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Framalibre : Une refonte pour revenir à l’essentiel

Par : Framasoft
10 avril 2024 à 04:23

L’annuaire des outils numériques libres et éthiques a fait peau neuve fin 2023, pour devenir encore plus pratique et faciliter les recommandations. Petit tour en coulisses pour vous expliquer le parcours de cette refonte.

Ici Maiwann qui vous écrit d’un café, enfin d’une gare, en train d’attendre son train de 17h23 parce que le train de 16h24 a été annulé.

Est-ce qu’il y a un meilleur moment pour vous raconter l’histoire de la refonte de Framalibre ? Je ne crois pas, et en plus la touche E de mon clavier fonctionne pour l’instant, alors c’est parti pour ce long article qui vous raconte les coulisses.

Houston, on va (bientôt) avoir un problème !

Les plus vieux d’entre vous le savent peut-être, Framalibre est en quelque sorte le projet fondateur de Framasoft, qui a commencé en s’appelant Framasoft.net avec une liste de logiciels gratuits pour l’éducation, avant de devenir une liste de logiciels… libres !

Il y a déjà eu plusieurs évolutions de l’annuaire, car on part initialement d’un site qui sent bon les années 2000 vous en conviendrez vous-même :)

La première version de Framalibre appelé Framasoft.net à l'époque La seconde version de Framalibre, qui fleure bon les années 2000 La troisième version de Framalibre , un annuaire bien fourni La quatrième et dernière version de framalibre, sorti en décembre 2023, avec de belles illustrations

La version historique de Framalibre, qui n’avait d’ailleurs pas de nom à l’époque fonctionnait sous SPIP. Elle était uniquement centrée sur les logiciels libres.

En 2017, une première refonte de l’annuaire a vu le jour, sous Drupal, grâce à Makina Corpus via un mécénat de compétences. À cette occasion, le nom de Framalibre est donné à ce service. L’objectif consiste alors à ne plus restreindre l’annuaire aux logiciels libres mais à l’élargir aux œuvres culturelles, au matériel, aux structures libres.

Or, quand on a un projet aussi vieux, et aussi connu pour représenter l’association, faire une refonte entraîne tout un tas de complexités, de la gestion des données qui fêtent pour certaines leur majorité, à un changement d’interface qui peut bousculer les utilisateurices… cela représente une grosse masse de travail. Mais alors pourquoi est-ce qu’on s’est lancé·es ?

Pourquoi donc se lancer dans ce chantier ?

Ce qui ne pardonne pas : la dette technique

La dernière version de Framalibre se basait sur un Drupal, version 7. Or, cette version n’était plus mise à jour depuis un moment, et allait bientôt devenir désuète. Il faut dire que l’annuaire tournait assez bien tout seul, nécessitant surtout un peu de modération mais pas particulièrement de compétences techniques… ce qui fait que personne n’avait le Drupal actuel suffisamment en main pour le faire évoluer… il fallait trouver l’énergie et pour réaliser cette montée en version, eh bien de l’énergie, il n’y en avait pas beaucoup.

Vous me direz “Mais Maiwann, ce n’est pas parce que c’est une refonte technique qu’il faut aussi chambouler toute l’interface”. Et vous auriez raison. Mais, il n’y avait pas que la partie technique !

Les autres indices

En 2018, nous avions réalisé une enquête afin de savoir ce que vous pensiez de nos services. Lors de l’analyse des réponses, il s’avérait que le seul reproche fait à Framalibre était lié au changement d’interface qui décontenançait les répondant·es.

8 retours sur l'ergonomie et le graphisme, les autres champs sont à 1 (dysfonctionnement du service, manque/proposition de fonctionnalité) ou 0 (Remerciements, Accessibilité, Documentation d'utilisation, Documentation pour l'hébergement, Regrette frmeture inscription, lenteur à l'utilisation, adaptation mobile

Évidemment, il y a toujours un peu de réactance face au changement. Mais de mon œil d’ergonome, on retrouvait tout de même des points un peu compliqués :

  • Une interface très chargée notamment pour la version mobile, ça donnait envie de la faire évoluer !
  • La catégorisation “S’équiper”, “Se cultiver” et “S’informer” n’était pas parlante pour les utilisateurices. S’ensuivait une complexité à trouver ce que l’on cherchait plutôt qu’une facilité à naviguer, dommage.
  • L’évolution des logiciels “à télécharger” vers les services en ligne qui sont maintenant majoritaires a pris de court notre catégorisation. Nous avions alors créé une catégorie “Cloud / WebApp” mais un logiciel ne pouvait rentrer que dans une seule catégorie… Alors comment faire quand votre logiciel correspondait à la fois à “Bureautique” et à “WebApp” ?
  • La base de données n’était pas accessible facilement à des personnes extérieures qui auraient voulu récupérer l’ensemble des notices Framalibre… dommage pour une liste de logiciels libres.

Tout ça nous a permis de réaliser que l’ambition de la première refonte de Framalibre, qui était de faire un annuaire du Libre en général, (c’est-à-dire ne pas se contenter des logiciels) était trop ambitieuse.

Cela impliquait des rédactions de notices trop longues, trop informelles ; les contributions concernaient de toute façon en majorité des logiciels… Nous en avons conclu que finalement, Framalibre devait rester un annuaire de logiciels libres avant tout. Le mélange des genres ne marchait pas.

De même les gadgets que nous avions voulu, eux, n’étaient pas ergonomiques ni clairs :

  • le système de vote pour promouvoir un logiciel avec les étoiles (qui fut assez vite abandonné)
  • le système de registres (un utilisateur inscrit pouvait créer une liste de ses logiciels préférés).
  • l’historique des modification des notices : chacun pouvait voir qui avait modifié quoi, qui était l’initiateur d’une notice, etc. Tout cela constituait un système trop complexe pour finalement ne fournir qu’un service que l’utilisateur veut simple à l’usage et direct à la lecture.

Bref, toutes ces frictions techniques ajoutées aux frictions ergonomiques, ont fait que nous avons commencé à discuter de la refonte que nous voulions…

Tout cramer pour repartir sur des bases saines

Lors de nos premières discussions autour de cette refonte, nous avons envisagé deux pistes : – Mettre à jour le Drupal existant, – Repartir sur une base technique nouvelle.

En n’étant pas expert·e Drupal, dur dur de se rendre compte de la masse de travail que représentait la montée en version. Et notre manque de contrôle sur les données nous frustrait. C’est ce manque de contrôle qui a guidé notre choix : nous voulions repartir sur quelque chose de plus simple et de plus résilient.

C’est comme cela qu’est venu le choix de réaliser un site statique, avec des données au format YAML ou Markdown. Si vous n’y comprenez rien, pas de panique on vous explique ça simplement : Markdown et YAML, ce sont des façons d’écrire les informations dans nos notices qui seront simples à lire pour un ordinateur comme pour des humains.

Regardez plutôt l’exemple suivant, ce sont les informations de la notice d’un petit logiciel que nous aimons bien :

Contenu en Markdown d'une notice Excalidraw (disponible sur https://framagit.org/framasoft/framalibre/-/blob/main/_notices/Excalidraw.md )

Facile à lire n’est-ce pas ? Eh bien c’est à partir de ce document, ce code en YAML/Markdown en fait, que sa notice est actuellement générée. Si vous n’êtes pas développeur·euse, voire que vous n’y comprenez rien au code, félicitations vous venez de lire (et comprendre, peut-être) du code informatique qui se transforme en page de site internet !

Les choix d’une refonte

Une fois cette décision technique prise, il fallait commencer à faire le ménage. Puisque nous étions parties pour tout refaire, il était temps de remettre en question des choix qui ont été faits il y a fort fort longtemps.

Voici une petite liste des questions qui se sont posées :

Garder les captures d’écran ?
– Pour : elles permettent de se rendre compte de ce à quoi ressemble le logiciel rapidement
– Contre : elles deviennent vite obsolètes, et il faut les remettre à jour
– Décision : trop de contenu à surveiller, les utilisateurices peuvent découvrir le logiciel en allant sur son site web, on ne garde pas !

Garder les noms des créateurices d’un logiciel ?
– Pour : cela valorise le travail effectué, souvent bénévolement, par une personne
– Contre : cela personnifie le travail réalisé alors que l’idéal, c’est quand il y a un collectif derrière le logiciel et non pas une personne unique…
– Décision : pour l’instant, on garde

Les notices d’œuvres culturelles sous licence libre, on garde ou on jette ?
– Pour : c’est chouette de documenter les réalisations artistiques sous licence libre
– Contre : nous n’avons pas assez d’énergie pour dynamiser cette section, et la qualité des œuvres qui s’y trouvent est très aléatoire, pas surs que cela soit une bonne vitrine finalement
– Décision : on ne garde pas, pour se concentrer sur ce qu’on fait de mieux : le logiciel

Le champ « alternative à », on garde ou on jette ?
– En contre, nous avions :
– Beaucoup de personnes utilisent alternativeto, un site qui fait déjà très bien son travail de recherche d’alternatives.
– Dans notre réflexion philosophique, les logiciels libres ne sont pas (ou plus ?) de simples alternatives, mais proposent parfois des fonctionnalités qui ne peuvent simplement pas être proposées par les logiciels propriétaires… Aussi il nous semblait réducteur de continuer à les résumer en « une alternative à »
– Il est parfois décevant de chercher une « alternative à » un logiciel propriétaire que l’on connaît bien et de tomber sur un logiciel libre qui sera profondément différent.
– Mais, nous avons fini par garder ce champ ! Pourquoi ? Parce que dans une recherche, parfois les personnes n’ont à l’esprit que l’outil auquel elles cherchent une alternative. Si philosophiquement ce n’est pas parfait, si nous risquons de décevoir, il vaut quand même mieux laisser le contrôle aux personnes et leur permettre d’avoir des résultats lorsqu’elles font leur recherche.

 

Et ainsi de suite pour chaque sujet, jusqu’à ne garder que ce qui nous semblait vraiment le plus intéressant.

On repart donc sur des bases minimalistes :

– Un annuaire de logiciels libres

– Qui s’offre une mise à jour graphique avec la nouvelle charte de l’association

– Et une amélioration sur le plan ergonomique, ne serait-ce que par la simplification de l’interface, et par la possibilité d’un usage en version mobile

N’ayant pas le combo temps-compétences en interne pour assurer le développement, nous avons fait appel à L’Échappée Belle.

Les priorités que l’on se donne

Si nous voulions une nouvelle version plus simple, nous avons aussi choisi d’avancer sur une frustration : le peu de contributions à cet annuaire.

En effet, Framalibre comptait alors 1054 notices, or nous sommes persuadé·es qu’il y a bon nombre de logiciels, notamment des logiciels un peu “de niche” ou “spécialisés” qui n’ont pas leur page dans notre annuaire !

Pour avancer sur ce terrain, nous avons choisi de faciliter la création de nouvelles notices en :

  • proposant un formulaire très souple, pour lequel seuls sont obligatoires le nom et la licence du logiciel
  • permettant aux personnes de créer une nouvelle notice sans avoir à se créer de compte, c’est ce que nous appelons “les contributions anonymes”

C’était un pari que nous faisions, pari qui pouvait nous coûter cher : est-ce que mettre du temps de développement dans ce formulaire allait réellement donner lieu à de nouvelles contributions ? Est-ce que nous n’allons pas ouvrir Framalibre à tout un ensemble de spammeurs grâce à cette contribution anonyme ?

Il n’y a que le futur qui nous le dira !

Formulaire de contribution sans compte… oui mais, le spam ? !

L’équipe technique de Framasoft a passé une bonne partie de l’année 2023 à gérer du spam, encore et encore. Aussi, le projet de réaliser un formulaire de contribution sans compte apportait-il un nouveau risque, celui qu’il soit utilisé par les spammeurs pour nous casser les pieds.

Aussi avons nous prévu un “gros bouton rouge”, c’est à dire une possibilité de débrancher ce formulaire de contribution en cas de nécessité. Une petite sécurité pour anticiper pas mal de pénibilités, on croise les doigts pour avoir à l’utiliser le plus tard possible !

Et comment ça se passe côté modération ?

Proposer des ajouts, c’est bien, mais il faut s’organiser pour modérer ces propositions et valider (ou non) leur ajout à l’annuaire.

Grâce aux choix techniques de légèreté que nous avons fait pour ce nouveau Framalibre, nous avions la possibilité de l’héberger sur une forge logicielle, généralement surtout utilisée par des développeureuses pour collaborer ensemble.

Or, une forge, ça permet de relire le code de la copine, avant de l’ajouter définitivement à celui du logiciel, ou de discuter sur X ou Y propositions de modification. C’est exactement ce dont nous avions besoin pour la modération de notices : de quoi discuter, de quoi relire, la possibilité de faire “Pouce” ou “Non merci” quand on nous propose une notice pour… Microsoft Excel (oui oui !). Nous nous sommes donc basés sur l’interface de Gitlab, la forge logicielle libre sur laquelle repose Framagit, plutôt que de réinventer la roue.

(Et, je vous le dis depuis le futur, ça fonctionne très bien !)

Mais on en profite aussi pour creuser les usages

Pour se décider parmi cette myriade de micro-choix à faire, et aussi pour confronter Framalibre aux usages (cela avait-il déjà été fait auparavant ? Pas sûr !), j’ai profité de plusieurs rencontres avec vous pour faire tester la refonte en cours de réalisation.

Il en est sorti un apprentissage majeur : lorsque je cherche un outil / service / application libre, une fois ma recherche lancée, si j’ai plusieurs choix, je vais me tourner vers celui dont j’ai déjà entendu parler.

Quelques citations entendues pendant ces tests :

  • « Ah oui, ce logiciel, ça me dit un truc »
  • « Ah, je crois qu’on m’a déjà parlé de celui-là… »
  • « Est-ce qu’il est bien, celui-là ? »
  • « Et maintenant… lequel vous me recommandez ? »

Bref, ça n’est pas tout de lister des logiciels, il y a une part qui semble impondérable : la recommandation d’un·e humain⋅e, soit parmi vos proches, soit croisé⋅e sur un stand, lors d’un atelier, d’une animation… On n’allait pas y couper.

Et là, c’est le moment d’imaginer tout un tas de solutions avant de choisir la meilleure. Cela nous est passé par la tête (non) d’ouvrir une hotline Framalibre pour répondre à toutes vos questions, mais il nous a (étrangement !) semblé un peu compliqué de trouver le temps de la tenir sur la durée, aussi nous avons fait des choix plus… légers pour nos épaules déjà bien chargées (et qui permettent de diffuser ce pouvoir auprès de tous celleux qui ont déjà recommandé un logiciel libre autour d’elleux !)

Étape 1 : les recommandations des membres de Framasoft

Si Framalibre est un projet historique de Framasoft, c’est bien parce que depuis longtemps (toujours ? !), les membres de l’association passent leur temps à recommander leurs logiciels favoris. Nous avons collectivement une grande expérience de tout un tas de logiciels, pour pouvoir répondre à vos questions lorsque l’on tient des stands, selon nos affinités aussi (tout le monde ne saura pas vous recommander des logiciels de design ou de musique, mais certains sauront !), mais surtout parce que nous sommes tous tombés dans la marmite du logiciel libre à un moment ou à un autre, et que lorsqu’on a goûté aux logiciels libérateurs, on a envie de les recommander autour de nous !

Bref, nous avions une expérience suffisante au sein de l’association pour avoir envie de guider les utilisateurices de Framalibre vers les logiciels que nous recommandons déjà lorsque nous vous répondons “en direct”.

Aussi est venue l’idée de rajouter une caractéristique “mis-en-avant” dans les notices, et de créer un encart “Framasoft recommande” en haut de la recherche, pour vous recommander certains logiciels.

Mais (car il y a un mais !), cette section a vite été renommée “Les membres de Framasoft utilisent…”. En effet, si nous avons de l’expérience, nous ne connaissons pas tous les logiciels, et si nous voulons aider les utilisateurices à choisir, nous ne voulons pas leur faire croire que certains logiciels seraient moins “recommandables” que d’autres. Aussi cette section nommée “Les membres de Framasoft utilisent” a un titre bien plus long, mais aussi bien plus proche de la vérité : nous pouvons parler de ce que nous utilisons et nous aimons, rien de plus !

Une capture d'écran montrant des logiciels mis en avant comme étant utilisés par les membres de Framasoft

Étape 2 : dis-moi ce que toi, tu utilises !

Peu importe à quel point nous pouvions essayer d’optimiser la recherche, lorsque nous arrivons au moment où la personne a besoin de la recommandation d’un humain, jusqu’à présent, ça coince.

C’est pourquoi nous avons pensé à une nouvelle fonctionnalité, particulièrement conséquente mais sur laquelle nous basons beaucoup d’espoirs : Les mini-sites de recommandation !

  • Mais dis-moi Maiwann, c’est quoi un mini-site de recommandation ?
  • Eh bien Framy c’est très simple !

Un mini-site de recommandation, c’est une page web que toi, moi, et tous celleux qui le veulent, peuvent réaliser pour lister les outils émancipateurs qu’iels utilisent et les partager autour d’elleux. On peut imaginer les partager :

  • à sa famille,
  • aux membres de son association,
  • aux participant·es d’un de nos ateliers…

Il n’y a pas de limites (c’est libre dira l’autre !) autres que vos envies et votre imagination. Si vous souhaitez faire quatre sites, un pour votre conjoint, l’autre pour votre club de tricot, le troisième pour votre club “Les écolos anonymes”, et enfin pour le festival de musique que vous organisez, n’hésitez pas !

Pour vous détailler un peu comment cela s’est passé coté conception, nous voulions quelque chose d’assez simple en terme d’usage, tout en sachant que nous nous adressions à des gens qui étaient tout de même assez à l’aise pour bidouiller un peu, étant donné qu’ils avaient envie de recommander des logiciels libres, ils avaient déjà un peu testé des outils numériques pour les comparer. :)

Nous voulions aussi une page web qu’il était possible de faire évoluer dans le temps, selon si un outil devenait obsolète ou, si on en découvrait un nouveau dont on voulait absolument parler ! Il fallait aussi permettre de partager ce contenu, idéalement par une adresse web qu’il serait facile d’envoyer…

C’est alors que nous avons eu l’idée de nous baser sur un autre logiciel, nommé Scribouilli !

Scribouilli, un outil pour créer son petit site

Scribouilli a été conçu par une équipe de personnes qui avaient envie de rendre accessibles les sites… statiques (oh il y a comme un point commun là !) aux non informaticien·nes, pour leur permettre de créer facilement un petit site très simple.

Nous nous sommes dit qu’en faisant un peu évoluer cet outil, il serait possible de renvoyer les personnes qui voulaient créer leur mini-site de recommandations sur Scribouilli, plutôt que de développer une très grosse fonctionnalité sur Framalibre (et potentiellement rajouter la gestion des utilisateurs dans la, déjà longue, liste de choses à faire).

Il y avait 2 choses principales à faire pour adapter Scribouilli :

  • créer un thème graphique dédié (assez facile à faire)
  • permettre de créer son mini-site en se basant sur du libre uniquement (jusque là, Scribouilli passait par Github, il fallait maintenant passer par Gitlab). C’était le très très gros morceau ! !

Mais grâce au travail de L’Échappée Belle, les mini-sites existent et vous pouvez dès maintenant créer le vôtre !

Avant de les lancer, on a même pu prendre le temps de réaliser pas mal de tests utilisateur·ices pour vérifier que le parcours se tenait, ce qui nous a permis de rectifier quelques bricoles, pour que tout soit le plus facile possible à utiliser.

Étape 3 : les mini-sites de recommandations… de Framasoft

Maintenant que chacun·e pouvait créer des mini-sites, nous pouvions nous emparer d’un autre retour qui nous avait été fait lors des tests sur cette nouvelle version : « Ça fait un peu vide, il n’y a que le champ de recherche » / « Ça manque de recommandations ».

Du coup, nous avons décidé de réaliser nos propres mini-sites et de les mettre en avant sur la page d’accueil ! Pour cela, nous avons décidé de :

Et il en viendra sûrement d’autres !

Liste des mini-sits mis en avant sur Framalibre : Des applications libres pour Android, Des lecteurs de flux Web, Outils libres pour la cartographie, Les logiciels préférés de Framatophe, Les logiciels qui m'ont fait grandir, Libre sous Mac, Outils pour les designers

Deux mots sur le graphisme

Une fois toutes ces nouvelles fonctionnalités prêtes, nous avons pu passer un beau coup de peinture en adaptant la nouvelle charte graphique de Framasoft à ce nouveau Framalibre. Le beau fond violet et les titres sur fond orange donnent tout de suite une belle ambiance, conviviale et un peu fun au site, ce qui détonne pas mal avec la version précédente !

Il faut dire aussi que nous avons conçu Framalibre en “mobile first”, c’est-à-dire en concevant d’abord pour que le site fonctionne sur mobile, puis en l’adaptant pour les plus grands écrans. Cette façon de concevoir contraint davantage en début de projet, mais évite de se confronter au problème à la toute fin du projet, car il est parfois nécessaire de casser ce qui aurait été conçu sur grand écran pour trouver une façon de l’afficher sur les petits. En démarrant petit et minimaliste, pas de problème !

La sortie !

Framalibre nouvelle version a donc été publié officiellement le 26 décembre, comme un dernier cadeau de Noël déposé sous le sapin.

Depuis, nous avons été très surpris·es du grand nombre de contributions qui ont mis à jour ou ajouté de nouvelles notices ! Le pari de réaliser un formulaire anonyme est réussi, et la modération est facile d’accès et donc est redevenue collaborative, alors qu’elle reposait depuis plusieurs années sur les épaules de très peu de personnes.

Pour les mini-sites, c’est plus compliqué à savoir car nous ne sommes pas notifiés si vous en avez créés ! Aussi, nous vous proposons si vous en avez créé un, de le faire savoir via un hashtag #MonFramalibre sur votre média social favori pour que nous puissions les découvrir (et découvrir de nouveaux outils libres !)

Et maintenant ?

Eh bien il y a déjà du nouveau !

Nous avons amélioré la recherche qui était un peu… minimaliste (si vous cherchiez “Firefox” il fallait taper toutes les lettres avant d’avoir la notice qui s’affichait, pas top top).

Nous allons continuer à regarder quelles sont les petites améliorations que nous pouvons espérer faire avec notre niveau d’énergie. Nous en avons quelques unes qui nous plairaient énormément parmi lesquelles :

  • une feuille de style permettant l’impression des mini-sites (pour partager votre liste de logiciels en atelier ou en classe) ;
    • avoir une page avec la liste de toutes les notices ;
    • une page avec toutes les étiquettes ;
    • faire le lien entre un logiciel et les CHATONS qui le proposent…

Bref, nous avons du pain sur la planche !

Qu’est-ce que je peux faire ?

L’idéal pour nous, c’est de faire connaître encore davantage Framalibre et surtout, les outils qui s’y trouvent.

Pour cela vous pouvez :

  • parler de Framalibre autour de vous ;
  • créer votre mini-site et le partager (autour de vous ou avec le #MiniSiteFramalibre par exemple) ;
  • ajouter des notices de logiciel qui manquent (pour ensuite rajouter ce logiciel à votre mini-site !).

Créer son mini-site

Si vous avez envie de tester la création de votre propre mini-site, youpi ! Il y a seulement deux grandes étapes :

Étape 1 : créer sa page Scribouilli

Vous pouvez démarrer en créant votre premier site Scribouilli par ici.

Pensez bien à choisir “ma liste de recommandations liée à Framalibre” dans la liste déroulante.

Page de Scribouilli permettant de choisir "ma liste de recommendations liée à framalibre"

Étape 2 : rajouter vos logiciels préférés

Ensuite, vous pouvez naviguer sur l’annuaire pour choisir quels logiciels vous souhaitez ajouter à votre mini-site.

Pour vous faciliter la vie, sans trop compliquer notre nouveau Framalibre, nous avons créé un petit bouton “Copier pour mon mini-site” sur chaque notice. Vous pouvez cliquer dessus pour copier un bout de code HTML dans votre presse-papier, et le coller dans votre mini-site pour qu’un encart dédié à cette notice soit créé, avec le nom, le logo, et le lien vers la notice déjà tout rédigé !

Si vos logiciels préférés n’ont pas encore leur notice sur Framalibre, l’idéal est de contribuer à l’annuaire en créant une nouvelle notice pour que d’autres personnes puissent découvrir ce logiciel.

Étape optionnelle : partager sur un média social votre mini-site

En utilisant par exemple le #MiniSiteFramalibre pour que les autres personnes curieuses de découvrir des recommandations puissent tomber sur votre mini-site.

Dorlotons Dégooglisons

La première partie de ce travail touche à sa fin, après plus d’un an et demi de travail, qui a demandé la participation de plusieurs bénévoles pour le suivi de A à Z, une prestation technique aboutie de la part de Fanny et David de l’Échappée Belle, les retours de nombreux membres de Framasoft avant la publication de la v1, des tests utilisateurices avec des personnes volontaires pour donner un coup de main, une aide technique de la part des salariés de l’association… Bref un très gros travail nécessitant tout une galaxie d’énergies.

Car mettre à jour un Framaservice, faire de la recherche utilisateur, améliorer l’ergonomie de nos outils… tout cela n’a été possible que grâce à votre participation et/ou grâce à vos dons !

Merci encore pour votre soutien, et à bientôt pour de nouvelles aventures.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

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Comment Framasoft sensibilise les acteurices de la médiation numérique aux pratiques numériques éthiques

Par : Framasoft
28 mars 2024 à 11:42

À l’occasion de la publication de la synthèse de l’atelier Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ? proposé aux médiateurices numériques en octobre dernier lors de l’événement NEC [Numérique en communs], on vous propose un point d’étape sur les différentes actions que Framasoft mène au sein de l’écosystème de la médiation numérique.

Un constat : trop de GAFAM dans ce secteur !

Ces dernières années, chez Framasoft, nous déplorons que, sous couvert d’accompagner les personnes dans la découverte et la prise en main d’outils numériques, l’écosystème de la médiation numérique (ou inclusion numérique) évacue souvent un peu trop vite certaines questions : quels sont ces outils ? Quels sont leurs impacts sur celleux qui les utilisent ?

Ainsi, nous avons constaté à de multiples reprises qu’une nouvelle génération d’aidant⋅es et de conseiller⋅es numériques recommandaient à leurs bénéficiaires l’utilisation d’outils et services numériques privateurs sans les informer de l’existence d’alternatives plus éthiques. Et cette situation nous pose problème.

Ces bénéficiaires, qui sont dans leur grande majorité en situation de fracture numérique et d’illectronisme (difficultés d’accès et d’usage), sont aussi, la plupart du temps, des personnes fragilisées (en situation de précarité sociale, peu diplômées, aux revenus modestes ou isolées), premières victimes potentielles de l’appétit des géants du web. N’ayant pas ou peu connaissance des enjeux liés aux usages du numérique, elles ne sont pas en mesure de questionner les recommandations qui leur sont faites (surtout si ce sont des professionnel⋅les qui les leur font), et vont donc les appliquer à la lettre, contribuant ainsi à se maintenir dans une situation de dépendance (technologique cette fois-ci).

Au cours de la rédaction de cet article, nous avons découvert sur LinkedIn (réseau social où l’écosystème est très actif) cette publication de Florent Salem qui synthétise bien la situation :copie d'une publication LinkedIn de Florent Salem qui explicite le rapport des acteur⋅ices de la médiation numérique aux outils privateurs

Cette situation nous rappelle aussi qu’une partie des professionnel⋅les amené⋅es à aider ces personnes n’a pas été correctement formée aux enjeux du numérique. La formation initiale du dispositif CNFS (Conseiller⋅e numérique France Service) est basée sur le bloc de compétences « Accompagner différents publics vers l’autonomie dans les usages des technologies, services et médias numériques » du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique), mais la liste des compétences à développer n’est pas détaillée. Ainsi, rien n’oblige les organismes de formation en charge de cette formation initiale à former aux enjeux éthiques, sociaux et environnementaux du numérique. Si certains (coucou Zoomacom !) s’en sont emparés, beaucoup de CNFS n’en ont jamais entendu parler !

capture du bloc de compétences RNCP34137BC01 (titre pro REMN)

bloc de compétences du titre professionnel REMN

Du côté des offres ciblées de formation continue à destination des CNFS, ce n’est pas mieux. Par exemple, l’ARNia (Agence Régionale du Numérique et de l’intelligence artificielle en Bourgogne-Franche-Comté, en charge de la mission régionale pour la médiation numérique en Bourgogne-Franche-Comté) propose au sein du catalogue de formation pour les CNFS la formation Créer, utiliser une boîte email et gérer ses courriers dont on peut trouver au programme :

extrait du catalogue de formation pour CNFS

Vous vous en doutez, ça nous hérisse les poils de lire que les CNFS qui suivront cette formation ne se verront présenter que deux services de messagerie, dont aucun ne peut être considéré comme éthique !

Souhaitant agir sur cette situation, Framasoft s’est rapproché de l’écosystème de la médiation numérique ces dernières années afin de sensibiliser les acteurices aux pratiques numériques éthiques.

Approcher l’écosystème de la médiation numérique

Jusqu’à il y a peu, chez Framasoft, on ne pensait pas être des acteur⋅ices de la médiation numérique. Alors que pourtant, nous aussi, nous concevons et produisons de ressources pédagogiques et documentaires pour différents supports (ateliers, manuels, cours en ligne, etc.) et élaborons des actions de sensibilisation aux enjeux du numérique pour faciliter l’appropriation de savoirs et de nouvelles pratiques numériques. D’ailleurs, chaque année, nous accompagnons plusieurs centaines de personnes à questionner leurs pratiques et nous leur proposons de s’en émanciper en adoptant des outils numériques plus éthiques.

Depuis 2019, nous nous sommes rapproché⋅es petit à petit de cet écosystème en participant à plusieurs événements du secteur :

  • atelier Médiation numérique et contribution aux logiciels libres lors de la 2ème édition de NEC [Numérique en Communs] organisée les 17 & 18 octobre 2019 à Marseille ;
  • intervention sur les enjeux de médiation et de culture numérique pour tous et atelier Peut-on se passer des GAFAM ? lors du NEC Haute-Savoie organisé le 26 novembre 2021 à Annecy (téléchargez le carnet en faisant la synthèse) ;
  • atelier Pratiques numériques éthiques dans l’accompagnement des usagers pour les acteurs de la médiation numérique du bassin Chambérien accompagnés par le projet Transistor – incubateur numérique inclusif de l’Agence Alpine des territoires le 10 mars 2022 à Chambéry ;
  • pitch pour présenter PeerTube lors de la 4ème édition de NEC organisée les 28 et 29 septembre 2022 à Lens.

Nous avons aussi cherché à développer nos relations avec les acteurices historiques de la médiation numérique. En septembre 2022, nous avons rejoint le sociétariat de la MedNum, la coopérative des acteurs de la médiation numérique pour y porter la voix d’un numérique émancipateur. Nous sommes ainsi en contact avec les différentes organisations de l’écosystème et avons développé des relations plus poussées avec certaines d’entre elles (coucou Coll.In, Hubikoop, Zoomacom, etc.). Nous incitons ces organisations à s’emparer du sujet, à modifier leurs pratiques numériques en interne et à sensibiliser leurs bénéficiaires.

Et c’est suite à de nombreux échanges avec Yann Vandeputte, en charge du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique) au sein de l’AFPA, que nous avons publié la série d’articles Lost in médiation en mars et avril 2023.

Un parcours pour acculturer aux enjeux et outils numériques éthiques avec Hubikoop

Fin 2021, Marley Nguyen-Van, chargé de développement territorial au sein de Hubikoop (Hub territorial pour un numérique inclusif de la région Nouvelle-Aquitaine), nous contacte afin de développer des actions en commun. De ces échanges émergera rapidement le projet de proposer aux conseiller⋅es numériques de la région Nouvelle Aquitaine un dispositif pour les acculturer aux enjeux, dispositifs et ressources en matière de pratiques numériques éthiques, afin qu’iels puissent à leur tour transmettre leurs connaissances à leurs équipes, leurs partenaires et même en faire bénéficier leurs publics.

Nous concevons un parcours pédagogique en 8 webinaires d’une durée de 2h que nous intitulons Parcours d’accompagnement à la découverte des services numériques éthiques (oui, on n’a pas été super originaux sur ce coup là ^^) et dont l’articulation est la suivante :

– webinaire 1 – C’est quoi le problème avec les géants du web ?
– webinaire 2 – Alternatives et résistances : comment se réapproprier Internet ?
– webinaire 3 – Logiciels et services libres, de quoi parle-t-on ?
– webinaire 4 – Dégooglisons Internet : une offre de services libres
– webinaire 5 – Protéger sa vie privée sur Internet
– webinaire 6 – Libérer son smartphone Android
– webinaire 7 – Des outils libres pour collaborer
– webinaire 8 : Des outils libres pour communiquer

Un calendrier est proposé pour des webinaires répartis entre avril et juin 2022. Il est convenu que Framasoft prendra en charge l’animation de ces webinaires et fournira l’outil technique (un salon dédié sur notre instance Big Blue Button). Hubikoop se chargera de l’organisation de l’action et du ciblage des potentiel⋅les participant⋅es. Cependant, nous recontrons des difficultés à mobiliser des participant⋅es et le parcours sera finalement reprogrammé à la rentrée scolaire (entre septembre 2022 et février 2023).

Le premier webinaire, programmé le 20 septembre, réunit une cinquantaine de personnes et au final, le parcours sera suivi en intégralité (les 8 webinaires) par une trentaine de professionnel⋅les de l’inclusion numérique. Certain⋅es ne suivront pas tous les webinaires, mais la fréquentation sera tout de même de 37 personnes en moyenne. Tous les webinaires ont été enregistrés et il est désormais possible de les visionner sur Framatube.
Au regard du nombre de participant⋅es,l’action est considérée comme une réussite. Afin d’en savoir plus, nous leur avons envoyé un questionnaire pour recueillir leur avis sur le parcours et l’impact que celui-ci avait sur leurs pratiques professionnelles. Seulement 13 d’entre elleux y ont répondu malgré les nombreuses relances et iels ont toustes indiqué être satisfait⋅es de manière générale du parcours. Iels sont 94 % à préciser que le parcours a répondu à leurs attentes, 82 % à exprimer leur satisfaction concernant la durée du parcours d’accompagnement et 88 % à être satisfait⋅es du niveau d’explication donné par les intervenant⋅es.

Graphiques présentant les taux de satisfaction des participant⋅es au parcours

Ce parcours semble donc avoir répondu aux besoins et attentes des participant⋅es, qui précisent les points forts suivants :

  • des modules très riches en informations et explications (enjeux et outils) ;
  • un argumentaire permettant de convaincre ;
  • la posture des intervenant⋅es ;
  • la diversité des thématiques abordées ;
  • le partage des supports et des replays.

Ce qui nous importait aussi, c’était de savoir si les connaissances acquises allaient être utilisées dans leur contexte professionnel. Iels sont 64 % à indiquer que le parcours leur a permis de renforcer leurs pratiques professionnelles et 76 % à souhaiter mettre en place des ateliers sur les thématiques abordées. Mais iels ont aussi indiqué que le format webinaire ne permettait pas de réellement mettre en pratique et ont suggéré que soient organisés des temps d’échanges permettant d’identifier les activités et postures pour porter ces sujets auprès des publics accompagnés.

Des ateliers pour identifier pratiques et postures de médiation afin d’accompagner les pratiques numériques éthiques

Si ce parcours a permis aux participant⋅es de mieux comprendre la toxicité des géants du web et de découvrir de nombreuses alternatives à leurs services, il n’y était en effet pas inclus de temps dédié aux méthodes de médiation sur ces questions. Car c’est une chose de comprendre les enjeux et de savoir utiliser soi-même les outils, ça en est une autre d’accompagner des personnes ayant peu de maîtrise du numérique dans cette voie.

Avec Hubikoop, nous avons donc envisagé de proposer à toutes les personnes ayant suivi le parcours de se retrouver pendant une journée complète avant l’été 2023 afin d’échanger sur les différentes modalités de médiation au numérique éthique. Comme les participant⋅es étaient géographiquement assez éloigné⋅es (c’est grand la Nouvelle Aquitaine !), on pensait proposer cette journée en amont ou en aval d’un événement professionnel. Ceci n’a finalement pas pu se faire immédiatement. Apprenant que le NEC national allait avoir lieu à Bordeaux en octobre 2023, nous y avons vu l’opportunité de programmer cette journée la veille de l’événement. Mais nous avons sû très vite que ça ne serait pas possible vu que les CNFS étaient déjà mobilisés ce jour là. Afin que le sujet puisse tout de même être abordé, nous avons proposé un atelier plus court afin qu’il soit intégré au programme du NEC.

visuel atelier au NEC

Intitulé Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ?, l’atelier proposait aux participant⋅es de réaliser un état des lieux de leurs pratiques de médiation aux outils numériques éthiques et de questionner les postures de médiation spécifiques à cette thématique. Après une introduction rappelant le contexte de l’atelier (suite du parcours) et reprécisant ce qu’est le numérique éthique, les participant⋅es ont partagé en groupes les différentes façons dont iels portent la question du numérique éthique. Afin de garder une trace de ces échanges, il était proposé de compléter des fiches (1 fiche activité / dispositif formalisé et 1 fiche accompagnement informel). La seconde partie de l’atelier a permis de mettre en commun des éléments les plus signifiants de chaque groupe et de questionner les participant⋅es sur la reproductibilité de ces pratiques.

Ce même atelier a été aussi proposé lors de l’événement NEC Hauts de France Les Communs pour un numérique au service de tous le 7 novembre 2023 à Lille et le sera aussi lors du NEC Grand Est #1 Libertés numériques le 9 avril prochain à Strasbourg (il est encore temps de s’inscrire, mais ne tardez pas !).

Une synthèse de l’ensemble des dispositifs de médiation numérique partagés lors des deux ateliers a été réalisée. Nous avons proposé aux personnes ayant participé à ces ateliers et à celles ayant suivi le parcours un nouveau webinaire le 24 janvier 2024 durant lequel nous avons commenté et enrichi collectivement cette synthèse, laquelle a été mise en forme afin d’être diffusée au plus grand nombre.

Illustration de la couverture de la synthèse de l'atelier

Cliquez sur l’image pour télécharger la synthèse de l’atelier

Ce document, après avoir rappelé ce qu’on entend par numérique éthique, présente sous deux angles les dispositifs de médiation aux pratiques numériques éthiques. La première partie propose plusieurs pistes pour susciter la curiosité des bénéficiaires sur la thématique, que ce soit en outillant les espaces de médiation numérique, en fournissant de la documentation ou en accompagnant au cas par cas les usages. La seconde partie regroupe, elle, plusieurs pistes d’activités pour inviter les bénéficiaires à s’emparer de la question, telles que des temps de réflexions-discussions ou l’organisation d’ateliers spécifiques pour découvrir et manipuler ces outils.

Si vous avez mis en place ou avez connaissance de dispositifs de médiation qui n’apparaissent pas dans ce document, n’hésitez pas à nous l’indiquer en commentaire afin qu’on l’enrichisse. Nous espérons que les acteur⋅ices de la médiation numérique s’appropriront ces différents dispositifs et qu’iels nous partagerons leurs retours d’expérience.

Et la suite ?

Dans les mois et années à venir, Framasoft souhaite continuer à s’intégrer dans l’écosystème de la médiation numérique, que ce soit en intervenant lors des événements de la communauté, en produisant des ressources afin d’aider les médiateur⋅ices à mieux appréhender ces questions du numérique éthique ou en développant de nouveaux projets avec les organisations du secteur.

MLC44, une association et une monnaie locale en cours de libération des géants du numérique

Par : Framasoft
20 mars 2024 à 05:52

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de MLC44, qui porte la monnaie locale Moneko. Merci à Thibaut pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Thibaut, 41 ans. De formation ingénieur en informatique et travaillant dans une ESN spécialisée dans l’open-source au civil ;) J’ai débuté comme développeur web PHP, évolué dans le pilotage de projet et la direction d’un centre de production et suis actuellement dans des fonctions plus commerciales, toujours dans la même ESN.

Au sein de l’association MLC44, je suis bénévole : membre élu du collectif qui pilote l’association et aidant sur toutes les problématiques liées aux outils informatiques à travers la commission support (c’est un groupe de travail, rassemblant bénévoles et certains membres de l’équipe salariée, chargé de donner les moyens et outils à l’association pour remplir ses objectifs).

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ?

MLC44 est l’association qui porte Moneko, une monnaie locale et citoyenne qui circule dans le département de la Loire-Atlantique. La monnaie circule au sein d’un réseau de particuliers et de structures partenaires agréées (commerces, restaurants, producteurs, artisans, associations, professions libérales, etc.), réunis autour d’une charte de valeurs et qui intègrent des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités.

Sans possibilité d’épargne et non spéculative, cette monnaie est adossée (on dit aussi complémentaire) à l’euro. Comme la plupart des monnaies locales, c’est un outil d’éducation populaire : Moneko permet aux citoyen⋅nes de se réapproprier l’usage de la monnaie, d’en découvrir les enjeux, de s’impliquer dans la gouvernance de leur monnaie, d’échanger et de partager au sein d’un réseau solidaire pour devenir acteur de la transition économique et écologique de leur territoire.

Cela a bien fonctionné avec moi, car depuis que je suis adhérent, j’ai déplacé une bonne partie de ma consommation vers des structures locales. Ça devient assez ludique quand on s’y met ;)

Le fonctionnement de Moneko. Source : site de Moneko

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous avons 4 salariés et 1 à 2 VSC (Volontaire en Service Civique) suivant les périodes. Les bureaux de l’association sont localisés à Nantes au sein du Solilab (super lieu réunissant plein d’énergies autour de l’ESS), mais nous avons aussi des groupes locaux dans plusieurs lieux du 44. Notre objectif est de les multiplier sur le territoire de la monnaie. L’association rassemble une cinquantaine de bénévoles et les adhérents à la monnaie sont à ce jour près de 1000 (760 particuliers et 220 pros à jour de leur cotisation).

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

La majorité est plutôt à l’aise et en plus volontaire pour progresser, cela aide beaucoup !

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Quand j’ai rejoint l’association en 2021, le sujet était déjà dans les objectifs de l’association avec quelques premières actions en cours. Utiliser des outils libres ou open-source plutôt que les outils des GAFAM ou propriétaire est une préoccupation proche des valeurs qui guident notre association. C’est donc une voie d’évolution tout à fait naturelle pour nous et facilement compréhensible par nos membres.

En dehors donc de l’aspect valeur, une autre motivation est l’autonomie que cela peut nous apporter : nous trouverons toujours une ressource apte à maintenir/développer nos outils vs du propriétaire, et en plus cela nous rend moins dépendant d’un prestataire. Nous identifions également des bénéfices en termes de coût financier à moyen/long terme une fois l’investissement initial passé (mise en place et montée en compétence des équipes).

C’est aussi l’occasion de travailler à plus facilement fédérer/mutualiser nos usages et outils au niveau national, voire européen avec les autres monnaies locales (coucou à nos copains du mouvement SOL). C’est une des raisons pour laquelle nous avons également rejoint l’association Lokavaluto qui est un commun numérique à destination de projets de l’ESS tels que les Monnaies Locales complémentaires et Citoyennes, les Sécurités sociales de l’alimentation, les SEL, les places de marché locales, etc.

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Il n’y a pas réellement de personne dédiée au sujet. Cette démarche restant chaque année suivie et présente dans le plan d’action de l’association, nous nous en soucions régulièrement. Pour aller dans le détail, c’est la commission support de l’association qui en a la responsabilité et qui suit l’avancement. Étant dans cette commission et par ailleurs défenseur de l’open-source, j’ai pris en main le dossier ;) Mais je suis aidé par d’autres bénévoles qui aident à la mise en place des outils et à la formation des utilisateurs, tout comme notre partenaire Lokavaluto qui met à disposition de nombreux tutoriels et formations.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ?

Cela se passe plutôt par itération et au fil d’eau. Une première étape a été de dresser la liste des outils majeurs utilisés par tous les intervenants de l’assocation.

Nous avons ensuite cherché une alternative libre adéquate. La liste a ensuite été priorisée pour déterminer en fonction des contraintes et de la difficulté à migrer, dans quel ordre nous allions procéder. Au fur et à mesure, cela nous a construit une sorte de plan d’action sur cette démarche. Mais le plan continue d’évoluer : nous découvrons de temps en temps l’usage d’un outil qui n’avait pas été identifié mais aussi, nous restons en veille sur les solutions et pouvons donc changer quelques priorités. À titre d’exemple, lors de notre récent changement d’outil pour notre site internet, nous en avons profité pour migrer nos vidéos de Youtube vers un Peertube alors que ce n’était pas forcément prévu.

En plus de ces itérations au niveau global, nous pouvons aussi itérer au niveau de chaque outil : on ne cherche pas forcément la perfection dès le départ. L’idée c’est d’avancer. Par exemple, certain-e-s utilisateur-ices commencent à utiliser le nouvel outil et pas tous en même temps. Cela permet aussi de faciliter l’acceptation du changement et pour nous d’avoir le temps d’accompagner « tranquillement » les utilisateurs.

L’association étant en plein changement d’échelle, toute la difficulté est d’arriver à faire les changements sans trop bouleverser les habitudes des intervenant-e-s qui sont déjà bien chargé-e-s par le quotidien.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Je dirais qu’il faut être vigilant si certains de vos prestataires sentent le vent tourner. L’idée est de bien faire maintenir le niveau de service attendu jusqu’au bout.

Un autre point d’attention également, c’est d’être vigilant lors de l’arrivée de nouvelles personnes (ce qui peut arriver fréquemment dans une association). Le nouvel arrivant doit prendre les bonnes habitudes, et éventuellement perdre ses mauvais réflexes perso/pro d’utilisation d’outil Gafam ;) Cela peut être un peu délicat, car la personne arrive avec de l’envie et de l’énergie pour faire progresser l’association, il faut donc bien expliquer la démarche, le pourquoi et généralement ça se passe bien !

Autre vigilance à avoir : lorsque de nouveaux besoins sont exprimés, l’équipe doit avoir le réflexe de d’abord chercher des solutions libres/open-source, il faut parfois le rappeler.

Enfin, il faut globalement rester un peu souple : notre objectif est d’avant tout de faire progresser l’usage de notre monnaie locale Moneko. Nous ne devons donc pas être sectaires et interdire l’usage d’outil propriétaire ou GAFAM quand l’alternative n’apporte pas un service suffisant où est trop coûteuse (temps/argent) à mettre en œuvre pour le moment. (Mais on le garde dans nos radars pour une future voie d’amélioration !)

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Certains outils sont migrés, d’autres en cours et d’autres sont encore dans la TODO list ;) Voici un état des lieux :

  • Partage de fichiers : Google Drive vers Nextcloud : en cours/partiel, ici la stratégie a été d’abord de migrer nos documents publics (cela permet d’évangéliser notre public) avant tout l’interne qui demande un gros boulot de tri.
  • Suite bureautique : Google => Onlyoffice : en test, ici aussi la marche est importante car il y a beaucoup d’historique et c’est un outil du quotidien pour l’équipe. Nous allons y aller au fur et à mesure.
  • Mesure du trafic web : Google Analytics => Matomo, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.
  • Fichiers tableurs pour gérer l’asso : Excel => Odoo, en finalisation, nous avons migré toute la gestion de nos membres en 2023 et avons pu automatiser les relances de début 2024 avec le nouvel outil. Un gain de temps assuré au final.
  • Gestion des mails : Gmail => Thunderbird (bureau) + Roundcube (web), en cours/partiel : seuls quelques membres ont franchi le pas, il y a pas mal d’accompagnements à faire.
  • Système d’exploitation : Windows => Ubuntu, à commencer : l’idée est d’abord d’installer un poste à l’occasion d’un nouvel arrivant pour ensuite proposer la migration à ceux qui le veulent. Cela se fera sur un temps long.
  • Messagerie instantanée : Whatsapp => Rocketchat, en cours : l’usage de Whatsapp est de moins en moins fréquent, mais l’usage de Rocketchat a encore du mal à prendre.
  • Conférence audio et vidéo : Zoom => Big Blue Button, terminé : la bascule s’est faite assez rapidement d’autant plus que cela nous a permis d’économiser quelques dizaines d’euros par mois !
  • Carte géographique : Google Maps => Gogocarto, en cours : la migration des données prend un peu de temps, mais ça ne va pas tarder
  • Hébergement vidéo : Youtube => PeerTube, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.

Pour répondre à ta question sur les critères majeurs c’est : réponse au besoin, ergonomie de la solution, pérennité de l’outil.

Comment avez-vous choisi s’il y avait plusieurs alternatives ?

Beaucoup de choix se sont faits en discutant avec notre écosystème (Lokavaluto, SOL, autres monnaies, autres structures du Solilab, etc.) et en observant leur usage. Nous tenons aussi compte de notre capacité à avoir de la compétence interne pour accompagner les utilisateurs fonctionnellement. La pérennité de l’outil et la capacité à trouver facilement des ressources techniques pour maintenir/corriger un bug compte aussi.

Planche de billets Moneko

À quoi ressemblerait la planche à billet Moneko ? Source : site de Moneko

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Il nous reste l’outil de gestion des transactions de la monnaie (cyclos) : nous avons une piste avec Com’Chain, mais nous n’envisageons pas encore la migration car trop risquée. C’est le cœur de notre activité : l’outil est encore jeune, on surveille les évolutions de l’outil et ses avancées. Mais cela exigera aussi de notre part une maturité technique que nous n’avons pas encore.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

Nous n’avons pas de ressource ou temps dédié, c’est un sujet du quotidien porté par la chargée de coordination et les bénévoles « techniques ». Comme cela reste un objectif précis de l’association, les membres les plus actifs l’ont bien en tête et sont facilitateurs.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ?

Oui, nous essayons d’accompagner au mieux les utiliateur⋅ices, avec par exemple :

  • une formation régulière aux nouveaux usages (Odoo notament) : à chaque déploiement de nouveau module (ex. : facturation, gestion RH), nous formons les utilisateurs (+ tutoriel vidéo/retranscription vidéo de formations d’autres MLC mis à dispo par Lokavaluto)
  • des tutoriels sous forme de diapo pour expliquer des cas d’usage

Mais on ne peut pas le faire systématiquement. Donc on compte aussi sur la débrouillardise car comme dit plus haut, on essaye de sélectionner avant tout des outils ergonomiques et qui fonctionnent bien à l’instinct. Mais lorsqu’on nous remonte une difficulté, on passe en mode support par tchat et mails (voir téléphone pour les urgences, mais c’est rare) L’idée est que les utiliateur⋅ices aient bien une personne d’identifiée à contacter en cas de besoin.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Cela peut avoir un impact via l’exemple. Quand on propose un document à télécharger par exemple, c’est sur nuage.moneko.org. Les utilisateurs voient que c’est du Nextcloud et non du Google Drive. On laisse les crédits des solutions qu’on utilise pour contribuer. Mais en effet, ta question m’amène à me demander si on ne pourrait pas faire une page dédiée pour montrer nos choix et notre démarche. Je le note dans la todo ;)

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser elles aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Quelques conseils en vrac : entourez-vous de personnes en phase avec l’objectif, ne soyez pas seul, allez-y tranquillement, montrez l’exemple par vos propres usages, itérez, essaimez, montrez les bénéfices, l’alignement des valeurs et ne vous découragez pas s’il y a quelques entorses ou petits retours en arrière, la route est longue mais… [Ndr : … la voie est libre 🙂 ] ;)

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Avancer sur cette migration peut aider à se sentir bien, cela fait partie des gestes positifs à apporter à notre société, cela aide au bien-être mental et à lutter contre la dissonance cognitive que l’on peut avoir dans nos activités quotidiennes/pro.

Extinction Rebellion France, mouvement de désobéissance civile, « dégafamisé by design »

Par : Framasoft
13 mars 2024 à 05:22

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de commencer une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec une association importante, Extinction Rebellion France, qui a la particularité d’avoir pensé et bâtit son infrastructure dès le départ en s’émancipant des services des géants du web. Merci à ses bénévoles qui nous ont livré un très généreux témoignage, et bonne lecture !

Bonjour, pouvez-vous présenter brièvement Extinction Rebellion France pour le Framablog ?

Extinction Rebellion (XR) est un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique. Démarré au Royaume-Uni en 2018, le mouvement s’est lancé en France en 2019.

La branche française du mouvement est auto-organisée autour de différents Groupes de Support Thématique (modèle inspiré de l’holacratie). Il existe en particulier un groupe de support chargé de maintenir et de développer l’infrastructure numérique de XR France.

La branche française du mouvement est présente dans une centaine de villes et regroupe plusieurs milliers de membres actif·ves. De très nombreuses actions sont réalisées par chaque groupe local chaque semaine avec quelques grandes actions. Récemment, on peut citer l’action de XR Lyon contre l’usine Arkema et ses polluants éternels. Plus anciennement, le blocage de la porte Saint Denis à Paris lors en avril 2022 ou le blocage de la place du Châtelet en octobre 2019.

Pour suivre toutes nos actions, abonnez-vous à notre newsletter. Une prochaine action de désobéissance civile massive est prévue le 24 mai à Paris pour perturber la prochaine Assemblée Générale de Total.

Capture de la page d'accueil du site https://extinctionrebellion.fr/

Cet article a été co-rédigé par plusieurs membres de ce groupe de support « Infrastructure Numérique ».

Quel a été le déclencheur de votre « dégafamisation » ?

Dès le début, il a été constaté que XR avait besoin de plusieurs outils numériques pour communiquer et s’organiser entre les pays et entre les villes d’un même pays : espaces de forum, de discussion instantanée, sites web, partages de fichiers, envois d’emails et d’infolettres, etc.

Il n’était alors pas envisageable d’utiliser les services numériques des géants du web pour répondre à ces besoins. En effet, XR promeut le mode d’action de la désobéissance civile non violente et donc, parfois, la réalisation d’actions illégales qui peuvent être poursuivies par les différents gouvernements des pays où XR est présent. Assurer une souveraineté numérique permet d’augmenter la sécurité du mouvement.

Par ailleurs, la réalisation d’actions de désobéissance civile est contraire aux conditions générales d’utilisation (CGU) des services des géants du numérique. Par conséquent, utiliser leurs services numériques soumet XR au risque de perdre les accès et l’intégralité des données du jour au lendemain sans justification particulière. Il s’agit d’ailleurs de situations qui se produisent régulièrement sur Facebook : les pages de certains groupes locaux et d’XR France ont été désactivées à plusieurs reprises.

Le numérique a également un impact environnemental important. Avoir la main sur son infrastructure permet d’en atténuer les impacts, notamment en choisissant des hébergeurs engagés qui s’alimentent réellement en énergie verte. Enfin, XR est plus globalement un mouvement qui se place en opposition aux logiques capitalistes des géants du numérique. Sans en faire notre lutte quotidienne, XR s’associe aux mouvements de défense des libertés numériques et serait en contradiction avec lui-même en utilisant les services de ces multinationales.

La non-gafamisation de XR a été favorisée par deux autres facteurs : d’une part, le mouvement est parti de zéro, il n’y avait donc pas d’enjeu à changer d’outil (migration de données ou changement d’habitudes). D’autre part, les militant·es membres de XR se créent un pseudonyme et séparent vie privée et vie militante. Par conséquent, cela paraît normal aux militant·es d’utiliser des outils numériques spécifiques à XR.

Dans les faits, ce choix stratégique et la mise en place d’une telle infrastructure reposent sur les efforts de quelques administateur·ices systèmes et développeur·euses qui ont compris le danger à utiliser les GAFAM et ont été en mesure de mettre en place une infrastructure auto-hébergée. Cela aurait également été impossible sans les contributions de la communauté du logiciel libre qui met à disposition des logiciels performants permettant de répondre aux besoins de mouvements tels que XR.

Pour aller plus loin, cette conférence présente d’un point de vue technique les choix initiaux fait par les équipes internationales :

À noter que cette non gafamisation est une exception française : si l’infrastructure internationale est également non gafamisée, de nombreux pays, à l’instar du Royaume-Uni, continuent d’utiliser abondamment les services des géants du numérique. Dans toute la suite du témoignage, le sigle XR mentionnera abusivement XR France.

Rencontrez-vous des résistances dans l’appropriation de votre écosystème numérique ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Étonnement, l’appropriation des outils numériques XR semble plutôt bien vécue par les membres et ce choix stratégique n’est pas remis en question. Cet usage des outils numériques libres fait aujourd’hui partie intégrante de XR. Par exemple, les rares fois où des liens Google sont partagés sur nos outils internes (souvent des liens venant du mouvement climat), certaines personnes vont indiquer les dangers liés à ces liens Google et indiquer quels outils internes utiliser à la place.

Nous avons l’impression que cela tient au fait qu’un engagement dans XR n’est pas quelque chose d’anodin : cela fait partie des étapes nécessaires de se créer une adresse email dédiée à XR puis un compte sur notre outil de communication instantanée. Pour autant, même si la volonté est là, de nombreuses personnes décident qu’elles ne souhaitent pas se créer un nouveau compte et ne font alors que réaliser des actions. Tandis que d’autres souhaitent se créer un compte mais n’y arrivent pas : nous avons alors tenté de mettre en place différents formats pour accompagner les nouveaux et nouvelles arrivantes : accompagnement en présentiel lors des réunions, tutoriels vidéos et écrits sur notre site.

Il est aussi important de mentionner que certains groupes XR n’utilisent pas ou très peu les outils numériques XR au quotidien : iels se contentent d’utiliser une boucle Signal (voire WhatsApp ou Messenger).

Nous pouvions avoir peur des interfaces très primaires et peu ergonomiques de certains outils (par ex. Mailtrain pour les infolettres) mais il est acquis par tout le monde qu’il est hors de question de confier à une compagnie privée la liste de mails de personnes qui nous font confiance. Par conséquent, cet outil est plutôt bien adopté (même si chacun·e peste en l’utilisant).

Au contraire, de nombreux outils libres sont plus performants que leurs alternatives propriétaires pour répondre à nos propres usages. On peut citer Mobilizon qui nous permet d’intégrer les événements sur notre site web (ce qui est compliqué à faire avec Facebook), Aktivisda pour générer des visuels aux couleurs d’XR (interface + simple que Canva) ou encore Cryptpad pour avoir des documents chiffrés et sécurisés.

Parlons maintenant outils ! À quels besoins répondez-vous par des logiciels libres ? Quels ont été les critères pour les choisir ?

Tout d’abord, l’infrastructure à XR est pour partie gérée au niveau international et pour partie au niveau de chaque pays. Certains outils sont installés à la fois à l’international et au sein de chaque pays, tandis que d’autres ne le sont qu’à l’international ou que localement.

Les infrastructures de chaque pays ont été mises en place par les équipes internationales qui ont pris le temps de former des administrateurices systèmes à leur maintenance et aux bonnes pratiques de sécurité. Une fois l’installation faite, l’infrastructure est gérée en autonomie complète : les équipes internationales n’ont plus accès aux serveurs.

Le choix a été fait d’utiliser des serveurs virtuels et physiques chez différents hébergeurs en Europe choisis pour leurs engagements.

Chez XR, chaque militant·e a besoin :

  • de communiquer de manière instantanée et sécurisée en groupes avec n’importe quel·le autre membre du mouvement. Nous disposons d’une instance Mattermost gérée par l’international (plusieurs dizaines de milliers de membres) et des milliers d’équipes (globalement une par ville).
  • d’avoir un espace de débats au temps long. On utilise un forum Discourse au niveau de XR France (il existe aussi un forum à l’international mais très peu utilisé). En pratique, cet outil est de moins en moins utilisé.
  • de réaliser des visioconférences pour des réunions (quelques personnes) ou des formations. Nous nous servons d’une instance Big Blue Button à l’international (capable de supporter des réunions avec plusieurs centaines de personnes) et de deux instances Jitsi.
  • de créer des formulaires pour des événements ou des actions. Nous utilisions beaucoup Framaforms et un peu Lime Survey (instance gérée à l’international). De plus en plus, nous utilisons l’outil de formulaire Cryptform intégré à la suite Cryptpad. Dans l’objectif d’automatiser le traitement des réponses (envoi d’emails notamment), nous avons par le passé utilisé un outil maison et nous sommes en train d’expérimenter Baserow.
  • de créer et rédiger des document collaboratifs, pour des notes de réunions notamment. Nous utilisons beaucoup Etherpad, désormais de plus en plus Cryptpad. Certain·es utilisent également Collabora sur notre instance Nextcloud.
  • de stocker et de partager des documents : on dispose d’une instance PeerTube pour les vidéos et de deux instances Nextcloud pour le reste.
  • de lire ou créer des procédures ou tutoriels  : on dispose d’une instance Bookstackapp pour le wiki. L’authentification à cet outil est réalisée via Mattermost.

En plus de cela, au niveau d’un groupe (local, thématique, affinitaire), il y a besoin :

  • de disposer d’une adresse email pour être contacté·e. On a un serveur de mails réservé aux groupes locaux avec le client web Roundcube.
  • d’avoir un espace réservé sur le site internet et d’y publier des articles. Notre site internet est un site statique sous Jekyll sur lequel on a ajouté DecapCMS (ex Netlify CMS) ;
  • de pouvoir publier des événements au nom du groupe et de les relayer dans le mouvement. On dispose d’une instance Mobilizon privée (les inscriptions ne sont pas possibles). Les événements apparaissent sur extinctionrebellion.fr suivant les tags de l’événement. Par exemple, les événements avec le tag « Réunion accueil » apparaissent directement dans une section « Nos prochaines réunions d’accueil » sur la page « Rejoignez-nous ».
  • de créer affiches et des visuels aux couleurs d’XR pour annoncer les différents événéments, réunions et formation. Le mouvement utilise Aktivisda.
  • d’envoyer des emails aux sympathisant·es ou aux inscrit·es à une action. Pour cela, on a installé une instance Mailtrain.
  • de communiquer sur des réseaux sociaux libres. On dispose de notre propre instance Mastodon réservée aux groupes XR, gérée par les équipes internationales.

capture de la page d'accueil de l'instance Aktivisda de XR

Enfin, voici quelques autres usages avancés dont on peut avoir besoin :

  • d’héberger du code pour les sites web ou outils maison : instance Gitlab.
  • de raccourcir des liens : outil maison développé et géré par les équipes internationales.
  • d’avoir une idée du nombre de visites sur les différents sites web du mouvement : on dispose d’une instance Matomo gérée par les équipes internationales.
  • de serveurs qui tournent tous sous Linux.

Il y a aussi eu des faux départs avec des outils qui n’ont pas trouvé leur usage au sein de XR. C’est par exemple le cas de Loomio qui a été installé mais finalement peu utilisé ou bien de la mise en place d’une instance Decidim. Pour ces cas, nous ne nous sommes pas acharnés et avons arrêté ces services.

Est-ce qu’il reste des besoins pour lesquels vous n’avez pas encore pu trouver une solution libre et pourquoi ?

Oui, il reste plusieurs besoins pour lequels nous ne disposons pas de solutions libres et auto-hébergées. Pour certains de ces besoins, nous utilisons des services de confiance et en sommes satisfait·es :

  • emails pour les militant·es : essentiellement utilisation de ProtonMail ;
  • communication instantanée et sécurisée entre rebelles avec messages éphèmères (en complément et en backup de Mattermost) : Signal mais aussi Session, Wire (et autres applications similaires) ;
  • formulaires  : utilisation de Framaforms ;
  • gestion des comptes des groupes locaux via Open Collective (et des cagnottes Hello Asso).

Pour d’autres besoins nous restons actuellement bloqués :

  • Réseaux sociaux : On reste chez les GAFAM car c’est essentiel pour notre audience. Mais on laisse ouverte la possibilité de nous suivre sur Mastodon, PeerTube et Mobilizon. L’idée est que, idéalement, quelqu’un qui ne souhaite pas utiliser les GAFAM puisse toujours nous trouver sur une alternative libre (mais cela demande un peu plus de travail et tous les Groupes locaux n’ont pas ces ressources).
  • Pour trouver des créneaux de réunion, on passe encore trop souvent par when2meet (propriétaire et contenant des trackers Google) plutôt que framadate. Peut-être parce que ce premier service est plus intuitif, visuel et très rapide à créer et compléter : on peut facilement indiquer des disponiblités sur plusieurs jours.
  • On utilise toujours un peu Glassfrog pour l’auto-organisation du mouvement, mais on a commencé à regarder pour utiliser Fractale. Seulement l’outil n’a pas été beaucoup utilisé (néanmoins, Glassfrog est aussi très peu utilisé).

Et si les usages à XR sont globalement sains, le partage de vidéos sur Mattermost se fait beaucoup avec pour source YouTube, parfois avec PeerTube si la vidéo est aussi disponible dessus. Ça serait intéressant de banaliser le partage de vidéos par invidious pour celles qui ne sont que sur YouTube. Les intérêts de ces derniers services mériteraient d’être mieux expliqués au mouvement.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

XR France a la particularité d’être un mouvement 100 % bénévole sans la moindre structure salariée. C’est la même chose au niveau du numérique. En pratique l’infrastructure en France repose sur une équipe d’administrateurices systèmes épaulés par quelques chef·fes de projet, en charge d’accompagner les différents projets numériques dans le mouvement. XR France mutualise ces différents services sur peu de serveurs en vue de limiter les coûts.

Pour la rédaction de cet article, nous nous sommes interrogés sur le temps passé à l’administration des services. Cela représente entre 1 à 10h par semaine d’administration système (sur les serveurs). Ceci sans compter l’accompagnement des différent⋅es usager·es, la gestion de projets tech ou le développement informatique (qui sont réalisés par des personnes différentes). C’est donc à la fois un effort important, mais également assez limité au vu de l’ampleur du mouvement XR France (plusieurs milliers de membres actifs dans une centaine de villes). Cela ne compte pas non plus l’administration système sur les outils internationaux (Mattermost notamment). Au niveau international, quelques administrateurices sont salarié·es du mouvement.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière ?

Nous n’avons pas mis en place un accompagnement exhaustif, mais plusieurs guides de présentation des outils et des tutos vidéos ont été réalisés (par exemple cette vidéo sur l’usage de Mattermost). C’est difficile car il faut prendre en compte la variété des utilisateurices (Ingénieur informatique Bac+5 vs Retraité⋅e de plus de 60 ans).

Nous dispensons également des formations en physique ou en ligne sur l’hygiène numérique et la sécurisation de nos pratiques numériques (c’est très variable suivant les groupes locaux). Certaines de ces formations sont co-organisées avec Attac et Alternatiba, et ouvertes aux militant·es hors XR.

Cela serait intéressant d’aller un peu plus loin. Une des pistes, ce serait de rentrer en contact avec des hackerspaces et des structures membres du collectif CHATONS pour demander éventuellement des formations en sécurité numérique vie militante et/ou plus généralement sur la protection de la vie privée.

Est-ce que votre non-gafamisation a un impact direct sur la vie des militant·es ou les autres organisations ?

Sans aucun doute que ce choix politique du libre a un impact direct sur la vie des militant·es. Cela contribue à démystifier la dégafamisation en montrant que c’est possible de faire sans, et que ça marche ! Il s’agit d’une porte d’entrée au monde du libre. Mais nous ne sommes pas en mesure de quantifier le nombre de militant·es pour lesquel⋅les cela a introduit des changements dans leur vie hors XR.

Au niveau des autres organisations avec lesquelles on échange, notre non-gafamisation infuse un peu, mais très légèrement. Google, Zoom ou encore Airtable ont une place très importante dans de nombreux mouvements sociaux et climatiques en France. L’objectif de cet article sur le Framablog est de démontrer aux autres organisations que oui, c’est possible de ne pas se gafamiser et qu’on ne s’en porte que mieux.

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser aussi ?

Transitionner vers des logiciels libres (et auto-hébergés), c’est décider de consacrer du temps et des compétences pour installer et maintenir des services. Si on accepte d’avoir une qualité de service un peu moindre que les services commerciaux (service non redémarré immédiatement par exemple), alors le temps nécessaire à leur mise en place n’est pas si important (quelques heures par semaine au plus). Pour des toutes petites structures ou des structures éloignées du numérique, nous recommandons de prendre contact avec des associations spécialisées (telles que les chatons) et d’utiliser leurs services. Il est également possible de faire un appel à sa communauté : il y a probablement des défenseur·es des libertés numériques qui sauront vous mettre en relation avec les bonnes personnes localement.

Il faut aussi voir le logiciel libre comme la possibilité d’avoir un outil adapté à son propre besoin pour un coût réduit en mutualisant les développements avec d’autres structures qui auraient les mêmes besoins : une cinquantaine de petites structures peuvent se mettre ensemble pour financer des améliorations dans Nextcloud par exemple. [NDR : c’est justement une pratique que l’on souhaite valoriser au sein de la communauté Emancip’Asso.]

Et d’une manière plus générale, il ne faut pas chercher un logiciel libre comme une alternative à un logiciel propriétaire, mais plutôt chercher un logiciel libre pour répondre à un besoin. Google Doc sera toujours meilleur que Cryptpad si on prend Google doc comme référence. Pour autant, il est possible que Cryptpad réponde mieux à vos besoins que ne le fait Google Doc (édition sans avoir besoin de se créer un compte par exemple).

Les logiciels libres sont également meilleurs sur les questions d’interopérabilité des services. On pense alors en écosystème numérique davantage qu’en termes d’outils. Par exemple, ce n’est pas Mobilizon qui est mieux que Facebook pour publier des événements, mais c’est surtout la symbiose Mobilizon + site web XR France qui est intéressante pour XR.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Utiliser les GAFAM ou des logiciels propriétaires dans nos luttes, c’est se déposséder de nos outils de lutte. Être soumis à des outils qui ne visent pas le succès de nos luttes, mais leur rentabilité. Au contraire, utiliser le logiciel libre contribue à se réapproprier nos outils de lutte et, de fait, à la renforcer.

Chaque usage d’un service d’un géant du numérique doit donc être questionné et remplacé, ou mieux, arrêté. Voulons-nous vraiment des bases de données ultra-complètes sur les militant·es de nos mouvements ? Avons-nous besoin de faire des visioconférences quand on peut se retrouver dans un café ? Il est primordial d’accompagner sa dégafamisation d’une remise en cause plus large de sa dépendance au numérique.

visuel valorisant XR France dans le cadre de la campagne de communication Emancip'Asso

Associations : les géants du numérique, c’est pas automatique !

Par : Framasoft
5 mars 2024 à 03:33

Chez Framasoft, nous constatons que de plus en plus d’associations utilisent les services proposés par les géants du numérique (Google Workspace, WhatsApp, Zoom, Outlook, Trello, Microsoft Office 365 et bien d’autres). Ce qui n’est pas sans nous poser problème puisque nous estimons que ces outils sont toxiques, et en totale contradiction avec les valeurs portées par les associations. C’est pourquoi, pendant ce mois de mars, nous allons tout faire pour les convaincre de repenser leurs usages numériques. Et vous allez sûrement pouvoir nous aider !


Les associations, soutiens involontaires des géants du numérique ?

Si la toxicité des géants du numérique (Microsoft, Google, Meta, Adobe, Amazon, Apple, Uber, etc.) n’est plus à démontrer, rappelons tout de même que ces entreprises exercent toutes une triple domination (économique, technique et culturelle) et que l’objectif de leur offre de services est le même : développer leur empire pour concentrer, à un niveau sans précédent, une part déterminante des ressources, des données, des revenus et des pouvoirs.

Le modèle de société que portent ces entreprises est donc à l’opposé des valeurs portées par les associations (émancipation, justice sociale et environnementale, égalité, solidarité, etc.). Pourtant ces dernières ne sont pas toujours conscientes qu’en utilisant les services numériques de ces géants, elles se placent dans une situation de dépendance à des outils sur lesquels elles n’ont aucune prise (par exemple, elles subissent les modifications des conditions d’utilisation des services ou l’absence de certaines fonctionnalités). Ces associations participent, à leur niveau, à renforcer la puissance de ces entreprises, en leur fournissant davantage d’utilisateurices et davantage de données.

Construire un monde meilleur n’est possible qu’avec les outils qui nous en donnent la liberté.

Il n’y a rien de vraiment étonnant à ce que les associations utilisent des outils numériques privateurs dans une société où ceux-ci sont omniprésents, que ce soit au sein des établissements scolaires, des entreprises, des administrations et des grandes surfaces dédiées à la consommation. Il suffit de se promener dans les espaces publics pour constater les nombreuses campagnes publicitaires qui promeuvent ces outils. Ces outils privateurs bénéficient de plusieurs avantages : ils sont gratuits (en apparence puisque les données non consenties des utilisateurices sont souvent une contrepartie) ou à des prix compétitifs, intuitifs et faciles à utiliser, intégrés dans un écosystème facilitant l’utilisation de plusieurs produits et services simultanément, et ils bénéficient de l’effet réseau (plus un outil est populaire, plus il est attractif, peu importe sa qualité).

Très souvent, les outils numériques choisis au sein d’une association le sont par défaut : un besoin émerge, les dirigeant⋅es associatifs ou les personnes les plus à l’aise en « numérique » proposent un outil et il est adopté. Les membres des associations passent leur temps à bricoler avec les outils dont iels ont entendu parler sans jamais chercher vraiment à les maîtriser. Et si, au sein de l’organisation, aucune personne n’a la culture numérique permettant de questionner le choix de ces outils, il y a peu de chances qu’une réflexion stratégique émerge à ce sujet au niveau des organes de gouvernance.

banniere Les géants du numérique c'est pas automatique

C’est pourquoi, il y a presque 3 ans, Animafac a proposé à Framasoft de travailler de concert sur un projet qui permettrait de favoriser l’émancipation numérique du monde associatif. De là est né le projet Emancip’Asso, dont nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises sur le framablog.

Nous entrons dans la dernière phase de ce projet :

convaincre les associations qui veulent changer le monde d’adopter des outils numériques éthiques et les accompagner dans cette démarche.

S’émanciper des géants du numérique, c’est possible…

Selon l’étude La place du numérique dans le projet associatif réalisée en 2022 par Recherches & Solidarités et Solidatech, la proportion d’associations utilisant des outils libres est stable ces dernières années, autour de 40 %. On pourrait se réjouir qu’autant d’associations aient déjà pris conscience de la toxicité des services des géants du web et qu’elles aient adopté des alternatives plus éthiques. Cependant, l’étude nous révèle que c’est en fait seulement 16 % d’entre elles qui le font pour des raisons éthiques, les autres les utilisant pour des raisons pratiques (coût, fonctionnalités, etc.). De plus, si 41 % des associations utilisent des logiciels libres, ce n’est parfois que pour quelques services annexes et la majorité de leurs données restent hébergées chez les géants du numérique.

grahique présentant le taux d'usage des outils libres dans les associations

Il est difficile de connaître le nombre d’associations s’étant totalement émancipées des services proposés par les géants de la tech. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment ce qui nous importe ! Pour nous, l’important est que les associations prennent conscience de l’incohérence qu’il y a à utiliser ces outils toxiques et se lancent dans une démarche de transition. C’est pourquoi, nous allons, dans les prochaines semaines sur nos réseaux sociaux, célébrer celles qui ont déjà adopté des outils éthiques, non pas pour les ériger en modèles à suivre, mais pour qu’elles deviennent sources d’inspiration. Changer les pratiques numériques d’une organisation est un choix stratégique pas toujours facile à assumer en interne et nous sommes convaincu⋅es que savoir que d’autres l’ont fait peut être un déclencheur.

visuel asso chat perché visuel asso Les Greniers d'abondance

N’hésitez donc pas à partager ces publications pour soutenir ces associations dans leur démarche et inspirer celles dans lesquelles vous êtes impliqué⋅e ! Et si vous connaissez des associations émancipées ou en cours d’émancipation, faites-les nous connaître (en commentaire au bas de cet article par exemple) pour qu’on les célèbre elles aussi !

… mais ce n’est pas facile !

Nous sommes tout à fait conscient⋅es que modifier les usages numériques d’une organisation n’est pas aisé. Il ne suffit donc pas d’être convaincu⋅e qu’il est nécessaire de mettre en cohérence ses outils et valeurs pour y arriver.

Très souvent, les associations ne savent ni par où commencer, ni comment choisir parmi les nombreuses alternatives existantes et craignent que les changements d’outils ne soient pas acceptés par leurs membres. Et il est rare, qu’en leur sein, des personnes maîtrisent les méthodes pour piloter cette démarche de transition numérique. D’ailleurs, les résultats de l’étude La place du numérique dans le projet associatif l’indiquent clairement : parmi les associations qui n’utilisent pas d’outils libres, elles sont 15 % à exprimer le besoin d’être accompagnées.

Se lancer dans une démarche de transition numérique, c’est être amené à repenser beaucoup d’aspects de l’association, bien au-delà des simples outils : les modes de fonctionnement, la gouvernance et même la culture interne. Il est donc essentiel qu’un projet de transition numérique soit intégré dans la stratégie de l’association.

Si les étapes d’une démarche de transition numérique peuvent varier en fonction des besoins et des objectifs spécifiques de chaque association, nous pensons que certaines sont incontournables :

Évaluation des besoins
Évaluer les besoins et les objectifs numériques de l’organisation, ainsi que les domaines où la transition vers des pratiques numériques plus éthiques peut apporter le plus de valeur ajoutée. Très souvent, cette étape repose sur un diagnostic des outils et pratiques numériques actuels.
Sensibilisation et engagement
Impliquer et sensibiliser l’ensemble des parties prenantes de l’organisation à l’importance de la démarche de transition numérique, aux enjeux qu’elle implique et aux avantages qu’elle va apporter. Si malgré cela, certaines personnes ne sont pas convaincues de la pertinence de la démarche, un accompagnement au changement doit être envisagé.
Définition de la stratégie
Identifier les objectifs spécifiques, les mesures de succès et planifier les différentes étapes de la démarche pour élaborer une stratégie claire et compréhensible afin de la communiquer à l’ensemble des parties prenantes.
Choix des outils numériques
Identifier et sélectionner les outils numériques éthiques les plus appropriés pour répondre aux besoins spécifiques. Établir un calendrier pour l’implémentation de ces nouveaux outils en gardant en tête qu’il est rarement pertinent de tout changer d’un coup.
Adaptation des processus
Examiner et ajuster les processus existants pour garantir une intégration fluide. Très souvent, cette étape intègre le paramétrage de chaque outil, la migration des données et la rédaction d’une documentation technique.
Accompagnement à la maîtrise des nouveaux outils
Identifier les compétences et les connaissances nécessaires. Mettre en place des formations pour les futures utilisateurices des services déployés.
Intégration et collaboration
Encourager la collaboration et la communication entre les parties prenantes afin que celles étant le plus à l’aise puissent accompagner celles qui le sont moins.
Adaptation continue
Une démarche de transition numérique est un processus continu. Il est important de rester à l’écoute des évolutions technologiques pour s’adapter et ajuster constamment la stratégie numérique de l’association.

 

Cette démarche va souvent nécessiter de faire appel à des ressources externes. Trouver vers qui se tourner est souvent le premier obstacle rencontré par les associations. C’est là qu’Émancip’Asso entre en jeu !

Accompagner les associations vers un numérique plus éthique

Si l’écosystème de l’accompagnement associatif a largement évolué ces dix dernières années, les associations rencontrent toujours des difficultés à connaître les dispositifs existants leur permettant d’être accompagnées dans leur démarche de transition numérique.

C’est tout le but du projet Emancip’Asso : permettre aux associations de trouver différents moyens d’être accompagnées dans leur projet d’émancipation numérique.

Sur emancipasso.org, nous proposons à toutes les associations s’étant lancées dans une démarche de transition numérique de rejoindre une communauté d’entraide pour échanger bonnes pratiques, conseils et astuces. Partant du constat que les associations, et particulièrement les personnes en charge des aspects numériques au sein de celles-ci, n’ont à ce jour que très peu l’occasion d’échanger sur leurs pratiques en matière de transition numérique, il nous a semblé essentiel de proposer un espace pour qu’elles se sentent moins isolées sur ces questions.

interface du forum d'échange emancipasso.org

Ces échanges se déroulent sur un forum, structuré en plusieurs catégories :

  • entraide technique : demande de précisions sur le fonctionnement ou le paramétrage d’un outil spécifique ;
  • demande de conseils pour trouver l’outil le plus adapté à ses besoins ;
  • recherche de prestataire(s) pour se faire accompagner dans sa transition ;
  • partage de besoins de développement de fonctionnalités et/ou d’outils pour éventuellement mutualiser les coûts entre plusieurs associations.

Nous proposons aussi un répertoire de prestataires qui recense des professionnel⋅es de l’accompagnement formé⋅es aux enjeux du monde associatif. Ces professionnel⋅les sont en mesure d’aider les associations dans toutes les étapes d’une démarche de transition : identification de vos besoins, clarification des objectifs, sensibilisation et implication des parties prenantes, élaboration de feuilles de route, réalisation de diagnostics numériques, préconisations techniques pour aide au choix des nouveaux outils, accompagnement dans la conduite du changement et accompagnement à la prise en main des nouveaux outils, etc.

Vous trouverez à ce jour 33 prestataires référencés dans ce répertoire. Ce n’est pas énorme, mais c’est parce que nous avons sélectionné uniquement des structures ayant déjà accompagné des associations dans leur transition numérique éthique. Chaque fiche « prestataire » permet d’identifier le type, la taille et la localisation de la structure, les types d’accompagnement qu’elle propose et quelques exemples de projets réalisés avec des associations. Un moteur de recherche parmi cette base de données permet de filtrer ce répertoire selon plusieurs critères : le type d’accompagnement recherché, la taille de l’association et les modalités de l’accompagnement.

interface de recherche parmi le répertoire de prestataires

Enfin, vous trouverez sur emancipasso.org une page de ressources utiles aux associations et aux prestataires. Notre objectif est de recenser ici un maximum de contenus pédagogiques pour favoriser l’émancipation numérique du monde associatif. Cette base documentaire est régulièrement mise à jour avec ce que nous partage la communauté pour permettre à chacun⋅e de développer ses connaissances sur la thématique des pratiques numériques du monde associatif.

Alors, on a besoin de vous…

… pour nous aider à faire prendre conscience aux associations de l’incohérence qu’il y a à vouloir changer le monde en utilisant des outils privateurs de libertés et les inciter à se rendre sur le site emancipasso.org pour trouver ressources, entraide entre pairs et prestataires pour les accompagner dans leur transition vers un numérique plus acceptable.

visuel du sticker Emancip'Asso visuel du second sticker Emancip'Asso

Vous pouvez aussi inviter dès maintenant vos associations préférées à suivre notre webinaire de présentation le jeudi 14 mars de 11h à 12h (inscription via ce formulaire), partager nos supports de communication (plaquette de présentation et stickers) autour de vous et republier nos posts sur vos réseaux sociaux de prédilection !

Merci pour votre soutien !

Podcast Projets Libres ! Des humain⋅es derrière les projets !

Par : Framasoft
27 février 2024 à 10:08

Le podcast est un média particulièrement consommé en France, comme le rappelait l’interview de Benjamin Bellamy de Castopod en mai 2022 sur ce même blog (aussi disponible en… podcast !). Il permet d’écouter une interview en faisant la vaisselle, des crêpes, ou du roller (mais pas en milieu urbain – ceci est un message de la sécurité routière). Cela veut dire, par exemple, que vous pouvez écouter cette interview de Pouhiou et Booteille sur le projet PeerTube par… Walid de Podcast Projets Libres ! tout en changeant le joint de culasse de votre ordinateur ! C’est dingue cette coïncidence, non ? !

Un petit micro interview un grand micro. CC-BY-SA JJJJOOOOOOOOOOEEEEEEEEEEEPINO

Peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Quelle est ta couleur préférée ?

Je m’appelle Walid Nouh, mon surnom est wawa (ou wawax).

J’ai découvert l’informatique (et le roller) à l’âge de huit ans. Depuis, je n’ai jamais arrêté :)

J’habite actuellement en région parisienne et je travaille dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire dans la réparation et le reconditionnement de gros électroménager.

Ma couleur préférée est le noir.

À quel moment, dans ton parcours, as-tu croisé le logiciel libre ?

Durant mes années d’IUT. En cours, nous avions des ordinateurs sous Red Hat Linux.

Mon premier ordinateur personnel sous Linux c’était en 2000, il tournait sur une MandrakeLinux.

C’est à la sortie de mes études que j’ai vraiment découvert le libre et compris que c’était ce que j’allais faire dans les années à venir.

C’est lors de ma première expérience professionnelle, dans une ESN nommée Atos, que j’ai eu l’occasion de rejoindre le Centre Open Source de la compagnie, et de rencontrer d’autres personnes passionnées et qui avaient l’habitude de contribuer sur des projets libres.

Pourquoi le format podcast ?

Le podcast est ma manière préférée de consommer de l’information. J’écoute entre 10 et 20 heures de podcasts par semaine…

J’aime le fait que le format est libre, qu’on peut trouver des podcasts de niche, et que l’on peut aller très en profondeur dans les sujets.

Je suis un très grand fan des podcasts longs (entre 45 minutes et deux heures), j’ai d’ailleurs du mal à écouter des épisodes de 15 minutes.

On peut vraiment faire ce qu’on veut en écoutant un podcast – ici, un astronaute jouant avec l’apesanteur en écoutant un podcast

D’ailleurs, tes podcasts font très pros (format, montage) : des astuces ou bons logiciels à conseiller ?

Chaque épisode me prend 6 à 10 heures de travail  !

Pour arriver à ce résultat je passe énormément de temps à me documenter, écouter des podcasts ou vidéos, afin de réaliser une trame.

Je soumets ensuite cette trame au(x) invité(s), afin qu’ils puissent se préparer ou ajuster celle-ci.

Cette phase préparatoire peut prendre des semaines, car elle est nourrie par mes rencontres, réflexions ou lectures. Chaque épisode commence, pour moi, par la découverte du sujet et un questionnement sur l’angle que je veux donner à l’interview, et comment celle-ci s’inscrit dans la suite des précédentes.

Pour le montage j’utilise Audacity, c’est très classique (il faut que j’essaye Ardour…).

Pour la mise en ligne je passe par la plateforme libre Castopod, qui est très bien et nativement connectée au Fediverse.

Si je devais donner des conseils :

  1. bien réfléchir à sa ligne éditoriale, ce que l’on veut faire, et en quoi ses épisodes vont se distinguer de ce qui existe déjà dans l’univers du podcast.
  2. être clair sur l’objectif de son podcast : est-ce que l’on veut un podcast plutôt “live” ? (donc sans montage par la suite). Est-ce qu’on se fixe des limites en temps à passer par épisode ?
  3. est-ce que tu veux vivre ou te rémunérer avec ton podcast ? (Auquel cas renseigne-toi bien, regarde ce que font les autres pour trouver un modèle qui te convient).

De mon côté, je me suis fixé plusieurs règles :

  1. la durée de l’épisode n’est pas un problème
  2. je ne m’interdis aucun sujet : le podcast reflète mes intérêts. Je suis conscient que certains épisodes ne vont pas intéresser la majorité des gens, mais du moment que j’ai envie de le faire, alors il n’y a pas de raison de s’en priver :)
  3. je ne m’astreint à aucun calendrier de sortie fixe (même si j’aime bien le format de 2 par mois, mais ça risque de glisser plutôt vers 1 toute les trois semaines)
  4. je fais le minimum en termes de communication sur les réseaux sociaux et je laisse faire le bouche-à-oreille
  5. des épisodes peuvent être super techniques et d’autres grand public, à mon appréciation

Pourquoi le sujet du libre et non celui du roller ?

J’ai commencé les podcasts il y a deux ans par collaborer sur un podcast de roller, nommé Balado Roller. Dans ce podcast nous interviewons des personnes qui ont contribué à l’essor du roller. J’ai commencé par y être invité, puis co-animateur et aujourd’hui je réalise une partie des montages des épisodes auxquels je participe. Son audience est bien supérieure à celle de Projets Libres ! et nous savons qu’il est écouté par les professionnels de ce sport.

Le podcast Projets libres !, reprend le même concept mais appliqué à ma seconde passion, qui est le logiciel libre. La différence c’est que pour celui de roller nous sommes deux, et nous nous appuyons sur un site qui existe depuis 20 ans.

Pour Projets Libres !, je suis tout seul, c’est moi qui fait tout de A à Z, suivant mes propres désirs (je suis assez perfectionniste).

Une autre différence est que sur nos interviews roller, le travail de préparation a soit été déjà fait en amont sur le site rollerenligne.com au fil des années, soit il est minimal car nous connaissons personnellement la plupart de nos invités. Sur Projets Libres ! je dois faire beaucoup plus de recherche pour éviter de dire des bêtises, et aussi pour être sûr de la qualité de l’échange de l’on va avoir.

Comment choisis-tu qui tu vas interviewer ? En fonction des affinités ? Parce que tu utilises le logiciel ou projet ? Du buzz ?

C’est une combinaison de plusieurs facteurs :

  1. mes propres passions, sujets de fond. Principalement : la cartographie des projets francophones, les financements des projets, les transports, le Fediverse, les forks et les ERPs
  2. les personnes qui me contactent pour me proposer un sujet ou une mise en relation
  3. les rencontres que je fais sur les salons ou conférences, et qui alimentent mes réflexions
  4. les outils que j’utilise et dont je suis fan
  5. mon travail, dans le métier du reconditionnement, qui m’amène à vouloir creuser certains sujets qui m’intéressent

J’essaye de n’interviewer que des personnes qui sont au coeur des projets. Ma stratégie est de proposer un contenu original, que j’espère de qualité, et que les personnes concernées feront tourner dans leur communauté. Je ne souhaite pas faire de publicité. Ma communication est plutôt du type LinuxFR que du type LinkedIn.

Je fais des podcasts en français car c’est ma langue natale et aussi parce qu’il y  a déjà de très bons podcasts en anglais.

J’en profite d’ailleurs pour indiquer que des statistiques publiques du podcast sont disponibles ici : https://statistics.projets-libres.org/

Dans tes podcasts, tu te concentres sur l’histoire humaine derrière les projets : c’est important pour toi ?

Pas de logiciel libre sans femmes et hommes !

J’ai eu la chance d’être un professionnel du logiciel libre, actif dans l’univers francophone pendant plus de 10 ans, d’être core developer sur un logiciel, d’avoir participé au fork d’un autre, d’avoir travaillé en ESN spécialisées dans le libre. Partout où je suis passé j’ai rencontré des femmes et des hommes passionnés par le libre et ses valeurs.

C’est en partie ce que je cherche à mettre en valeur, en m’appuyant sur ma propre expérience.

Pour faire simple, je cherche à produire le contenu que j’aimerais entendre. Je suis souvent frustré à la fin d’une interview car personnellement j’aurais posé d’autres questions, ou creusé d’autres sujets !

Mes podcasts ont pour but d’être complémentaires avec ceux qui existent déjà, que j’écoute régulièrement et que j’aprécie.

Qui aimerais-tu interviewer pour un prochain épisode ?

J’ai comme projet d’essayer interviewer toutes les associations historiques du libre.

L’idée serait de pouvoir faire une cartographie ou une frise temporelle de l’apparition des unes par rapport aux autres.

Je vais aussi me concentrer sur la notion de fork, et ce que cela veut dire au niveau humain (pour les personnes qui forkent, et pour les mainteneurs qui se font forker).

Bref, j’ai déjà une feuille de route pour les 6 mois à venir ^^

Page Castopod de Projets Podcasts Libres !

Quels sont les défis à venir pour le podcast ?

  1. Durer. Je me suis fixé 1 an sous cette forme et seul. Le podcast est un travail journalier, qui me prend presque tout mon temps libre.
    En 2024, il va falloir que je constitue une équipe, pour aider à monter en qualité et garder un rythme raisonnable.
  2. La parité femme/homme dans les interviews. Ce n’est pas si simple, mais j’y travaille et c’est très important pour moi.
  3. Se renouveler, d’avoir toujours des bonnes personnes avec du contenu intéressant.
  4. Il va falloir que je me finance mes besoins en me basant sur le don : je ne suis pas intéressé par mettre la publication ou du sponsoring dans le podcast. Comment donc faire en sorte que les gens acceptent de me financer, sans que cela ne me demande plus de travail supplémentaire (par exemple faire du contenu exclusif pour ses donateurs). Dans une démarche bénévole, tout contenu que je produis est du temps que je ne passe pas pour d’autres projets ou dans ma vie personnelle
  5. Réaliser un épisode avec sa transcription : c’est un défi permanent, car cela ajoute plusieurs heures de travail par épisode :)

La transcription des épisodes doit effectivement prendre un temps fou. C’est important pour toi ?

C’est une des premières choses qui m’a été demandé, et j’avais mis le sujet de côté car je ne pouvais pas tout faire. C’est en lisant le manifeste de Julie Moynat, relayé par Frédéric Couchet que j’ai remis le sujet au goût du jour.

La transcription a plusieurs fonctions :

  1. permettre aux gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas écouter le podcast de suivre notre conversation. Je dois avouer que, dans le cadre de mon travail, je déteste les tutoriels vidéos car tu ne peux pas rechercher dedans pour trouver exactement ce que tu veux…
  2. elle améliore le référencement du texte
  3. elle participe à la démarche “de ne pas juste avoir un podcast” mais d’avoir un media

Techniquement je passe par un service (non libre) de transcription. Je dois ensuite retravailler les phrases pour en faire un texte lisible. Cela pose des questions sur le niveau de retravail, entre avoir un texte en bon français et garder le sens et l’atmosphère de l’interview. J’ai bien essayé de demander une IA de me corriger les phrases sans les modifier, mais je n’ai pas encore atteint le bon résultat. J’ai des échanges avec Benjamin Bellamy de Castopod, car c’est un de leurs axes de travail actuel.

N’étant pas un professionnel, la correction transcription d’un épisode d’un heure me prend 2 à 3 heures de travail (avec la mise en forme sur le site). C’est une des raisons pour lesquelles je pense changer le rythme de sortie des épisodes.

Je voudrais faire quelques remerciements :

  • ma femme qui supporte tous mes enregistrements et mes conversations autour du podcast !
  • mes amis et collègues pour les idées, écoutes et commentaires
  • mon ami Emilien Martinoty pour son aide et pour création et maintenance du site
  • l’équipe de Castopod pour la migration sur leur plate-forme et les discussions régulières
  • tous les invités qui m’ont fait confiance
  • pour finir toute l’équipe framasoft pour leur accueil et la promotion de mon podcast

Quelques liens :

HorsCiné, plateforme de films libres et écosystème du cinéma libre en devenir

Par : Framasoft
22 février 2024 à 04:00

La plateforme de films libres HorsCiné a fêté ses 3 années d’existence en novembre dernier. On s’est donc saisi de l’occasion pour braquer nos projecteurs sur cette chouette initiative. Pour nous parler de HorsCiné, nous avons donc interviewé Pablo et Tristan, fondateurs de l’association Lent Ciné qui porte ce projet.

visuel HorsCiné

 

Bonjour Pablo et Tristan. Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer en quelques phrases ce qu’est HorsCiné ?

P : On est membres (bénévoles) de l’association Lent ciné, une asso de création et diffusion de films libres et de promotion de la culture du libre, qui existe depuis 2016. C’est dans ce cadre qu’on a créé HorsCiné, qui s’est concrétisé fin 2020 avec le lancement de la plateforme. On mène différents projets, et c’est Tristan qui porte celui-ci, alors je vais lui laisser la parole.

T : HorsCiné, c’est une plateforme de diffusion de films libres indépendante et gratuite. On peut y trouver des centaines de films, courts, moyens et longs-métrages, de la fiction, du documentaire et de l’expérimental, des classiques et des films jeune public. Sur des sujets légers ou très engagés. Parce qu’ils sont libres, ces films restent accessibles, et peuvent être copiés, partagés et diffusés, selon les conditions décidées par leurs auteur⋅rices.

HorsCiné, c’est aussi un projet bien plus large, celui de créer un écosystème du cinéma libre. Pour l’instant on permet au film d’être accessible, mais on souhaite aussi faciliter l’organisation de projections, en mettant en lien les personnes qui créent et celles qui diffusent ou voudraient diffuser (associations, collectifs, médiathèques, centres sociaux, etc.). On souhaite aussi participer à la création d’œuvres, en donnant accès à des ressources et à des moyens. On a créé et animé des ateliers autour des œuvres : création en réutilisant des images et des sons libres, sonorisation de films muets. On a beaucoup d’idées qu’on aimerait voir aboutir.

Que mettez-vous exactement derrière l’expression « films libres » ?

T : Les films libres, ce sont des films qui ont été libérés, plus ou moins partiellement, du droit d’auteur. L’expression films libres est une dénomination générique qui regroupe des films placés sous licence libre ou de libre diffusion et des films entrés dans le domaine public. Schématiquement, en appliquant une licence à son œuvre, son auteur·rice transforme le « tous droits réservés » qui s’applique automatiquement en « certains droits réservés », et donne ainsi la possibilité au public de regarder et partager son film librement. Et parfois plus, comme réutiliser des passages pour créer une nouvelle œuvre. À noter que la plateforme HorsCiné est elle-même sous licence libre (CC BY-SA), chacun⋅e est donc libre de s’en saisir.

Vous vous y prenez comment pour trouver des films libres à référencer ?

P : Depuis 2017, on organise Nos désirs sont désordres, festival de films libres de critiques sociales. On lance chaque année un appel à films. Ça nous a permis de découvrir plein de chouettes films, et de rencontrer des réals et des collectifs qui publient leurs films sous licence libre, comme Synaps ou Ciné 2000, et aussi d’entrer dans des réseaux comme le Réseau d’Ailleurs.

ill du festival Nos désirs sont désordes

T : Il y a des festivals aussi, comme le Festival Mondial des Cinémas Sauvages qui nous ont simplifié le travail. Et puis ensuite on enquête. On ratisse le web en espérant avoir de la chance. Au début, ça ne marchait pas beaucoup. Et puis à force, on a appris où et comment regarder. Une difficulté, c’est la question des licences : il est parfois difficile de trouver la licence, ou de s’assurer qu’elle émane bien de l’auteur·rice du film. Par exemple sur vimeo, il y a la possibilité de spécifier la licence de la vidéo, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas fiable, plein de vidéos sont placés sous une licence sans que les réals ne l’aient fait exprès. Il y a aussi les films du domaine public. Pour les trouver, on passe beaucoup de temps sur wikipedia à vérifier la date de mort de nombreuses personnes, et on a aussi passé beaucoup de temps à trouver les législations de nombreux pays et à comprendre comment elles marchaient et comment elles s’interconnectaient avec le droit français. Et enfin on reçoit régulièrement des films envoyés par leurs auteur·rices depuis le formulaire sur le site.

HorsCiné a fêté ses 3 ans en novembre dernier. Vous nous en dites plus sur l’histoire de ce projet ? Quelles en ont été les différentes étapes ?

T : En 2016, on crée Lent ciné avec l’idée qu’allier le libre et le cinéma, c’est rendre ce dernier plus accessible, tant en terme de création que de diffusion. L’année suivante, on crée le festival Nos désirs sont désordres.

P : Et en 2018, on fait le constat que les films libres ont besoin d’être réunis, parce qu’ils sont dispersés et donc peu visibles. On commence alors à ébaucher ce qu’est HorsCiné. Mais on n’a pas de moyens, et comme on n’a pas de compétence technique vu qu’on ne vient pas du monde de l’informatique, le projet patine.

T : En 2019, on commence à faire une liste de films qu’on publie sur un wiki hébergé par Framasoft qu’on appelle cinélibre. En novembre 2020, après des mois de travail avec un développeur qui finit par nous ghoster, on se retrousse les manches et on bidouille wordpress. On met cette première version en ligne, on y ajoute des films, et on lance un financement participatif pour obtenir de quoi l’améliorer. On obtient quelques articles de presse, et un peu plus de 1000€. Les mois suivants, on continue à l’améliorer en bidouillant et on bosse sur une plateforme plus aboutie avec Christine et Robin de Code Colliders. On rémunère une toute petite partie de leur travail, le reste étant du mécénat. En avril 2022, la version actuelle du site est mise en ligne. En plus d’un meilleur classement des films, on ajoute des sélections et un espace membre. On en a également profité pour changer le logo et l’identité visuelle de HorsCiné, grâce au talent de Valentin. Quelques mois plus tard, un nouveau crowdfunding est lancé, nous offrant environ 1500€. Aujourd’hui, il y a 286 films en ligne et 13 sélections. Et des fonctionnalités permettant de rapprocher les personnes qui créent et les personnes qui diffusent sont toujours en cours de développement.

Si je vais sur HorsCiné, comment je fais pour trouver un film qui me plaise ?

T : La plateforme est pensée autour de cinq catégories : documentaire, fiction, expérimental, classique et jeune public. On classe aussi les films selon le métrage (court, moyen, long), les genres, les thèmes, les âges, les licences et les périodes de sortie. Vous pouvez déjà faire des recherches selon tous ces critères. On ajoute aussi des éléments autour du pays, de la langue et des sous-titres, qui seront disponibles dans la recherche d’une prochaine version du site.

On a aussi créé des sélections de films. Elles sont constituées autour d’un thème, d’une technique, d’une période, d’un genre, des personnes qui créent, qui diffusent ou qui apparaissent dans les films. On en crée, et on peut aussi mettre les vôtres en avant. En effet, on a créé un espace membre, où vous pouvez créer des sélections, les partager, et même les intégrer facilement sur d’autres sites. Dans cet espace membre, vous avez aussi la possibilité d’ajouter des films à vos favoris pour les regarder plus tard.

Vous parlez d’éditorialiser le choix des films à la Une chaque semaine, pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’est-ce qui motive votre choix de valoriser ces films ?

T : On ajoute un film par semaine sur HorsCiné, le mercredi midi. Au départ, on ajoutait un avis sur le film, qui expliquait pourquoi on l’a mis en ligne, mais le temps nous manque pour continuer, malheureusement. On propose parfois des interviews des réalisateur·rices, des contextualisations, des zooms thématiques ou techniques, et on renvoie vers d’autres sites où se trouvent des informations sur les films. Et puis on créé des sélections de films, pour les faire dialoguer avec d’autres.

On a cru comprendre que tous les films référencés sur HorsCiné étaient hébergés sur une instance PeerTube. Quel est l’intérêt ? Qui est votre hébergeur ? Ça se passe comment ?

T : Au lancement de la plateforme, on partageait les vidéos depuis les sites de streaming qui les hébergeaient. Mais en plus d’être critiquable sur le plan de la captation des données, des vidéos pouvaient être supprimées sans qu’on ne le sache. On a cherché des solutions et contacté des structures membres du Collectif CHATONS. L’asso belge Domaine Public nous a proposé d’héberger les films sur son instance PeerTube en échange d’une faible cotisation, et on a tout de suite accepté ! Ça fait complètement sens pour nous d’utiliser un logiciel libre, d’autant qu’on a suivi et soutenu (très modestement) son développement depuis le début.

L’intérêt, c’est qu’on a la main sur l’hébergement des vidéos tout en n’ayant pas à gérer la partie technique. PeerTube permet également de clairement indiquer la licence des films dans la description de chaque vidéo, ce qui clarifie les choses. Et surtout vous pouvez maintenant les télécharger en deux clics ! On remercie chaudement Framasoft et Domaine Public pour ça, c’est agréable de dépendre d’associations qui ont les mêmes objectifs et les mêmes valeurs que nous.

Vous êtes combien sur ce projet et vous avez quels moyens ?

T : J’ai envie de répondre « trop peu » pour les deux. HorsCiné, c’est un gros projet qui manque de forces vives et de moyens. Et ça s’explique notamment par le fait que ce soit un projet de niche dans la niche. Le libre, ça parle à de plus en plus de personnes, mais quand même encore trop peu. Le cinéma libre, ça parle à personne ou presque. Je suis la seule personne à m’occuper de la gestion quotidienne du site (le repérage et l’ajout des films, la création des sélections, etc.). Autour gravitent des personnes qui participent plus ponctuellement : Robin pour le développement du site, Max pour la com’ sur les réseaux sociaux. Et puis d’autres sont passées mais n’ont pas pu s’investir durablement. Si le projet vous parle et que vous souhaitez y contribuer, on sera ravi·e de vous accueillir =)

En ce qui concerne les moyens, nous avons reçus 2500€ de dons entre 2020 et 2022 lors de deux crowdfunding. L’année dernière, nous avons sollicité une fondation plutôt que de refaire un financement participatif, mais elle n’a pas donné suite. Nous avons quand même reçu 150€ de dons. On remercie toutes les personnes qui nous ont soutenues.

Évidemment, ce n’est pas assez pour faire vivre un tel projet, même bénévole, et on a dû utiliser des fonds de Lent ciné, qui proviennent de prestations qu’on a réalisées avec Pablo. Et remettre à plus tard beaucoup de choses, notamment la communication.

Si je veux aider la plateforme à se développer, que puis-je faire ?

T : Si vous souhaitez contribuer à HorsCiné, vous pouvez :

  • participer à la gestion quotidienne du site : regarder et sélectionner les films, les mettre en ligne, rédiger des contenus sur ces films, rédiger des articles, tenir à jour la FAQ, rédiger des documents sur les licences libres et le domaine public, développer de nouvelles fonctionnalités (en nous contactant)
  • proposer des films
  • faire connaitre HorsCiné en partageant le site (on est aussi sur les principaux réseaux sociaux, dont mastodon) et en en parlant autour de vous (et notamment aux profs, médiathécaires, membres d’assos et de collectifs, animateur·rices de centres sociaux, etc.)
  • diffuser les films de la plateforme (en respectant les licences)
  • faire un don

Capture de la page Pourquoi Faire un don sur le site HorsCiné

HorsCiné est donc l’un des nombreux projets de l’association Lent ciné. On vous avait déjà interviewés en février 2020 sur le framablog à l’occasion de la campagne de financement participatif du projet Sortir du cadre. On en est où de ce projet là ? Quelles sont les dernières actualités de l’association ?

P : Pour commencer, ce projet là a changé de nom, il ne s’appelle plus Sortir du Cadre mais Share Alike. Le projet documentaire a bien évolué depuis cet article du framablog, notamment sur la forme. On a décidé de changer de format pour que ce soit plus simple à diffuser et que ça puisse toucher plus de monde. Maintenant c’est une série de 9 (ou 10, on n’est pas encore décidés) épisodes d’une quinzaine de minutes chacun. Sur le fond, il y a peu de choses qui ont changé si ce n’est qu’on a un peu élargi le sujet. Ça ne parle plus uniquement de l’utilisation des licences libres dans l’art mais aussi du système économique global de la création artistique.

On a commencé à tourner en mai 2022 et après avoir sillonné la France pendant presque deux ans, le tournage touche bientôt à sa fin ! On est hyper contents des personnes qu’on a pu rencontrer à travers ce projet là et des témoignages qu’on a réussi à récolter. Il reste toute la post-production à faire et ça ne va pas être une mince affaire. On a pas trop envie de se prononcer sur une date de sortie mais ce qu’on aimerait, c’est que ça sorte avant 2025.

Pour finir cette interview, auriez-vous quelques films à nous recommander ?

P :

La sélection de Pablo

T :

La sélection de Tristan

La sélection de Tristan

 

Merci beaucoup pour vos réponses. On espère que les lectrices et lecteurs auront désormais le réflexe de se tourner vers HorsCiné lorsqu’iels auront envie de regarder un film ! D’ailleurs, on les invite à nous partager dans les  commentaires leurs coups de cœur ! Et longue vie à la plateforme HorsCiné !

Un bénévolcamp pour faire ensemble

Par : Framasoft
11 février 2024 à 03:15

La vie associative n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Plus une association grandit et plus les relations sont nombreuses et deviennent complexes. Avec plus de 40 membres (environ 30 bénévoles et 11 salarié·es), réparti‧es un peu partout en France, Framasoft rencontre parfois des situations plus ou moins ardues qui méritent d’être discutées.

Pour la première fois depuis son existence, un bénévol’camp (entendez : une rencontre entre bénévoles) a été organisé sur un week-end d’octobre 2023 (du 27 au 30). D’autres rencontres annuelles existaient d’ores et déjà : des frama’camps où absolument tous·tes les membres se retrouvent, des salario’camps réservés uniquement aux… salarié·es. Il s’agissait donc de la première occasion pour les bénévoles de se retrouver uniquement entre elleux.

L’objectif de cette rencontre était de permettre aux membres de travailler le projet associatif et de tisser des liens. Nous vous racontons ici cette histoire, en espérant que cela puisse vous inspirer mais également pour vous montrer les coulisses extrêmement glamours d’une association comme Framasoft.

Comment on organise un bénévolcamp ?

Côté logistique, ça prend du temps d’organiser un événement pareil. Comment ça marche ?

  • il faut trouver le lieu adéquat pour recevoir du monde : alors pas trop loin d’une gare, pour que celleux qui prennent le train puissent venir facilement, au centre de tous nos lieux d’habitation afin de minimiser les coûts du voyage, dans une maison avec assez de chambres pour nous accueillir (et puis si possible d’avoir une piscine à balles, un jacuzzi et une salle de cinéma ce serait parfait, merci par avance :o)(bien sûr, cette parenthèse n’est que fadaises)).
  • acheter les billets de trains et subir les frasques de la SNCF (une petite pensée pour ce bénévole qui a eu une demi journée de retard à l’aller, et une autre au retour :’))
  • prévoir les courses alimentaires et les tours de préparations culinaires : qui mange quoi ? comment on trouve des repas qui conviennent à tout le monde ? La solution la plus facile : des bonnes recettes végés ou végans pour tout le monde. En plus de simplifier la gestion des régimes de chacun, c’est aussi bon pour la planète et le portefeuille. Qui prépare quoi ? Comment on fait pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui s’occupent des repas, et en particulier pas toujours les meufs ?
  • proposer en amont des idées pour des ateliers, afin que chacun·e puisse commencer à réfléchir de son côté sur les sujets en question.

Humainement, c’est toujours magique de voir des personnes vivre ensemble, s’auto-gérer, s’organiser et discuter, voire rire avec autant de joie et d’humour. Le vendredi soir a donc été consacré aux premières retrouvailles et comme l’a écrit notre ami Booteille dans un compte-rendu interne, « c’était très chouette de revoir les bouilles de toutes les personnes présentes ! » 🥰

En tout, une vingtaine de personnes y sont passées !

De quoi on parle pendant un Bénévolcamp ?

Le samedi matin a été plus studieux. Comme lors de la plupart de nos réunions, nous avons ouvert le week-end par un forum ouvert. C’est une méthode d’organisation qui permet de co-construire le programme ensemble. Chacun·e écrit sur des post-it les propositions des ateliers/discussions qu’iel voudrait animer, ou auquels iel voudrait participer.  Ces post-its sont ensuite placés sur un tableau (avec salles et horaires). N’étant pas trop nombreux, nous avons pu éviter de mener trop d’ateliers en parallèle, ce qui aurait tendance à générer des frustrations (« je veux aller à cet atelier ! mais en même temps il y a cet atelier qui a l’air trop bien ! »).

Et là, vous vous demandez quels sujets ont été abordés ? De quoi des bénévoles de Framasoft peuvent bien discuter quand iels se retrouvent ? Du TURFU 1 bien sûr ! !

La journée de samedi a donc commencé par un atelier proposé par Gee, sur le vieillissement de l’asso‘. Puisque le nombre de rides des membres de Framasoft augmente, il s’interrogeait sur ce que cela impliquait dans l’asso, notamment en termes de diversité et de représentation. Est-ce que Framasoft devrait communiquer sur Tiktok, plateforme plebiscitée par notre jeunesse ? Doit-on guillotiner les membres présent·es depuis plus de X années, pour éviter l’encrâssement ? (Non.) Question Philosophie Magazine : la jeunesse est-elle une caractéristique physique ou une manière d’être au monde ? S’en sont suivies de nombreuses propositions intéressantes parfois radicales, souvent humoristiques et dédramatisantes, transmises au reste de l’asso par la suite.

L’atelier d’après, c’est notre cher Yann qui l’anima. Il voulait discuter du bénévolat valorisé et de la réactance qu’il découvrait vis-à-vis de ce sujet (y compris de sa part). Si vous ne savez pas ce dont il s’agit : chaque association demande à ses bénévoles de l’informer du temps consacré à faire des actions afin de leur attribuer une valeur financière estimée. Ce montant est pris en compte dans le bilan chaque année et peut permettre de faire valoir l’implication bénévole afin de récupérer des subventions, par exemple. C’est assez contraignant pour certain·es, valorisant pour d’autres. Cela implique aussi de penser son investissement associatif sous un angle qui peut être déplaisant, car ressortissant d’une logique que l’on souhaiterait peut-être exclure d’une structure non capitaliste. Une proposition simple a été évoquée mais pas adoptée : et si chacun⋅e se contentait d’indiquer le même volume horaire mensuel, sans mesurer exactement son implication bénévole ? La question reste donc en suspens, mais ça va très bien, nous n’étions pas à la recherche d’une solution mais d’une discussion.

Pendant que certaines personnes s’attelaient à satisfaire les estomacs gargantuesques, d’autres ont commencé, sous l’impulsion de Maiwann, à créer Framalove, un site qui vous veut du bien !

L’idée était de récupérer les commentaires à connotation positive du questionnaire de satisfaction, les remerciements, les messages d’amour et de vœux de continuation, et d’en faire un site qui en afficherait un de manière aléatoire sur une page statique. Bah oui, c’est bien de s’auto-congratuler de temps en temps 🙃. Il a fallu re-trier des milliers de commentaires déjà pré-triés l’année dernière. Mais ça valait le coup ! Vous découvrirez cela bientôt… un jour… Spoil : Peut-être pendant la prochaine fête de l’amour ? 😏

Chez Framasoft, la question du soin (« care » en anglais) est centrale. Si l’on veut pouvoir apporter ce soin au monde extérieur, encore faut-il se sentir intrinsèquement bien, sain, autonome, et puissant. Comment une gourde vide pourrait-elle épancher la soif ?

Après le repas, nous avons eu le plaisir de rencontrer Syst, ex-membre de La Quadrature Du Net, qui s’est proposé pour faire passer des entretiens individuels aux bénévoles. Un bon moyen de continuer le travail enclenché autour du soin des membres. Nous allons enfin savoir « Quel est l’objectif des membres de Framasoft ? », même si on s’en doute un peu : dominer le monde gnark gnark gnark gnark ! ! !

Yann a ensuite repris les ateliers en nous proposant de partager nos références culturelles. Livres, films, podcasts… C’est toujours un moment enrichissant, en plus des œuvres que l’on découvre on en apprend un peu plus sur les gens également. Chacun·e partageant ses coups de cœur, ses muses, ses inspirations.

Pour les livres, parmi les tas apportés, surnageaient quelques ouvrages de Bernard Stiegler, dont « Aimer, s’aimer, nous aimer », l’essai de Federico Zappino « Communisme queer », le pavé de Pierre Dardot et Christian Laval « Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle », la synthèse d’Alfred Korzybski « Une carte n’est pas le territoire », les excellents romans graphiques d’Alessandro Pignocchi ou les mémoires d’Usamah Ibn Munqidh « The book of Contemplation ».

Le dernier atelier était plutôt une discussion, hors « Frama », entre bénévoles qui réfléchissent au sens dans leur travail salarié (hors Framasoft, donc, puisque nous étions entre bénévoles), et dont certain⋅es ont choisi de se mettre à leur compte dans le monde du travail. Nous avons appelé ce groupe Framacoop, même si en pratique il n’y aurait pas nécessairement de lien avec Framasoft ou de projet de coopérative dans l’immédiat :).

Lorsqu’on agit au sein d’une association pour lutter contre le capitalisme de surveillance, où l’on parle d’émancipation vis à vis du numérique et d’imaginaires désirables, il n’est pas étonnant de se poser la question du sens de son travail dans notre propre vie professionnelle, et l’envie d’aller explorer d’autres horizons, choisir de participer ou non à cette société que l’on souhaite changer. Certain⋅es d’entre nous peuvent rencontrer des situations difficiles dans leur travail.

Nous essayons de parler de nos situations et trajectoires pro dès que nous nous rencontrons lors de cet atelier dédié, cela amène un soutien entre bénévoles sur ce plan plutôt bénéfique, avec des échanges de conseils et de perspectives vers lesquelles se projeter, et nous aide à voir le chemin parcouru personnellement. Si le sujet vous parle, nous vous conseillons vivement d’aller consulter le site « On se lève et on se casse » réalisé par Maiwann et l’association l’Échappée Belle, dont elle fait partie, et qui nous a été utile lors d’un précédent atelier sur le sujet :-)

La journée s’est terminée autour de crêpes, d’eau pétillante, d’alcool (avec toujours cette bonne amie « modération ») et de vilains noms de GAFAMs. Oui oui, les noms des vilains monstres de notre dernière campagne ont été inspirés en partie de cet atelier, pour le meilleur comme pour le pire ; on vous laissera imaginer la quantité de noms qu’on a dû auto-censurer pour des raisons de décence. C’est souvent le soir et sous l’effet magique de la fée Absinthe que l’on trouve des noms amusants pour des sujets un peu trop sérieux…

Échange entre trois bénévoles

Le lendemain, on a ré-attaqué avec la présentation des mini-sites de Framalibre. Voir un projet avancer et pouvoir y contribuer était enthousiasmant ! C’était l’occasion d’un test utilisateur·ice, pour voir à quel point il était facile de créer un tel mini-site. Depuis, tout est sorti et disponible pour vous également !

Nous avons ensuite eu une discussion sur les pratiques pour protéger son intimité numérique dans un milieu militant. Quand on a effectué des actions militantes et que l’on soupçonne être sous surveillance (policière notamment), comment éviter que cette surveillance ne nous affecte trop, et ne se propage aux autres autour de soi ? Bien sûr, évaluer la menace est important mais avant tout, il faut éviter la paranoïa car elle nous empêche souvent d’agir. Nous pouvons mettre en place quelques mesures au quotidien, simplement pour en prendre l’habitude et se les approprier, sans pour autant multiplier les outils.

À 11h30, Maiwann nous a proposé l’atelier FramaJOIE. Il nous a servi à mieux comprendre le rapport à notre énergie, nos besoins et nos émotions vis-à-vis de Framasoft. Un outil très intéressant que nous avons utilisé est le cercle des émotions (parfois également appelé Roue de Plutchik). Cela nous a permis de mettre des mots sur les émotions (positives comme négatives) que l’on peut ressentir quand on agit au sein de l’association. Cela peut paraître anodin, mais l’on apprend rarement à identifier clairement ces émotions et avoir une liste de mots devant les yeux peut aider à identifier nos ressentis, en étant beaucoup plus précis que « Moi ça va ! ». Par exemple, plusieurs d’entre nous ont pu partager l’impatience qu’iels ressentaient à l’approche d’un évènement où l’on se retrouve physiquement. D’autres, la frustration et la fatigue de se sentir seul⋅es dans certaines actions menées au sein de l’association. Ce fut un atelier important pour mieux comprendre sa relation à l’association, mais aussi pour écouter ce que les autres pouvaient ressentir de leur côté, toujours dans l’optique de mieux se comprendre, interagir et faciliter les projets communs.

En début d’après midi, était organisé un atelier pour redéfinir la liste des attendus des bénévoles. Nous avons dû commencer par définir des objectifs (trois c’est bien) :

  • Expliciter synthétiquement ce que signifie être bénévole chez Framasoft
  • Proposer un cadre qui se veut rassurant quant à la légitimité à pouvoir agir en tant que bénévole
  • Exprimer ces attendus de manière non-autoritaire

Sur cette base, nous avons pris le temps de remettre au propre une page de notre wiki interne pour documenter :

  • les actions possibles au sein de l’association (par exemple lire ses mails, participer aux discussions et aux projets)
  • les intentions qu’on peut y mettre (comme d’avoir envie de faire certaines choses en fonction de son énergie)
  • et les « pouvoirs » que cela nous confère (par exemple, être accompagné‧e par un parrain ou une marraine, s’exprimer au nom de l’association)

Et puis après… après c’étaient les départs de certain·es. On a aussi fait des jeux de société qui font s’interroger sur la place, le rôle et les possibilités d’action des personnes. Nous avons bien rigolé en jouant par exemple à « Moi c’est madame » ou « Can you » (liens non sponsorisés, on en parle uniquement par amour).

Comme à chaque fois, le dernier soir s’achève sur une énergie plus tranquille, avec de beaux échanges, personnels, durant le dernier repas et après.

En conclusion, ce week-end a permis de réfléchir ensemble, comme d’habitude, mais aussi de faire ensemble. De mieux se connaître, de rappeler et affermir les objectifs de l’association, pourquoi nous sommes là, ce qui nous lie.

Nous avons l’intime conviction que chaque association devrait, de temps en temps, prendre un moment pour se poser, s’interroger, se remettre en question et surtout prendre soin de ses bénévoles.

Ce weekend a offert un temps commun pour les bénévoles ; un temps nécessaire pour prendre conscience de nos possibilités d’action communes, et des difficultés que nous pouvons rencontrer chacun et chacune de manière similaire. Parce qu’une association, c’est avant tout un groupe de vraies personnes vivantes, différentes les unes des autres, mais qui partagent des buts et des envies qu’iels ont en commun. On sait bien que la route est longue et que la voie est libre, depuis vingt ans maintenant, mais on sait aussi que le chemin sera bien plus agréable en bonne compagnie !

La nouvelle du vendredi 20:42

Par : Framasoft
26 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).
Aujourd’hui à l’UPLOAD c’est la rentrée… mais la sortie d’un bâtiment « sécurisé » est problématique quand le réseau est intermittent…

Un groupe reste confiné, parmi lequel un harceleur et sa victime…

Un réseau d’émotions

Alors que les vacances se terminent, Candice angoisse à l’idée de commencer des nouveaux cours avec des personnes qu’elle ne connaît pas. Le lundi matin, elle arrive à l’UPLOAD pour découvrir son emploi du temps et assister à une réunion d’informations sur les cours qu’elle a choisis. En poussant la porte, la jeune fille tombe nez à nez avec un étudiant dont le visage lui semble familier. En bonne introvertie qu’elle est, elle ne cherche pas pour autant à commencer une conversation avec lui.

Après une heure de présentation qui lui a paru interminable, elle se voit assigner trois camarades de TP pour le reste du semestre. Juste avant de quitter la salle le professeur les interpelle :
– Tous ceux qui ont des TP, n’oubliez pas d’aller chercher votre accréditation pour accéder au bâtiment sécurisé ! Et avant vendredi !

Candice ressort de sa rentrée plutôt satisfaite de la conférence malgré une certaine appréhension concernant ses camarades de TP et leur premier sujet. Elle sera vite fixée, son groupe a décidé de se retrouver le lundi suivant durant la pause du midi pour commencer leur travail. En attendant, elle continue d’y réfléchir pendant qu’elle se dirige vers l’administration. C’est dans ce bâtiment qu’elle pourra demander ses accès aux salles dans lesquelles se déroulent les TP sensibles…

Une fois arrivée, elle est emmenée devant un lecteur d’empreintes digitales. Candice comprend que les serrures du bâtiment de TP sont biométriques, mais elle est étonnée par ces mesures de sécurité qui lui paraissent démesurées pour un simple projet étudiant. Est-ce vraiment nécessaire ? Et pourquoi ce processus est-il si différent de tous les autres, qu’elle commence à bien connaître après trois ans à l’UPLOAD ?

De retour chez elle, Candice recommence à réfléchir au sujet de son premier TP. À première vue, celui-ci lui semble incongru, mais elle n’a aucune connaissance en la matière qui lui permettrait de se forger vraiment un avis. Après plusieurs heures sans trouver le sommeil, elle décide d’ouvrir l’ordinateur reconditionné que l’école lui a donné le jour même et de se lancer dans des recherches pour en avoir le cœur net. Malgré l’impératif pédagogique, elle se sent coupable de taper « LSD » sur DuckDuckGo.

Une semaine après la rentrée, le jour de la rencontre avec son groupe est enfin arrivé. Comme à son habitude, la jeune fille est en avance et attend devant le bâtiment. Peu de temps après, elle se fait interpeller par un grand garçon :
– Salut ! Tu dois être Candice. Moi, c’est Noah. Tu es en avance !
Timidement, Candice répond :
– Oui.

Sans plus attendre, ils entrent dans le bâtiment. En prenant les escaliers, ils sont surpris par la couche de poussière accumulée sur les marches.
– On voit qu’on revient des vacances, j’ai jamais vu le bâtiment aussi désert !
– C’est surtout qu’il n’y a plus beaucoup de projets dans le bâtiment avec accréditation. Moi, c’est mon premier par exemple. Tous mes cours jusqu’ici étaient ouverts à tous. J’imagine que presque plus personne ne vient ici.

Une fois à leur étage, ils aperçoivent Adrien, qui a l’air agacé. De l’autre bout du couloir, il leur lance :
– Vous savez vraiment pas respecter les horaires ! Vous avez cinq minutes de retard, on est déjà à la bourre sur le projet !
Noah lève les yeux au ciel et ouvre la porte. En s’installant, il demande aux autres de ne pas fermer pour que le dernier retardataire puisse les rejoindre plus facilement.

Ne le voyant pas arriver, notre groupe décide de commencer à travailler. En premier lieu, ils lancent un petit tour de table. Les trois étudiants se présentent chacun brièvement :
– Moi, je m’appelle Adrien, et je veux sortir major de ma promo. J’aime la richesse de la langue, c’est d’ailleurs pour ça que je suis dans l’association Eloc’UP.
– Je suis Noah, j’espère que l’on va tous bien s’entendre pour le projet.
Candice se présente à son tour quand Dylan entre en trombe dans la salle et claque la porte, au grand mécontentement d’Adrien.
– OH ! Tu es déjà en retard, ne casse pas la porte au passage !
– T’en fais pas mec, elle en a vu d’autres.
Candice reconnaît l’étudiant qu’elle a croisé le premier jour et qui lui dit décidément quelque chose.

Après plus d’une heure de concentration à étudier les échantillons de LSD, Dylan n’en peut plus. Il tente de relâcher la pression avec une petite blague :
– Et si, après avoir fini avec nos échantillons, on les testait ?
– Non mais tu es fou, c’est super dangereux ! Et puis on est là pour travailler, pas pour se faire un trip.
– Le LSD n’est pas forcément dangereux, précise Candice. J’ai un peu regardé quand on nous a donné le sujet, il est aussi utilisé dans des soins médicaux, notamment pour réduire l’anxiété et diminuer la douleur chez certains malades. D’accord, il a été illégal pendant longtemps, mais maintenant il est autorisé dans un cadre thérapeutique, et c’est très prometteur. C’est bien pour ça qu’on nous fait l’étudier à l’UPLOAD.
– En plus, la molécule est synthétisée à partir de céréales donc ce n’est pas si dangereux. Vous mangez bien des céréales tous les matins non ?
– Fais ce que tu veux, mais tu feras moins le malin quand tu seras pris de crises délirantes et qu’il y aura pas d’ambulance à hydrogène disponible pour venir te chercher.

l'index d'une main est posé sur un boîtier qui scanne les empreintes digitales

« Integrated Corrections Operations Network (ICON II) » by BC Gov Photos is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.

 

Quelques heures passent encore, sans plus aucune interruption. Une fois leur première série d’expériences terminée, tous se dirigent vers la porte. Dylan pose son index sur le lecteur d’empreintes mais celui-ci s’allume en rouge. La sortie lui est refusée.
– Et merde, on est bloqués, la porte ne s’ouvre pas !
– Arrête de faire une blague c’est pas drôle, répond Adrien.
Les autres essaient à leur tour, en vain.
C’est Noah qui comprend tout à coup :
– Ah oui ! Ça doit être parce qu’il est plus de 14h.
– Comment ça ? chuchote Candice d’une voix blanche.
– Vous ne vous souvenez pas de l’annonce des opérateurs de télécom ? Ils avaient décrété que les réseaux de l’Oise allaient devenir intermittents. Internet n’est actif qu’entre 11 h et 14 h puis entre 22 h et 6 h. Ça ne vous dit vraiment rien ?
– Si, mais je vois pas le rapport. Tu nous expliques ? demande Adrien, méfiant.
– Eh bien, si les serrures par empreintes digitales sont connectées à Internet, elles ne marchent plus. L’administration n’a pas dû penser à adapter le système d’accès, comme il n’est presque plus utilisé.
– Donc on est réellement bloqués ? s’enthousiasme Dylan. Trop bien ! On va pouvoir échapper aux TVO pour une fois.
– Mais moi, s’inquiète Candice, je ne veux pas rester jusqu’à 22 h, j’ai des choses à faire.

Adrien, dans ses pensées, écoute d’une oreille ses camarades. Comment sortir d’ici ? Il prend son élan vers la porte et BOUM ! Un gros choc retentit. Tout le monde se tourne alors vers Adrien, qui crie de douleur. Son épaule vient de se déboîter.

Fatigué du comportement autoritaire d’Adrien, Dylan chuchote : « Il l’a bien mérité ! »
En entendant la remarque de Dylan, les souvenirs de Candice lui reviennent d’un coup : les messes basses qu’un fameux Dylan faisait au collège à son égard. En le regardant plus attentivement, cela ne fait aucun doute, c’est bien le même Dylan. Sous le choc Candice lui dit :
– Tu n’as donc pas changé…
– Mais de quoi tu parles ?
Candice, les larmes aux yeux, se libère de ce qu’elle avait sur le cœur durant toutes ces années :
– C’est toi qui lançais des rumeurs sur mon dos au collège, c’est toi qui me critiquais à longueur de journée, c’est toi qui te moquais de moi, qui taguais mon casier, qui jetais mes affaires, c’est toi qui me harcelais !

Pendant ce temps, Noah reste auprès d’Adrien, toujours crispé de douleur. En attendant de trouver une solution pour son épaule, Noah essaye au moins de le distraire en lançant un débat sur l’intermittence d’Internet :
– Rendre le réseau intermittent, même en cette période d’inflation énergétique, c’était pas vraiment la meilleure solution… Nous voila bloqués ici sans alternative.
– C’est vraiment une solution ringarde et insensée ! Imagine que quelqu’un ait fait un malaise, nous n’aurions aucun moyen de nous en sortir. On serait censés faire quoi ? Attendre le retour du réseau en espérant que cette personne reste en vie assez longtemps ?
– Ouais, c’est assez dangereux comme décision.
– Seulement dangereux ? C’est inadmissible oui ! C’est à Internet d’être notre esclave pas le contraire. Notre sécurité devrait être….
CRAAAC ! AHHHHH !
Noah a replacé l’épaule d’Adrien d’un coup sec et sans prévenir. Le cri d’Adrien arrête la dispute entre Candice et Dylan. Noah essaie de faire revenir le calme :
– Bon, on va tous prendre une grande respiration. Il faut qu’on trouve une solution pour sortir, et pour ça il nous faut tous nos neurones !

Dylan, touché par les paroles accusatrices de Candice, lui présente des excuses :
– Candice, j’aimerais vraiment qu’après être sortis, on rediscute de tout ça. Je suis désolé, et je voudrais me faire pardonner. Pour le moment il faut trouver une solution, mais est-ce que tu serais d’accord pour qu’on prenne du temps ensemble ensuite ?
Candice hoche la tête lentement sans rien répondre.

Chacun part dans une direction de la salle pour chercher des pistes pendant qu’Adrien se remet de ses émotions.

Au bout d’un moment, Candice trouve un bouton d’alarme incendie sur lequel elle appuie, sans que rien ne se passe. Visiblement, impossible aussi de joindre les secours sans Internet. Au bout de deux heures de recherche, fatigué de n’avoir toujours rien trouvé, Dylan s’assoit et joue avec une balle trouvée dans un tiroir. Après plusieurs lancers sur le plafond, une dalle se décale. C’est la goutte de trop pour Adrien :
– Sérieux, tu joues au lieu de chercher, remets au moins la dalle en place !
Dylan pousse un gros soupir et monte sur une chaise. En voulant remettre la dalle, il aperçoit un objet qu’il tire vers lui pour le sortir.
– Eh, les gars j’ai trouvé une mallette !
– Bah ouvre-la.
Noah et Candice s’approchent pour voir la trouvaille. Le jeune homme reconnaît une radio.

– Ah mais la voilà notre solution ! On peut communiquer avec une radio.
– Hahaha, mais tu perds la tête Noah ! Ça n’existe plus la radio.
– Si si, il y a pas mal de radios amateurs qui se sont remontées ces dernières années. Je crois même qu’il y a une radio pirate sur le campus ! D’ailleurs c’est peut-être à eux, cette mallette. Ça m’étonnerait pas qu’ils se planquent parfois ici pour faire leurs émissions au calme, et puis qui irait penser à fouiller les faux plafonds pour confisquer du matos ?
– Bon, d’accord, mais sans réseau, ça nous fait une belle jambe tout ça.
– Justement, la radio fonctionne grâce à la diffusion d’ondes électromagnétiques à travers une liaison entre un émetteur et un récepteur. Tout cela fonctionne avec des antennes, et non sur le réseau Internet. C’est complètement indépendant des opérateurs de télécom. Normalement, on peut arriver à contacter des gens si on arrive à capter des fréquences sur lesquelles émettent des radios.
– D’accord, on a compris l’intello. Mais à quoi ça va nous servir ? T’en connais, toi, des fréquences sur lesquelles il y a des émissions ? Et une fois qu’on a commencé à capter, on fait quoi ? On écoute de la musique ?
– C’est pas juste pour écouter de la musique, voyons. Ce poste de radio utilise la technologie de l’émetteur-récepteur. On peut parler avec d’autres personnes sur une même fréquence, un peu comme avec des talkies-walkies si tu préfères.
– Ok, mais comment on trouve une fréquence ?
– D’abord il faut allumer la radio, ça se passe ici, regarde. Et ensuite, on tourne ce bouton jusqu’à entendre quelque chose d’intelligible.
– D’accord, je cherche la fréquence des pirates alors.
– Il reste plus qu’à espérer qu’il y ait une antenne pas très loin pour relayer nos messages !

kit de radio amateur en trois modules, avec un micro et des tas de boutoons :-)

« Kenwood TS-430 Amateur Radio Setup » by mrbill is licensed under CC BY 2.0.

 

Au bout de plusieurs minutes d’essais dans tous les sens, les camarades finissent par tomber sur la fréquence sur laquelle émet RadioPadakor. Noah se précipite sur le micro et essaie de faire passer un message.

La radio est alors en pleine émission d’une interview sur les tomates quand des grésillements se font entendre. Après quelques manipulations incertaines sur le poste, le groupe parvient à prendre l’antenne un court instant. Constatant qu’on les entend, les quatre membres, fous de joie, diffusent leur message :
– Allô ? Je ne sais pas si quelqu’un nous reçoit mais on est enfermés dans le bâtiment sécurisé de l’UPLOAD, on n’arrive pas à sortir. On a vraiment tout essayé mais les serrures ne fonctionnent pas sans Internet, et on aimerait sortir avant la nuit. Est ce que quelqu’un peut nous aider ?
L’équipe de AirPD confirme qu’elle les a bien entendus, et qu’elle va chercher du renfort.

Une demie heure plus tard, c’est avec soulagement que les quatre jeunes étudiants voient la porte s’ouvrir. C’est un opérateur des télécoms qui les a libérés. Avec l’appui de l’administration de l’UPLOAD, il a réussi a rétablir une liaison temporaire entre les serrures connectées et le serveur de gestion des accès.

Une fois dehors, Dylan rejoint Candice pour clarifier la situation entre eux.
– Hey Candice, je te présente encore des excuses pour tout ce que j’ai pu te faire au collège. J’ai été stupide et immature. On va passer un semestre ensemble, autant que cela se passe dans de bonnes conditions. Alors, si ça te convient, n’hésite pas à me dire ce que je pourrais faire pour essayer de réparer le tort que je t’ai causé.
– Pourquoi pas, on va essayer, répond évasivement Candice.

Une permanente de l’administration de l’UPLOAD, Géraldine, rejoint le groupe et s’excuse de ne pas avoir anticipé le problème. Les quatre étudiants, épuisés, ne peuvent réfréner leurs critiques :
– Je pense, commence Noah, qu’il faudrait revoir complètement la gestion des accès à l’UPLOAD. On a hérité d’un système biométrique, tout connecté à Internet. Les portes des bâtiments, les ordinateurs… C’était à la mode à un moment. Mais on ne sait même pas où sont les serveurs ! Et c’est à cause de ça qu’on s’est retrouvé bloqués. Maintenant qu’Internet ne fonctionne plus en continu, ça ne peut plus marcher.
Géraldine est sceptique mais intéressée :
– Ça, il faudra en parler au collectif de gestion des bâtiments et à la DSI. Mais je vais déjà noter vos idées. Que suggérez-vous ?
– On pourrait peut-être s’inspirer des méthodes des débuts de l’informatique, propose Adrien, avec un réseau local en filaire par exemple. Et les données seraient toutes gérées sur place. Au minimum, le serveur de gestion des accès devrait être là où sont les clients, directement dans le bâtiment sécurisé.
– D’accord, mais des problèmes sur les équipements d’un réseau filaire peuvent toujours se produire. Et puis, avec l’inflation de l’énergie, on devrait commencer à se préparer aussi à des coupures d’électricité, et pas seulement d’Internet, répond Géraldine. C’est l’occasion de repartir complètement à zéro.
– Dans ce cas, se lance Candice, on pourrait tout simplement revenir à une sécurité basée sur des clés. Et les boutons d’alerte à l’intérieur des salles devraient être reliés à une radio alimentée par une batterie, qui se recharge lorsqu’il y a de l’électricité. Parce qu’on peut aussi avoir besoin d’appeler les secours !
– Merci de vos propositions, je les transmettrai aux équipes concernées. Maintenant, vous pouvez rentrer chez vous, vous l’avez bien mérité.

Une fois Géraldine partie, les quatre membres se rassemblent pour se dire au revoir :
– À la semaine prochaine ! lance Noah, pressé de finir sa journée.
– En espérant qu’on ne se retrouve pas bloqués la prochaine fois, plaisante Candice, douce-amère.
Sur une ambiance ambivalente, tout le monde rentre chez soi.

Une semaine est passée et revoilà nos quatre étudiants pour leur second TP. En entrant dans le bâtiment, ils croisent d’autres élèves en train de remplacer les lecteurs d’empreintes digitales par des serrures à clé. Candice se rapproche de Noah et lui donne un léger coup de coude en lui demandant :
– Alors, tu as bien récupéré tes clés ?

Ce texte est sous licence CC BY-SA

Autrices : Chloé Ade, Margaux Aspe, Mathilde Barrois, Lina Bourennane, Générose Agbodjalou

Bibliographie

La nouvelle du jeudi 20:42

Par : Framasoft
25 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, sous le regard étonné des enfants de 2042, une exposition sur Compiègne autrefois, visite commentée par la ville elle-même. Au menu : l’Université, le mode de gouvernement, un vote libre et populaire, et tout ce qui aura changé dans une nouvelle conception de la société

 

Compiègne avant les années sobres

Voici mon témoignage. En quelques paragraphes, je vais vous raconter cette journée importante pour Thomas et sa famille. Je n’ai pas choisi n’importe quelle journée, évidemment, mais vous vous en rendrez compte par vous-même au fil des lignes, et peut-être comprendrez vous pourquoi elle est également importante pour moi, Compiègne…

Cela faisait plusieurs années que les citoyen⋅ne⋅s avaient prévu l’exposition. Par crainte que celle-ci ne soit trop rapprochée des événements traumatisants, les habitant·e·s avaient déplacé son inauguration jusqu’à aujourd’hui. Il s’était déroulé un nombre incalculable d’assemblées au cours desquelles elle avait été au cœur des discussions, suscitant des avis tranchés par les membres, tant opposés que favorables. Enfin, après cinq années, des affiches firent leur apparition devant la mairie, sur les places publiques et dans l’UPLOAD. Cependant, le titre ne faisait pas l’unanimité, surtout pas à mes yeux. « Compiègne avant les années sobres », semblait atténuer la gravité de la période sombre que nous avions traversée, celle de l’effondrement… L’exposition ayant enfin ouvert ses portes, de nombreuses personnes étaient impatientes d’admirer les œuvres exposées, particulièrement désireuses d’entendre les témoignages des plus âgées qui avaient tout vécu. Thomas faisait partie des guides bénévoles, dévoués à consacrer de leur temps à expliquer aux visiteurs et visiteuses ce qu’il s’était passé et pourquoi. Il était venu spécialement afin de faire découvrir l’exposition à ses enfants, en leur présentant tous ses éléments par des images.

Thomas entra dans la première salle consacrée à la présentation et l’évolution de l’UPLOAD. Placer celle-ci en premier ne me paraissait pas absurde. Après tout, c’est elle qui avait rendu tout cela possible. L’UPLOAD, l’Université populaire, libre, ouverte, autonome et décentralisée, constituait le point de départ de toutes les évolutions positives des années sobres.

Au début, l’UPLOAD était un projet étudiant dont le but était de modifier drastiquement le système éducatif de l’époque. L’éducation présentait des lacunes, les étudiant·e·s adoptaient un état d’esprit incompatible avec le risque d’effondrement que présentait la planète entière, et sortaient de leurs études avec une conception conformiste de ce qu’était le savoir. Chaque étudiant·e quittait l’institution en pensant que les mathématiques, la physique ou la chimie reflétaient l’intégralité des connaissances.

Initialement, l’UPLOAD occupait les locaux de l’université technologique de Compiègne et servait de lieu central où les étudiant·e·s se rencontraient. Progressivement, elle avait regroupé non seulement des étudiant·e·s mais aussi des habitant·e·s pour rassembler leur savoir et le transmettre aux autres. Tout cela s’était montré particulièrement utile dans les premières années de l’effondrement. Par la suite, elle était devenue un lieu communautaire, constitué de nombreux bâtiments, aux frontières moins définies.

Thomas et ses enfants arrivèrent devant la photo de l’ancienne mairie. On pouvait y voir un maire serrer la main du président de la république. L’un de ses enfants demanda alors ce qu’étaient un « maire » et un « président »… L’idée d’avoir une seule personne pour gouverner le pays lui était absolument impensable, comment un seul individu pourrait-il diriger tout un peuple ? Comment pourrait-elle prendre des décisions pour tous sans même connaître chacun et chacune ? Et pourquoi élire des maires ? À quoi servaient-ils, s’ils n’avaient aucun pouvoir ou presque ? Thomas se retrouvait bien surpris par toutes ces questions qu’il ne s’était jamais posées et qui pourtant lui paraissaient complètement légitimes. Afin d’y répondre, il décida de raconter d’où venait notre forme de politique actuelle.

« Avant l’effondrement, toutes les décisions ou presque était prises à Paris, c’est ce qu’on appelait un gouvernement centralisé. Le président et son gouvernement prenaient toute les décisions, et celles-ci étaient relayées par les préfets, puis par les maires. Ceux-ci n’avaient donc qu’un pouvoir très limité.

– Mais ils n’y a jamais eu d’autre forme de gouvernement avant ?

– Si bien sûr, il y a eu différentes formes de gouvernement, les plus notables sont la monarchie, où un roi gouvernait tout un peuple ; la théocratie, où le gouvernement agissait au nom d’un dieu ; l’oligarchie où un petit groupe de personnes gardait le pouvoir entre leurs mains et prenait toutes les décisions ; et il y avait bien d’autre formes encore. Celle que nous utilisons actuellement se rapproche beaucoup de la démocratie athénienne, où une partie du peuple votait les décisions ensemble. La différence est que notre forme de politique inclut tout le monde, alors que la leur excluait les femmes et les esclaves de la vie politique.

– Et pourquoi avons-nous changé de politique ?

– Lors de l’effondrement, l’ancienne organisation n’a plus fonctionné. Chaque région a connu des problèmes différents, notamment des pénuries d’eau, de nourriture, des inondations, des incendies… Mais comme ce fonctionnement obligeait le président à prendre des décisions pour tout le monde en même temps, il n’a pas pu répondre à tous les problèmes. Et c’est dans la panique qu’une nouvelle loi est passée, cédant la majorité des prises de décisions à une échelle plus locale, ville par ville », expliqua Thomas.

Cette décision avait été prise à peine 20 ans auparavant et pourtant elle avait tout changé. Cette politique décentralisée avait permis la mise en place d’un vote libre (et) populaire. Désormais, chaque loi était proposée par les citoyen·ne·s, puis votée dans un forum. Et l’ensemble des instances des villes sont assurées par des élu⋅e⋅s au service des citoyen⋅ne⋅s, renouvelé⋅e⋅s régulièrement. Thomas s’était mis en tête d’expliquer à Louka et Lucy comment votent les citoyen⋅ne⋅s, et il comprit que c’était bien compliqué pour des enfants de leur âge. Plutôt que tenter de vous l’expliquer je pense que la fiche explicative donnée lors de chaque vote sera bien plus claire :

 Le vote par note À la suite des débats sur les nouvelles lois à voter et les représentants à élire, chaque citoyen sera amené à donner son avis par un vote. Afin de rendre le vote plus représentatif de l’avis réel des citoyens, une nouvelle forme de vote a été établie. Vous serez donc amené à donner pour chaque vote, une note allant de 1 à 5 à chacune des propositions et/ou des représentants. Une fois tous les bulletins rassemblés, la moyenne des notes nous donnera l’avis du peuple. La note minimale à obtenir pour que la loi soit adoptée ou la personne élue dépendra de plusieurs situations: - Un candidat ne peut être élu dés que sa note descend sous 3/5. La personne avec la moyenne la plus haute est désignée victorieuse. - Une loi, ou partie de loi, est adoptée si sa note dépasse une certaine valeur définie. Cette valeur sera choisie selon la règle suivante : sans débat, la loi doit avoir une note supérieur à 3/5 cette note augmente de 0,3 point pour chaque demi-journée de débat La note limite ne peux excéder 4,5/5. exemple : Un projet de loi débattu tout une journée avant d'être voté, devra avoir une note supérieur à 3,6/5 pour être adopté. Nous invitons chaque citoyen à lire Du contrat social de Rousseau ainsi que les différents livres relatifs aux formes de vote se trouvant à la bibliothèque de l’UPLOAD pour comprendre pourquoi cette forme de vote est optimale.

Cette forme de vote a vraiment permis de rendre les choix et les décisions plus représentatives de la volonté des citoyen⋅ne⋅s.

« Bon laissez tomber, vous comprendrez sûrement quand vous serez plus grands… En attendant passons à la suite de l’exposition ! »

Le petit groupe s’avança alors devant une photographie d’un homme, apparemment désemparé, contemplant un graphique couvert de chandelles rouges et vertes. Il y était écrit : « NASDAQ, bourse de New York ».
« Papa, papa ! Qu’est ce qu’il fait celui-là ? demanda Lucy, la fille cadette de Thomas. Il se tourna vers elle, mit un genou à terre et pointa du doigt le cliché pendu au mur :
– Tu vois ça c’est ce qu’on appelait « la Bourse de New York », enfin ce qu’elle était quand j’étais jeune. À l’époque on pensait le monde en termes de croissance économique, de richesse pour les actionnaires et d’échange financiers. Le PIB, saint Graal des analystes économiques, était l’indicateur phare. »

Thomas voyait bien que son discours ne passionnait pas les foules, il surprit même ses enfants à bâiller devant ses dires. Pourtant il le savait, le changement de paradigme post-effondrement avaient rebattu toutes les cartes. Consciente qu’une croissance infinie n’était pas un modèle viable, la société avait cherché de nouveaux moyens de mesurer l’évolution de l’humanité. Une idée émergea alors, pourquoi ne pas intégrer la biodiversité dans tout les futurs projets de construction ? Une nouvelle loi avait alors été votée afin d’intégrer des indices de biodiversité, obligeant ensuite les autorités publiques à ne faire que des projets développant la biodiversité. Cette vision politique s’est cristallisée autour du RIP, Le Rapport d’Impact Projet. On pouvait savoir si un projet était bénéfique pour l’environnement en regardant le RIP. S’il était supérieur à 1, on pouvait alors lancer le projet, sinon il était mis de côté. Afin d’être au plus proche de la réalité, il avait fallu développer une vision multifactorielle, en se fondant par exemple sur l’abondance et la biodiversité ou sa diversité. Voici la formule employée dans le cadre de nouveaux projets.

RIP= impact du projet sur l'environnement/indice actuel de biodiversité

L’impact du projet sur l’environnement et l’indice actuel de biodiversité se définissent par des indicateurs d’abondance et de richesse spécifiques.

Cet indice a permis de choisir des projets plus durables et respectueux de l’environnement et de mieux comprendre les services rendus par certains bâtiments. Thomas s’était par exemple battu pour une grange menacée de destruction par une nouvelle route alors qu’elle servait de refuge pour les oiseaux nocturnes. Grâce au RIP, les élu⋅e⋅s s’étaient rendu compte que le tracé de la nouvelle nationale posait en fait beaucoup de problèmes et ils avaient pris la décision de le modifier.

Perdu dans ses pensées, Thomas ne s’était pas rendu compte que ses enfants s’étaient dispersés dans l’exposition.

Maintenant seul, Thomas parcourait l’exposition à leur recherche. Un peu inquiet, il s’arrêta à côté d’une personne âgée qui observait une photo d’un porte-conteneur chinois. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Francis portait un béret bleu marine et une salopette vert bouteille. Ses manches retroussés laissaient voir des tatouages. Thomas lui fit signe et Francis lui esquissa un sourire.

« Bonjour monsieur, savez-vous que j’ai déjà travaillé sur un de ces bateaux ? Dans ma jeunesse si le monde tournait, c’est parce que ces gros engins mécaniques flottaient, expliqua Francis en se tournant vers Thomas.
– Oui bonjour, c’est vrai qu’aujourd’hui ces types de bateaux ont complètement disparu, répliqua Thomas.
– Vous savez, vous avez sûrement dû observer ce changement aussi, mais la principale raison de leur disparition c’est la mise en place du nouvel indice qui a supplanté le PIB. À cette époque la quantité d’échange de nature économique réalisée par un pays produisait sa valeur, ainsi on observait une intensification des échanges, une délocalisation de la production, bref on faisait des échanges pour faire des échanges.

Cette dynamique s’est totalement inversée, on a décidé de non plus mettre en valeur le nombre croissant d’échanges économiques, mais le faible nombre de celui-ci. Les pays se sont ainsi mis en concurrence dans des objectifs d’autonomie de leurs citoyen⋅ne⋅s. Moins un pays se repose sur une centralisation des productions, c’est à dire plus ses citoyen⋅ne⋅s sont autonomes dans la réalisation de leur quotidien, plus ce pays est mis en valeur.
– C’est vrai, j’étais encore assez jeune lors de ce renversement, mais j’avoue que je vois pas trop le lien direct avec la raison pour laquelle les porte-conteneurs ont disparu, s’interrogea Thomas.
– Bien, ça c’est grâce à un autre indice, il est encore présent aujourd’hui mais il est si bien incorporé par tout le monde qu’on a tendance à l’oublier, j’en ai même oublié le nom.
– L’indice de maniabilité ? proposa Thomas.
– Oui, c’est ça… l’indice de maniabilité. En fait, il permettait d’observer la dépendance d’une société à une technologie elle-même dépendante de ressource, d’énergie non-humaine. Le propos, c’est de dire que l’univers technique que produit l’Homme doit se baser sur les capacités physiques de l’Homme et non sur un asservissement de la nature comme ressource. De cette vision, il en découle une décroissance forte dans les usages des technologies à bouton, vous savez celle où on appuie sur un bouton et ça marche tout seul sans qu’on sache vraiment comment, mais ce que l’on sait, c’est que ça consomme un équivalent en énergie non-humaine, expliqua Francis.
– Et de cette manière tous les procédés d’automatisation, les moteurs énergivores et tous ces autres éléments techniques superflus, ont disparu progressivement.C’est tout de même fou qu’on ait pu penser de cette façon, un Homme hors de la nature quelle idée ! » reprit Thomas.
Francis sourit à Thomas, puis poursuivit sa visite. Thomas reprit sa quête.

Après avoir suivi cette conversation, des souvenirs de mon usage destructeur me frappèrent. Je suis et je serais toujours à l’image des Hommes qui me façonnent, mais tout de même l’évocation d’un ancien moi en opposition avec la nature, me donne des frissons.

Son père retrouva Louka près d’une ancienne carte de la région, regardant surpris de longs chemins de couleur grisâtre qui serpentaient dans la ville et au-delà.
« C’est quoi Papa ? c’est tout gris, dit l’enfant en pointant du doigt ces longs tracés.
– Ça tu vois, c’est une autoroute. Et là ce sont des routes nationales, ici les routes départementales et là les rues de la ville, expliquait Thomas.
Thomas poursuivit, décrivant à ces enfants ces voies de transports qu’ils n’avaient pas connues.
– À cette époque, nous utilisions des voitures pour nous déplacer dans la ville. La voiture c’est 4 sièges plus ou moins qu’on met dans une boite. Puis on met cette boite sur quatre roues, on lui rajoute un moteur avec de l’essence, et ça roule !
Thomas continua en disant que chaque voiture avait un « propriétaire » et de ce fait, on en faisait un usage individuel la plupart du temps.
– Mais, elle sont énormes ces voitures ! Pourquoi elles sont si grosses si on est seul dedans ? ça sert à rien ! s’étonna Louka. »
Face à la surprise de son fils, Thomas soupira. Il lui revint en mémoire ces heures de bouchon pour aller travailler au bureau, dans une compagnie d’assurances à 25 km de chez lui.

Son évocation des voitures me rappela le temps où les immeubles s’assombrissaient à cause de la pollution et où ces voies bruyantes, polluantes, et dangereuses me traversaient de toute part. Aujourd’hui, le vélo a remplacé la voiture mais les traces de ces anciennes routes n’ont pas pu être complètement effacées en si peu de temps. Elles sont maintenant recouvertes de terre, mais la nature peine à reprendre ses droits face au bitume, encore trop proche de la surface de la terre. Seul les routes en dehors de la ville subsistent encore, mais ceux qui possèdent une voiture doivent la garer à l’ancienne zone commerciale avant de prendre un autre moyen de transport pour rejoindre le centre.

Louka s’intéressa ensuite à de curieux bâtiments. De grandes structures de couleur blanche sont accompagnées d’immenses surfaces planes vides. Thomas décrivit ce lieu atypique comme un centre industriel destiné au soin.
« Mais ils sont tout le temps malades ? s’interrogea l’enfant.
Thomas, amusé de cette réaction inattendue, répondit :
– Non, à cette époque les gens ne savaient pas se soigner, du moins une majorité. Une certaine élite de la société trimait pour apprendre un nombre considérable de connaissances afin de soigner les gens. Ces personnes aux différentes spécialités se regroupaient dans des hôpitaux, cliniques ou tous les autres lieux dédiés au soin. » poursuivit Thomas.
Aujourd’hui, suite à une surcharge des hôpitaux durant l’effondrement, la centralisation des pratiques médicales, c’est terminé. Un processus de décentralisation des savoirs s’est enclenché. Des lieux de soins alternatifs sont apparus, ils regroupent un petit nombres de spécialistes. Ces lieux sont présents presque à chaque coin de rue, ils permettent de former les citoyen⋅ne⋅s aux pratiques médicales et de mettre à disposition un matériel médical spécialisé. Ainsi, tout le monde peut se soigner en consultant ces spécialistes gratuitement, et même se former afin de succéder à ces médecins. Désormais, les citoyen⋅ne⋅s se soignent en grande partie en autonomie ou en se soignant mutuellement.

Thomas regardait Lucy et Louka jouer avec d’autres enfants. C’était beau. Avant l’effondrement, il était enfermé dans une compagnie d’assurance pour gagner une misère. Tous les savoirs acquis pour se reconvertir dans l’ébénisterie, auparavant personne n’y faisait attention. Aujourd’hui, les sociologues cherchent à représenter ces interactions sociales aux travers de modèles, les modèles de Densités EA2D (Echange, Acteurs, Diversité de savoir, Diversité de culture). Ces modèles tendent à valoriser les espaces d’échanges culturels, de savoir ou juste d’interaction sociales. On voit apparaître différents niveaux de EA2D. Avant, les structures du savoir étaient descendantes [Schéma 1 ci-dessous], avec peu d’acteurs et d’actrices transmettant un savoir en particulier. Suite à l’effondrement, d’autres structures se sont démocratisées, avec plus de diversité de savoirs [Schéma 2 ci-dessous] (limitant l’enfermement dans les bulles de filtres) et plus d’acteurs⋅actrices de cultures diverses permettant une mixité sociale importante [Schéma 3 et Schéma 4]. Des infrastructures comme l’UPLOAD reposent sur ces travaux pour élaborer des schémas d’interactions entre les individus afin de coller aux dimensions PAPS.

Schéma 1 : Peu d’acteurs distribuant le savoir à peu de personnes, apprentissage descendant

 

 Schéma 2 : davantage de savoir partagé, toujours dans un modèle descendant

 

Schéma 3 : davantage de savoir partagé, mise en réseaux des savoirs

 

Schéma 4 : diversité des interlocuteurs, chaque personne peut proposer et apprendre

 

Vous vous demandez sûrement à quoi correspond les dimensions PAPS n’est ce pas ? En plus de tous ces schémas et calculs, les hommes ont aussi développé une nouvelle vision de la société, fondée autour de 4 grandes dimensions : une dimension Pluriculturelle, Artisane, Pédagogique et Subsistantielle. Thomas est occupé avec ses enfants, je vais donc vous détailler à sa place ce qu’elles représentent.

1. La dimension Pluriculturelle
Cette dimension promeut l’ouverture à l’autre et le refus de l’enfermement des individus dans des bulles de filtres. Elle ne pose pas de hiérarchie entre les matières, les savoirs ou des savoirs-faire.

2. La dimension Artisane
Cet éclairage vise à produire et réparer les objets de son quotidien. En générant un nouvel environnement technique, cette dimension transforme le rapport à l’outil et permet aux individus de se réapproprier les moyens de productions.

3. La dimension Pédagogique
La dimension Pédagogique prône les concept de transmission, de réception et de partage du savoir sans limite ni barrière. Elle vise a proposer le savoir pour tous et par tous à la manière de structures comme l’UPLOAD ou d’autres lieux d’échanges plus petits.

4. La dimension Subsistantielle
L’autosuffisance passe aussi par une autosuffisance alimentaire. Dans cette optique, la société a cherché à créer des réseaux de savoirs pour la subsistance du commun. Un individu seul ne pouvant pas toujours subvenir à tout ces besoins, l’entraide devint le maître-mot de cette dimension. Le nouvel humain est connecté avec la nature à la manière de l’Homme selon Hans Jonas. Ce nouvel humain tend à préserver, et non plus à asservir la nature.

L’histoire de Thomas s’inscrit dans une histoire plus globale avec l’effondrement, ce sont l’ensemble des fondements sur lesquels reposaient la société qui se sont effondrés. Une société servicielle et fonctionnaliste qui s’est ordonnée en classe sociale et métier, le tout soumis aux principes d’une hiérarchie verticale. Avec la raréfaction des ressources et l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, les métiers sont devenus inutiles, la chaîne servicielle s’est brisée. Afin de rependre de l’activité, les humains se sont réinventés, ils ont imaginé une société organique où chacun, chacune possédait une multitude de savoirs. Ces savoirs sont partagées dans les communs.

De cette manière l’UPLOAD permet la formation aux principes d’une vie autonome à un large publique. Le citoyen apprend de cette manière à s’approprier les moyens de production, de subsistance et les moyens pédagogiques. Ces concepts sont réemployés dans la ville, à travers des ateliers communaux de production, autrement nommés des tiers-lieux. Ces lieux alternatifs sont l’extension de l’UPLOAD, ils permettent le partage des connaissances artisanales, ainsi que la mise en commun des outils de production et de réparation.
L’arrivée de ces nouveaux espaces m’a fait grandement du bien, il a renforcé le lien entre mes habitant⋅e⋅s et a permis de mettre en avant des pratiques non-destructrices de mon milieu.

Dans la dernière salle, une stèle était placée au centre de la pièce. Un panneau placé à sa droite donnait les explications suivantes :

L’effondrement est né de l’accumulation de différents facteurs. Au début du XXIe siècle, l’amplification des problèmes sociaux et sociétaux, l’absence de remise en cause du système économique capitaliste et l’inaction face aux enjeux environnementaux ont été le terreau fertile entraînant le déclin de la société. Une période sombre durant laquelle la raréfaction des ressources et la destruction du système économique par une récession qu’on n’a pas su empêcher, ont mis à mal la souveraineté alimentaire et l’accès au soin de chaque individu, d’autant plus fragilisé par la haute fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles. Les individus ont vu leur mode de vie se métamorphoser, se dégrader, ne pouvant plus se projeter dans l’avenir, devant lutter pour survivre pour répondre à leur besoins de première nécessité.

Dessiné au trait, un arbre dont on voit bien la base et tronc mais pas la houppe/ Un panneau écrit est posé contre le tronc sur une branche basse

Dessin de Martin ROUSSEL CC-BY-SA

Presque ému par tous ces mots, je vis Thomas et ses deux enfants quitter l’exposition, le cœur plein d’espoir pour cette future génération.

L’exposition en mon honneur était belle et poignante et montrait tout à fait à quel point il était important de ne pas tomber à nouveau dans nos anciennes habitudes. J’attends avec impatience et confiance l’exposition suivante, celle qui illustrera ce que je serai devenue demain..

Texte sous licence CC-BY-SA
Écrit par : AUBERT Paul, DETEVE Damien, DUFOUR Timothé, EGLES Lisa, ROUSSEL Martin
Co-éditrice : Numa HELL

 

 

Bibliographie

[1] COGNIE Florentin, PERON Madeleine. Mesurer la biodiversité [en ligne]. Conseil d’analyse économique, Septembre 2020 (généré le 18 janvier 2024). Disponible sur Internet : https://www.psychaanalyse.com/pdf/MESURER%20LA%20BIODIVERSITE%20FOCUS%202020%20(11%20Pages%20-%20569%20Ko).pdf

Comprendre un peu mieux les théories autour de l’effondrement :

À propos de la démocratie athénienne :

  • MOSSÉ, C. (2013). Regards sur la démocratie athénienne. Perrin.

Pour en apprendre plus sur les différentes méthodes de vote :

Pour comprendre d’où vient l’idée que plus une proposition provoque des débats, plus elle doit faire l’unanimité à la fin du débat :

  • ROUSSEAU, J. (1762). Du contrat social ou Principes du droit politique.

Pour comprendre nos hypothèses autour de l’université populaire libre ouverte, autonome et décentralisée, la définition de l’UPLOAD : https://upload.framasoft.org/fr/

Pour comprendre davantage ce dont nous parlions autour du « conformisme du savoir », l’utilité des connaissances :

  • GRAEBER, D. (2018) Bullshit Jobs.

Pour comprendre la bascule réalisée par l’UPLOAD dans la société :

  • FRIEDMANN, G.(1963). Où va le travail humain ?
  • ILLICH, I. (2014). La convivialité.
  • GORZ, A. (2008). Écologica. Editions Galilée.
  • PARRIQUE, T. (2022). Ralentir ou périr : L’économie de la décroissance.

La nouvelle du mercredi 20:42

Par : Framasoft
24 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, des étudiants aux champs ou plutôt à la vigne, l’agro-écologie est au programme…

Jardins de demain, jardins malins

Découverte… et vive la grelinette !

J’ai la boule au ventre, pourtant je suis surexcité. Je me trouve maintenant devant l’UPLOAD. Je respire un grand coup et pousse la porte de l’amphithéâtre afin d’assister à la réunion de présentation.

Deux étudiants, Pierre et Émile ainsi que Pierrette, directrice de projet depuis 14 ans à l’UPLOAD nous expliquent le fonctionnement du campus. Ils nous détaillent les différentes matières proposées. Je suis légèrement déçu : pas de cours de mécanique pure. À défaut, j’opte pour un cours intitulé « machines agricoles », j’espère que ce sera intéressant… je vais vite le savoir, dans moins de deux heures je vais assister à une première séance.
La réunion de rentrée enfin terminée, je laisse mes jambes me porter en réfléchissant à toutes les informations qui nous ont été partagées. Émile nous a parlé de jardins. En effet, l’UPLOAD possède des serres avec plusieurs jardinières contenant différents légumes, racines, fruits et des arbres fruitiers en extérieur. Tous les membres de l’UPLOAD peuvent y participer. Mais moi, je n’ai pas envie. Je veux me former à la mécanique ! La campagne, j’en ai assez vu. Les jardins, fruits, légumes, etc. aussi. Mes parents sont épiciers, de nombreux agriculteurs venaient pour vendre leurs produits. J’ai envie de renouveau, de découvrir autre chose, une nouvelle thématique. Pierre nous a parlé des journées TVO, Travail Volontaire Obligatoire. Bizarre, ce truc, ça sent l’arnaque… Je vais devoir me renseigner… Bon, c’est maintenant que commence le cours de « machines agricoles ».

Après une brève présentation de la matière, notre professeur nous expose le programme des prochaines semaines. Les étudiants et les personnes qui assistent à son cours ont décidé de l’appeler M. Rotavator, car il adore tous les engins agricoles permettant de préparer la terre pour les semences [1]. Nous allons pouvoir fabriquer notre propre outil agricole, à savoir une grelinette. Un drôle de nom ! Une grelinette est un instrument agraire Low-tech qui aide à rendre le sol plus meuble sans pour autant la retourner. Il parait que ça permet de préserver les écosystèmes présents dans la terre. D’après la maraîchère présente dans la salle, c’est plutôt rapide et efficace tout en minimisant les efforts et en préservant le dos. J’ai jamais vu ça !

C’est un outil avec deux manches en bois reliés par un socle en métal, sur lequel se trouvent de longues dents en métal courbées. Le nombre de dents dépend évidemment de la surface à travailler. L’utilisation n’est pas très compliquée. Il suffit de planter les dents verticalement dans le sol puis de tirer les poignées de chaque côté de son corps. Une motte de terre sera alors soulevée. On aura plus qu’à reculer d’un pas en inclinant l’outil de gauche à droite. La grelinette permet, in fine, de faciliter le passage du râteau. Cet outil est vraiment génial ! Efficace et multifonction [2] !

M. Rotovator s’apprête déjà à nous partager ses connaissances sur la soudure, technique indispensable à la fabrication. C’est la technique de la soudure autogène oxyacétylénique. Pour le moment nous ne faisons aucune manipulation, il faut apprendre les bases de cette méthode qui repose sur la combustion d’un mélange d’oxygène et d’acétylène. Les températures atteignent les 3000 °C ! C’est incroyable !

« Grelinette 4 dents » par Arn, licence CC BY 4.0.

Pour souder les dents à la structure principale, nous allons utiliser des chalumeaux à débit variable à haute et basse pression d’acétylène. Pour ajuster l’importance de la flamme à l’importance des épaisseurs des métaux, il nous suffit de changer la buse du chalumeau [3]. La buse, c’est le petit élément en laiton qui se trouve au bout [4]. Le débit du gaz ainsi que la forme de la flamme sont contrôlés par cette pièce interchangeable. Le professeur a fait circuler plusieurs buses différentes dans l’amphi afin qu’on puisse avoir une idée de l’aspect de cet embout. Une buse est de forme conique avec une espèce de boulon fixé sur la base du cône. Ce cône est bien entendu percé pour laisser la passage du gaz [5]. De plus, pour minimiser les coûts économiques et écologiques, il est important de ne pas utiliser plus de métal que nécessaire. On doit bien connaître la taille, le sens et la direction des efforts subis par les différentes parties de la pièce. Ça me semble super dur ! Je ne suis que novice, j’espère que le professeur va nous aider avec cette partie [6].
« Je sais que j’ai beaucoup papoté, s’exclame M. Rotavator. Mais à l’UPLOAD les cours sont collaboratifs, il n’y a pas vraiment de hiérarchie entre étudiants et professeurs. Lorsque vous souhaitez ajouter une quelconque information, n’hésitez surtout pas ! Vous le saurez pour les prochaines fois. Cela s’applique évidemment à tous les cours. Donc est-ce que quelqu’un veut ajouter quelque chose ? termine le professeur en regardant les étudiants. »
Je décide alors de prendre mon courage à deux mains et de parler devant une cinquantaine de personnes jusque-là inconnues.
« Excusez-moi…Je me suis demandé si l’utilisation du manche en bois permettait bien d’atténuer les vibrations. Par exemple, le manche du marteau est en bois afin d’atténuer les chocs lorsque nous frappons avec ce dernier.
— C’est exactement ça ! Bravo, merci pour ta contribution. Comme nous l’a dit…c’est quoi ton prénom ?
— René.
— Le manche de la grelinette est en bois pour favoriser le confort des utilisateurs et utilisatrices pour les raisons mentionnées par René. Si d’autres personnes veulent partager leurs connaissances, n’hésitez pas à intervenir.
Silence…
— Je vois qu’il n’y a pas d’autres interventions. Je vais vous expliquer le déroulement des prochaines séances. Plusieurs étudiants ayant déjà suivi ce cursus vont intervenir pour vous aider lors de la soudure et de l’assemblage final de la grelinette. Je vous remercie de m’avoir écouté. Bonne journée à toutes et à tous et à la semaine prochaine. »

*Low-tech = système utilisant peu de hautes technologies et qui repose sur la simplicité d’utilisation et sa facilité de réparation.

BIBLIOGRAPHIE – Sitographie :
[1] Rotavator, tout savoir sur cet engin agricole, Machinery Machine, consulté le 18/01/2024
https://www.machinery-machine.com/article-rotavator-tout-savoir-sur-cet-engin-agricole/?utm_content=cmp-true
[2] Tout savoir sur la grelinette du jardin, Ma Grelinette, consulté le 18/01/2024
https://www.ma-grelinette.com/histoire-et-origine-de-la-grelinette/
[3] Travail thermique des métaux : la soudure autogène des métaux, L’ouvrier Moderne (revue), Vol n°2, n°2, page 69, édition DUNOD, 1919
https://www.mattech-journal.org/articles/mattech/abs/1919/02/mattech19190202p69/mattech19190202p69.html
[4] Comment choisir et dimensionner sa buse de brasage ou de soudage OXYA ?, Dominique ADMIN, soudeurs.com, consulté le 18/01/2024
https://www.soudeurs.com/site/comment-choisir-et-dimensionner-sa-buse-de-brasage-ou-de-soudage-oxya-1155/
[5] Buse de soudage, TuToTools, article consulté le 18/01/2024
https://tutotools.com/fr/buse-de-soudage
[6] Soudage, Prat. Ind. Méc., Vol.n°39, n°4, page 109, édition DUNOD, 1956
https://www.mattech-journal.org/articles/mattech/abs/1956/04/mattech19563904p109/mattech19563904p109.html

Des Pokémons dans le jardin

Une petite coccinelle rouge arrive aux abords de Compiègne. Les vrombissements du moteur cessent peu à peu à l’approche du panneau annonçant la ville.
Une femme d’une cinquantaine d’années en descend, elle regarde autour d’elle et semble ébahie par le décor qui se présente à elle. Comment la ville a-t-elle pu autant changer depuis la dernière fois où elle s’y est aventurée ? Les voitures, autrefois à chaque coin de rue, ont disparu, les arbres ont poussé pour agrémenter les chaussées, qui ont été réhabilitées pour les piétons. La verdure ne s’est pas seulement étendue sur les routes, elle a aussi escaladé certaines façades pour rejoindre les toits.
Il y a quelques années, personne n’aurait pu imaginer autant de changements. Elle se souvient des briques rouges des maisons de cette ville qui semblaient maintenant appartenir à un passé lointain. Et cette statue équestre, Jeanne d’Arc qu’elle apercevait de loin et paraissait si réelle, seule sa structure métallique rappelle sa véritable nature.
Marie continue son chemin à pied à travers les rues, découvrant à chaque pas l’impact du temps et des nouvelles politiques mise en place. Face à elle, une université se dresse, elle lui paraît si familière … mais aujourd’hui elle semble ne faire qu’une avec la nature. Qui aurait pu penser que ces murs en béton allaient un jour disparaître au profit de jardins ?
Elle avait quitté la ville trente ans plus tôt pour créer son cocon et développer une agriculture à son image, une agriculture respectueuse de l’environnement. Quand Charlène, une autre agricultrice lui avait parlé de son travail avec les élèves de l’UPLOAD, elle n’avait pas hésité une seconde à rejoindre le programme. Charlène était une de ses grandes amies, dans la viticulture depuis son plus jeune âge, elle avait accompagné Marie dans ses premiers pas en tant qu’agricultrice. Et maintenant c’est Marie qui veut partager son savoir comme Charlène l’avait fait pour elle à ses débuts. Ainsi ses méthodes vivraient à travers chacun et permettrait peut-être de créer un monde meilleur.

Marie s’installe dans l’amphithéâtre qui accueille sa conférence sur l’agroécologie, une méthode agricole qui repose sur les interactions entre l’environnement, l’être humain et la biodiversité ainsi que sur les processus naturels tels que l’équilibre biologique entre les organismes ravageurs et les auxiliaires de cultures [1].
Elle commence avec une partie plus théorique en demandant à l’auditoire quels sont les piliers de cette agriculture. Les doigts des uns et des autres se lèvent, Marie prend soin d’écrire au tableau les mots-clés. Parmi eux, fixation de l’azote, alliance culture-élevage, pollinisation, rotation des cultures et biodiversité [2]…
« Commençons avec le biocontrôle ou en d’autres mots l’utilisation des mécanismes naturels comme l’équilibre entre les espèces qui détruisent les plantations et celles qui les neutralisent », lance Marie en se retournant.
Par exemple certains oiseaux comme les fauvettes se nourrissent d’insectes tels que les pucerons et les chenilles. Pour combattre naturellement les organismes ravageurs on peut donc attirer les auxiliaires de culture en plantant des haies ou en créant des mares [3]. Prenons un autre exemple de mécanismes naturels qui consiste à planter des œillets d’inde à proximité de vos plants de tomates pour repousser les insectes nuisibles [4]. »
Elle poursuit en définissant chacun des piliers relevés par l’auditoire.
« Finissons avec l’agroforesterie, ce principe consiste à planter des arbres à proximité des terres agricoles ou des élevages afin de créer un microclimat. L’agroforesterie permet de protéger les plantations des aléas climatiques comme les épisodes de froids intenses ou de sécheresses. Il est aussi important de noter que la biodiversité est favorisée par la présence de différents types de plantes dans un même espace [5]. Prenons l’exemple de la ferme de la Durette située à Avignon, son domaine s’étend sur 20 hectares : 10 sont réservés au verger, 7 à la prairie et 3 pour le maraîchage. Enfin, les animaux vivent en liberté sur tout le domaine. Le travail de cette ferme est aussi intéressant pour sa collaboration avec les agriculteurs afin d’avoir des retours entre les associations des différentes plantes et animaux et d’améliorer l’agroécologie[6]. »
Elle poursuit avec un moment d’échange sur les expériences de chacun, ravie qu’à la fin, un petit groupe d’élèves l’ait rejointe pour lui proposer de visiter leur jardin.

Marie est impressionnée par le petit écosystème qu’elle découvre, les jardins divisés en deux parties : l’une couverte et l’autre à ciel ouvert.
La première contient une zone de terre entourée de petites clôtures en bois fabriquées par des étudiants, il y a quelques années. On peut y voir les fanes de carottes pointer leur nez à travers la terre et, un peu plus loin, les choux qui attendent la récolte avec impatience. Un petit chemin conduit à une zone arborée qui entoure une petite mare où les salamandres paressent avant d’aller déguster les limaces qui mènent la vie dure aux différentes plantations [4].

Marie aime tellement être entourée par la nature et voir tant de personne s’investir pour rendre cet endroit merveilleux… son sourire s’agrandit. Elle poursuit sa visite par la partie adjacente en extérieur. Le vent doux de l’automne lui caresse le visage sans pour autant interrompre sa contemplation. Le verger, tout aussi beau que la serre, contenait plusieurs variétés d’arbres fruitiers : pommiers, poiriers et pruniers [7].

vue d'une rangée de pommiers, avec fruits rouges

« Apple orchard in Tasmania with fruit on trees DSC_5957 » by Apple and Pear Australia Ltd is licensed under CC BY 2.0.

Le terrain est entouré d’érables à feuilles de frêne, de magnifiques arbres, choisis pour leur résistance aux variations importantes de températures [8].
Elle se tourna vers un petit pommier envahi d’amas noir au niveau des feuilles recroquevillées sur elles-mêmes.
« Vous savez comment lutter contre ces pucerons qui sucent la sève de vos arbres ? demande Marie en pointant le petit arbre.
— Il faut attirer les prédateurs des pucerons pour apporter un équilibre et éviter qu’ils envahissent nos arbres, dit un jeune garçon du groupe.
— Effectivement, dit Marie de manière enjouée. Les auxiliaires de culture intéressants pour contrer les pucerons sont les coccinelles et les bourdons. Vous pouvez planter d’autres fleurs comme des rosiers ou des capucines pour les attirer. Les pucerons aiment s’y installer et comme c’est une source importante de leur nourriture pour elles, les coccinelles suivront. Vous pourrez les voir se développer sur les branches des arbres comme des Pokémons… mais vous ne devez pas connaître, les dessins animés ont changé de nos jours. »

Le groupe se mit à rire de bon cœur.

BIBLIOGRAPHIE-Sitographie :
[1] Agroécologie, Auteurs : Laurent Hazard, Claude Monteil, Michel Duru, Laurent Bedoussac, Eric Justes, Jean-Pierre Theau, consulté le 17/01/2024
https://dicoagroecologie.fr/dictionnaire/agroecologie/
[2] Les fondements de l’agro-écologie, Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, consulté le 18/01/2024
https://agriculture.gouv.fr/les-fondements-de-lagro-ecologie# :~ : text=L’agro%2D%C3 %A9cologie%20est%20 l,%2C%20animaux%2C%20humains%20et%20environnement.
[3] Les auxiliaires de culture, les espèces, fiche n°4, agriculture et environnement en Languedoc-Roussillon, Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon, consulté le 18/01/2024
https://www.agrienvironnement.org/pdf/f4.pdf
[4] Le Végétal en fête promeut le jardin écoresponsable, Article Ouest France, consulté le 18/01/2024
https://www.ouest-france.fr/normandie/aunay-sur-odon-14260/le-vegetal-en-fete-promeut-le-jardin-eco-responsable-2512968
[5] L’agroforesterie : définition, avantages, exemples, Mutualia, consulté le 18/01/2024
https://www.mutualia.fr/agriculteur/infos/economie-et-societe/news/lagroforesterie-definition-avantages-exemples
[6] Agroforesterie, exemple de la ferme de la Durette, consulté le 18/01/2024
https://www.youtube.com/watch?v=x_ZXeNpgJeM
[7] Calendrier des fruits et légumes de saison en France métropolitaine, Greenpeace, consulté le 18/01/2024
https://www.greenpeace.fr/guetteur/calendrier/
[8] arbres remarquables, érables à feuilles de frêne, Direction Parcs & Jardins Ville de Beauvais, consulté le 18/01/2024
https://www.beauvais.fr/parcs-jardins/les-arbres-remarquables/erable-negundo.html

 

Dehors, et plus vite que ça !

Cela faisait plusieurs jours que Daniel fixait le plafond, toujours avec ce même regard vide. Il ne faisait plus rien de ses journées, ne se donnait plus la peine d’enfiler son costume, ses chaussures bien cirées, il ne prenait plus sa trottinette pour se rendre à son travail. Il n’en pouvait plus, il étouffait. Lui, il aurait aimé se sentir utile à la société. N’être qu’un simple pantin de REMOVE X était aux antipodes de ses idéaux.
Daniel avait bien conscience que la société avait changé : les voitures sont interdites dans Compiègne, les murs, autrefois bétonnés, arborent une fière verdure, on consomme davantage local, et les gens semblent plus heureux. Rien à voir avec son propre rôle dans son entreprise. Alors le voilà, toujours à fixer son plafond, à se sentir inutile. Quand soudain, un bruit lointain retentit. Si lointain que Daniel a mis longtemps à réaliser qu’il s’agissait de la sonnette de sa propre maison. Alors, avec son caleçon qu’il n’a pas changé depuis trois jours maintenant, et sans prendre la peine d’enfiler quelque chose par-dessus, Daniel se hissa péniblement en dehors de son canapé et marcha jusqu’à la porte.
« C’est qui ? »
Aucune réponse. Daniel poussa un râle d’énervement, et entrouvrit la porte. C’est Didier qui se tenait devant lui, droit comme un piquet et bien propre sur lui, comme à son habitude. Les deux, face à face, faisaient un violent contraste.
Cet homme de quarante-cinq ans, avec de l’embonpoint et de grande taille, vêtu d’une chemise toute blanche et bien repassée et sans un cheveu de travers, est l’ami d’enfance de Daniel. Ensemble ils forment les 2D, les inséparables. Alors il semblait normal que seul Didier arrive à motiver son ami d’aller prendre une douche, d’enfiler des habits, et d’enfin sortir dans la rue.
« Mais on va où ?
— Ça, c’est une surprise. »
Sans un mot, les amis arpentaient les rues. Au fond de lui, voir les rues de Compiègne sans une voiture, les maisons enchâssées dans la nature mettait la boule au ventre à Daniel. Lui, il n’arrivait pas à changer. Cette impression empira quand il vit l’UPLOAD. Même le nom de l’UTC avait changé. Un petit frisson de joie parcourut son corps lorsqu’il remarqua que l’emplacement de la cantine était toujours la même. Toujours de l’autre côté du trottoir, mais elle était devenue tellement plus imposante. Désormais, elle s’étalait du rond-point jusqu’à l’intersection de la rue Notre Dame de Bon Secours. Les 2D rentrèrent dans la cantine.
« Nan mais t’es sérieux ? Tu m’as fait sortir de mon canap’ pour aller à la cantine ?
— Arrête de râler, et regarde ».
C’était une organisation imposante, et minutieuse. À la façon des abeilles dans une ruche, les étudiants savaient exactement quel rôle leur incombait dans cette cantine. Les premiers étudiants qu’on pouvait observer étaient derrière le comptoir, et servaient les plats. Ils étaient chaleureux, affichaient un sourire permanent. Ils étaient proches de ceux qui y mangeaient, leurs amis, leurs professeurs. C’est cette proximité qui rendait les rendait si avenants. Plus loin, avant la sortie de la cantine, ils géraient le bon déroulement de la vaisselle.
« La vaisselle ? » se demanda Daniel. En effet, si l’on observait bien, on pouvait voir que chacun avait ses propres ustensiles, mais les assiettes, les verres, différaient d’une personne à l’autre. Daniel en déduisit que chacun devait les ramener de chez soi, pour ensuite les laver. « C’est malin ». Cette cantine avait pour ambition de réduire son émission de carbone. Une affiche expliquait que le plastique représente 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et que même le carton, pourtant moins polluant car réutilisable, ne pouvait être entièrement recyclé [1]. Les 13 % du carton qui finit en décharge pouvaient abîmer les sols, et donc impacter l’environnement mais se dégradaient quand même plus rapidement que le plastique. Finalement, l’option lavable était préférable pour diminuer le bilan de carbone [2].
Didier entra dans une pièce, derrière le comptoir, mais à l’écart des cantines. C’était le Corridor, le lieu d’apport de la nourriture. Didier sortit de son gros sac des courgettes, des pommes et des poires [3]. Une étudiante en prit livraison, le remercia, et alla les donner en cuisine. Daniel fut surpris qu’elle ne donne pas de l’argent à son ami en échange.
« Allons manger maintenant ! s’exclama Didier.
— Attends… mais on est pas étudiant, on a pas le droit. Et pourquoi elle ne t’a pas payé ?
— Le principe du ReR, la cantine « Rires et Ratatouille », repose sur la collaboration de chacun à son bon fonctionnement. Pour y avoir accès, les élèves suivent des cours en rapport avec l’agriculture, et les personnes extérieures peuvent y manger si elles rapportent de la nourriture ou aident en cuisine. On a apporté des fruits et des légumes, on peut maintenant manger sans payer. Allez, à table ! »

cliquez sur l’image pour découvrir le site de la Cocotte solidaire

Cette explication replongea Daniel dans son passé, quand son professeur d’histoire de quatrième racontait à la classe le fonctionnement des différentes communautés. L’une en particulier l’avait marqué, celle des huttérites. Cette organisation dont l’importance était significative au XVIe siècle reposait sur le vivre-ensemble, dans des fermes collectives. En 1545, les huttérites possédaient 21 fermes, chacune comprenait des lieux d’habitation, des pièces pour les activités artisanales, des salles de classe, des cuisines et des entrepôts [4]. Cette communauté se trouvait majoritairement en Moravie du Sud et la production se faisait en grande partie en circuit fermé, mais Daniel n’avait pas tout retenu de ce cours qui datait de presque trente ans.
Didier avait pensé à prendre une assiette, des couverts et un verre pour Daniel. Le repas était délicieux. Il n’avait jamais aussi bien mangé dans une cantine. Les légumes étaient excellents, et fondaient dans sa bouche tant ils étaient tendres.
Ce repas, et l’ambiance si positive qui régnait dans ces lieux lui faisaient du bien. Après avoir fait leur vaisselle, et une fois dehors, Daniel ressentit comme un vide. Dehors, il ne faisait pas froid, et pourtant dans le ReR il avait si chaud. Sur le chemin du retour, cette cantine ne cessait de revenir dans ses pensées. Il voulait revenir là-bas. Non, plus que ça, il voulait participer à cette organisation. Il se sentirait utile, enfin en cohérence avec la société et ses changements.
« Dis, Dédé, comment t’as fait pour commencer dans l’agriculture ?
— Oh, c’est de famille. On se transmet les connaissances de père en fils.
— Ça veut dire que je ne pourrais jamais avoir tes connaissances ?
— Déjà, pour l’élevage bovin, il aurait été mieux que ta famille ait un troupeau et des terres. »
Daniel fit une moue de mécontentement.
« Mais Dany, rien ne t’empêche de commencer par la culture des arbres fruitiers.
— Mais je n’ai aucune connaissance dans ce domaine…
— Dany, je ne t’ai pas dit ? À l’UPLOAD, non seulement la cantine est ouverte à tous, mais les cours magistraux également. Je connais un étudiant qui donne des cours d’arboriculture à l’UPLOAD. Il s’appelle Émile, va le voir quand tu te sentiras prêt. c’est tous les mardis à 11 h »
Sur ces mots, Daniel et Didier se quittèrent. Daniel retrouva son clic-clac, et fixa le plafond. Il savait maintenant comment changer, comment s’adapter à cette nouvelle société. Maintenant, il devait juste trouver la force de sortir de son canapé.

BIBLIOGRAPHIE :
[1] Les rejets de plastique et les émissions de gaz à effet de serre sont en croissance, OCDE, consulté le 18/01/2024 https://www.oecd.org/fr/environnement/plastiques/augmentation-des-rejets-de-plastique-et-emissions-de-gaz.htm
[2] Quel est le bilan carbone des emballages alimentaires ?, Gautier Mulak, We are Green, 10/01/2023, consulté le 18/01/2024 https://wearegreen.io/article/quel-est-le-bilan-carbone-des-emballages-alimentaires
[3] Calendrier des fruits et légumes de saison en France métropolitaine, Greenpeace, consulté le 18/01/2024
https://www.greenpeace.fr/guetteur/calendrier/
[4] Huttérisme, Wikipédia, consulté le 18/01/2024
https://fr.wikipedia.org/wiki/Huttérisme

 

Les raisins de l’apaisement

La lame du sécateur racle la peau de ma cuisse. J’aurais jamais dû mettre un short. Le vieux chapeau trouvé au vestiaire partagé me gratte les oreilles. Tchic Tchac tchic tchac. Les lames s’activent avec vivacité. Une grappe puis l’autre. Pour le moment, je me contente de recueillir les lourdes grappes. Tiédis par le soleil d’octobre, les raisins roulent dans le large panier. C’est Luciole qui l’a réparé à l’atelier vannerie l’année dernière, alors j’évite de la traîner sur le sol. Peut-être que je pourrais bricoler des bretelles pour le porter sur le dos ?
Ça va faire presque deux heures que les vendanges collectives ont commencé et je déplie douloureusement mon dos. Il faudra que je sois plus attentif aux échanges sur l’ergonomie du travail, puisque je vais essayer de passer un peu de temps aux champs.
Je prends une grande inspiration. L’odeur sucrée des fruits presque trop mûrs envahit mes narines. L’été a été plus court que l’année dernière, la récolte arrive un peu tard. Finalement, s’adapter aux saisons, c’est bien complexe quand leurs marqueurs les plus anciens se sont effacés.
Au concert des outils tranchants s’ajoute le vrombissement d’un broustick, rare insecte encore visible depuis les grandes extinctions. J’essaie de visualiser le poster des pollinisateurs des toilettes de l’UPLOAD. C’est une affiche un peu vieillotte des années 90. Moustiques variés, abeilles noires et mouches, que des bestioles que je n’ai jamais croisées, la faute, entre autres, aux produits phytosanitaires. Il parait aussi qu’il y avait moins de haies et d’arbres, que les animaux qui permettaient le transport des gamètes ont vite perdu leur abri. Ce broustick un peu frêle, c’est un survivant ! Des ailes longues, de gros yeux à facettes, et détail auquel je n’avais jamais fait attention, une petite trompe poilue.

Photo par Samuel Mariot, licence CC BY-NC 2.0 Deed

 

Contrairement à la carte postale du hall du bâtiment agricole, ce qui se déploie devant moi n’a rien de monotone. Les champs sont parsemés de haies. Point de boue entre les rangs, on perçoit à peine le sol entre les herbes et les fleurs. Des arbres s’entrelacent entre les ceps, rendant la chaleur d’octobre acceptable. Ils ont une drôle de forme, avec des sortes de gros bubons d’où s’échappent de maigre branches.
« C’est pas très beau ces trognes, hein ? » dit une voix qui me sort de ma rêverie.
« On peut aussi appeler ça un têtard… en gros, pour éviter que les arbres deviennent trop grands et fassent de l’ombre à la vigne, on coupe régulièrement les branches du haut. Je viens souvent aider au trognage, comme ça je récupère les branches pour donner du fourrage à mes chèvres ! Et ensuite hop ! L’arbre cicatrise et forme une petite boule, un peu comme notre peau quand on se coupe ! »
Un sourire franc et un bras énergique, la femme qui m’interpelle n’a cessé de couper pendant qu’elle me parlait.
Notre échange va bon train, elle s’appelle Marie, elle est agricultrice. Et elle aime ça. Dans sa bouche, les herbes et les arbres ont des noms et prennent vie. Elle lit le milieu qui nous entoure, connaît le chant des oiseaux. Je demeure gauche avec mon sécateur, mais la sensation d’être de trop s’estompe un peu. Essayer de décomposer les gestes pour les comprendre. Les doigts engourdis se crispent sur le manche. Décidément, il faudrait repenser les outils de travail. Améliorer les lames, pour qu’elles s’émoussent moins vite. Faudra voir avec Charlène aussi, mais le transfert des raisins à la cuve de stockage a l’air périlleux. On pourrait peut-être mettre en place un système de poulies pour hisser les hottes de fruits ? SHLACK
« Fuck ! » le sang pulse sous l’ongle de mon pouce. Il est temps de prendre une pause !

 

Une passion qui se transmet

Marie aperçoit le bout du chemin. Elle profite du calme de la nature quelques derniers instants avant le début de cette journée frénétique. Dans la cour de la ferme, elle a à peine le temps de poser son vélo, qu’elle se fait embarquer par son amie Charlène, la vigneronne. Aujourd’hui, les étudiants de l’UPLOAD viennent aider aux vendanges et Charlène ne peut tous les encadrer seule, elle a donc demandé de l’aide à d’autres collègues, comme Marie. Cette dernière va devoir expliquer et montrer les bons gestes, soutenir les personnes fatiguées, en somme, superviser la récolte.
Marie se voit confier la responsabilité d’une vingtaine de personnes.
« Il va falloir se séparer en deux groupes. Le plus nombreux s’occupera de récolter le raisin. Vous aurez tous un sécateur et un panier. On coupe la grappe à sa base, en sélectionnant uniquement les plus mûres, et en évitant celles qui sont déjà pourries. N’hésitez pas à me demander si vous avez un doute, surtout au début, mais vous arriverez rapidement à faire la distinction vous-mêmes. Ensuite on les pose délicatement dans les paniers.
L’autre groupe, vous êtes chargés de transporter les paniers pleins hors des champs puis jusqu’à la cave.
Ces deux travaux sont très exigeants physiquement mais différemment, donc n’hésitez pas à alterner les postes entre vous. »[1]

Deux heures plus tard, tout le monde est au travail avec enthousiasme. Marie peut souffler un peu. Elle regarde autour d’elle, subjuguée par les paysages automnaux, elle sent le vent sur son visage, l’odeur du raisin fraîchement récolté. En fond sonore, des conversations enjouées, ponctuées par des soufflements d’efforts.
Marie aime voir toutes ces personnes travailler pour un objectif commun.
Elle sort soudain de ses pensées et revient à ses responsabilités du jour. Elle balaye la vigne du regard pour vérifier le bon déroulement des évènements, repérant ainsi un étudiant qui semble isolé. Ses mouvements ne sont pas empreints du même entrain que les autres. Est-il fatigué ? Alourdi par des soucis dans sa vie ? Poussée par la curiosité, elle s’approche tranquillement de lui. Il ne semble pas la remarquer, absorbé dans ses pensées. Marie se met donc au travail à ses côtés, prête à discuter lorsqu’il sera disposé.
Devant son air étonné face aux trognes, elle en profite pour lancer la conversation et lui expliquer leur origine. Elle a gagné son attention et enchaîne donc :
« Comment te sens-tu au milieu de tout ça ?
— C’est étrange, je me sens à la fois accueilli et étranger à cet environnement. Pas à ma place finalement. Et vous, pourquoi êtes-vous devenue agricultrice ? »
Marie prend quelques instants pour se concentrer sur ses sensations et ce qui la rend heureuse au quotidien.
« Je crois que l’agriculture s’est transformée ces dernières années, elle s’apparentait autrefois à un combat contre la nature. On utilisait de nombreuses techniques très néfastes pour les sols ou la biodiversité. La monoculture par exemple était responsable de l’appauvrissement des sols en matière organique, en azote, ou encore en vers de terre [2]. On faisait également un fort usage de nombreux pesticides qui avaient pourtant un effet désastreux sur la biodiversité ou encore la qualité de l’eau [3]. Petit à petit des pratiques bien plus éco-responsables se sont démocratisées : l’agro-foresterie, la polyculture, ou encore la permaculture. Aujourd’hui on cherche à construire un partenariat avec la nature. C’est comme une danse, on est en quête de l’équilibre parfait, d’harmonie avec cette entité immense d’une sagesse infinie. C’est une découverte de chaque instant et un émerveillement continu.
Pourtant, ça reste un travail très difficile. Il faut être en constante adaptation, nous sommes soumis aux aléas climatiques, et il faut travailler sans relâche. Les plantes et les animaux ne connaissent ni le week-end, ni les vacances. C’est épuisant physiquement aussi. Hier encore j’ai manié la grelinette toute la journée, et l’avancée du travail semble pourtant assez faible. Il faut savoir être patient, car nous avons encore du mal à allier productivité et respect de notre environnement. »
À son tour, René se confie. Il est passionné de mécanique, mais avait du mal à comprendre l’obsession de l’UPLOAD pour l’agriculture. Mais finalement, être dehors est agréable, et il aime à comprendre comment travaillent les agricultrices. Au fil de leurs échanges quand leur rythme ralentit, Marie décèle la véritable préoccupation de René pour ses conditions de travail. Avant de rejoindre le reste du groupe, qui les a depuis longtemps distancés, elle lui propose de se revoir : elle a besoin de réparer ses outils !

BIBLIOGRAPHIE :
[1] Vendange, Wikipédia, consulté le 18/01/2024
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vendange#Vendange_manuelle
[2] Effect of Crop Rotation and Cereal Monoculture on the Yield and Quality of Winter Wheat Grain and on Crop Infestation with Weeds and Soil Properties, Woźniak, A. Int. J. Plant Prod. 13, 177–182 (2019).
https://doi.org/10.1007/s42106-019-00044-w
[3] Impact of Pesticides Application on Aquatic Ecosystem and Biodiversity : A Review, Pawan Kumar, Kumar, R., Thakur, K. et al. Biol Bull Russ Acad Sci 50, 1362–1375 (2023)
https://doi.org/10.1134/S1062359023601386

Ces textes sont sous licence CC-BY-SA
Auteurs & autrices : Anthéa Cordeiro, Emna Bettaleb, Léonie Touzard, Camille Renaud, Pauline Henry

Pourquoi faire de l’éducation populaire au numérique ?

Par : Framasoft
24 janvier 2024 à 10:28

Julie et Romain, les deux cofondateurices de l’Établi numérique, ont fait un travail très intéressant d’introspection sur le sens de leur activité, faire de l’éducation populaire au numérique. Nous sommes ravi⋅es de leur laisser la parole.

Dès nos premières discussions, avant-même la création juridique de la structure, nous savions ce que nous voulions faire : de « l’éducation populaire au numérique ». Pour nous, c’est la meilleure manière de décrire ce que nous faisons. Mais concrètement, qu’est-ce qu’on veut dire quand on parle d’éducation populaire au numérique et pourquoi pensons-nous que c’est fondamental en ce moment ?

L’explosion du numérique

Il y a vingt ans, quand, profitant du climat politique du 11 septembre 2001, la Loi sur la Sécurité Quotidienne introduit l’obligation pour les fournisseurs de service de chiffrement de fournir leurs algorithmes aux autorités, les réactions sont très limitées dans le champ de la société civile et inexistantes au niveau politique. La Quadrature du Net n’existe pas encore pour faire un travail de veille juridique et de vulgarisation des enjeux, et les organisations professionnelles de journalistes (par exemple) ne se sont pas encore saisies de ces questions. À cette époque, nous étions peu en dehors des spécialistes à nous intéresser aux questions de surveillance.

Deux décennies plus tard, L’Etabli numérique est régulièrement sollicité pour des ateliers et des formations sur l’intimité numérique, et les livres, newsletters et autres podcasts sur les libertés numériques fleurissent. Qu’est-ce qui a changé sur cette période ? Beaucoup de choses, mais en particulier un évènement majeur : le numérique est devenu une partie intégrante du quotidien de la quasi-totalité de la population en France. Aujourd’hui, plus de 80 % des personnes ont un smartphone et 83 % se connectent à Internet tous les jours ; en 2000, moins de 15 % de la population a un accès Internet. Il y a vingt ans, Internet a déjà commencé à transformer le monde, mais le réseau n’affecte qu’un petit nombre de secteurs, et impacte surtout la vie professionnelle des personnes concernées. Maintenant, impossible de ne pas être affecté⋅e d’une manière ou d’une autre par les transformations numériques en cours. Dans notre vie intime, dans nos interactions avec les administrations, au travail : le numérique est partout.

En 2001 donc, il était encore possible de ne pas être concerné⋅e par le numérique et ses impacts ; à l’époque, les expert⋅es et les spécialistes lié⋅es à l’industrie naissante de la tech monopolisaient le sujet, mais les enjeux étaient moindres. En 2023, le numérique affecte tout le monde ; il doit donc pouvoir être réfléchi, débattu et transformé par tout le monde. Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est contribuer, modestement et avec nos moyens de petite structure, à la construction d’un espace démocratique de délibération autour du numérique.

Qu’on le veuille ou non, le numérique est là. Toute une infrastructure numérique faite de câbles, de machines et d’armoires à serveurs recouvre maintenant le globe entier. Plus encore, le numérique a transformé nos manières de vivre, de nous organiser et de nous déplacer d’une manière telle que tout retour en arrière soudain est impossible. Pour le meilleur et pour le pire, notre société est devenue profondément numérique.

Illustrations CC BY David Revoy

Un enjeu démocratique

En tant que citoyen⋅nes, nous n’avons (presque) pas été consulté⋅es tout au long de ce processus, mais c’est quand même à nous de faire l’inventaire et de déterminer ce que nous voulons faire de cette transformation. Le numérique est un sujet trop sérieux pour être laissé à des milliardaires, indépendamment de ce qu’on pense des milliardaires en question. Ce n’est pas d’un match de boxe entre Zuckerberg et Musk diffusé sur Twitch dont nous avons besoin, mais d’espaces de décisions où, à toutes les échelles, nous réfléchissons ensemble sur les communs numériques que nous souhaitons nourrir, renforcer ou réajuster.

Un des problèmes que nous avons à l’heure actuelle, c’est que le numérique est certes reconnu comme un enjeu de société, mais qu’il reste identifié comme un sujet technique malgré tout . Aujourd’hui encore, il faut être développeur⋅euse, chercheur⋅euse ou travailler dans la tech pour être légitime sur la question numérique. C’est l’industrie du numérique elle-même qui pose souvent les paramètres du débat sur les enjeux de la technologie, ce qui rend difficile toute réelle évolution. La Tech pense toujours pouvoir résoudre par plus de technologie les problèmes causés par la technologie, et nos dirigeant⋅es politiques sont souvent ravi⋅es de la suivre dans ce technosolutionisme naïf.

C’est là que l’éducation populaire intervient. Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est fournir à chacun⋅e les clés de compréhension nécessaires pour pouvoir se positionner, mais c’est aussi déconstruire l’idée que la technologie est une question de spécialistes. Tout utilisateurice de la technologie a des retours à faire sur ce qui fonctionne ou pas, des idées de ce qu’il faut changer, des expériences à transmettre, bref une expertise. L’éducation populaire part d’une vérité simple : nous sommes tou⋅tes déjà expert⋅es du numérique, même si nous ne le sommes pas tou⋅tes à la manière d’un⋅e ingénieur⋅e. Plus encore, si on veut éviter de continuer à reproduire les problèmes systémiques du numérique tel qu’il est actuellement, cette expertise collective est indispensable.

L’objectif étant de permettre à tout un⋅e chacun⋅e de se saisir des enjeux du numérique, il est fondamental que les méthodes que nous utilisons invitent à la discussion, à la participation, à l’évolution. Participer à un atelier sur les impacts environnementaux du numérique, c’est déjà réfléchir à ce qu’on veut garder ou pas dans le monde numérique actuel, c’est déjà se confronter aux besoins et aux enjeux des autres, c’est rentrer dans une démarche de délibération autour du numérique. C’est pour cette raison que nous accordons une attention particulière aux méthodes pédagogiques dans les interventions que nous construisons. L’important, c’est que les participant⋅es à nos formations repartent équipé⋅es et confiant⋅es sur leur capacité à réfléchir et à prendre des décisions, pas que tout le monde soit d’accord à la fin, et encore moins que tout le monde finisse d’accord avec nous.

Sortir de la dystopie

En 2000, le numérique était une utopie qui allait nous libérer tou⋅tes des contraintes de notre quotidien et impulser une nouvelle ère de progrès social. Vingt ans plus tard, le numérique a réussi à s’imposer partout, mais a pris en chemin des traits clairement dystopiques : les réseaux sociaux ont parfois permis de coordonner des révoltes démocratiques, mais sont aussi un espace de discrimination ; le travail à distance fait émerger des nouvelles formes de travail plus riches, mais permet aussi un renforcement de l’intensité du travail  ; Internet donne accès à un savoir incroyable, mais permet aux rumeurs et à la désinformation de se propager toujours plus rapidement ; …

Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est permettre à tou⋅tes de comprendre et de transformer cette réalité numérique complexe dans laquelle nous vivons maintenant. Sortir de la dystopie ne se fera pas par des débats de spécialistes, mais par l’intelligence collective.

La nouvelle du mardi 20:42

Par : Framasoft
23 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’UTC.

Aujourd’hui, la vie quotidienne sur le campus, on se bouge sans voitures à l’UPLOAD… Mais d’abord  cet apéritif riche en calories : le monologue d’un poêle de masse !

Confession d’un poêle de masse

— Enchanté, je suis le poêle de masse du foyer étudiant de l’UPLOAD ! Je trône dans ce grand salon collectif où vivent les étudiant·es, afin d’apporter de la chaleur à leur corps mis à rude épreuve par l’hiver picard et les pénuries énergétiques. Toutes les salles de l’université ne peuvent être chauffées, mais vous pourrez toujours compter sur moi pour vous apporter du réconfort physique et moral. Car attention, je ne suis pas qu’un vulgaire moyen de chauffage : oh non, je suis bien plus que ça ! Voulant réchauffer leurs corps, les étudiant·es se réunissent autour de moi, créant ainsi des moments festifs et intimes qui réchauffent aussi leurs cœurs. C’est sûrement pour ça que je suis l’un des rares objets du foyer à avoir mon propre surnom : “Poelito” qu’iels me nomment ! C’est bien sûr ironique, car je pèse plusieurs tonnes. Mais moi je n’ai rien à envier aux poêles classiques tout rachitiques, au contraire, c’est mon poids qui fait ma force en tant que poêle de masse ! Laissez-moi vous expliquer…

Wood Stove par Matt Kern, licence CC-BY 2.0 Deed

 

Je me nourris de bois, une ressource locale, abordable et renouvelable. Contrairement aux poêles classiques qui le consument lentement et réchauffent directement l’air ambiant, je le brûle violemment et le stocke dans la matière qui m’entoure. Il peut s’agir de brique, de pierre, de terre crue, de faïence, bref n’importe quoi d’assez dense pour retenir la chaleur par inertie. L’avantage, c’est que je libère de la chaleur par rayonnement tel un petit soleil, et ce à faible dose jusqu’à 24h voir 36h après ma combustion, ce qui est beaucoup plus agréable et pratique. Eh oui, il suffit de me nourrir de quelques bûches, et puis vous êtes tranquille pour le restant de la journée ! C’est très pratique quand l’étudiant·e responsable de ma combustion chaque matin a oublié son tour ou veut faire la grasse mat’ après une soirée bien arrosée à l’alcool de topinambour. Bon, en pratique je ne meurs jamais de faim car les étudiant·es aiment me nourrir sans cesse – tel des grand·es parent·es avec leur petit-enfant – faut dire que je ne suis pas compliqué. Grâce à ma combustion à haute température, je brûle plus efficacement tout type de bois, en produisant moins de pollution et ce pour un meilleur rendement (jusqu’à 90 % !) par rapport aux poêles classiques. Alors vous êtes convaincu·es ? Il n’y a plus qu’à me construire ! N’ayez pas peur, même des étudiant·es peuvent le faire, alors pourquoi pas vous !

Je suis né à l’occasion d’un projet scolaire d’étudiant·es de l’UPLOAD. Iels ont commencé par identifier les différents matériaux qui me constitueraient : des pierres taillées par les apprenti⋅es tailleur·euses du coin pour la structure principale en contact avec les flammes, des briques récupérées d’un vieux muret effondré pour la structure secondaire et la cheminée, quelques faïences artisanales pour un habillage étanche et classe, de la terre crue en briques ou enduits pour recouvrir le tout et faire des bancs chauffants à mes côtés. Vous me verriez, je suis unique en mon genre, le digne reflet des matériaux et savoir-faire locaux !

Après cet inventaire, les étudiant·es ont pu imaginer mon fonctionnement et mes plans. Comme tout poêle de masse, je suis composé d’un cœur de chauffe où se déroule la combustion, de circuits de fumées sinueux pour que la chaleur ait le temps d’être capturée par ma masse, de clapets pour rediriger l’air chaud en fonction des usages et d’un conduit de cheminée pour évacuer les fumées froides. Mais tous les poêles de masse n’ont pas autant de fonctionnalités que moi, je suis le top du panier ! J’ai une multitude de circuits pour envoyer l’air chaud vers différentes choses : l’air ambiant du foyer, l’eau des douches, les plaques de cuisine et même un mini-four à pizza directement au-dessus de mon cœur de chauffe. Je suis le cœur chauffant du foyer étudiant !

Une fois les plans faits, il a bien fallu me construire. C’est pas compliqué mais ça prend du temps : heureusement il y a plein de gens à l’UPLOAD prêts à donner un coup de main. Iels y ont mis du cœur à l’ouvrage ! Chaque participant·e a tracé son prénom et des petits dessins dans mon enduit en terre, créant ainsi une œuvre d’art commune et conviviale. Ma construction s’est conclue par une grande fête pour célébrer le travail collectif accompli et la joie d’avoir enfin du chauffage. C’était si émouvant, de quoi faire pleurer même un cœur de pierre comme moi !

Bibliographie
SZUMILO David au nom de l’association Oxalis, « Poêle de masse OXA-LIBRE », wiki du low-tech lab, consulté le 18 janvier 2024 : https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Po%C3%AAle_de_masse_OXA-LIBRE

Autrice : Morgane RIGAUD, texte sous licence CC-BY-SA

 

 

Mission dirigeable !

Auteur·rices : Anouk THOMAS, Carlotta JUGÉ, Chloé MATHIEU, Joris TRIART, Morgane RIGAUD, sous l’encadrement de Christophe MASUTTI et Jean-Bernard MARCON, Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Réveil en retard

Dissimulés entre les feuilles de la façade verdoyante de la résidence universitaire, de petits moineaux avaient fait leur nid sous la fenêtre de la chambre de Maura. Leur doux chant l’avait tirée d’un rêve captivant. Son réveil n’avait pas sonné ce matin-là, sûrement encore un faux contact. Ces vieux bidules des années 1980 n’ont jamais été réputés pour la fiabilité des circuits intégrés. Pas grave, elle irait le réparer au Fablab de l’université.

Maura se prépara pour une journée chargée à l’UPLOAD, l’Université Populaire Libre Ouverte Accessible et Décentralisée. Un détail attira son attention sur son calendrier de bureau : l’anniversaire de Théo prévu dans une semaine ! Il faudra lui trouver un cadeau. Réfléchissant à ce qui pourrait faire plaisir à son meilleur ami, elle fila vers la cuisine partagée. Pour faire le plein d’énergie, elle prit quelques graines et fruits secs en guise de petit déjeuner, ainsi qu’une infusion à l’ortie. Elle était en retard, elle le savait, mais le cours magistral sur les transports ne la réjouissait pas tellement. Ce qui lui plaisait, elle, c’était la bricole. Elle descendit de la résidence en vitesse par la tyrolienne et emprunta un vélo de la Ville pour gagner du temps.

Voyage jusqu’à l’UPLOAD

Sur la route, elle croisa le vieux Grégoire qui se déplaçait en tic-tic, sorte de tuk-tuk à la sauce compiégnoise. Elle se moquait souvent de ces véhicules – au principe tyrannique d’une personne tranquillement assise à l’arrière tandis qu’une autre s’essoufflait à tirer le tout – mais il fallait avouer que c’était bien pratique pour les personnes n’ayant pas la capacité de se déplacer à vélo par elles-mêmes.

« Alors Grégoire, tu penses arriver avant moi à l’UPLOAD ?
— On va bien voir ! Le premier arrivé garde une place à l’autre dans l’amphi.
— Ça marche ! »

Maura se mit à pédaler plus vite pour dépasser le vieil homme, mais il y avait pas mal de circulation. Elle entendit au loin des sirènes et vit une ambulance passer à vive allure. Sans doute encore un accident de vélos au croisement du Boulevard Gambetta. Les gens devraient vraiment davantage respecter les feux tricolores : c’était bien l’une des rares choses que la voiture avait apportées de bon, et l’une des rares choses que l’on avait gardées d’elle d’ailleurs.

À cause des pénuries de carburant, on avait délaissé les voitures pour finalement les interdire complètement. Vécue comme une privation au départ, la disparition de ces « bagnoles » avait montré des vertus salvatrices. L’air était plus pur et les rues plus sûres.

Le chant des oiseaux avait remplacé le grondement des moteurs. Les parkings étaient convertis en places de marché de quartier ou utilisés pour divers usages collectifs, ressourceries ou ateliers. Certaines routes avaient été décapées de leur bitume pour y replanter des arbres apportant de la fraîcheur lors des étés toujours plus chauds, et des voies routières d’autrefois revenaient désormais aux piétons et cyclistes. Les voitures uniformes avaient laissé la place une joyeuse hétérogénéité de vélos en tout genre. Certains étaient traficotés à partir des carcasses et composants d’anciennes voitures, dont le recyclage massif fournissait une source de matériel et de créativité pour de nouvelles inventions. Les ambulances à hydrogène faisaient partie des rares véhicules motorisés encore autorisés en ville, fonctionnant grâce aux quelques stations d’électrolyse installées çà et là.

Maura et Grégoire arrivèrent finalement en même temps au hall d’entrée de l’UPLOAD. C’était un lieu qui formait avant tout des ingénieur⋅es, mais aussi toute personne curieuse et désireuse de s’instruire dans les domaines techniques. L’université consistait en un regroupement de bâtiments végétalisés, rénovés ou fabriqués grâce à des ressources locales et des techniques de construction sobres. Mais le bâtiment préféré de Maura était le Fablab, un grand atelier où l’on avait tout le matériel et l’aide nécessaire pour réparer, recycler ou construire n’importe quoi. Le gardien du Fablab était Grégoire, un papy ronchon mais gentil de 64 ans. Malgré les taquineries qu’elle lui envoyait, Maura avait beaucoup d’estime pour lui. Il lui avait appris énormément sur la menuiserie et l’artisanat. Au-delà du Fablab, il y avait également de nombreuses salles pour que les élèves puissent organiser et assister à des conférences, ateliers pratiques et retours d’expériences. Et c’est justement en salle A100 que le cours sur les transports se déroulait.

Cours sur les transports

Maura et Grégoire ouvrirent la porte de l’amphi et s’assirent rapidement pour ne pas déranger l’exposé du professeur, un spécialiste des mobilités. Son cours introductif portait sur l’impact de l’effondrement sur nos modes de déplacements actuels. Maura, qui était certaine qu’elle allait passer une bonne partie du cours à somnoler, se décida à tout de même en écouter une partie :

« L’obsolescence des moyens de transports traditionnels suite à l’effondrement nous a poussés à totalement repenser l’urbanisme et la manière dont nous nous déplacions… ».

Le professeur vanta l’efficacité du tramway Compiègnois, décrivit en détails le processus d’aménagement et de création d’espaces verts pour les animaux de trait, s’attarda sur la transformation des routes en pistes cyclables et équestres, puis épilogua sur la quantité de voitures prêtes au recyclage qui gisaient à la déchetterie. La deuxième partie du cours portait sur la place prépondérante des dirigeables dans le transport de marchandises et de la place essentielle qu’occupait l’aéroport de Compiègne dans celui-ci.

Assis au premier rang, Théo, qui avait une grande fascination pour les dirigeables, rejoignit le professeur et commença à discuter avec lui des différents mécanismes utilisés par les dirigeables lors de changements d’altitudes, l’un défendait la compression des gaz et l’autre la descente assistée par propulsion. Maura crut qu’elle allait s’évanouir d’ennui. Soudain, la délivrance : la fin du cours était annoncée.

Enfin, la journée allait pouvoir commencer. Maura et Grégoire retrouvèrent Théo puis se dirigèrent vers la cantine collective pour le déjeuner. Aujourd’hui au menu : concombres verdoyants à la sauce vinaigrette en entrée, œufs au plat venus tout droit du poulailler de l’UPLOAD et une généreuse part de tarte aux pommes servie en dessert. Pour les étudiants qui souhaitaient cogérer le restaurant, des cours de nutrition étaient obligatoires. Les autres pouvaient aider à la préparation des repas du matin et du soir avec les aliments récoltés dans le potager. Après s’être servis, Théo, Maura et Grégoire s’installèrent à une table et dégustèrent le délicieux repas concocté par les étudiants.

« Vous voudriez assister à quel cours maintenant ? Je sais qu’il y a le temps de partage de savoir-faire en jardinage à 14h, ça pourrait être intéressant.
— Je suis d’accord, répondit Maura, en vrai j’aimerais bien apprendre à planter des tomates !
— Va pour l’atelier de jardinage !
— Moi je vous laisse, je retourne au Fablab faire l’inventaire, dit Grégoire en se levant.
— OK, à ce soir Grégoire ! »

Atelier jardinage

Avec enthousiasme, Maura et Théo se dirigèrent vers la serre et le potager. Un petit groupe s’était déjà formé et écoutait la présentation du jardinier :

« Bonjour à tous, j’espère que les concombres vous ont plu ce midi. Aujourd’hui le cours portera sur les différentes combinaisons de plantes. Cette technique appelée compagnonnage est née de l’observation et de la pratique.

Si je prends l’exemple des légumineuses qui enrichissent le sol en azote, il peut être judicieux de les associer à des plantes qui ont besoin de cet apport comme les tomates ou les cucurbitacées. De plus, certaines plantes aromatiques, grâce à leurs odeurs particulières, peuvent éloigner voire éliminer des insectes nuisibles comme le basilic qui est un fort répulsif de mouches et moustiques. Il s’associe parfaitement avec les tomates, asperges, poivrons, piments et aubergines. Maintenant c’est à vous de jouer : choisissez une combinaison dans le manuel et plantez-la en respectant les techniques de jardinage. »

Tous les étudiants mirent la main à la pâte et s’occupèrent en binôme d’une combinaison de plantes. Maura et Théo avaient choisi l’association thym-brocoli. Le thym planté à proximité permettrait d’éloigner les mouches blanches des brocolis. Après avoir fini leur plantation, le jardinier arriva pour inspecter les travaux finis.

« Pas mal, lâcha-t-il, pour une première, vous vous en sortez bien !
— Merci, c’est pas si dur en fait le jardinage ! Il y a des petites techniques à apprendre et puis notre potager se retrouve rempli de bons fruits et légumes, répondit Maura enthousiaste.
— C’est vrai, mais il y a aussi toute la partie entretien du potager ! objecta le jardinier. Il y a dans toutes disciplines des parties moins agréables mais essentielles qui nous rendent encore plus fiers du travail accompli. »
Le jardinier se tut, il semblait méditer. Théo saisit cette opportunité pour s’introduire dans la conversation.
« Moi quand je travaille sur les dirigeables, je suis toujours fier du travail accompli !
— Oh non, pas encore tes dirigeables ! s’exaspéra Maura.
— Vous saviez que les nouveaux dirigeables à panneaux solaires émettaient seulement l’équivalent d’1 % des émissions CO2 d’un avion pour du fret, alors que…
— Théo, reste concentré sur le potager ! lui intima Maura.
— Vous ferez moins les malins quand j’aurai un poste d’ingénieur dans une des usines d’assemblage !
— Les usines fluviales ? demanda le jardinier intrigué.
— Oui ! Elles sont placées à côté des fleuves, car les dirigeables ont besoin d’hydrogène, et pour produire de l’hydrogène on a besoin de beaucoup d’hydro-électricité, d’où les barrages !
— Tu parles de l’électrolyse ?
— Exactement ! » Le jardinier se tourna vers Maura, puis s’adressa à nouveau vers Théo :
« Vous m’avez l’air plutôt débrouillards, vous suivez le cours de recyclage ?
— Évidemment ! répondit Maura.
— On se verra certainement au cours de demain dans ce cas ! Je me suis inscrit récemment, mais bon j’y connais pas grand-chose, dit-il l’air gêné.
— T’inquiète pas on sera là pour t’aider ! Au fait moi c’est Maura ! s’exclama-t-elle.
— Je m’appelle Émile, enchanté ! »

Cours de recyclage

Le jour suivant, nos amis se retrouvèrent en cours de recyclage portant sur le chapitre des étapes menant à la réutilisation des composants de la voiture.

Théo était happé par le cours, qu’il trouvait utile pour son projet de conception de dirigeables. Il apprit ce jour-là que les voitures ne pouvaient pas encore être entièrement recyclées, la réutilisation et la valorisation des composants atteignaient seulement 80 % de la masse des véhicules. Pour cela, il fallait respecter plusieurs étapes : la dépollution, le démantèlement, le broyage et enfin le recyclage des composants. Tout d’abord, il fallait dépolluer en retirant tous les liquides de la voiture puis la démonter pour mettre de côté les pièces réutilisables. La carrosserie était ensuite broyée pour créer de la ferraille, utilisée dans les nouveaux produits en acier comme les ustensiles de la cantine collective, et le reste des composants, tels que le verre ou le caoutchouc, étaient également recyclés. Beaucoup d’objets dans la ville étaient issus de ce processus de recyclage, comme l’horloge centrale, les lampadaires et les machines des usines relocalisées.

Maura, assise derrière, chuchota à Émile et Grégoire :
« L’anniversaire de Théo c’est dans une semaine ! J’aimerais beaucoup lui faire une surprise, j’ai besoin de votre aide. J’ai pensé que ce serait une bonne idée de lui offrir un dirigeable… miniature ! Il adore ça et ne fait qu’en parler, c’est le cadeau idéal ! Ça vous dirait de m’accompagner ce soir pour aller chercher les matériaux ? »
Toujours prêt à aider les autres, Émile répondit sans hésitation :
« Carrément !
— C’est une très bonne idée Maura, dit Grégoire. Je me fais un peu vieux pour ce genre d’escapade à la déchetterie, mais je pourrai vous aider à le fabriquer au Fablab une fois tous les éléments réunis ! »

Escapade nocturne à la déchetterie

Émile et Maura bouillaient d’impatience, c’était le moment d’aller chercher les matériaux pour la confection du cadeau de Théo. Ils étaient déterminés à aller les récupérer à la déchetterie de la Ville, mais savaient que cette escapade ne se serait pas de tout repos. La déchetterie était commune à tous les habitants et pour avoir accès aux matériaux, il fallait une raison valable, ça devait être utile à toute la ville. La fabrication d’un cadeau pour un ami n’était certainement pas de première nécessité, c’est pourquoi ils devaient y aller de nuit, sans être repérés. Il y avait des gardes, certes, mais ça ne les intimidait pas. Ils avaient un plan d’action.
« Si on part à 22 h, il fera encore jour. Je pense que c’est mieux de partir vers minuit.
— Je suis d’accord, mais du coup le tramway ne passera plus à cette heure-là. On y va comment ?
— On pourrait emprunter un tic-tic, c’est toi qui pédaleras à l’aller et moi au retour, ça te va ? proposa Maura en esquissant un sourire.
— Ça me va ! Faudra le garer assez loin de la déchetterie sinon ils suspecteront quelque chose. »

Émile et Maura arrivèrent à la déchetterie à bout de souffle. Ils se faufilèrent par un petit trou du grillage que des rongeurs avaient grignoté. Ils fouillèrent partout dans les tas de matériaux sans parvenir à trouver de quoi fabriquer le dirigeable. La déchetterie était pleine d’épaves de voitures en tout genre. Il y avait des centaines de volants, de jantes, de sièges amovibles, de portières mais aucune trace de ballon ni de ficelle. Au bout d’un moment, les deux copains trouvèrent un coin isolé où s’empilaient nombreuses boîtes en carton dans lesquelles ils découvrirent tout ce dont ils avaient besoin, et plus encore ! Le Graal ! Avec excitation, ils s’emparèrent de quelques vis, une petite planche en bois et du fil élastique. Il y avait aussi une multitude de débris de carrosserie et une petite hélice.

« On a presque tout ce qu’il nous faut ! Les dirigeables sont fabriqués avec des matériaux bio-composites et de la fibre de carbone, mais d’après Théo on les fabriquait avec du bois, l’aluminium et du tissu, on peut déjà construire la nacelle, les ailes et les moteurs ! »
Il ne manquait plus qu’un ballon. En cherchant les dernières pièces du puzzle, ils trouvèrent un objet très étrange. Il ressemblait aux pales d’une éolienne mais ces pales étaient arrondies et trouées, de la taille d’une main et de couleur fluorescente.
« C’est quoi ça ? C’est trop bizarre ! s’exclama Maura.
— Aucune idée, mais ça pourrait être utile de le désosser et de voir comment ça fonctionne. On dirait qu’il y a un roulement à billes à l’intérieur ! »
Les deux aventuriers s’amusèrent à faire tourner l’objet dans leur main et en oublièrent presque le but de leur expédition. La lumière d’une lampe torche au loin les fit revenir à la réalité. Ils se dépêchèrent de trouver un ballon de baudruche mais en vain. Une bouteille en plastique de forme allongée était là par terre, elle ferait très bien l’affaire. Tous les matériaux étaient maintenant dans leur sac à dos, ils pouvaient déguerpir.

L’histoire du Hand Spinner

— Alors les enfants, qu’est-ce que vous avez trouvé de beau ?
Émile et Maura vidèrent leur sac à dos sur le plan de travail. Grégoire était étonné de voir qu’il y avait un objet qu’il connaissait bien.
— Haha j’adore ! Vous avez trouvé un hand spinner, ça fait bien longtemps que j’en avais pas vu ! Vous savez, c’était à la mode vers 2017 ! Tout le monde en achetait pour s’amuser mais à la base c’était une aide pour les enfants autistes.
— Comment ça ?
— Eh bien, en 1997, une femme américaine avait décidé de fabriquer pour sa fille autiste un hand spinner. Il servait à la déstresser et à la calmer. Cet objet pouvait aider les enfants autistes ou ayant des troubles de l’attention à se concentrer.
— Mais c’est une trop bonne idée ! Je suis sûr que ça pourrait intéresser l’établissement de soins de la ville ! s’exclama Émile.
— Oui, dit Grégoire en regardant l’objet de près, ça me semble pas trop difficile de demander aux volontaires du Fablab d’en reproduire un certain nombre… »

De retour au campus, ils dessinèrent un croquis du futur dirigeable miniature puis commencèrent à en assembler les pièces.
« Je me demande pourquoi Théo est toujours autant à fond sur les dirigeables, s’interrogea Maura.
— Tu sais, je connaissais le père de Théo, répondit Grégoire. Je ne vous en ai jamais parlé, mais il y a dix ans, son père est mort pendant la troisième pandémie. C’était un ingénieur en aéronautique passionné de dirigeables. Et depuis ce jour, Théo s’est juré de suivre ses pas et de devenir à son tour ingénieur spécialisé en dirigeables. »

Image Public Domain via Wikimedia Commons

Anniversaire Surprise

La semaine suivante, Grégoire, Émile et Maura s’étaient cachés sous les tables de la cantine collective pour faire la surprise à Théo. Celui-ci fut plus que ravi du petit dirigeable bricolé avec amour par ses amis. Après l’avoir suspendu au plafond de la cantine où ils avaient installé leur petite fête, Théo fit un discours de remerciement où il se laissa aller à évoquer avec passion ses projets… de dirigeables !
« … jusqu’à présent, nous les avons employés depuis l’effondrement pour transporter du fret à moindre coût énergétique, mais il faudrait pouvoir passer à la vitesse supérieure en imaginant des transports à moyenne et longue distance ! Car pour les modes de déplacement intra-urbains, on est en passe de répondre aux besoins avec les tramways et vélos, mais il nous faut aussi envisager des modes de transports de ville à ville pour des passagers. Une métropole ne peut pas rester sans communications physiques avec les régions alentour ! C’est pourquoi j’ai conçu un prototype économe et spacieux, un peu plus élaboré que mon joli cadeau, ajouta-t-il en déclenchant des sourires, un modèle qui permettra de… »

Un des amis de Théo présents à la fête l’interrompit : :
« Hé Théo ! Il est joli ton discours, mais concrètement, comment tu vas réaliser ton prototype ? Ce sera quoi le gaz dans l’enveloppe ? Parce que l’hydrogène c’est dangereux non ?
— Alors, l’hydrogène c’est inflammable facilement en effet. Il y a eu pas mal d’accidents, dans les années 1920. Mais depuis l’effondrement, la recherche dans l’aéronautique s’est beaucoup penchée sur cette problématique, permettant de grandes avancées sur la sécurité des dirigeables. Et les normes de sécurité ont beaucoup évolué ! Elles sont très strictes, les matériaux utilisés sont plus judicieux, et le nombre d’accidents quasi nul. Comme pour les avions, à l’époque où on en utilisait. Tu peux avoir confiance dans les dirigeables actuels !
— Ok je vois ! Mais à quoi ils carburent les dirigeables ?
— Eh bien par exemple, mon prototype de dirigeable utilise la propulsion humaine : avec mes super muscles et mon pédalier, je m’envole ! Par contre, évidemment, ce n’est pas ce système qui est utilisé pour les dirigeables de fret. C’est surtout de la propulsion électrique grâce à des capteurs photovoltaïques. »

C’était parti, on n’allait plus pouvoir l’arrêter… Et tant mieux, car son enthousiasme était communicatif.

 

Bibliographie

« Le dirigeable à pédales de Stéphane Rousson », Velo-design, (April, 2018), URL

« Compagnonnage au potager : l’association de plantes amies », Autour du potager, URL

N. Guellier, « Association de plantes au jardin : la technique du compagnonnage », Le Monde.fr,
(2014, December 26), URL

C. Pflaum, T. Riffelmacher & A. Jocher, « Design and route optimisation for an airship with onboard solar energy harvesting », Tandfordonline
(2023 March 20), URL

Dr. Barry E. Prentice & R. Knotts, « Cargo Airships : an International Status Report », (2014), URL

S. K. Dash, S. Chakraborty & D. Elangovan, « A Brief Review of Hydrogen Production Methods and Their Challenges », Energies, (January 2023), URL

T. Terlouw, C. Bauer, R. McKenna & M ; Mazzotti, « Large-scale hydrogen production via water
electrolysis : a techno-economic and environmental assessment », Energy and Environmental Science, (2022), URL

H. Mason, « Next-generation airship design enabled by modern composites », CompositesWorld, (2023 September 20), URL

C. Chagny, « Le recyclage dans la filière automobile », Carnauto, (April, 2021), URL

Paprec, « Tout savoir sur les véhicules hors d’usage », (2020), [URL] (https://www.paprec.com/fr/comprendre-le-recyclage/tout-savoir-sur-les-matieres-recyclables/vehicules/)

 

 

La nouvelle du lundi 20:42

Par : Framasoft
22 janvier 2024 à 14:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, ça clashe sévère à la radio pirate…

Panique à bord de Padakor

Un texte du collectif Radio Padakor soumis à la licence CC-BY-SA 4.0

– Yo, les clodos !

Depuis qu’une députée avait utilisé ce terme pour désigner des réfu-clims, il avait essaimé dans les milieux militants, devenant un salut amical. Une façon de se rappeler pourquoi on luttait. Justement, Luciole avait besoin d’entretenir sa hargne. Elle serrait fort le micro.

– Le monde d’avant ne demande qu’à revenir. À nous de l’en empêcher. J’annonce la naissance de Radio Padakor, média d’information indépendant, local, éthique, vénère.

Elle balança London Calling.


Nouvelle journée, nouvelle émission. Un horaire, 18:30 et une fréquence, 98.6 FM : c’est tout ce dont l’équipe de Radio Padakor (AirPD) a besoin pour accomplir sa tâche informationnelle.

Aujourd’hui, autour de la petite table se trouvent deux invités : Jarvis le jardinier, un habitué des ondes qui n’est plus à présenter, et Victoire, une experte environnementale venue pour partager son point de vue sur la situation à Compiègne.

Après une brève introduction, l’émission peut enfin commencer. Le vieil homme qu’est Jarvis prend la parole le premier. Aujourd’hui, il est venu parler de tomates.

Agacé par les interférences qu’il entend dans son retour casque, il fait des signes au pauvre Mathias qui se débat avec sa console pour tenter de résoudre ces aléas techniques.

— Le bouleversement climatique nous a apporté son lot de catastrophes, mais il a fourni quelques compensations. On peut désormais envisager de cultiver des tomates en Picardie, à l’air libre, sur sol vivant. Il n’y a plus besoin de sélectionner des variétés hybrides et on peut facilement utiliser les graines issues des fruits de l’année précédente.

— Tout de même, ça doit être moins efficace » fait remarquer l’experte.

Jarvis, surpris d’avoir été interrompu, dévisage la jeune femme.

— C’est comme ça que fonctionne la nature ; c’est pour ça que les fruits produisent des graines.

— Ouais, ça va bien pour manger deux-trois salades de tomates par an, mais pas plus…

— Ça fait des décennies que je cultive des tomates, et croyez-moi, j’obtenais déjà de beaux rendements avant qu’il ne fasse aussi chaud en Picardie.

Il reprend.

— Il y a une contrainte à connaître, impérativement : c’est le principe de rotation. La tomate est gourmande en azote. Le sol qu’elle laisse derrière elle est appauvri. Il faut donc éviter de replanter des tomates au même endroit année après année, au risque de voir diminuer sa production. Idéalement, on attendra cinq ans avant de replanter des tomates dans une parcelle.

Il se tourne vers Victoire pour lui décocher cette flèche du Parthe : « C’est peut-être ça que vous ignoriez, madame. »

— Bah, de l’azote, on peut toujours en apporter, rétorque-t-elle sans s’émouvoir.

— Alors, en effet, il est indispensable d’amender sa terre. C’est bien pour ça qu’on fait du compost. Mais attention. La tomate est sensible au mildiou. Les pieds de tomates arrachés après la dernière récolte ne vont pas au compost. C’est dangereux, on risque de véhiculer la maladie. Je rappelle que le mildiou s’installe très rapidement. Il faut lutter contre lui dès les premiers signes, avec le meilleur des fongicides, le purin d’ortie. Je vous proposerai une émission sur l’ortie un de ces jours, c’est vraiment une plante fascinante, qui a de très grandes qualités.

— Une plante envahissante et urticante, merci bien ! ironise Victoire.

— Mais enfin, vous n’y connaissez rien ! L’ortie est une des clés de voûte de nos écosystèmes. Elle contient tous les acides aminés essentiels et représente un apport idéal en protéines végétales.

Pour en revenir aux tomates, vous pouvez désormais planter toutes les variétés pour lesquelles vous trouverez des graines. Toutes pousseront facilement sous nos latitudes, à condition de les protéger de l’humidité persistante qui apportera le mildiou. On arrose au pied, jamais les feuilles, et pas si souvent que ça ! Quand vous les cuisinez, conservez les graines que vous laverez et laisserez sécher afin de préparer l’année suivante.

Enfin, dernier conseil : ne laissez pas vos sols nus quand vous aurez arraché vos pieds de tomates désormais inutiles. Plantez des légumes d’automne peu exigeants, comme des légumineuses (par exemple des fèves) ou des légumes racines (carottes, navet, sans oublier notre betterave picarde) ou encore des engrais verts comme les épinards, la moutarde qui vont régénérer votre sol.

Mathias s’est laissé surprendre par cette fin abrupte. Il pensait que Jarvis, comme à son habitude, se laisserait emporter par la passion et parlerait plus longtemps.

— Merci, Jarvis, c’était très intéressant, comme toujours. Nous allons maintenant demander à Victoire de se présenter et de nous parler de son travail.

— Oui, dit Jarvis, taquin. Victoire, comment justifiez-vous votre existence ?

Ceux qui le connaissent bien doivent sourire derrière leur poste de radio ; il a coutume d’utiliser cette question d’Isaac Asimov.

La jeune femme explique qu’elle est écologue, arrivée dans la région depuis peu, sensible à la situation critique dans laquelle se trouvent les habitants de Compiègne. Radio Campus ayant refusé de lui donner la parole, dit-elle, la scientifique en quête de visibilité s’est tournée rapidement vers l’alternative plus libre qu’est AirPD.

En premier lieu, elle déclare vouloir parler de ce que l’entreprise qui l’emploie, Écorizon, apportera à la ville.

Mathias intervient.

— Oui, les habitants s’interrogent, ils craignent que l’installation de cette entreprise qui produit des semences modifiées génétiquement ne soit néfaste à Compiègne.

— De fait, la situation écologique est déjà critique, rappelle l’experte. En effet, la pollution de l’air est faible puisque l’utilisation des voitures individuelles a été divisée par dix depuis que les véhicules thermiques ont été interdits dans les Hauts-de-France, cependant la pollution des sols et des eaux reste forte.

Victoire ne manque pas d’évoquer, notamment, la situation écosystémique des eaux de l’Oise, et plus spécifiquement la prolifération des écrevisses de Louisiane, une espèce invasive qui brutalise la faune locale et détruit petit à petit les berges. Elle n’oublie pas de souligner que ces écrevisses, comme beaucoup d’autres d’espèces colonisatrices, sont apparues dans la région il y a plusieurs années, notamment à cause d’éleveurs peu scrupuleux. L’arrivée d’une nouvelle industrie en ville rappelle à tous et toutes les pénibles souvenirs du capitalisme décomplexé du siècle passé.

Cependant, l’experte soulève une question : « Peut-on réellement comparer la situation actuelle à la précédente ? ».

Mathias et Jarvis se regardent, quelque peu incrédules.

L’experte poursuit, afin d’expliciter ses propos. En effet, Écorizon serait, elle, bien plus soucieuse de l’environnement. La preuve en est : elle propose un projet de compensation écologique, de dépollution du canal.

Jarvis intervient rapidement et demande comment tout ceci est censé se dérouler, alors même que l’entreprise polluera l’eau et le sol par ses rejets organiques et chimiques.

La jeune femme ne se démonte pas ; elle a décidément réponse à tout. En réalité, les rejets seront minimes, explique-t-elle au micro.

— Pour ce qui est des déchets chimiques, ils restent rejetés en petites quantités et surtout toujours en dessous des seuils fixés par les réglementations sanitaires européennes. Dans le cas des résidus organiques, pas de souci non plus, il suffit de les laisser se décomposer et cela permettra même de revitaliser des sols. Tout a déjà été pensé, vous voyez.

Jarvis l’interrompt prestement :

— Comment des résidus organiques sont-ils censés se décomposer pour nourrir les sols, si les déchets en question sont issus de plants OGM spécifiquement conçus pour se conserver le plus longtemps possible après leur récolte ? »

Victoire ignore complètement cette intervention, probablement à cause de la difficulté de répondre face à un argument aussi pertinent, et déroule son discours comme si de rien n’était.

L’écologue monopolise l’antenne. Désormais, c’est sur les écrevisses qu’elle veut revenir. Ces crustacés sont, outre son dada manifeste – bien qu’on puisse, paradoxalement, observer une broche en forme de crabe sur la veste de la scientifique – une catastrophe pour l’écosystème local.

En effet, arrivées il y a quelques années, de toute évidence en ayant remonté l’Oise grâce aux porte-conteneurs naviguant sur le Canal Seine-Nord, ces dernières sont une des préoccupations écologiques de la ville, si ce n’est la plus grande. Les écrevisses de Louisiane étaient déjà un problème bien avant leur débarquement à Compiègne.

Elle enchaîne sur un véritable exposé.

— Il y a vingt ans, les écrevisses de Louisiane avaient colonisé près de 80 % du sol français. L’Oise restait pourtant épargnée de leur présence. Dès 2035, une fois le canal achevé, des doutes furent émis sur la possibilité qu’elles puissent, via les péniches, arriver jusqu’ici. Aujourd’hui, elles sont installées depuis près de cinq ans, et tout le monde en connaît les conséquences n’est ce pas ?

« Tout un chacun sait ce que font ces animaux invasifs, à savoir propager des maladies décimant la faune locale, en plus d’occuper des niches écologiques autochtones. Leur nidification pose un autre problème sérieux : l’érosion des berges. On parle ici en effet de galeries creusées à même la terre ou l’argile, fragilisant petit à petit les berges de l’Oise, ce qui provoque, au fil du temps, la destruction des zones de pêche et des zones portuaires locales.

« À ce problème de taille, Écorizon apporte pourtant une solution plus qu’inespérée : l’éradication des écrevisses de Louisiane serait comprise au sein du programme de compensation écologique proposé par la firme. Pour ce faire, nous proposons de relâcher, de manière ciblée, sur une zone limitée et temporairement, une toxine issue des de l’usine de traitement des eaux de l’Oise. Cette dernière ne viserait que les écrevisses, évidemment.

Jarvis est stupéfait : cela n’a aucun sens, il doit encore intervenir. Le vieil homme ne manque donc pas de couper la parole de l’écologue, une nouvelle fois, par un violent « *Shut up  !* » tout droit sorti de son cœur d’Écossais.

Il confronte la soi-disant écologue à ses propos, il la questionne : comment une toxine, prétendument aussi efficace, pourrait-elle ne cibler que les écrevisses ?

Victoire, de nouveau, ne se démonte pas : la toxine, prétend-elle, passe uniquement par les branchies des crustacés. Jarvis s’énerve : les poissons aussi ont des branchies, cette toxine leur serait également inoculée.

— Faire mourir les quelques espèces locales encore présentes pour éradiquer une espèce envahissante, ce serait de la folie. Ce serait signer l’arrêt de mort de tout un écosystème qui, s’il est aujourd’hui fragilisé, serait demain complètement vide de vie. En plus, faire passer un de vos déchets comme un remède miracle, c’est vraiment du *bullshit !* »

Jarvis se tourne alors vers Mathias qui anime l’émission :

— Comment avez-vous pu inviter une pareille fantaisiste, qui ne sait pas de quoi elle parle et qui balance des contre-vérités depuis tout à l’heure ? »

La gêne de Mathias est palpable. Il essaie de répondre, mais sa voix se perd dans un bafouillis incompréhensible. Plutôt problématique pour un animateur radio ! D’autant que c’est le moment que choisissent les interférences pour revenir brouiller l’émission du signal. Il est encore plus désemparé quand son téléphone affiche un SMS de Luciole : « MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS ? STOPPE TOUT DE SUITE LA DIFFUSION ! ! ! ».

en gros plan un micro de studio

Photo pxhere.com licence CC0

Jarvis enfonce le clou.

— Je pensais que l’équipe de Radio Padakor était plus rigoureuse que celle de Radio Campus, avec un véritable esprit journalistique. Je me rends compte que ce n’est pas le cas. Franchement, je regrette d’être venu et je ne reviendrai pas. »

Il pose violemment son casque sur la table, se lève et quitte le studio d’enregistrement.

La jubilation de Victoire se lit sur son visage : elle va pouvoir dérouler ses arguments sans être interrompue.

Mathias se secoue et récupère la main en coupant le micro de son invitée avant qu’elle ait eu le temps de reprendre la parole.

« Le temps qui nous était imparti arrive à son terme. Je remercie chaleureusement nos deux invité⋅es, je vous prie d’excuser les petits problèmes techniques que nous avons rencontrés. Vous retrouverez Luciole demain à la même heure. »

Dans sa précipitation, il lance What a Wonderful World, le morceau originellement proposé par Victoire pour clôturer l’émission, mais qui désormais résonne tout à fait différemment.

 

 

Bibliographie

 

 

Pourquoi se syndiquer dans l’informatique ?

Par : Framasoft
18 janvier 2024 à 11:33

On le sait, le syndicalisme ne se porte pas formidablement bien dans notre pays. Et dans certains métiers, il ne va pas forcément de soi. C’est pourquoi l’article de Cécile et Thomas, publié initialement sur 24joursdeweb nous a semblé essentiel, et nous sommes ravi⋅es de le partager ici.

Quand on parle de syndicalisme, on a souvent l’image de « Jojo-le-syndiqué-de-la-cégété », qui brûle des pneus devant l’usine en mangeant des merguez en manif. Ou encore de la mafia qui ne travaille que pour ses propres intérêts particuliers.

Dans l’informatique, milieu de cadres, le syndicalisme est tantôt mal vu, tantôt inexistant, souvent considéré comme inutile. Après tout, nous sommes des privilégié·es !

Pourtant quelques bribes commencent à émerger dans notre secteur. Il y a eu le mouvement, plutôt associatif, « On est la tech »  d’informaticien·nes, qui se sont mobilisé·es lors des premières manifestations contre le système de la retraite à points.

Dans le milieu du développement de jeux vidéo, bon nombre de syndicats ont agi contre les violences sexistes et sexuelles (on peut penser aux — trop nombreux — scandales chez Ubisoft et Quantic Dream).

Alors pourquoi des gens se syndiquent dans l’informatique ?

Être majoritairement cadres et avoir un salaire à plus de 40 K ne fait pas de nous des patrons. On reste des employé·es qui doivent arriver à l’heure au bureau et qui subissent de gros coups de pression dans les moments de rush.

D’un point de vue marxiste, nous sommes et nous restons du côté des « exploités » et pas des « propriétaires » ! (On vous rassure, on ne va pas vous faire un cours sur le marxisme… quoique !).

Vous allez me dire qu’il y a pire comme exploitation. Et vous avez raison… jusqu’à un certain point ( !).

D’abord sur le côté temporaire. S’il est vrai qu’actuellement la conjoncture est plutôt bonne dans notre industrie, nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement économique, qui est d’ailleurs dans l’actualité. Celleux qui ont vécu la crise des années 2000 de l’informatique peuvent en témoigner.

Par ailleurs, l’informatique est un métier où l’on vieillit avec ses technologies et ses modes : que vaudra votre expertise Node.js, votre certification Scrum Master ou votre expertise Window Server 2023 dans vingt ans ? Dans quarante ans ?

Parce que oui, au cas où vous ne l’auriez pas vu, vous risquez fortement de bosser jusqu’à soixante-sept ans ! Tout le monde n’aura pas la chance d’être un papy Cobol !

À quoi servent les syndicats ?

L’idée d’un syndicat est de regrouper des personnes qui partagent le même intérêt.

On trouve comme cela des syndicats de patron·es (MEDEF, CGPME…) et des syndicats de travailleuses et travailleurs. (Pour les plus connues : CGT, CFDT, SUD/Solidaires, FO…)

Les « intérêts » des salarié·es sont souvent les mêmes un peu partout et depuis toujours ; ça peut se résumer à : gagner plein d’argent, avoir une bonne ambiance au boulot (de préférence, sans harcèlement) et beaucoup de temps libre !

Les syndicats sont donc des personnes qui cherchent à se battre pour cela. Ils vont avoir quatre outils pour le faire :

  • les instances de négociation dans l’entreprise (on reviendra plus bas sur le CSE) ;
  • la loi ;
  • les pressions diverses ;
  • la grève.

Le comité social et économique (CSE) et les délégués syndicaux

Dans les entreprises de plus de onze salarié·es, il doit y avoir un CSE. Un lieu où les représentant·es des salarié·es, qui sont élue·es par les salarié·es, discutent avec la direction (qui elle n’est pas élue, mais qui a eu la bonne idée d’être riche au bon moment !) de sujets variés. Toutes les questions peuvent être posées à la direction, qui a pour obligation d’y répondre… avec plus ou moins de bonne foi !

Chaque syndicat ou liste qui a reçu plus de 10 % des voix aux élections va avoir des délégué·es syndicaux (DS). Ces fameux DS vont signer (ou ne pas signer) des accords d’entreprise avec la direction de l’entreprise.

Typiquement, il y a sûrement un accord d’entreprise sur le télétravail, sur l’accueil spécifique des personnes en situation de handicap ou sur les congés menstruels/hormonaux… Grâce à notre bon président (humour noir), les accords d’entreprise peuvent être moins bons que ce que propose le code du travail.

Les délégués syndicaux sont aussi ceux qui négocient les augmentations en fin d’année.

Enfin, c’est le CSE qui gère les activités sociales et culturelles (ASC), c’est-à-dire l’argent qui est donné pour les salarié·es pour les œuvres socioculturelles (les places de ciné, les réductions pour la salle de sport, la colonie de vacances de l’entreprise…).

Warning : dans notre milieu de cadres, il n’est pas rare de trouver des syndicats « jaunes », c’est à dire des syndicats pro-direction qui sont prêts a signer les pires accords d’entreprise pour les salarié·es en échange d’avancement de carrière ou de planques diverses dans la boîte…

Autre point, le CSE a aussi la responsabilité de veiller à la sécurité physique et psychologique des salarié·es. Cela se fait dans le sous-groupe du CSE appelé CSSCT : commission santé, sécurité et conditions de travail.

Bon, habituellement, les métiers de l’informatique ne présentent que peu de risques physiques, si ce n’est des problèmes de dos et aux yeux à rester trop longtemps devant un écran. Cela reste très soft par rapport à des gens travaillant dans d’autres secteurs, comme en usine ou dans le bâtiment.

En revanche, pour les questions psychologiques, c’est autre chose. Les syndicats ont un vrai rôle pour faire remonter les questions de harcèlement, de stress divers et de burnout. Même si la loi n’est pas très précise ni claire sur ces questions, faire remonter que le petit chef X est un harceleur ou qu’il y a eu quatre burnouts dans le service de M. Bidule auprès du PDG de la boîte fait toujours son petit effet.

La loi

Salarié·es comme RH ne connaissent pas toujours le droit du travail ni la loi. Le rôle des syndicats dans l’entreprise est là pour rappeler le droit du travail aux salarié·es, mais aussi à la direction quand elle se trompe ou oublie d’appliquer la loi (oups !). Et le droit du travail en France est assez lourd, mouvant et complexe.

D’ailleurs, il y a aussi une certaine superposition du droit qu’il faut avoir en tête : le Bureau International du Travail (BIT), les directives européennes, la loi française, le droit du travail, les conventions de branche et les accords d’entreprise.

Pour nous, cadres de l’informatique, on dépend très souvent de l’accord de branche qui regroupe les bureaux d’études techniques, les cabinets d’ingénieurs-conseils et les sociétés de conseils. L’accord s’appelle « SYNTEC » et a été mis à jour en mai dernier.

Connaître tout le droit est quasiment impossible. C’est pour cela que les élu·es au CSE ont des jours de délégation pour se former aux bases du droit du travail. Il y a aussi toutes les connaissances légales que les syndiqué·es apprennent et comprennent en discutant avec d’autres syndiqué·es.

Mais le gros du travail est souvent assuré par un avocat spécialiste en droit du travail.
En effet toutes les centrales syndicales ont des partenariats avec des avocats qu’ils peuvent mobiliser quand ils ont des demandes juridiques.

D’ailleurs saviez-vous que le statut de cadre (convention SYNTEC) oblige l’employeur à payer le train en première classe lors des voyages professionnels ?

Les pressions diverses

La loi, c’est bien, mais ça ne fait pas tout. Et surtout les procédures légales sont parfois longues, pour à la fin ne pas obtenir grand chose.

On aimerait vivre dans monde de bisounours où en demandant gentiment à la direction, elle nous donnerait des augmentations, des primes de télétravail et des jours de congés payés pour les enfants malades. Dans la réalité, il faut parfois savoir montrer les dents pour négocier.

Soyons francs, il y a des moments où mettre un petit coup de pression à la direction est bien plus efficace que des années de batailles juridiques.

Pour ça, les syndicats ont deux grands types de techniques : la communication interne et la communication externe.

La communication interne

En interne, on a vu que le CSE pouvait faire passer des messages à la direction.

Ces messages et ces questions sont écrites et portées à la connaissance des salarié·es. Cela permet souvent de mettre la direction face à ses contradictions.

Madame la RH, comment expliquez vous l’augmentation des dividendes aux actionnaires de 30 % quand les salarié·es ont une augmentation de 0,5 % en moyenne ?

Mais la communication interne, c’est aussi des mails possibles aux salarié·es :  dans une grosse boîte de jeux vidéos très connue, il était de notoriété publique que certains services et certains managers pratiquaient du harcèlement sexuel. Problème : aucune femme ne voulait porter plainte.

Il a suffi d’un mail à l’ensemble de la boîte (plusieurs milliers de personnes) appelant à dénoncer les violences sexistes et sexuelles qu’elles auraient subies et ce, notamment dans le service bidule de M. X ou machin de M. Z, pour que des femmes aient l’immense courage de porter plainte.

Effet corollaire, au minimum, les managers des services en question ont regardé leurs pompes pendant quelques mois après, ont raté leur augmentation et — après quelques mois — ont enfin fini par se faire virer !

La communication externe, plus compliquée mais aussi très redoutable

Aujourd’hui beaucoup de sections syndicales ont un compte X/Instagram/Mastodon ou un blog plus ou moins actif où ils dénoncent les problèmes de leur boîte. Quand sur le hashtag du nom de la boîte tu trouves diffusés au grand jour tous les problèmes de l’entreprise, tu écorches l’image de la boîte et la « marque employeur ».

Ça fait réfléchir à deux fois les directions avant de faire des saloperies…

Si on va plus loin ou que l’entreprise est connue, on peut aussi avoir des articles dans la presse spécialisée.

La grève

Le dernier outil qui reste aux syndicalistes, c’est la grève. L’arrêt de travail pur et simple. On est sur du classique et du médiatique mais ça reste un outil important pour pouvoir apporter du rapport de forces dans les négociations.

Même lorsque que c’est symbolique, la grève permet de désorganiser, fait prendre du retard sur des projets et, au final, peut faire perdre de l’argent à un actionnaire.

On ne va pas se mentir, jusqu’ici dans l’informatique en France, on n’a pas souvent eu des grèves massives qui ont eu un impact significatif sur le cours de la bourse de nos boîtes.

Mais on constate que, depuis les manifestations sur les retraites, on a des rangs qui grossissent à chaque nouvelle manifestation.

Faut-il avoir un poster de Lénine au-dessus de son lit pour être syndiqué ?

Alors oui et non. Vous le savez sans doute, certains syndicats sont plus « politiques » que d’autres. C’est-à-dire qu’ils vont s’intéresser à des sujets plus ou moins éloignés du monde du travail et de l’entreprise : les OGM, le conflit israélo-palestinien, la lutte contre l’extrême droite…

D’autres, au contraire, vont préférer se « mettre des œillères » et ne s’intéresser qu’à ce qu’il se passe dans l’open-space.

Une autre grille d’analyse est la dichotomie « syndicalisme de service » versus « syndicalisme de lutte ».
Les premiers sont souvent dans le « dialogue » avec la direction, les seconds vont plus volontiers aller au conflit.
Les premiers sont souvent qualifiés de « syndicalisme mou » voire de « traîtres » et les seconds sont souvent qualifiés « d’excités », de « brailleurs ».

À vous de voir ce qui vous intéresserait comme style de syndicalisme et pour cela, le meilleur moyen c’est d’aller parler avec les gens. Si les grandes organisations syndicales s’inscrivent dans ces axes (plus ou moins politique ; syndicalisme de service ou de lutte), sur le terrain, dans les entreprises, on peut avoir par les personnes des choses totalement différentes.

Oui, un militant Solidaires-Informatique peut être un vendu mou du genou et oui, il est possible qu’une section CFTC organise une grève dans une boîte en solidarité avec le peuple palestinien !

(Bon, c’est rare, mais justement, allez voir par vous-mêmes, sur le terrain, ce qu’il en est !)

Mais au final, pourquoi se syndiquer, qu’est-ce que j’y gagne ?

On peut y voir un intérêt personnel. Se syndiquer, c’est souvent profiter d’un réseau et d’un service juridique. Toutes les organisations syndicales ont des partenariats avec des avocats spécialisés en droit du travail et en cas de coup de dur, ça peut s’avérer très utile.

Se syndiquer, c’est aussi payer une cotisation : tous les mois, on alimente une grande caisse commune, qui permet de compenser les pertes de salaires pendant les grèves.

Et comme les syndicats de l’informatique ne font pas souvent grève, on a souvent des caisses bien garnies, qui permettent de donner à des associations chouettes, à des logiciels libres ou simplement d’autres syndicats qui ont des besoins plus urgents de solidarité.

Certain·es se syndiquent pour faire de la politique sur le terrain, avec des résultats directs et loin des partis politiques. Histoire d’appliquer ses idéaux sur quelque chose de visible : ses collègues de bureau.

D’autres se syndiquent par amitié, parce que c’est les copains de la machine à café, est-ce scandaleux ?
D’autres aussi — souvent en fin de carrière — se syndiquent pour changer de travail : parce que les liens humains finissent par intéresser davantage que les lignes de code… À moins que ce ne soit parce que l’expertise technique qu’ils avaient en début de carrière ne vaut plus rien aujourd’hui.
En se syndiquant, on trouve une place utile dans la société. On en a connu qui se syndiquent pour des raisons familiales : une tradition de CGTistes qui ont résisté pendant la Seconde Guerre mondiale et qui prennent leur carte de père en fille. Certain·es payent juste leur cotisation et ne s’engagent pas plus. D’autres sont ultra actifs sur le terrain mais refusent de payer leur carte par principe.

Bon, disons le tout net on ne fait pas du syndicalisme « pour gagner quelque chose ». C’est beaucoup d’énergie, beaucoup de temps, des risques sur sa carrière pour de maigres victoires.

Personnellement, j’ai connu quelqu’un qui s’est syndiqué parce qu’un jour je lui ai juste dit que le chef Bidule était un connard notoire. C’était le genre de petit chef qui pousse tout son service à bout en pinaillant sur des détails inutiles qui se transformaient en « manque de professionnalisme » dans ses mots. Ses équipes finissaient par bosser le soir et le week-end, le gars en question avait fini par entrer dans une sorte de dépression. Il m’a dit que mes mots l’avaient rassuré sur ses capacités et son professionnalisme. Je n’aurais jamais pensé que mes bêtes petits mots, assez banals, iraient jusqu’à ce qu’il adhère à un syndicat. Mais ça m’a rendue un peu fière.

Je crois qu’il y a parfois un côté « psychanalyste de comptoir d’entreprise » dans le syndicalisme. Et peut-être que c’est cela ma raison de me syndiquer.

Qu’importe votre motivation, qu’importe vos raisons profondes et vos besoins.

Se syndiquer, dans l’informatique ou ailleurs, c’est engager un contre-pouvoir, c’est créer de l’espoir pour soi, pour le bureau, et pour un monde meilleur.

Cet article est un appel à se syndiquer.

Image à la une en CC BY SA :  sur Flickr

Ateliers Solarpunk – UPLOAD : bientôt des nouvelles de 2042

Par : Framasoft
18 janvier 2024 à 13:39

… et des extraits aujourd’hui pour l’apéritif !

Les ateliers de l’UTC  de l’opération #Solarpunk #UPLOAD ont été plus que fructueux ! Si vous avez raté le début, parcourez cet article récent et cet autre…

Sept groupes de participant⋅es ont collectivement imaginé puis scénarisé et finalement… rédigé des nouvelles dont voici quelques échantillons et dont nous publierons l’intégralité ici même au cours de la semaine prochaine.

En attendant, vous pourrez dès ce vendredi 19 janvier les écouter présenter leur travail et interpréter quelques passages sur la radio https://grafhit.net/ (et sur le 94.9 FM si vous êtes dans le Compiègnois). Soyez à l’écoute à partir de 12h !

 

Une radio punk, des dirigeables, un musée d’avant l’effondrement, des étudiant⋅es les mains dans la terre, d’autres bloqués sans réseau, une ferme et des dortoirs à rénover… C’est parti pour vous mettre l’eau à la bouche !

Soleil bicolore rouge/noir sur fond vert/jaune pour symboliser le solarpunk."Ancom or Ansyndie Solarpunk flag" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

 

1.Un début de vive altercation sur Radio_Padakor, ça risque de tourner au vinaigre entre le jardinier et l’écologue experte de la startup…

… à ce problème de taille, continue Victoire, Écorizon apporte pourtant une solution plus qu’inespérée : l’éradication des écrevisses de Louisiane sera comprise au sein du programme de compensation écologique proposé par la firme. Pour ce faire, nous proposons de relâcher, de manière ciblée, sur une zone limitée et temporairement, une toxine issue des traitements de l’usine dans les eaux de l’Oise. Cette toxine ne viserait que les écrevisses, évidemment.
Jarvis est stupéfait : cela n’a aucun sens, il doit encore intervenir. Le vieil homme ne manque donc pas de couper la parole de l’écologue, une nouvelle fois, par un violent « Shut up ! » tout droit sorti de son cœur d’Écossais.
Il confronte la soi-disant écologue à ses propos, en la questionnant : comment une toxine, prétendument aussi efficace, pourrait-elle ne cibler que les écrevisses ?
Victoire, encore, ne se démonte pas : la toxine, prétend-elle, passe uniquement par les branchies des crustacés. Jarvis s’énerve : les poissons aussi ont des branchies, cette toxine leur serait également inoculée !

extrait de Panique à bord de Padakor, récit complet sous licence CC-BY-SA Radio_Padakor, à paraître lundi prochain sur le Framablog

 

2. à l’UPLOAD, ça discute après l’effort dans le jardin collectif partagé…

« Pas mal, lâcha Émile, pour une première, vous vous en sortez plutôt bien !
— Merci, c’est pas si dur en fait le jardinage ! Il y a des petites techniques à apprendre et puis notre potager se retrouve rempli de bons fruits et légumes, répondit Maura enthousiaste.
— C’est vrai, mais il y a aussi toute la partie entretien du potager ! objecta le jardinier. Il y a dans toutes disciplines des parties moins agréables mais essentielles qui nous rendent encore plus fiers du travail accompli. »
Puis il se tut, il semblait méditer.
Théo saisit cette opportunité pour s’introduire dans la conversation.
« Moi quand je travaille sur les dirigeables, je suis toujours fier du travail accompli !
— Oh non, pas encore tes dirigeables ! s’exaspéra Maura.
— Vous saviez que les nouveaux dirigeables à panneaux solaires émettaient seulement l’équivalent d’1 % des émissions CO2 d’un avion pour du fret-
— Théo, reste concentré sur le potager ! lui intima Maura.
— Vous ferez moins les malins quand j’aurai un poste d’ingénieur dans une des usines d’assemblage !
— Les usines fluviales ? demanda le jardinier intrigué. »

extrait de Mission dirigeable ! récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître mardi prochain sur le Framablog

 

3. Des enfants de 2042 visitent l’exposition « Compiègne avant la sobriété »…

Louka s’était rapproché d’une ancienne carte de la région, il était surpris car il voyait de longs chemins de couleur sombre qui serpentaient de ville en ville.
« C’est quoi Papa ? c’est tout gris, dit l’enfant en pointant du doigt ces longs tracés.
– Ça tu vois, c’est une autoroute. Et là ce sont des routes nationales, ici les routes départementales et là les rues de la ville, expliquait Thomas.
Thomas poursuivit, décrivant à ces enfants ces voies de transports qu’ils n’avaient pas connues.
– À cette époque, nous utilisions des voitures pour nous déplacer. Une voiture c’était 4 sièges plus ou moins mis dans une boite. Puis on mettait cette boite sur quatre roues, on lui ajoutait un moteur avec de l’essence, et ça roulait…
Thomas continua en précisant que chaque voiture avait un « propriétaire » et de ce fait, on en faisait un usage individuel la plupart du temps. Il montra une photo où figurait une file de véhicules anciens.
– Mais, elle étaient énormes ces voitures ! Pourquoi elles étaient si grosses si on était seul dedans ? … ça sert à rien ! s’étonna Louka.
Face à la surprise de son fils, Thomas soupira. Il lui revint en mémoire les heures de bouchon pour aller travailler dans un bureau d’une compagnie d’assurance située à 25 km de chez lui.

extrait de Compiègne avant les années sobres, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître mercredi prochain sur le Framablog

 

4. Quand on veut profiter de la cantine communautaire de l’UPLOAD, on participe d’abord…

C’était le Corridor, le lieu de livraison de la nourriture. Didier sortit de son gros sac à dos des courgettes, des pommes et des poires. Une étudiante les lui prit, le remercia, et alla les donner en cuisine. Daniel fut surpris qu’elle ne donne pas de l’argent à son ami en échange.
« Allons manger maintenant ! s’exclama Didier.
– Attends… mais on est pas étudiants, on a pas le droit. Et pourquoi elle ne t’a pas payé ?
– Le principe du ReR, la cantine « Rires et Ratatouille », repose sur la collaboration de chacun à son bon fonctionnement. Pour y avoir accès, les élèves suivent des cours et des activités en rapport avec l’agriculture, et les personnes extérieures peuvent y manger si elles apportent de la nourriture ou aident en cuisine. On a apporté des fruits et des légumes, on peut maintenant manger sans payer. Allez, à table ! »

extrait de Jardins de demain, jardins malins, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître jeudi prochain sur le Framablog

bouton d'accès avec une empreinte digitale "Fingerprint Biometric Lock" by Flick is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.

5. Dans le bâtiment d’accès sécurisé où ils viennent de travailler toute l’après-midi, un groupe d’étudiant⋅es cherche à quitter les lieux…

Quelques heures passent encore, sans plus aucune interruption. Une fois leur première série d’expériences terminée, tous se dirigent vers la porte. Dylan pose son index sur le lecteur d’empreintes mais celui-ci s’allume en rouge. La sortie lui est refusée.
– Et merde, on est bloqués, la porte ne s’ouvre pas !
– Arrête de faire une blague c’est pas drôle, répond Adrien.
Les autres essaient à leur tour, en vain.
C’est Noah qui comprend tout à coup :
– Ah oui ! Ça doit être parce qu’il est plus de 14h.
– Comment ça ? chuchote Candice d’une voix blanche.
– Vous ne vous souvenez pas de l’annonce des opérateurs de télécom ? Ils avaient décrété que les réseaux de l’Oise allaient devenir intermittents. Internet n’est actif qu’entre 11h et 14h puis entre 22h et 6h. Ça ne vous dit vraiment rien ?

extrait de Un réseau d’émotions, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître vendredi prochain sur le Framablog

 

fromage à croûte orange en forme de cœur

Rollot par Bycro- Travail personnel, CC BY-SA 4.0

6. Est-ce que cet éleveur qui veut rénover son exploitation va pouvoir trouver des compétences à l’UPLOAD ?

— je suis dans l’élevage bovin et la production de lait. Mais ça devient dur et j’aimerais bien transformer une partie de mon vieux corps de ferme en un endroit sympa où les gens pourront acheter du fromage, du lait frais, du maroilles ou d’la tome au cidre. En plus de tout cas, j’prévois aussi d’avoir un coin pour avoir du stock… Tout ça, pour mettre en place du circuit court. Ça m’permettrait aussi de vendre les rollots que j’fais à plus juste prix.
— Ça me semble de très bonnes idées ! Je suis la responsable projet de l’UPLOAD, et nous recherchons des propositions des collaborations entre nos élèves en dernière année et les habitants de l’agglomération. Avez-vous…
Joël, d’une voix franche quelque peu irritée, coupe la parole à son interlocutrice.
— Je te coupe tout de suite m’dame, j’pense pas que ce genre de projet puisse être confié à des gamins étudiants. Faut des têtes bien pleines, des gens qui savent faire des calculs de structure, thermique et autres. J’ai pas envie que mon bâtiment tombe sur la tête des clients ou que mes fromages tournent.

extrait de Réno pour les rollots, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître vendredi prochain sur le Framablog

 

7. Pour rénover les dortoirs délabrés de l’UPLOAD, on choisit lowtech ou hightech ?

Apu, animé par la conviction que des solutions simples pouvaient avoir un impact majeur, commença à partager son histoire.

« Stella, tu sais, à Mumbai, j’ai vu comment des matériaux locaux simples peuvent faire une différence dans la vie quotidienne. Les briques en terre crue, par exemple, sont abondantes et peuvent être produites localement, réduisant ainsi notre empreinte carbone. »
Stella, initialement sceptique, écouta attentivement les explications d’Apu tout en esquissant quelques notes sur son propre cahier.
« Les briques en terre crue peuvent être une alternative aux matériaux de construction conventionnels, » suggéra Apu, esquissant un plan sur son cahier. « Elles peuvent être produites localement, réduisant ainsi notre empreinte carbone. »
Stella répondit :
« C’est intéressant, Apu, mais il faut voir au-delà de la simplicité. Moi je verrais bien des panneaux solaire, des éoliennes qui se fondent dans l’architecture, et l’utilisation de l’énergie hydraulique par exemple avec un barrage.

extrait de Renaissance urbaine, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître samedi prochain sur le Framablog

Soleil vert/jaune sur fond bleu/vert, "Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

Ateliers solarpunk-UPLOAD : c’est parti !

Par : Framasoft
16 janvier 2024 à 12:47

— De quoi ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ?

— Si vous avez raté le début, l’article qui explique le contexte et le cahier des charges de participant⋅es a été publié hier ici

Mais déjà les participations sont lancées sur le média social Mastodon et on a laissé libre cours à l’imagination, en voici quelques échantillons, en suivant les hashtags #UTC #solarpunk #UPLOAD :

 

[Marie] Comment la ville a-t-elle pu autant changer depuis la dernière fois où elle s’y est aventurée ? Les voitures à chaque coin de rue ont disparu, les arbres ont poussé pour agrémenter les chaussées qui ont été réhabilitées pour les piétons. Et cette école autrefois si différente qui aujourd’hui ne semble faire qu’une avec la nature. Qui aurait pu penser que ces murs en béton allaient un jour disparaître au profit de jardins ?

 

A l’intérieur du hangar à dirigeables de l’UPLOAD, Théo fulminait. Le système de direction du dirigeable 9B3 du TDC (Transport par Dirigeable de Compiègne) venait encore de céder. Théo avait hâte de terminer sa formation et d’enfin être embauché par la compagnie pour travailler sur des prototypes. Depuis la mort de son père 5 ans plus tôt, dans un terrible accident causé par les tornades climatiques, Théo s’était juré de devenir ingénieur pour concevoir des dirigeables plus sûrs.Demain matin, je partirai en voyage d'étude. Pendant 1, 2, 3 ans ou plus - qui sait - j'arpenterai la France à vélo pour étudier les techniques artisanales de fabrication de vélo. Mais avant ça, ce soir c'est la fête ! L'alcool de topinambour coule à flot, les synthétiseurs analogiques enflamment le dance floor. J'ai déjà hâte de revenir pour enseigner à mon tour les savoirs-faire appris durant ce voyage, apporter ma contribution à l'UPLOAD où j'ai tant appris.

 

et voici même un exemple de synopsis élaboré collectivement ce mardi après-midi par un groupe qui a choisi pour thème « Fermer la voiture à Compiègne »

 

Nous sommes en 2042 à Compiègne, l’UPLOAD : Université Populaire Libre Ouverte Accessible et Décentralisée permet de former des ingénieur⋅es de tout âge et accueille aussi simplement les curieux voulant s’instruire dans certains domaines.

 

Maura, 22 ans, fan de bricolage, se réveille en retard à cause de son réveil cassé, mais elle sait qu’elle pourra le réparer au fablab de l’UPLOAD.

À travers les cours sur les transports, les ateliers de recyclage de Grégoire, papy ronchon mais gentil de 64 ans ayant des connaissances sur le monde d’avant, ou bien le temps de partage de savoir-faire en jardinage supervisés par Émile, nous en découvrirons un peu plus sur l’UPLOAD et la vie à Compiègne depuis l’effondrement.

 

Nos personnages réalisent que l’anniversaire de leur ami Théo passionné par les dirigeables approche à grands pas. Ils s’embarquent alors dans un voyage nocturne à la déchetterie de la ville pour y chercher les matériaux nécessaires à la confection du cadeau d’anniversaire de Théo : un dirigeable miniature.

Au fil de leur aventure, nous découvrons que la voiture n’existe plus, les modes de transports ont évolué : entre tramway, vélo hybride, tic-tic, tyrolienne et dirigeable, ils devront choisir le moyen le plus rapide pour arriver à destination. Ils feront aussi la découverte d’un objet surprenant du passé qui pourrait changer la donne. Arriveront-ils à surmonter les différentes épreuves qui se présenteront à eux ?

à suivre …

Après les synopsis, demain et les jours suivants : lectures-arpentage, documentation associée au thème choisi, personnages, scénario avancé et rédaction collective dans ce cadre pédagogique.

Vous pouvez participer par des suggestions ou synopsis sur le média Mastodon ou sur une instance du Fediverse en utilisant les hashtags #UPLOAD #Solarpunk

 

Des ateliers solarpunk pour imaginer un avenir low-tech

Par : Framasoft
15 janvier 2024 à 03:09

Cette semaine, à l’Université de Technologie de Compiègne, des ateliers originaux vont mobiliser une quarantaine de participant⋅es (dont plusieurs membres de Framasoft) pour imaginer un monde low-tech en 2042 !

Dans cette université qui forme des ingénieurs existe une unité de valeur « lowtechisation et numérique » animée par Stéphane Crozat, qui par ailleurs est membre de Framasoft et l’initiateur de l’atelier pédagogique UPLOAD/solarpunk. De quoi s’agit-il exactement ?

 

Solarpunk ?

personnage qui se demande ce que peut bien vouloir dire solarpunk, engrenages en action au-dessus de sa tête. À sa droite, comme si c'était l aréponse, un punk à crête colorée comme un demi-soleil

Dérèglement climatique, pollution, inégalités sociales, extinction des énergies fossiles… dans un monde menacé, à quoi peut ressembler une civilisation durable et comment y parvenir ? Le solarpunk est un genre de la science-fiction qui envisage des réponses à cette question dans une perspective utopique ou simplement optimiste, sans jamais être dystopique.

Voici les trois premiers articles du manifeste solarpunk :

  1. Nous sommes solarpunk parce que l’optimisme nous a été volé et que nous cherchons à le récupérer.
  2. Nous sommes solarpunk parce que les seules autres options sont le déni et le désespoir.
  3. L’essence du Solarpunk est une vision de l’avenir qui incarne le meilleur de ce que l’humanité peut accomplir : un monde post-pénurie, post-hiérarchie, post-capitalisme où l’humanité se considère comme une partie de la nature et où les énergies propres remplacent les combustibles fossiles.

Si vous souhaitez en savoir plus, le manifeste est à votre disposition.

Low-tech ?

On comprend mieux pourquoi proposer d’imaginer des fictions low-tech à de futurs ingénieurs, qui seront plus enclins à agir en génération frugale (suivant ce scénario pour 2050 de l’ADEME) qu’en technosolutionnistes.

Le principe de lowtechisation est résumé en une formule dans le cours de Stéphane :

Lowtechisation = convivialité + soutenabilité + responsabilité

Vaste programme, bigrement idéaliste, direz-vous, mais pourquoi ne pas envisager collectivement et concrètement des scénarios possibles qui répondent à ces idéaux ? Voici la proposition-cadre qui est faite aux participant⋅es (et à vous si vous souhaitez y ajouter votre contribution) :

Nous sommes en 2042. La mauvaise nouvelle c’est que l’effondrement est vécu au quotidien (pénurie, épidémies, énergie et matières premières raréfiées, réchauffement climatique…). La bonne nouvelle c’est que notre société n’investit plus majoritairement sur le techno-solutionnisme et la croissance […] mais que peuvent émerger de nouveaux projets désirables : réappropriation de savoir-faire technologiques, réaffectation des ressources, création de communs, décentralisation, autonomisation, débats publics…

Parmi ces initiatives qui émergent, il y a la création de l’UPLOAD (Université Populaire Libre Ouverte Autonome Décentralisée, à Compiègne). On imaginera et publiera des récits courts qui mettront en scène une activité pédagogique (un cours sur la post-croissance ? des ateliers d’imagination de nouveaux métiers ?), un projet low-tech (un éco-bâtiment passif à réaliser soi-même ?) ou high-tech (une IA pour parler avec des animaux ?).

Une semaine de réflexions, échanges, créations

Du lundi au vendredi un programme diversifié et appétissant est proposé sur place… il sera question bien sûr de low-tech, de décroissance, de décentralisation d’internet, de lectures partagées, de divers scénarios pour demain, souhaitables ou non, et d’élaborer par étapes et ensemble des récits grands ou petits qui seront résumés sur Mastodon et publiés une fois élaborés… ici même sur le Framablog !

–> Voyez tout le détail du programme

À suivre : dès mardi, les groupes auront choisi un thème et le publieront sur Mastodon…

Il y a déjà des suggestions qu’on peut utiliser, dépasser ou ignorer…

 

une série de maisons en restauration ou construction sur fond jaune vif, des échafaudages montent comme une tour au-dessus du corps du bâtiment. Des silhouettes de personnages s'affairent au sol, sur les toits et échafaudages. Un panneau en haut du pignon dit : UPLOAD

Crédits de l’illustration : CC BY-NC-SA 4.0 · par Cix · Bâtir aussi, Ateliers de l’Antémonde · https://antemonde.org/ (adaptée par stph)

et vous, le clavier vous démange ?

Bien sûr, vous n’êtes pas à Compiègne, mais l’idée de proposer un avenir qui ne soit pas post-apocalyptique vous plaît… vous pouvez apporter une contribution à ce projet avec une fiction solarpunk en élaborant :

  • un format 500 caractères pour Mastodon avec les hashtag #solarPunk  et #UPLOAD
  • une nouvelle plus longue sur votre blog ou sur un pad comme celui-ci
  • un atelier collaboratif informel ou non au sein de votre université ou toute autre structure

Selon le volume des textes recueillis, ils seront publiés progressivement ici (sous licence libre CC-BY-SA bien sûr) et peut-être réunis en recueil…

À vos plumes d’oie, stylets, crayons et claviers low-tech ;-)

 

To end the year in style !

Par : Framasoft
31 décembre 2023 à 02:24

Once again this year, we asked David Revoy to illustrate our year-end campaign. And on this last day of 2023, it’s time to give a little nod to this important work !

🦆 VS 😈 : Let’s take back some ground from the tech giants !

Thanks to your donations to our not-for-profit, Framasoft is taking action to advance the ethical, user-friendly web. Find a summary of our progress in 2023 on our Support Framasoft page.

➡️ Read the series of articles from this campaign (Nov. – Dec. 2023)

Dessin de l'ensemble des mascottes de Framasoft dans leurs positions d'attaque.

Cliquez sur l’image pour soutenir l’ensemble des mascottes de Framasoft – Illustration CC-By David Revoy

An animated donation bar

Did you notice ? The monsters started the campaign very serenely, enjoying grilled data skewers. But as you donated more and more, they became more than a little concerned…

Our cheerful mascots face off against some rather repulsive Datavöres

Each Framasoft mascot, representing one of our projects, stood up to a monstrous, unattractive GAFAM. But did you notice that our mascots were showing signs of life ?

Animation de Coin-Coin, canard-mascotte de la campagne de Framasoft Animation de Li, licorne-mascotte de Framaspace Animation de Sepia, Seiche-mascotte de PeerTube v6 Animation de Rose, fennec-mascotte de Mobilizon Animation de Super Sepia, seiche-mascotte de PeerTube du futur Animation de Shane, Lynx-mascotte de Emancip'Asso Animation de Tux et Gnou, manchot et Gnou-mascottes du libre Animation de Espéhef et Ahemvé, piaf et éléphante, mascottes "dégooglisons"

A little souvenir to download

After 7 weeks of presenting our projects to you via our mascots, we’d like to present them as wallpaper, available in three formats : HD landscape, 4K landscape, and portrait (mobile).

Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte un canard karatéka et un monstre affublé des logos des GAFAM. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la licorne de Framaspace et le monstre de Google Workspace. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube, Twitch et Viméo. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la fennec de Mobilizon et le monstre de facebook Groups. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube Premium. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la lynx de Emancipasso et le monstre de Amazon Web Services. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le Tux et le Gnu du logiciel libre et le monstre de microsoft Windows. Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte l'éléphant et le piaf de Dégooglisonse et le monstre de Google Suite.

Once again, we’d like to extend our warmest thanks to David Revoy, who has been working with us since 2017 to illustrate our work and hopes with talent, heart and intelligence.

Find, under a CC-By free license, all the works Framasoft has commissioned from David on the site of his free webcomic Pepper & Carrot !

 

Thank you for contributing to our success !

Speaking of success, last night, we’ve reached our fundraising goal to meet our 2024 budget !

We’d like to take this last day of our review to thank all those who have worked, discussed, shared, supported, encouraged, criticized… and contributed to our actions. The Internet isn’t big enough to mention all of you at least as much as you deserve, but you know who you are and from the depths of our little hearts we modestly say : thank you.

Capture d'écran de la barre de dons Framasoft 2023 à 100% - 200 000 €

Thanks ! – Clock to visit the « Support Framasoft » website

 

Thanks to you, we’ll have the means to continue our work over the coming year (well, if some of you want to give us a bit more means, we won’t say no… but that’s not the point !). Above all, thanks to you, we feel supported.

 

We hope you have a wonderful end to the year, and we send you ou best wishes of emancipation, joy and freedom in 2024,

The members of the Framasoft association

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