traversaient de toute part. Aujourd’hui, le vélo a remplacé la voiture mais les traces de ces anciennes routes n’ont pas pu être complètement effacées en si peu de temps. Elles sont maintenant recouvertes de terre, mais la nature peine à reprendre ses droits face au bitume, encore trop proche de la surface de la terre. Seul les routes en dehors de la ville subsistent encore, mais ceux qui possèdent une voiture doivent la garer à l’ancienne zone commerciale avant de prendre un autre moyen de transport pour rejoindre le centre.

Louka s’intéressa ensuite à de curieux bâtiments. De grandes structures de couleur blanche sont accompagnées d’immenses surfaces planes vides. Thomas décrivit ce lieu atypique comme un centre industriel destiné au soin.
« Mais ils sont tout le temps malades ? s’interrogea l’enfant.
Thomas, amusé de cette réaction inattendue, répondit :
– Non, à cette époque les gens ne savaient pas se soigner, du moins une majorité. Une certaine élite de la société trimait pour apprendre un nombre considérable de connaissances afin de soigner les gens. Ces personnes aux différentes spécialités se regroupaient dans des hôpitaux, cliniques ou tous les autres lieux dédiés au soin. » poursuivit Thomas.
Aujourd’hui, suite à une surcharge des hôpitaux durant l’effondrement, la centralisation des pratiques médicales, c’est terminé. Un processus de décentralisation des savoirs s’est enclenché. Des lieux de soins alternatifs sont apparus, ils regroupent un petit nombres de spécialistes. Ces lieux sont présents presque à chaque coin de rue, ils permettent de former les citoyen⋅ne⋅s aux pratiques médicales et de mettre à disposition un matériel médical spécialisé. Ainsi, tout le monde peut se soigner en consultant ces spécialistes gratuitement, et même se former afin de succéder à ces médecins. Désormais, les citoyen⋅ne⋅s se soignent en grande partie en autonomie ou en se soignant mutuellement.

Thomas regardait Lucy et Louka jouer avec d’autres enfants. C’était beau. Avant l’effondrement, il était enfermé dans une compagnie d’assurance pour gagner une misère. Tous les savoirs acquis pour se reconvertir dans l’ébénisterie, auparavant personne n’y faisait attention. Aujourd’hui, les sociologues cherchent à représenter ces interactions sociales aux travers de modèles, les modèles de Densités EA2D (Echange, Acteurs, Diversité de savoir, Diversité de culture). Ces modèles tendent à valoriser les espaces d’échanges culturels, de savoir ou juste d’interaction sociales. On voit apparaître différents niveaux de EA2D. Avant, les structures du savoir étaient descendantes [Schéma 1 ci-dessous], avec peu d’acteurs et d’actrices transmettant un savoir en particulier. Suite à l’effondrement, d’autres structures se sont démocratisées, avec plus de diversité de savoirs [Schéma 2 ci-dessous] (limitant l’enfermement dans les bulles de filtres) et plus d’acteurs⋅actrices de cultures diverses permettant une mixité sociale importante [Schéma 3 et Schéma 4]. Des infrastructures comme l’UPLOAD reposent sur ces travaux pour élaborer des schémas d’interactions entre les individus afin de coller aux dimensions PAPS.

Schéma 1 : Peu d’acteurs distribuant le savoir à peu de personnes, apprentissage descendant

 

 Schéma 2 : davantage de savoir partagé, toujours dans un modèle descendant

 

Schéma 3 : davantage de savoir partagé, mise en réseaux des savoirs

 

Schéma 4 : diversité des interlocuteurs, chaque personne peut proposer et apprendre

 

Vous vous demandez sûrement à quoi correspond les dimensions PAPS n’est ce pas ? En plus de tous ces schémas et calculs, les hommes ont aussi développé une nouvelle vision de la société, fondée autour de 4 grandes dimensions : une dimension Pluriculturelle, Artisane, Pédagogique et Subsistantielle. Thomas est occupé avec ses enfants, je vais donc vous détailler à sa place ce qu’elles représentent.

1. La dimension Pluriculturelle
Cette dimension promeut l’ouverture à l’autre et le refus de l’enfermement des individus dans des bulles de filtres. Elle ne pose pas de hiérarchie entre les matières, les savoirs ou des savoirs-faire.

2. La dimension Artisane
Cet éclairage vise à produire et réparer les objets de son quotidien. En générant un nouvel environnement technique, cette dimension transforme le rapport à l’outil et permet aux individus de se réapproprier les moyens de productions.

3. La dimension Pédagogique
La dimension Pédagogique prône les concept de transmission, de réception et de partage du savoir sans limite ni barrière. Elle vise a proposer le savoir pour tous et par tous à la manière de structures comme l’UPLOAD ou d’autres lieux d’échanges plus petits.

4. La dimension Subsistantielle
L’autosuffisance passe aussi par une autosuffisance alimentaire. Dans cette optique, la société a cherché à créer des réseaux de savoirs pour la subsistance du commun. Un individu seul ne pouvant pas toujours subvenir à tout ces besoins, l’entraide devint le maître-mot de cette dimension. Le nouvel humain est connecté avec la nature à la manière de l’Homme selon Hans Jonas. Ce nouvel humain tend à préserver, et non plus à asservir la nature.

L’histoire de Thomas s’inscrit dans une histoire plus globale avec l’effondrement, ce sont l’ensemble des fondements sur lesquels reposaient la société qui se sont effondrés. Une société servicielle et fonctionnaliste qui s’est ordonnée en classe sociale et métier, le tout soumis aux principes d’une hiérarchie verticale. Avec la raréfaction des ressources et l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, les métiers sont devenus inutiles, la chaîne servicielle s’est brisée. Afin de rependre de l’activité, les humains se sont réinventés, ils ont imaginé une société organique où chacun, chacune possédait une multitude de savoirs. Ces savoirs sont partagées dans les communs.

De cette manière l’UPLOAD permet la formation aux principes d’une vie autonome à un large publique. Le citoyen apprend de cette manière à s’approprier les moyens de production, de subsistance et les moyens pédagogiques. Ces concepts sont réemployés dans la ville, à travers des ateliers communaux de production, autrement nommés des tiers-lieux. Ces lieux alternatifs sont l’extension de l’UPLOAD, ils permettent le partage des connaissances artisanales, ainsi que la mise en commun des outils de production et de réparation.
L’arrivée de ces nouveaux espaces m’a fait grandement du bien, il a renforcé le lien entre mes habitant⋅e⋅s et a permis de mettre en avant des pratiques non-destructrices de mon milieu.

Dans la dernière salle, une stèle était placée au centre de la pièce. Un panneau placé à sa droite donnait les explications suivantes :

L’effondrement est né de l’accumulation de différents facteurs. Au début du XXIe siècle, l’amplification des problèmes sociaux et sociétaux, l’absence de remise en cause du système économique capitaliste et l’inaction face aux enjeux environnementaux ont été le terreau fertile entraînant le déclin de la société. Une période sombre durant laquelle la raréfaction des ressources et la destruction du système économique par une récession qu’on n’a pas su empêcher, ont mis à mal la souveraineté alimentaire et l’accès au soin de chaque individu, d’autant plus fragilisé par la haute fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles. Les individus ont vu leur mode de vie se métamorphoser, se dégrader, ne pouvant plus se projeter dans l’avenir, devant lutter pour survivre pour répondre à leur besoins de première nécessité.

Dessiné au trait, un arbre dont on voit bien la base et tronc mais pas la houppe/ Un panneau écrit est posé contre le tronc sur une branche basse

Dessin de Martin ROUSSEL CC-BY-SA

Presque ému par tous ces mots, je vis Thomas et ses deux enfants quitter l’exposition, le cœur plein d’espoir pour cette future génération.

L’exposition en mon honneur était belle et poignante et montrait tout à fait à quel point il était important de ne pas tomber à nouveau dans nos anciennes habitudes. J’attends avec impatience et confiance l’exposition suivante, celle qui illustrera ce que je serai devenue demain..

Texte sous licence CC-BY-SA
Écrit par : AUBERT Paul, DETEVE Damien, DUFOUR Timothé, EGLES Lisa, ROUSSEL Martin
Co-éditrice : Numa HELL

 

 

Bibliographie

[1] COGNIE Florentin, PERON Madeleine. Mesurer la biodiversité [en ligne]. Conseil d’analyse économique, Septembre 2020 (généré le 18 janvier 2024). Disponible sur Internet : https://www.psychaanalyse.com/pdf/MESURER%20LA%20BIODIVERSITE%20FOCUS%202020%20(11%20Pages%20-%20569%20Ko).pdf

Comprendre un peu mieux les théories autour de l’effondrement :

À propos de la démocratie athénienne :

  • MOSSÉ, C. (2013). Regards sur la démocratie athénienne. Perrin.

Pour en apprendre plus sur les différentes méthodes de vote :

Pour comprendre d’où vient l’idée que plus une proposition provoque des débats, plus elle doit faire l’unanimité à la fin du débat :

  • ROUSSEAU, J. (1762). Du contrat social ou Principes du droit politique.

Pour comprendre nos hypothèses autour de l’université populaire libre ouverte, autonome et décentralisée, la définition de l’UPLOAD : https://upload.framasoft.org/fr/

Pour comprendre davantage ce dont nous parlions autour du « conformisme du savoir », l’utilité des connaissances :

  • GRAEBER, D. (2018) Bullshit Jobs.

Pour comprendre la bascule réalisée par l’UPLOAD dans la société :

  • FRIEDMANN, G.(1963). Où va le travail humain ?
  • ILLICH, I. (2014). La convivialité.
  • GORZ, A. (2008). Écologica. Editions Galilée.
  • PARRIQUE, T. (2022). Ralentir ou périr : L’économie de la décroissance.
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