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David Revoy, un artiste face aux IA génératives

Par : Goofy
2 juillet 2023 à 05:42

Depuis plusieurs années, Framasoft est honoré et enchanté des illustrations que lui fournit David Revoy, comme sont ravi⋅es les lectrices et lecteurs qui apprécient les aventures de Pepper et Carrot et les graphistes qui bénéficient de ses tutoriels. Ses créations graphiques sont sous licence libre (CC-BY), ce qui est un choix courageux compte tenu des « éditeurs » dépourvus de scrupules comme on peut le lire dans cet article.

Cet artiste talentueux autant que généreux explique aujourd’hui son embarras face aux IA génératives et pourquoi son éthique ainsi que son processus créatif personnel l’empêchent de les utiliser comme le font les « IArtistes »…

Article original en anglais sur le blog de David Revoy

Traduction : Goofy, révisée par l’auteur.

Intelligence artificielle : voici pourquoi je n’utiliserai pas pour mes créations artistiques de hashtag #HumanArt, #HumanMade ou #NoAI

par David REVOY

 

Pepper sur une chaise entourée de flammes, reprise d'un célèbre mème "this is fine"

Image d’illustration : « This is not fine », licence CC-BY 4.0, source en haute résolution disponible

« C’est cool, vous avez utilisé quel IA pour faire ça ? »

« Son travail est sans aucun doute de l’IA »

« C’est de l’art fait avec de l’IA et je trouve ça déprimant… »

… voilà un échantillon des commentaires que je reçois de plus en plus sur mon travail artistique.

Et ce n’est pas agréable.

Dans un monde où des légions d’IArtistes envahissent les plateformes comme celles des médias sociaux, de DeviantArt ou ArtStation, je remarque que dans l’esprit du plus grand nombre on commence à mettre l’Art-par-IA et l’art numérique dans le même panier. En tant qu’artiste numérique qui crée son œuvre comme une vraie peinture, je trouve cette situation très injuste. J’utilise une tablette graphique, des layers (couches d’images), des peintures numériques et des pinceaux numériques. J’y travaille dur des heures et des heures. Je ne me contente pas de saisir au clavier une invite et d’appuyer sur Entrée pour avoir mes images.
C’est pourquoi j’ai commencé à ajouter les hashtags #HumanArt puis #HumanMade à mes œuvres sur les réseaux sociaux pour indiquer clairement que mon art est « fait à la main » et qu’il n’utilise pas Stable Diffusion, Dall-E, Midjourney ou n’importe quel outil de génération automatique d’images disponible aujourd’hui. Je voulais clarifier cela pour ne plus recevoir le genre de commentaires que j’ai cités au début de mon intro. Mais quel est le meilleur hashtag pour cela ?

Je ne savais pas trop, alors j’ai lancé un sondage sur mon fil Mastodon

sondage sur le fil mastodon de David : Quel hashtag recommanderiez-vous à un artiste qui veut montrer que son art n'est paz créé par IA ? réponses : 55% #HumanMade 30% #Human Art 15% Autre (commentez)

Source : https://framapiaf.org/@davidrevoy/110618065523294522

Résultats

Sur 954 personnes qui ont voté (je les remercie), #HumanMade l’emporte par 55 % contre 30 % pour #HumanArt. Mais ce qui m’a fait changer d’idée c’est la diversité et la richesse des points de vue que j’ai reçus en commentaires. Bon nombre d’entre eux étaient privés et donc vous ne pouvez pas les parcourir. Mais ils m’ont vraiment fait changer d’avis sur la question. C’est pourquoi j’ai décidé de rédiger cet article pour en parler un peu.

Critiques des hashtags #HumanMade et #HumanArt

Tout d’abord, #HumanArt sonne comme une opposition au célèbre tag #FurryArt de la communauté Furry. Bien vu, ce n’est pas ce que je veux.

Et puis #HumanMade est un choix qui a été critiqué parce que l’IA aussi était une création humaine, ce qui lui faisait perdre sa pertinence. Mais la plupart des personnes pouvaient facilement comprendre ce que #HumanMade signifierait sous une création artistique. Donc 55 % des votes était un score cohérent.

J’ai aussi reçu pas mal de propositions d’alternatives comme #HandCrafted, #HandMade, #Art et autres suggestions.

Le succès de #NoAI

J’ai également reçu beaucoup de suggestions en faveur du hashtag #NoAI, ainsi que des variantes plus drôles et surtout plus crues. C’était tout à fait marrant, mais je n’ai pas l’intention de m’attaquer à toute l’intelligence artificielle. Certains de ses usages qui reposent sur des jeux de données éthiques pourraient à l’avenir s’avérer de bons outils. J’y reviendrai plus loin dans cet article.
De toutes façons, j’ai toujours essayé d’avoir un état d’esprit « favorable à » plutôt que « opposé à » quelque chose.

C’est aux artistes qui utilisent l’IA de taguer leur message

Ceci est revenu aussi très fréquemment dans les commentaires. Malheureusement, les IArtistes taguent rarement leur travail, comme on peut le voir sur les réseaux sociaux, DeviantArt ou ArtStation. Et je les comprends, vu le nombre d’avantages qu’ils ont à ne pas le faire.

Pour commencer, ils peuvent se faire passer pour des artistes sans grand effort. Ensuite, ils peuvent conférer à leur art davantage de légitimité à leurs yeux et aux yeux de leur public. Enfin, ils peuvent probablement éviter les commentaires hostiles et les signalements des artistes anti-IA des diverses plateformes.
Je n’ai donc pas l’espoir qu’ils le feront un jour. Je déteste cette situation parce qu’elle est injuste.
Mais récemment j’ai commencé à apprécier ce comportement sous un autre angle, dans la mesure où ces impostures pourraient ruiner tous les jeux de données et les modèles d’apprentissage : les IA se dévorent elles-mêmes.

Quand David propose de saboter les jeux de données… :-P 

Pas de hashtag du tout

La dernière suggestion que j’ai fréquemment reçue était de ne pas utiliser de hashtag du tout.
En effet, écrire #HumanArt, #HumanMade ou #NoAI signalerait immédiatement le message et l’œuvre comme une cible de qualité pour l’apprentissage sur les jeux de données à venir. Comme je l’ai écrit plus haut, obtenir des jeux de données réalisées par des humains est le futur défi des IA. Je ne veux surtout pas leur faciliter la tâche.
Il m’est toujours possible d’indiquer mon éthique personnelle en écrivant « Œuvre réalisée sans utilisation de générateur d’image par IA qui repose sur des jeux de données non éthiques » dans la section d’informations de mon profil de média social, ou bien d’ajouter simplement un lien vers l’article que j’écris en ce moment même.

Conclusion et considérations sur les IA

J’ai donc pris ma décision : je n’utiliserai pour ma création artistique aucun hashtag, ni #HumanArt, ni #HumanMade, ni #NoAI.
Je continuerai à publier en ligne mes œuvres numériques, comme je le fais depuis le début des années 2000.
Je continuerai à tout publier sous une licence permissive Creative Commons et avec les fichiers sources, parce que c’est ainsi que j’aime qualifier mon art : libre et gratuit.

Malheureusement, je ne serai jamais en mesure d’empêcher des entreprises dépourvues d’éthique de siphonner complètement mes collections d’œuvres. Le mal est en tout cas déjà fait : des centaines, voire des milliers de mes illustrations et cases de bandes dessinées ont été utilisées pour entraîner leurs IA. Il est facile d’en avoir la preuve (par exemple sur haveibeentrained.com  ou bien en parcourant le jeu de données d’apprentissage Laion5B).

Je ne suis pas du tout d’accord avec ça.

Quelles sont mes possibilités ? Pas grand-chose… Je ne peux pas supprimer mes créations une à une de leur jeu de données. Elles ont été copiées sur tellement de sites de fonds d’écran, de galeries, forums et autres projets. Je n’ai pas les ressources pour me lancer là-dedans. Je ne peux pas non plus exclure mes créations futures des prochaines moissons par scans. De plus, les méthodes de protection comme Glaze me paraissent une piètre solution au problème, je ne suis pas convaincu. Pas plus que par la perspective d’imposer des filigranes à mes images…

Ne vous y trompez pas : je n’ai rien contre la technologie des IA en elle-même.On la trouve partout en ce moment. Dans le smartphones pour améliorer les photos, dans les logiciels de 3D pour éliminer le « bruit » des processeurs graphiques, dans les outils de traduction [N. de T. la présente traduction a en effet été réalisée avec l’aide DeepL pour le premier jet], derrière les moteurs de recherche etc. Les techniques de réseaux neuronaux et d’apprentissage machine sur les jeux de données s’avèrent très efficaces pour certaines tâches.
Les projets FLOSS (Free Libre and Open Source Software) eux-mêmes comme GMIC développent leurs propres bibliothèques de réseaux neuronaux. Bien sûr elles reposeront sur des jeux de données éthiques. Comme d’habitude, mon problème n’est pas la technologie en elle-même. Mon problème, c’est le mode de gouvernance et l’éthique de ceux qui utilisent de telles technologies.

Pour ma part, je continuerai à ne pas utiliser d’IA génératives dans mon travail (Stable Diffusion, Dall-E, Midjourney et Cie). Je les ai expérimentées sur les médias sociaux par le passé, parfois sérieusement, parfois en étant impressionné, mais le plus souvent de façon sarcastique .

Je n’aime pas du tout le processus des IA…

Quand je crée une nouvelle œuvre, je n’exprime pas mes idées avec des mots.
Quand je crée une nouvelle œuvre, je n’envoie pas l’idée par texto à mon cerveau.

C’est un mixage complexe d’émotions, de formes, de couleurs et de textures. C’est comme saisir au vol une scène éphémère venue d’un rêve passager rendant visite à mon cerveau. Elle n’a nul besoin d’être traduite en une formulation verbale. Quand je fais cela, je partage une part intime de mon rêve intérieur. Cela va au-delà des mots pour atteindre certaines émotions, souvenirs et sensations.
Avec les IA, les IArtistes se contentent de saisir au clavier un certains nombre de mots-clés pour le thème. Ils l’agrémentent d’autres mots-clés, ciblent l’imitation d’un artiste ou d’un style. Puis ils laissent le hasard opérer pour avoir un résultat. Ensuite ils découvrent que ce résultat, bien sûr, inclut des émotions sous forme picturale, des formes, des couleurs et des textures. Mais ces émotions sont-elles les leurs ou bien un sous-produit de leur processus ? Quoi qu’il en soit, ils peuvent posséder ces émotions.

Les IArtistes sont juste des mineurs qui forent dans les œuvres d’art générées artificiellement, c’est le nouveau Readymade numérique de notre temps. Cette technologie recherche la productivité au moindre coût et au moindre effort. Je pense que c’est très cohérent avec notre époque. Cela fournit à beaucoup d’écrivains des illustrations médiocres pour les couvertures de leurs livres, aux rédacteurs pour leurs articles, aux musiciens pour leurs albums et aux IArtistes pour leurs portfolios…

Je comprends bien qu’on ne peut pas revenir en arrière, ce public se sent comme empuissanté par les IA. Il peut finalement avoir des illustrations vite et pas cher. Et il va traiter de luddites tous les artistes qui luttent contre ça…

Mais je vais persister ici à déclarer que personnellement je n’aime pas cette forme d’art, parce qu’elle ne dit rien de ses créateurs. Ce qu’ils pensent, quel est leur goût esthétique, ce qu’ils ont en eux-mêmes pour tracer une ligne ou donner tel coup de pinceau, quelle lumière brille en eux, comment ils masquent leurs imperfections, leurs délicieuses inexactitudes en les maquillant… Je veux voir tout cela et suivre la vie des personnes, œuvre après œuvre.

J’espère que vous continuerez à suivre et soutenir mon travail artistique, les épisodes de mes bandes dessinées, mes articles et tutoriels, pour les mêmes raisons.


Vous pouvez soutenir la travail de David Revoy en devenant un mécène ou en parcourant sa boutique.

Point d’étape pour l’écriture à deux mains de « L’amour en Commun »

Par : Framasoft
25 avril 2023 à 05:42

Prouver par l’exemple qu’il est possible de faire autrement, tel est souvent le moteur des projets de Framasoft. Il en va ainsi pour Des Livres en Communs, qui propose un autre modèle d’édition : une bourse aux autrices et auteurs en amont de l’écriture ainsi qu’une publication de l’ouvrage sous licence libre afin de le verser dans les Communs. Nous posons pour principe que le travail d’écriture nécessite un revenu si l’on considère que l’œuvre ainsi accompagnée bénéficie ensuite à tous (davantage sur ce projet et les valeurs qu’il porte).

C’est dans cet esprit que nous avons publié en janvier de l’année dernière notre premier Appel à projet auquel ont répondu 22 propositions « sérieuses » (qui correspondaient bien à la demande initiale). Notre petit comité de lecture a dû faire une première sélection puis trancher entre au moins trois projets de qualité que nous aurions aimé accompagner aussi… et puis c’est celui de Timothé et Margaux qui l’a emporté par son sérieux, son originalité et son caractère hybride… Voici un bref extrait de leur note d’intention :

« nous avons choisi d’interroger comment le commun de l’amour, en tant que moyen d’organisation et moteur d’engagement, permet de construire une alternative à la société capitaliste. Cela nécessite de penser l’amour hors des structures sociales préétablies (couple hétérosexuel et monogame) pour choisir nos contrats et nos croyances, d’explorer de nouvelles manières de vivre ensemble… »

C’est ainsi que s’est entamé en juin dernier le processus d’écriture pour eux et d’accompagnement éditorial pour nous : rencontre au framacamp et échanges par mail ou visio qui sont l’occasion de suggestions de lectures, références et interviews, mais aussi téléversement à mesure des travaux en cours sur notre Framacloud pour en faciliter les étapes de révision. Il est difficile aujourd’hui de préciser une date de publication mais d’après le planning établi ce devrait être vers la fin de l’année… Mais nous évitons de mettre trop de pression sur le duo, car nous savons bien qu’un temps long d’élaboration est nécessaire… c’est l’occasion de glisser ce clin d’œil d’un auteur célébré par beaucoup :

“I love deadlines. I love the whooshing noise they make as they go by.”

― Douglas Adams

(à peu près :« j’aime les dates limites, j’adore le bruissement de leur souffle quand elles s’évanouissent »)

C’est le moment de faire un point d’étape avec le duo et de remercier sincèrement les donateurs et donatrices de Framasoft qui ont permis le financement de cette expérimentation.

la lettre F de Framasoft fait se rejoindre le C et le O des Commons

Logo de DLeC

 

Bonjour Margaux et Timothé. L’équipe de DLeC a pu faire votre connaissance déjà, mais les lecteurs du Framablog ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter un peu ?
Photo de Margaux Lallemant, souriante, vêtement à motif floral— Je m’appelle Margaux Lallemant, je viens d’un petit village du sud de la France où la couleur du ciel alimente l’encre des stylos. J’ai baladé mes carnets de Lyon à Saint-Étienne, en passant par Paris et Kaohsiung. J’écris de la poésie, publiée dans des revues comme Point de Chute, Dissonances, par le Serveur vocal poétique ou le podcast Mange tes mots. J’anime des ateliers d’écriture pour des publics variés, et je bricole une émission de radio qui s’appelle Poésie SCHLAG*.
Et je suis une grande amoureuse. Je me soigne, je déconstruis, je lis et je discute, mais rien à faire, les martinets, les sous-bois, les bulles de bière dans un regard, les sourires francs, les chansons de Barbara et le mouvement d’un corps qui danse continuent de propager en moi des vagues d’endorphine déraisonnables.

— Je m’appelle Timothé, je suis un homme cis blanc hétéro, petit-fils de réfugiés. Mes parents font partie de la classe moyenne, ce qui leur a permis de me transmettre un capital social, culturel, de financer mes études… Je viens de la campagne corrézienne, sans m’être jamais senti rural.photo de Timothé qui met en avant un bouquet de fleurs
Pendant la majorité de ma vie, je n’ai rien fait qui ait le moindre intérêt pour ce livre. J’ai été un élève studieux dans une famille aimante, j’ai intégré les codes du patriarcat, j’ai développé une conscience politique de gauche bobo, je me suis pensé féministe. J’ai fait des études et un doctorat en physique, parce que je ne voulais pas être de nouveau au chômage. La thèse m’a mené à une crise d’adulescence, un profond mal-être et finalement à une psychothérapie. J’ai alors compris que le patriarcat avait fait de moi un « estropié émotionnel », comme le dit bell hooks. De lectures en podcasts, de l’écoute aux discussions, j’ai pris conscience du chemin qu’il me restait à parcourir pour déconstruire ces normes en moi. J’ai profité de cette expérience pour écrire un livre à destination des mecs : Masculinités, apprentissage pratique de la déconstruction, que j’auto-édite.
Quand on me demande où je me vois dans 5 ans j’ai juste envie de répondre « je ne sais pas, ça dépendra de la température », alors d’ici là autant essayer d’aimer.

Qu’est-ce qui vous a décidés à soumettre votre projet initial et comment l’avez-vous conçu ?

Margaux : Avec Timothé, on s’est souvent dit que la vie amoureuse de nos ami⋅es était trépidante et qu’il faudrait prendre le temps de les interviewer pour consigner toutes les modalités de faire relation qui existaient autour de nous. C’est à peu près au même moment qu’est sorti l’appel à candidature de Framasoft pour la bourse d’auteur⋅ice. On s’est croisés un soir, vaguement éméché⋅s dans la cuisine, et on s’est dit qu’on allait proposer un projet sur l’amour.

Ensuite, en construisant le projet, nous avons voulu questionner l’articulation possible entre le fait de parler d’amour à un niveau interpersonnel et des pistes sociales de sortie du capitalisme. Nous avions envie de parler du couple, de la famille et du patriarcat, mais aussi de ZAD, de squats, d’autres rapports au vivant que celui de l’exploitation.

Plusieurs questions nous animaient avec Timothé : en quoi l’amour constitue une base de l’engagement et de la mise en commun ? Comment redéfinir l’amour pour engendrer de nouvelles manières de faire, de nous relier, pour favoriser le commun ? En quoi l’amour est-il le premier commun ? Pourquoi est-il nécessaire de sortir l’amour des phénomènes d’enclosure autour de la famille et du couple ?

D’où le titre, l’Amour en commun !

autre logo de Des livres en communs, avec le pinchot de Framasoft sur fond de livre ouvert

Comment se sont passés vos premiers contacts avec l’équipe d’édition ?

Margaux : Ces contacts ont été très porteurs pour nous. Il y a souvent des moments de découragement dans le processus d’écriture. Personnellement, j’ai été inquiète de réussir à articuler concrètement tous les thèmes dont nous voulions parler, tout en gardant un fil directeur politique. Grâce aux conseils de lectures pour articuler nos idées et aux temps d’échange avec l’équipe de Frama, nous avons toujours eu la petite impulsion nécessaire pour continuer.

Timothé : J’avoue que quand j’ai aperçu le Framacamp lors de notre rencontre à Lyon, j’ai été surpris de l’ambiance très libre et fun qui semble y régner. Pour le reste l’équipe a été super rassurante et elle a vraiment pris le temps de nous expliquer les différentes licences libres, avec leurs implications pour le livre et pour nous et je les en remercie.

Vous avez choisi de réaliser un essai sous forme hybride, pouvez-vous donner un aperçu de ses différents aspects (analyse, réflexion sur l’expérience, collecte de témoignage, atelier, poésie, …)

Timothé : Pour l’instant l’hybridation est difficile à montrer, car dans un premier temps nous nous concentrons plus sur la partie plus « essai ». Nous avons déjà réalisé plusieurs entretiens, qui donneront des podcasts, mais cette partie de la création étant chronophage, il a été convenu de la réaliser plutôt en fin d’écriture. Un pote qui a travaillé à Radio France nous a fait une formation sur l’arrangement de podcast et les enregistrements, c’est amusant ce qu’il faut apprendre pour écrire !

Margaux : Pour donner une idée, j’ai envie d’écrire une troisième partie plus SF, qui donnerait vie aux thèmes qu’on aborde dans le livre. Raconter des histoires, c’est une autre voie pour gagner la guerre des imaginaires ! Pour l’instant, j’anime des ateliers d’écriture sur le « Monde Nouveau » avec toutes sortes de publics pour m’inspirer.

Votre ouvrage, suivant le principe de DLeC, sera versé aux Communs (culturels), qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Timothé : Ne pas avoir besoin d’aller faire la danse du ventre chez les éditeurs ! (rire). Pour ma part, en tant qu’auteur quasi inconnu et qui ne compte pas sur l’écriture pour vivre, mon premier souhait est d’être lu. En cela, le fait que le contenu soit libre augmente largement les chances de diffusion du texte. Plus largement, ayant moi-même proposé une version libre de mon essai précédent, la diffusion en libre correspond à mes valeurs.

Margaux : Dans le processus d’écriture d’un essai, je me rends compte qu’il n’y a jamais d’idée nouvelle, sortie du chapeau. Nous devons tellement à tous les auteur⋅ices qui ont pensé avant nous, c’est comme une grande chaîne de redevabilité qui relierait tous les écrivain⋅es ! Sauf qu’on se rend rapidement compte que l’accès à cette chaîne est payante et loin d’être accessible. Verser ce livre dans les communs, c’est participer à la vulgarisation des savoirs auxquels nous avons eu accès. Exprimer notre gratitude en rendant accessible à tous ce que les idées des autres nous ont aidé à formuler !

Entrons un peu dans le vif de la réalisation dont le lectorat du framablog est sans doute curieux : où en êtes-vous à peu près ? L‘avancée est-elle à peu près celle que vous envisagiez ? Qu’est-ce qui la ralentit ou retarde éventuellement ?

Timothé : Pour ma part ce qui la ralentit, c’est en tout premier lieu, le travail salarié (dont je ne peux malheureusement pas me passer pour remplir mon assiette). Quand j’ai écrit mon essai précédent, j’attendais les corrections de ma thèse. C’était une situation incroyablement confortable, j’étais payé et j’avais des journées entières pour écrire, faire une pause, lire, échanger et écrire de nouveau. Maintenant ce n’est plus le cas, après une journée de 7h, c’est pour moi très difficile de m’installer devant mon ordinateur pour écrire. Trouver l’espace mental, rassembler mes idées, me concentrer de nouveau et produire. Pour écrire, j’ai besoin d’avoir un temps continu et l’esprit un peu libre. Alors j’essaie autant que faire se peut d’aménager des moments les samedis ou les dimanches après-midi, mais c’est loin d’être facile et surtout c’est lent… Je m’en excuse auprès de Framasoft. Quand avec Margaux nous avons répondu à l’appel à projet, j’étais au chômage, j’avais prévu de faire une reconversion mais je n’étais pas sûr qu’elle aboutisse et je pensais que j’aurais plus de temps avant que ma formation ne commence pour écrire.

Margaux : Personnellement, j’ai fini la partie sur les relations amoureuses, je suis en train de rédiger celle sur la fin des binarismes, de la Nature au genre. J’avance à peu près au rythme prévu. Ce qui me retarde, c’est le temps de repos que nécessite chacune des parties avant de les reprendre, puis dans un second temps d’en faire le deuil pour passer à une autre. J’écris relativement vite, mais j’ai besoin de beaucoup de temps pour m’assurer que c’est bien ça que j’ai envie d’écrire, puis pour me décider sur ce que j’ai envie de raconter après !

Qu’est-ce qui vous a semblé plus facile/difficile qu’initialement envisagé ?

tête de maître Capelovici (lunettes, cravate rouge)qui le doigt sur son dico dit : "c'est de bon aloi"

Maître Capelo, image empruntée à ce site

Margaux : Articuler les différents thèmes que nous voulions traiter en gardant une ligne politique, sans que cela devienne une espèce de liste de Prévert des luttes et pensées politiques qui nous parlaient. Se battre contre le sentiment d’illégitimité aussi, j’ai toujours l’impression qu’un vieil universitaire avec des lunettes va nous taper sur les doigts en disant : c’est n’importe quoi ce qu’ils disent !

D’où l’importance pour nous de rappeler que ce n’est pas un essai scientifique. Ce livre est militant, ce livre est poétique, ce livre est témoignage, ce livre est boîte à outils, ce livre est chemins de traverses, questionnements personnels et sociétaux, ce livre est bricolé. Et c’est ce qui nous plaît : s’inspirer de la vie réelle et de témoignages d’individus sur leurs pratiques, exposer nos idées communes en retraçant le fil de nos lectures et de nos rencontres, explorer poétiquement les possibles et donner une assise imaginaire à nos tentatives de réinvention.

Au cours de votre travail, avez-vous infléchi en partie votre démarche, si oui dans quel sens ?

Timothé : Sur la partie qui m’occupe le plus depuis le début, c’est-à-dire « La famille », j’ai complètement infléchi ma pensée au fur et à mesure de la recherche et de l’écriture. J’étais parti à lire sur les habitats partagés, sur l’histoire de la famille, avec comme idée principale de broder autour de la possibilité de faire des colocations familiales… Finalement, je me dirige plus sur la proposition de la « parenté » qui me semble un concept bien plus ouvert que la famille, une réponse à l’extrême-droite et une possibilité d’ajuster nos besoins et nos envies de vie collective. Avec Margaux, nous nous sommes lancé⋅es dans l’inconnu avec ce livre. Nous avions des bases sur certains sujets que nous voulions traiter, mais pas sur tous. En plus, regarder un sujet et se demander « Où est l’amour là-dedans ? », ce n’est pas une démarche habituelle, ni pour nous et encore moins pour les auteurices qui nous ont précédé⋅es. Il m’a fallu vraiment du temps pour trouver une direction, car les textes que j’ai lus n’abordaient pas du tout le sujet des familles par le prisme de l’amour (peut être ai-je raté certaines références). L’inflexion vient à la fois du processus de recherche et de celui d’écriture qui oblige à clarifier des idées.

Margaux : J’ai l’impression d’avoir affiné ma pensée au fil de mes lectures et de l’écriture de ce livre. Cela m’a donné envie d’appréhender ces sujets autrement. La partie sur le genre n’était pas prévue au départ. Mais elle s’est imposée à un moment comme une nécessité pour approfondir la critique du système hétérosexuel et la manière dont il sert le capitalisme. Au contraire, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’écriture de la partie sur les relations au vivant, par peur de me lancer dans quelque chose de naïf et de désincarné après tout ça. L’angle d’attaque du binarisme m’a permis de me lancer, quitte à laisser de côté pour l’instant l’aspect de la spiritualité que je pensais aborder.

Nous sommes aussi curieux et curieuses de comprendre comment vous travaillez à « quatre mains » ou plutôt deux claviers.
Timothé : Pour l’instant nous avons avancé chacun.e de notre côté. D’abord parce que nous n’avons pas le même volume horaire à consacrer à l’écriture. Margaux peut passer plusieurs jours de la même semaine à écrire, moi non. Si nous écrivions sur les mêmes parties, il se créerait des disparités d’avancement qui retarderaient l’écriture. Dans une autre situation, nous aurions sûrement essayé d’écrire le plus souvent à quatre mains, mais dans la configuration actuelle il nous a semblé plus sage d’avancer chacun⋅e sur des parties différentes. Nous avons prévu d’écrire à quatre mains le chapitre sur les ZADs, car il sera en partie le résultat de notre expérience partagée de ce terrain.

énorme canard en plastique jaune flottant dans le port de Hong Kong

« Hong Kong Giant Rubber Duck » par IQRemix, licence CC BY-SA 2.0.

Pour ce qui est de l’équipe, il faut que je me lâche et j’accepte d’essayer ce concept du « canard en plastique », en envoyant ma partie alors qu’elle n’est pas encore dans un état où je me dis « allez c’est bon, c’est propre, je peux la faire lire ». Je n’ai jamais essayé cette méthode et c’est un peu impressionnant.

Margaux : Pour ma part les retours de l’équipe sont très précieux parce qu’ils me permettent d’affiner ma pensée, de la rendre plus précise et d’éviter les non-sens. Il y a aussi les yeux de lynx pour les fautes, les coquilles, les niveaux de langage non adéquats. Entre le brouillon et la version finale, il y a des commentaires et de nombreuses relectures. Merci pour ça !

L’attribution d’une bourse de création par DLeC est une tentative modeste de montrer que le travail initial d’écriture devrait dans un monde idéal être rémunéré en amont. Quel est l’apport de cette bourse dans votre travail ? Aurait-il existé ? Aurait-il eu la même forme ? Selon vous, en fonction de votre expérience, quel devrait être le statut « idéal » d’auteur-autrice ?
Timothé : C’est à la fois super chouette car cela permet de décharger en partie l’auteurice de la nécessité de faire une œuvre commerciale, mais c’est aussi une très grosse pression. Être contractuellement engagés à écrire, cela veut dire que nous devons réussir. C’est moteur, cela pousse à ne pas lâcher le morceau, mais pour moi c’est aussi une pression car l’échec est toujours possible. Néanmoins, décharger les auteurices, surtout professionnel⋅les de la précarité durant la phrase d’écriture est une magnifique ambition qui ne peut qu’être encouragée.

sur l'herbe au bord de l'eau, les outils offerts par une main engageante à qui veut écrire : machine à écrire (mécanique, d'autrefois), coussin rouge, théière, brioche, cookies, rame de papier

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Margaux : Je suis d’accord, ce projet ne se serait jamais concrétisé sans cette bourse. Personnellement, je ne pense pas que j’aurais écrit d’essai. C’est vraiment une chance incroyable d’affiner ma pensée politique, de prendre le temps de lire des essais, de me demander « qu’est-ce que je pense à ce sujet ? » … et de créer des liens, comme une toile d’araignée, entre mes lectures, mes discussions, des idées politiques qui a priori ne réclament pas de filiations les unes avec les autres…
Dans l’idéal, je pense que le statut d’artiste-auteur⋅ice devrait rejoindre le régime d’intermittent.e. En vérité, la frontière est très fine. De nombreux auteur⋅ices réalisent des lectures, des performances, des masterclass, des ateliers qui sont très similaires au travail d’un⋅e comédien⋅ne. De la même manière qu’iels ont besoin de temps pour écrire et monter leur pièce de théâtre, les auteur⋅ices ont besoin de temps rémunéré pour créer une œuvre et la faire vivre dans le monde.

gros plan sur une main de petite fille qui écrit avec un crayon sur une page blanche

« Get Ready, Get Set, Write » par MellieRene, licence CC BY-NC 2.0

Même question pour le rapport avec l’éditeur ?
Timothé : Sans un éditeur qui nous pousse à écrire, ce travail serait juste resté dans nos têtes ! Nous aurions sûrement refait le passé autour d’un verre en nous demandant si nous aurions changé ou pas le monde avec « L’amour en Commun ». Personnellement, je n’avais pas prévu d’écrire un autre livre, si « L’amour en Commun » existe dans le futur, ce sera entièrement sous l’impulsion de Framasoft, des Livres en Commun et aussi un peu de Margaux qui a entendu parler de l’appel à écriture et m’a poussé à répondre avec elle.
D’un point de vue plus applicatif, c’est pour moi la première fois que j’ai un éditeur à qui je suis redevable de ce que j’écris. C’est super de pouvoir être confirmé et conseillé mais comme tout ce qui inclut plus d’une personne, cela va nous obliger à nous entendre.

Margaux : Je n’ai encore jamais été éditée, mis à part en revue. Mais les revues que je préfère sont celles qui m’ont demandé de modifier mon texte et avec lesquelles nous avons eu de vrais échanges à ce sujet ! Pour moi, un⋅e éditeur⋅ice, ce n’est pas seulement quelqu’un qui tamponne le sceau « publiable » sur notre manuscrit, ou le met en vente. Cela devrait être une véritable relation de soutien, de regard critique, d’échange et d’accompagnement pour amener ledit manuscrit vers la forme finie du livre. Je tiens beaucoup à cet espace collectif du retravail. Je crois qu’il est très important pour passer de l’intime à l’objet « livre », indépendant de l’auteur⋅ice. Vous êtes très bons là-dessus Frama, merci beaucoup pour votre soutien et votre patience !

Merci Margaux et Timothé, à bientôt !

 

Google et son robot pipoteur(*), selon Doctorow

Par : Framalang
3 mars 2023 à 03:35

Source de commentaires alarmants ou sarcastiques, les robots conversationnels qui reposent sur l’apprentissage automatique ne provoquent pas seulement l’intérêt du grand public, mais font l’objet d’une course de vitesse chez les GAFAM.

Tout récemment, peut-être pour ne pas être à la traîne derrière Microsoft qui veut adjoindre un chatbot à son moteur de recherche Bing, voilà que Google annonce sa ferme résolution d’en faire autant. Dans l’article traduit pour vous par framalang, Cory Doctorow met en perspective cette décision qui lui semble absurde en rappelant les échecs de Google qui a rarement réussi à créer quoi que ce soit…

(*) Merci à Clochix dont nous adoptons dans notre titre la suggestion.

Article original : Google’s chatbot panic

Traduction Framalang : Fabrice, goofy, jums, Henri-Paul, Sysy, wisi_eu,

L’assistant conversationnel de Google en panique

par Cory Doctorow

 

Photo Jonathan Worth CC-BY-SA

 

 

Il n’y a rien d’étonnant à ce que Microsoft décide que l’avenir de la recherche en ligne ne soit plus fondé sur les liens dans une page web, mais de là à la remplacer par des longs paragraphes fleuris écrits dans un chatbot qui se trouve être souvent mensonger… — et en plus Google est d’accord avec ce concept.

Microsoft n’a rien à perdre. Il a dépensé des milliards pour Bing, un moteur de recherche que personne n’utilise volontairement. Alors, sait-on jamais, essayer quelque chose d’aussi stupide pourrait marcher. Mais pourquoi Google, qui monopolise plus de 90 % des parts des moteurs de recherche dans le monde, saute-t-il dans le même bateau que Microsoft ?

le long d'un mur de brique rouge sur lequel est suspendu un personnage ovoïde au visage très inquiet (Humpty-Dumpty le gros œuf), deux silhouettes jumelles (Tweedle-dee et Tweedle-dum les personnages de De l'autre côté du_miroir de Lewis Carroll) représentent avec leur logo sur le ventre Bing et google, chacun d'eaux a une tête qui évoque le robot Hal de 2001, à savoir une lueur rouge sur fond noir qui fait penser à un œil.

Il y a un délicieux fil à dérouler sur Mastodon, écrit par Dan Hon, qui compare les interfaces de recherche merdiques de Bing et Google à Tweedledee et Tweedledum :

https://mamot.fr/@danhon@dan.mastohon.com/109832788458972865

Devant la maison, Alice tomba sur deux étranges personnages, tous deux étaient des moteurs de recherche.
— moi, c’est Google-E, se présenta celui qui était entièrement recouvert de publicités
— et moi, c’est Bingle-Dum, fit l’autre, le plus petit des deux, et il fit la grimace comme s’il avait moins de visiteurs et moins d’occasions de mener des conversations que l’autre.
— je vous connais, répondit Alice, vous allez me soumettre une énigme ? Peut-être que l’un de vous dit la vérité et que l’autre ment ?
— Oh non, fit Bingle-Dum
— Nous mentons tous les deux, ajouta Google-E

Mais voilà le meilleur :

— Cette situation est vraiment intolérable, si vous mentez tous les deux.

— mais nous mentons de façon très convaincante, précisa Bingle-Dum

— D’accord, merci bien. Dans ce cas, comment puis-je vous faire jamais confiance ni / confiance à l’un ni/ou à l’autre ? Dans ce cas, comment puis-je faire confiance à l’un d’entre vous ?

Google-E et Bingle-Dum se tournèrent l’un vers l’autre et haussèrent les épaules.

La recherche par chatbot est une très mauvaise idée, surtout à un moment où le Web est prompt à se remplir de vastes montagnes de conneries générées via l’intelligence artificielle, comme des jacassements statiques de perroquets aléatoires :

La stratégie du chatbot de Google ne devrait pas consister à ajouter plus de délires à Internet, mais plutôt à essayer de trouver comment exclure (ou, au moins, vérifier) les absurdités des spammeurs et des escrocs du référencement.

Et pourtant, Google est à fond dans les chatbots, son PDG a ordonné à tout le monde de déployer des assistants conversationnels dans chaque recoin de l’univers Google. Pourquoi diable est-ce que l’entreprise court après Microsoft pour savoir qui sera le premier à décevoir des espérances démesurées ?

J’ai publié une théorie dans The Atlantic, sous le titre « Comment Google a épuisé toutes ses idées », dans lequel j’étudie la théorie de la compétition pour expliquer l’insécurité croissante de Google, un complexe d’anxiété qui touche l’entreprise quasiment depuis sa création :

L’idée de base : il y a 25 ans, les fondateurs de Google ont eu une idée extraordinaire — un meilleur moyen de faire des recherches. Les marchés financiers ont inondé l’entreprise en liquidités, et elle a engagé les meilleurs, les personnes les plus brillantes et les plus créatives qu’elle pouvait trouver, mais cela a créé une culture d’entreprise qui était incapable de capitaliser sur leurs idées.

Tous les produits que Google a créés en interne, à part son clone de Hotmail, sont morts. Certains de ces produits étaient bons, certains horribles, mais cela n’avait aucune importance. Google, une entreprise qui promouvait la culture du baby-foot et la fantaisie de l’usine Willy Wonka [NdT: dans Charlie et la chocolaterie, de Roald Dahl], était totalement incapable d’innover.

Toutes les réussites de Google, hormis son moteur de recherche et gmail, viennent d’une acquisition : mobile, technologie publicitaire, vidéos, infogérance de serveurs, docs, agenda, cartes, tout ce que vous voulez. L’entreprise souhaite plus que tout être une société qui « fabrique des choses », mais en réalité elle « achète des choses ». Bien sûr, ils sont très bons pour rendre ces produits opérationnels et à les faire « passer à l’échelle », mais ce sont les enjeux de n’importe quel monopole :

La dissonance cognitive d’un « génie créatif » autoproclamé, dont le véritable génie est de dépenser l’argent des autres pour acheter les produits des autres, et de s’en attribuer le mérite, pousse les gens à faire des choses vraiment stupides (comme tout utilisateur de Twitter peut en témoigner).
Google a longtemps montré cette pathologie. Au milieu des années 2000 – après que Google a chassé Yahoo en Chine et qu’il a commencé à censurer ses résultats de recherche, puis collaboré à la surveillance d’État — nous avions l’habitude de dire que le moyen d’amener Google à faire quelque chose de stupide et d’autodestructeur était d’amener Yahoo à le faire en premier lieu.

C’était toute une époque. Yahoo était désespéré et échouait, devenant un cimetière d’acquisitions prometteuses qui étaient dépecées et qu’on laissait se vider de leur sang, laissées à l’abandon sur l’Internet public, alors que les princes duellistes de la haute direction de Yahoo se donnaient des coups de poignard dans le dos comme dans un jeu de rôle genre les Médicis, pour savoir lequel saboterait le mieux l’autre. Aller en Chine fut un acte de désespoir après l’humiliation pour l’entreprise que fut le moteur de recherche largement supérieur de Google. Regarder Google copier les manœuvres idiotes de Yahoo était stupéfiant.

C’était déconcertant, à l’époque. Mais à mesure que le temps passait, Google copiait servilement d’autres rivaux et révélait ainsi une certaine pathologie d’insécurité. L’entreprise échouait de manière récurrente à créer son réseau « social », et comme Facebook prenait toujours plus de parts de marché dans la publicité, Google faisait tout pour le concurrencer. L’entreprise fit de l’intégration de Google Plus un « indictateur1 de performance » dans chaque division, et le résultat était une agrégation étrange de fonctionnalités « sociales » défaillantes dans chaque produit Google — produits sur lesquels des milliards d’utilisateurs se reposaient pour des opérations sensibles, qui devenaient tout à coup polluées avec des boutons sociaux qui n’avaient aucun sens.

La débâcle de G+ fut à peine croyable : certaines fonctionnalités et leur intégration étaient excellentes, et donc logiquement utilisées, mais elles subissaient l’ombrage des incohérences insistantes de la hiérarchie de Google pour en faire une entreprise orientée réseaux sociaux. Quand G+ est mort, il a totalement implosé, et les parties utiles de G+ sur lesquelles les gens se reposaient ont disparu avec les parties aberrantes.

Pour toutes celles et ceux qui ont vécu la tragi-comédie de G+, le virage de Google vers Bard, l’interface chatbot pour les résultats du moteur de recherche, semble tristement familier. C’est vraiment le moment « Mourir en héros ou vivre assez longtemps pour devenir un méchant ». Microsoft, le monopole qui n’a pas pu tuer la jeune pousse Google à cause de son expérience traumatisante des lois antitrust, est passé d’une entreprise qui créait et développait des produits à une entreprise d’acquisitions et d’opérations, et Google est juste derrière elle.

Pour la seule année dernière, Google a viré 12 000 personnes pour satisfaire un « investisseur activiste » privé. La même année, l’entreprise a racheté 70 milliards de dollars en actions, ce qui lui permet de dégager suffisamment de capitaux pour payer les salaires de ses 12 000 « Googleurs » pendant les 27 prochaines années. Google est une société financière avec une activité secondaire dans la publicité en ligne. C’est une nécessité : lorsque votre seul moyen de croissance passe par l’accès aux marchés financiers pour financer des acquisitions anticoncurrentielles, vous ne pouvez pas vous permettre d’énerver les dieux de l’argent, même si vous avez une structure à « double pouvoir » qui permet aux fondateurs de l’emporter au vote contre tous les autres actionnaires :

https://abc.xyz/investor/founders-letters/2004-ipo-letter/

ChatGPT et ses clones cochent toutes les cases d’une mode technologique, et sont les dignes héritiers de la dernière saison du Web3 et des pics des cryptomonnaies. Une des critiques les plus claires et les plus inspirantes des chatbots vient de l’écrivain de science-fiction Ted Chiang, dont la critique déjà culte est intitulée « ChatGPT est un une image JPEG floue du Web » :

https://www.newyorker.com/tech/annals-of-technology/chatgpt-is-a-blurry-jpeg-of-the-web

Chiang souligne une différence essentielle entre les résultats de ChatGPT et ceux des humains : le premier jet d’un auteur humain est souvent une idée originale, mal exprimée, alors que le mieux que ChatGPT puisse espérer est une idée non originale, exprimée avec compétence. ChatGPT est parfaitement positionné pour améliorer la soupe de référencement que des légions de travailleurs mal payés produisent dans le but de grimper dans les résultats de recherche de Google.

En mentionnant l’article de Chiang dans l’épisode du podcast « This Machine Kills », Jathan Sadowski perce de manière experte la bulle de la hype ChatGPT4, qui soutient que la prochaine version du chatbot sera si étonnante que toute critique de la technologie actuelle en deviendra obsolète.

Sadowski note que les ingénieurs d’OpenAI font tout leur possible pour s’assurer que la prochaine version ne sera pas entraînée sur les résultats de ChatGPT3. Cela en dit long : si un grand modèle de langage peut produire du matériel aussi bon qu’un texte produit par un humain, alors pourquoi les résultats issus de ChatGPT3 ne peuvent-ils pas être utilisés pour créer ChatGPT4 ?

Sadowski utilise une expression géniale pour décrire le problème :  « une IA des Habsbourg ». De même que la consanguinité royale a produit une génération de prétendus surhommes incapables de se reproduire, l’alimentation d’un nouveau modèle par le flux de sortie du modèle précédent produira une spirale infernale toujours pire d’absurdités qui finira par disparaître dans son propre trou du cul.

 

Crédit image (modifiée) : Cryteria, CC BY 3.0

Démystifier les conneries sur l’IA – Une interview

Par : Goofy
22 février 2023 à 16:54

Cet article a été publié à l’origine par THE MARKUP, il a été traduit et republié selon les termes de la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives
Publication originale sur le site themarkup.org

Démystifier le buzz autour de l’IA

Un entretien avec Arvind Narayanan

par JULIA ANGWIN
Si vous avez parcouru tout le battage médiatique sur ChatGPT le dernier robot conversationnel qui repose sur l’intelligence artificielle, vous pouvez avoir quelque raison de croire que la fin du monde est proche.

Le chat « intelligent » de l’IA a enflammé l’imagination du public pour sa capacité à générer instantanément des poèmes, des essais, sa capacité à imiter divers styles d’écrits, et à réussir à des examens d’écoles de droit et de commerce.

Les enseignants s’inquiètent de la tricherie possible de leurs étudiants (des écoles publiques de New York City l’ont déjà interdit). Les rédacteurs se demandent si cela ne va pas faire disparaître leur travail (BuzzFeed et CNET ont déjà utilisé l’IA pour créer des contenus). Le journal The Atlantic a déclaré que cela pourrait « déstabiliser les professions de cadres supérieurs ». L’investisseur en capital-risque Paul Kedrosky l’a qualifié de « bombe nucléaire de poche » et blâmé ses concepteurs pour l’avoir lancé dans une société qui n’y est pas prête.

Même le PDG de l’entreprise qui a lancé ChatGPT, Sam Altman, a déclaré aux médias que le pire scénario pour l’IA pourrait signifier « notre extinction finale ».

Cependant pour d’autres ce buzz est démesuré. Le principal scientifique chargé de l’IA chez Meta’s AI, Yann LeCun, a déclaré à des journalistes que ChatGPT n’a « rien de révolutionnaire ». Le professeur de langage informatique de l’université de Washington Emily Bender précise que « la croyance en un programme informatique omniscient vient de la science-fiction et devrait y rester ».

Alors, jusqu’à quel point devrions-nous nous inquiéter ? Pour recueillir un avis autorisé, je me suis adressée au professeur d’informatique de Princeton Arvind Narayanan, qui est en train de co-rédiger un livre sur « Le charlatanisme de l’IA ». En 2019, Narayanan a fait une conférence au MIT intitulée « Comment identifier le charlatanisme del’IA » qui exposait une classification des IA en fonction de leur validité ou non. À sa grande surprise, son obscure conférence universitaire est devenue virale, et ses diapos ont été téléchargées plusieurs dizaines de milliers de fois ; ses messages sur twitter qui ont suivi ont reçu plus de deux millions de vues.

Narayanan s’est alors associé à l’un de ses étudiants, Sayash Kapoor, pour développer dans un livre la classification des IA. L’année dernière, leur duo a publié une liste de 18 pièges courants dans lesquels tombent régulièrement les journalistes qui couvrent le sujet des IA. Presque en haut de la liste : « illustrer des articles sur l’IA avec de chouettes images de robots ». La raison : donner une image anthropomorphique des IA implique de façon fallacieuse qu’elles ont le potentiel d’agir dans le monde réel.

Narayanan est également le co-auteur d’un manuel sur l’équité et l’apprentissage machine et dirige le projet Web Transparency and Accountability de l’université de Princeton pour contrôler comment les entreprises collectent et utilisent les informations personnelles. Il a reçu de la Maison-Blanche le Presidential Early Career Award for Scientists and Engineers [N. de T. : une distinction honorifique pour les scientifiques et ingénieurs qui entament brillamment leur carrière].

Voici notre échange, édité par souci de clarté et brièveté.

Angwin : vous avez qualifié ChatGPT de « générateur de conneries ». Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire ?

Narayanan : Sayash Kapoor et moi-même l’appelons générateur de conneries et nous ne sommes pas les seuls à le qualifier ainsi. Pas au sens strict mais dans un sens précis. Ce que nous voulons dire, c’est qu’il est entraîné pour produire du texte vraisemblable. Il est très bon pour être persuasif, mais n’est pas entraîné pour produire des énoncés vrais ; s’il génère souvent des énoncés vrais, c’est un effet collatéral du fait qu’il doit être plausible et persuasif, mais ce n’est pas son but.

Cela rejoint vraiment ce que le philosophe Harry Frankfurt a appelé du bullshit, c’est-à-dire du langage qui a pour objet de persuader sans égards pour le critère de vérité. Ceux qui débitent du bullshit se moquent de savoir si ce qu’ils disent est vrai ; ils ont en tête certains objectifs. Tant qu’ils persuadent, ces objectifs sont atteints. Et en effet, c’est ce que fait ChatGPT. Il tente de persuader, et n’a aucun moyen de savoir à coup sûr si ses énoncés sont vrais ou non.

Angwin : Qu’est-ce qui vous inquiète le plus avec ChatGPT ?

Narayanan : il existe des cas très clairs et dangereux de mésinformation dont nous devons nous inquiéter. Par exemple si des personnes l’utilisent comme outil d’apprentissage et accidentellement apprennent des informations erronées, ou si des étudiants rédigent des essais en utilisant ChatGPT quand ils ont un devoir maison à faire. J’ai appris récemment que le CNET a depuis plusieurs mois maintenant utilisé des outils d’IA générative pour écrire des articles. Même s’ils prétendent que des éditeurs humains ont vérifié rigoureusement les affirmations de ces textes, il est apparu que ce n’était pas le cas. Le CNET a publié des articles écrits par une IA sans en informer correctement, c’est le cas pour 75 articles, et plusieurs d’entre eux se sont avérés contenir des erreurs qu’un rédacteur humain n’aurait très probablement jamais commises. Ce n’était pas dans une mauvaise intention, mais c’est le genre de danger dont nous devons nous préoccuper davantage quand des personnes se tournent vers l’IA en raison des contraintes pratiques qu’elles affrontent. Ajoutez à cela le fait que l’outil ne dispose pas d’une notion claire de la vérité, et vous avez la recette du désastre.

Angwin : Vous avez développé une classification des l’IA dans laquelle vous décrivez différents types de technologies qui répondent au terme générique de « IA ». Pouvez-vous nous dire où se situe ChatGPT dans cette taxonomie ?

Narayanan : ChatGPT appartient à la catégorie des IA génératives. Au plan technologique, elle est assez comparable aux modèles de conversion de texte en image, comme DALL-E [qui crée des images en fonction des instructions textuelles d’un utilisateur]. Ils sont liés aux IA utilisées pour les tâches de perception. Ce type d’IA utilise ce que l’on appelle des modèles d’apprentissage profond. Il y a environ dix ans, les technologies d’identification par ordinateur ont commencé à devenir performantes pour distinguer un chat d’un chien, ce que les humains peuvent faire très facilement.

Ce qui a changé au cours des cinq dernières années, c’est que, grâce à une nouvelle technologie qu’on appelle des transformateurs et à d’autres technologies associées, les ordinateurs sont devenus capables d’inverser la tâche de perception qui consiste à distinguer un chat ou un chien. Cela signifie qu’à partir d’un texte, ils peuvent générer une image crédible d’un chat ou d’un chien, ou même des choses fantaisistes comme un astronaute à cheval. La même chose se produit avec le texte : non seulement ces modèles prennent un fragment de texte et le classent, mais, en fonction d’une demande, ces modèles peuvent essentiellement effectuer une classification à l’envers et produire le texte plausible qui pourrait correspondre à la catégorie donnée.

Angwin : une autre catégorie d’IA dont vous parlez est celle qui prétend établir des jugements automatiques. Pouvez-vous nous dire ce que ça implique ?

Narayanan : je pense que le meilleur exemple d’automatisation du jugement est celui de la modération des contenus sur les médias sociaux. Elle est nettement imparfaite ; il y a eu énormément d’échecs notables de la modération des contenus, dont beaucoup ont eu des conséquences mortelles. Les médias sociaux ont été utilisés pour inciter à la violence, voire à la violence génocidaire dans de nombreuses régions du monde, notamment au Myanmar, au Sri Lanka et en Éthiopie. Il s’agissait dans tous les cas d’échecs de la modération des contenus, y compris de la modération du contenu par l’IA.

Toutefois les choses s’améliorent. Il est possible, du moins jusqu’à un certain point, de s’emparer du travail des modérateurs de contenus humains et d’entraîner des modèles à repérer dans une image de la nudité ou du discours de haine. Il existera toujours des limitations intrinsèques, mais la modération de contenu est un boulot horrible. C’est un travail traumatisant où l’on doit regarder en continu des images atroces, de décapitations ou autres horreurs. Si l’IA peut réduire la part du travail humain, c’est une bonne chose.

Je pense que certains aspects du processus de modération des contenus ne devraient pas être automatisés. Définir où passe la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui est inacceptable est chronophage. C’est très compliqué. Ça demande d’impliquer la société civile. C’est constamment mouvant et propre à chaque culture. Et il faut le faire pour tous les types possibles de discours. C’est à cause de tout cela que l’IA n’a pas de rôle à y jouer.

Angwin : vous décrivez une autre catégorie d’IA qui vise à prédire les événements sociaux. Vous êtes sceptique sur les capacités de ce genre d’IA. Pourquoi ?

Narayanan : c’est le genre d’IA avec laquelle les décisionnaires prédisent ce que pourraient faire certaines personnes à l’avenir, et qu’ils utilisent pour prendre des décisions les concernant, le plus souvent pour exclure certaines possibilités. On l’utilise pour la sélection à l’embauche, c’est aussi célèbre pour le pronostic de risque de délinquance. C’est aussi utilisé dans des contextes où l’intention est d’aider des personnes. Par exemple, quelqu’un risque de décrocher de ses études ; intervenons pour suggérer un changement de filière.

Ce que toutes ces pratiques ont en commun, ce sont des prédictions statistiques basées sur des schémas et des corrélations grossières entre les données concernant ce que des personnes pourraient faire. Ces prédictions sont ensuite utilisées dans une certaine mesure pour prendre des décisions à leur sujet et, dans de nombreux cas, leur interdire certaines possibilités, limiter leur autonomie et leur ôter la possibilité de faire leurs preuves et de montrer qu’elles ne sont pas définies par des modèles statistiques. Il existe de nombreuses raisons fondamentales pour lesquelles nous pourrions considérer la plupart de ces applications de l’IA comme illégitimes et moralement inadmissibles.

Lorsqu’on intervient sur la base d’une prédiction, on doit se demander : « Est-ce la meilleure décision que nous puissions prendre ? Ou bien la meilleure décision ne serait-elle pas celle qui ne correspond pas du tout à une prédiction ? » Par exemple, dans le scénario de prédiction du risque de délinquance, la décision que nous prenons sur la base des prédictions est de refuser la mise en liberté sous caution ou la libération conditionnelle, mais si nous sortons du cadre prédictif, nous pourrions nous demander : « Quelle est la meilleure façon de réhabiliter cette personne au sein de la société et de diminuer les risques qu’elle ne commette un autre délit ? » Ce qui ouvre la possibilité d’un ensemble beaucoup plus large d’interventions.

Angwin : certains s’alarment en prétendant que ChatGPT conduit à “l’apocalypse,” pourrait supprimer des emplois et entraîner une dévalorisation des connaissances. Qu’en pensez-vous ?

Narayanan : Admettons que certaines des prédictions les plus folles concernant ChatGPT se réalisent et qu’il permette d’automatiser des secteurs entiers de l’emploi. Par analogie, pensez aux développements informatiques les plus importants de ces dernières décennies, comme l’internet et les smartphones. Ils ont remodelé des industries entières, mais nous avons appris à vivre avec. Certains emplois sont devenus plus efficaces. Certains emplois ont été automatisés, ce qui a permis aux gens de se recycler ou de changer de carrière. Il y a des effets douloureux de ces technologies, mais nous apprenons à les réguler.

Même pour quelque chose d’aussi impactant que l’internet, les moteurs de recherche ou les smartphones, on a pu trouver une adaptation, en maximisant les bénéfices et minimisant les risques, plutôt qu’une révolution. Je ne pense pas que les grands modèles de langage soient même à la hauteur. Il peut y avoir de soudains changements massifs, des avantages et des risques dans de nombreux secteurs industriels, mais je ne vois pas de scénario catastrophe dans lequel le ciel nous tomberait sur la tête.

Comme toujours, merci de votre attention.

À bientôt,
Julia Angwin
The Markup

On peut s’abonner ici à la lettre hebdomadaire (en anglais) du magazine The Markup, envoyée le samedi.

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